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sans chauffeur. Leur but : expé- rimenter .... cules sont des bus classiques, dessert tous les jours le ... accoutumés aux arrêts de bus, ils ne voient pas toujours ...
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Territoire et perspectives quatre places et trois strapontins. « La navette peut accueillir 15 personnes dont 4 debout, mais pour l’instant, nous préférons que tout le monde soit assis », explique Pascal Jacquesson, président de la société Navly et directeur général de Keolis Lyon (voir encadré page 40). Le véhicule ferme ses portes et redémarre tout seul. Junior reste debout mais ne touche aucune commande. Il répond aux nombreuses questions des voyageurs pendant que le petit engin effectue les 1,3 km de son parcours.

Le temps du rodage, technique et commercial Les traces de pneus sur le goudron en témoignent : le trajet,

préalablement enregistré, est toujours le même. Brusquement, la navette pile. Georgette demande, à moitié sérieuse : « Qu’est-ce qui se passe, on a écrasé quelqu’un ? ». Plus simplement, une douzaine d’étudiantes entoure la navette et marche de façon désordonnée. Aucune ne l’a entendue arriver. Le moteur 100 % électrique, conçu pour 8 heures d’utilisation quotidienne, ne laisse filtrer aucun bruit. Ni le marquage au sol ni le petit avertisseur sonore ne font s’écarter le groupe. Le véhicule ne touche personne mais a des difficultés à s’adapter aux trajectoires aléatoires des jeunes filles. Pendant plusieurs minutes, il alternera petites accélérations et coups de frein

brusques. Si Navly sait adapter sa vitesse à un objet en mouvement régulier, par exemple un piéton marchant devant lui, il réagit soudainement à la détection d’un objet proche. Cet aprèsmidi ajoute une difficulté supplémentaire : avec le vent, les feuilles des arbres sortent du périmètre radarisé par les capteurs qui les détectent comme un obstacle. Le véhicule stoppe à nouveau. Pascal Jacquesson rassure : « ces petits soucis vont disparaître progressivement. À chaque fois qu’il y a un problème, le service s’améliore. Navya fournit de nouvelles versions du programme, adaptées au parcours ». À l’instar d’un logiciel informatique, les allers-

« Les petits soucis vont disparaître progressivement. Navya fournit de nouvelles versions du programme, adaptées au parcours. » PASCAL JACQUESSON, président de la société Navly.

Navly à l’épreuve du quotidien Expérimentation Le véhicule autonome

construit par Navya a été intégré au réseau de transports lyonnais début septembre. Sécurité, public, vitesse, le petit nouveau parvient-il à trouver sa place ?

2PAR AYMERIC GUITTET

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eorgette et Esther suivent des dessins bleus au sol. Ils évoquent une automobile et sont espacés d’environ 30 mètres. C’est le tracé des deux navettes autonomes Navly, sur le quai Rambaud dans la presqu’île de Lyon. Le 5 septembre, le Grand Lyon et le Sytral ont choisi l’ancienne friche industrielle de Confluence, requalifiée en écoquartier et foyer d’entreprises, pour lancer la première ligne en France assurée par un véhicule sans chauffeur. Leur but : expé-

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rimenter sur un an cette avancée technologique pour offrir une solution de dernier ou de premier kilomètre aux entreprises du quai. Le Progrès, Euronews ou GL Events sont éloignés de plusieurs centaines de mètres de la dernière station de tram. Mais cet aprèsmidi, pas de salarié en vue. Georgette et Esther rejoignent l’arrêt Salins, au milieu du parcours. Navly arrive. Ses portes s’ouvrent et Junior, l’opérateur formé pour accompagner les passagers, les invite à monter. À l’intérieur, deux banquettes de www.connexiontt.fr

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L’arrêt Salins, à la moitié du parcours.

Navly est aussi une société ombinaison de « Navya », le constructeur de la navette, et de « Lyon », Navly est le nom donné à la navette autonome du quai Rambaud à Confluence. C’est également une société au capital de 300 000 €, détenus à parts égales entre Navya et Keolis, l’exploitant des transports en commun lyonnais (TCL). La société Navly est présidée par Pascal Jacquesson du groupe Keolis. C’est lui le responsable en cas d’accident causé par la navette, selon le même principe que sur les lignes de métro automatiques. Les dépenses en infrastructures étant faibles, l’investissement de départ a été affecté majoritairement à l’achat des deux navettes, soit 400 000 €. Une partie a été apportée par le Grand Lyon, l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) et le Sytral, à travers un fond dédié à l’innovation. Parmi les éléments les plus onéreux, les batteries, qui ne seront « renouvelées que tous les cinq ou six ans », espère Pascal Jacquesson. Elles sont rechargées chaque nuit comme n’importe quelle voiture électrique, dans les containers placés à la fin du parcours.

