4240 ISS Monograph 162.indd

Mali: Criminalité et Justice Criminelle plus poursuivre. En effet il peut estimer qu'une infraction bien que prévue et réprimée par la loi, ne trouble pas l'ordre ...
51KB taille 7 téléchargements 334 vues
3 Les Poursuites Judiciaires Le Mali n’a pas un système de procureur indépendant assisté d’un conseil d’administration du Ministère public. Bien au contraire il s’est doté d’un système de Ministère public hiérarchisé avec au sommet le procureur général près la Cour d’appel assisté de ses avocats et substituts généraux sous les ordres desquels opèrent les procureurs de la République et leurs substituts. Le corps des magistrats constituant le parquet exerce ses fonctions sous l’autorité du ministre de la Justice, Garde des Sceaux. Ils ne sont donc pas indépendants, sauf le droit qui leur est reconnu de recouvrer leur liberté de parole à l’audience envers et contre des instructions, même écrites, qu’ils auraient reçues. Les poursuites judiciaires renvoient à l’efficacité des systèmes de poursuite : le système dit de légalité des poursuites ou le système dit d’opportunité des poursuites. Dans le système dit de légalité des poursuites, l’obligation est faite au magistrat du Ministère public, d’engager les poursuites contre les présumés auteurs de tous faits constitutifs d’infraction, dès lors que ces infractions sont prévues et réprimées par la loi. Le magistrat s’en tient alors à la lettre de la loi sans aucune marge d’interprétation. En revanche dans le système dit d’opportunité des poursuites, le magistrat du Ministère public garde une large marge d’appréciation face aux faits quant à son choix entre poursuivre ou ne Monographie 162

21

Mali: Criminalité et Justice Criminelle

plus poursuivre. En effet il peut estimer qu’une infraction bien que prévue et réprimée par la loi, ne trouble pas l’ordre public de façon aussi grave qu’elle appelle une réaction pénale. Le procureur peut décider librement de poursuivre ou de ne pas poursuivre, sauf instruction précise de ses supérieurs de poursuivre les faits dont il est saisi. Mais quel que soit le système, le rôle du ministère public est déterminant dans la poursuite du crime. Par delà la subtilité de la loi, il est permis de se demander si l’efficacité de ce Ministère public, son objectivité et son impartialité ne sont pas entravés par son manque d’indépendance. L’autorité supérieure, en l’occurrence le ministre de la Justice, peut-elle faire obstacle au principe de l’opportunité des poursuites qui est une attribution du seul Procureur de la République ? L’autorité publique peut-elle enjoindre au Procureur de poursuivre un innocent ou de ne pas poursuivre l’auteur présumé d’une infraction ? En vérité, cette question qui a été l’objet de débat doctrinal houleux, à un moment donné, trouve sa réponse dans le code de procédure pénale. En effet, si l’autorité hiérarchique peut donner l’ordre à un Procureur d’engager une poursuite contre l’auteur présumé d’une infraction, elle ne peut en revanche pas enjoindre de ne pas poursuivre l’auteur présumé lorsqu’une infraction est constatée. Il s’en suit que le manque d’indépendance ne peut constituer un obstacle majeur à la répression du crime. Il faut aussi ne pas perdre de vue qu’une fois que la poursuite est engagée et qu’une juridiction d’instruction ou de jugement est saisie, le Procureur cesse d’être le maître. En effet, le juge d’instruction, magistrat indépendant, nonobstant l’avis du parquet, reste libre de la décision à prendre pour clôturer son information. Quel que soit l’avis du Procureur, le juge d’instruction peut décider de renvoyer l’inculpé devant une juridiction de jugement lorsqu’il estimera les charges suffisantes pour asseoir sa culpabilité. A contrario, il peut aussi décider de lui faire bénéficier d’un non lieu, s’il estime que les charges recueillies ne sont pas suffisantes pour asseoir sa culpabilité. Le même choix appartient à une juridiction de jugement qui peut décider soit de condamner soit de relaxer ou d’acquitter la personne prévenue ou accusée. Certes, le procureur garde la faculté de relever appel de telle décision avec laquelle il serait en désaccord. Mais, au fond, il apparaît que ce qui est perçu comme le manque d’indépendance du Ministère public, n’est pas un manque total d’indépendance de la justice. C’est pourquoi dans le dispositif judiciaire malien il n’est nullement porté atteinte à l’efficacité de la répression du crime. 22

L’Institut D’Etudes de Sécurité