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retours de Navly se perfectionnent au fil du temps. Les freinages indésirables et les pertes de localisation sous les structures métalliques sont progressivement corrigés. Ces contrariétés expliquent que pour l’instant la navette ne roule pas à sa vitesse de croisière. Sur le parcours, elle avance de 5 à « Cela ne va pas assez vite pour 13 km/h, soit pour un piéaller au travail. Mais aujourd’hui, ton entre la marche rapide je ne suis pas et la course à pied. C’est pressé. » loin des 25 km/h autorisés, Alain, vitesse déjà bridée sur un utilisateur moteur qui peut atteindre de Navly 45 km/h. « Les usagers ont un peu de mal avec la vitesse, concède Junior, mais il faut leur rappeler que nous allons toujours plus vite qu’un piéton ». Cet aspect ne semble pas indisposer Jacqueline qui utilise la navette pour aller voir son fils qui travaille chez Euronews : « avant, je marchais, c’est bien de la prendre de temps en temps ». Pour Alain, assis en face d’elle et venu voir sa fille qui étudie à Lyon, « ça ne va pas

assez vite pour aller au travail. Aujourd’hui, je ne suis pas pressé. De toute façon, je pense qu’on ne peut pas rouler à 45 km/h avec un freinage aussi brusque, c’est une question de sécurité ». Conséquence de quoi, le trajet dure 13 minutes au lieu des 10 promises. « C’est pour cette raison que l’on ne fait pas trop de publicité dans les entreprises riveraines. On attend que tout soit parfait pour leur faire signe », explique Pascal Jacquesson.

Les pendulaires restent à convaincre Un mois après son lancement, Navly est boudée par les employés des sociétés du quai Rambaud, pourtant visés dès le départ. Euronews, Le Progrès et GL Events représentent à eux trois environ 1 000 salariés. De 14 heures à 17 h 30, un seul a utilisé la navette. Junior reconnaît que « le service n’arrive pas à capter les travailleurs ». Alors que le matin la ligne démarre dès 7 h 30, « le pic de fréquence est à 11 heures. www.connexiontt.fr

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Reportage Avant, il n’y a pas grand monde ». Comme la plupart des voyageurs aujourd’hui, Marc, retraité, a pris la navette pour la première fois : « si je sortais du bureau ici, je prendrais l’option la plus rapide, ou celle qui est immédiatement disponible ». Car Navly n’est pas le seul transport public à couvrir le quai Rambaud. La ligne S1, dont les véhicules sont des bus classiques, dessert tous les jours le quartier de Confluence depuis la gare Saint-Paul, de 7 heures à 20 h 35. Son tracé passe à quelques dizaines de mètres de celui de

Après leur journée de travail, les navettes rentrent se recharger dans des containers.

Le futur immédiat des navettes elon Pascal Jacquesson, pour l’avenir il s’agit d’« utiliser les navettes sur le long terme et viser l’absence d’accompagnateur ». D’ici deux ans, il voit la Navly évoluer vers le transport à la demande (TAD), ce qui donnera « une plus grande impression d’autonomie. L’idée est de dépasser la limite des lignes cadencées. L’ordinateur de bord pourra optimiser le trajet en fonction des demandes des voyageurs ». Pour l’heure, une desserte nocturne de la Sucrière, dédiée à l’art et aux événements, est envisagée. Si le cadre juridique est pour l’instant contraignant, il pourrait bientôt évoluer : le 3 août, un projet d’ordonnance a été présenté par Emmanuel Macron et Ségolène Royal pour faciliter les expérimentations sur route de ce type de véhicule.

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Navly. Parallèles, les deux lignes se concurrencent, avec un avantage pour la S1 : plus rapide, plus fiable, plus ancienne, elle emmène ses passagers au-delà de l’arrêt de tram le plus proche. Navly va donc devoir convaincre les habitués pour exister aux heures d’entrée et de sortie des bureaux. Cela passe par un effort sur la signalisation, « pour l’instant pas assez visible. Les gens sont accoutumés aux arrêts de bus, ils ne voient pas toujours où attendre le passage », admet Junior qui supervise plusieurs dizaines de voyages chaque jour. Pour l’heure, le moyen de transport autonome attire une population présente à Confluence durant son temps de loisir : retraités, familles ou jeunes couples. Ils sont en quête d’une « expérience », souvent associée à une balade sur les berges ou une visite dans les boutiques du centre commercial. Adocinda, septuagénaire, a « attendu de voir s’il y avait des accidents avant de venir », plaisante-elle, précisant que désormais elle « pourra dire qu’elle est montée dans un car sans chauffeur ». Michel quant à lui est arrivé dans un but bien précis : « je suis un peu déçu, j’aurais voulu voir la confrontation avec un obstacle, mesurer le temps de réaction de la machine, mais malheureusement, pas grandchose à signaler sur mon trajet. C’est la sécurité que je testais, même si je vois bien l’utilité qu’aura ce service ». Malgré les soubresauts, tous ceux qui descendent au terminus partagent le sentiment d’Adocinda : « je n’ai pas eu peur, je me suis sentie en sécurité ». Keolis et le Grand Lyon comptent sur ces premiers utilisateurs pour améliorer cette « desserte fine » et toucher ensuite une gamme plus large d’utilisateurs, une fois la navette plus fiable et plus rapide. Pascal Jacquesson est optimiste : « C’est la phase de réglages. L’idée, c’est d’expérimenter un service régulier sur le long terme. En un an, on espère créer une envie ». l www.connexiontt.fr