8252_STGUE_T_914-16.pdf

4 oct. 2018 - un contrat-cadre unique devait être signé à l'issue de la procédure de passation de marché et un contrat-cadre de prestation de services par lot.
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DOCUMENT DE TRAVAIL ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre) 4 octobre 2018 (*) « Marchés publics de services – Procédure d’appel d’offres – Demande de prestations réparties en deux lots – Services de conseil en gestion – Maintenance et mise à jour des outils et des ressources statistiques – Rejet de l’offre d’un soumissionnaire – Critères d’attribution – Transparence – Égalité de traitement – Erreur manifeste d’appréciation – Responsabilité non contractuelle » Dans l’affaire T-914/16, Proof IT SIA, établie à Riga (Lettonie), représentée par Mes J. Jerņeva et D. Pāvila, avocats, partie requérante, contre Institut européen pour l’égalité entre les hommes et les femmes (EIGE), représenté par Mes J. Stuyck, V. Ost et M. Vanderstraeten, avocats, partie défenderesse, ayant pour objet, d’une part, une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision de l’EIGE, communiquée à la requérante par la lettre portant la référence EIGE/VL/mpD/2016/594, du 14 octobre 2016, rejetant l’offre soumise par cette dernière dans le cadre des deux lots relatifs à l’appel d’offres EIGE/2016/OPER/01, intitulé « Contrat-cadre relatif à la maintenance et à la mise à jour des outils et des ressources statistiques relatifs au genre de l’EIGE », et attribuant le contrat-cadre à un autre soumissionnaire, et, d’autre part, une demande fondée sur l’article 268 TFUE et tendant à obtenir réparation du préjudice que la requérante aurait prétendument subi pour la perte d’une chance ou la perte du marché en lui-même, LE TRIBUNAL (troisième chambre), composé de MM. S. Frimodt Nielsen, président, V. Kreuschitz et Mme N. Półtorak (rapporteur), juges,

1

greffier : M. E. Coulon, rend le présent Arrêt I.

Antécédents du litige

1

La requérante, Proof IT SIA, est une entreprise active dans le secteur des technologies de l’information.

2

L’Institut européen pour l’égalité entre les hommes et les femmes (EIGE) a été créé par le règlement (CE) no 1922/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 20 décembre 2006, portant création d’un Institut européen pour l’égalité entre les hommes et les femmes (JO 2006, L 403, p. 9). Il a son siège à Vilnius (Lituanie).

3

Aux termes de l’article 2 du règlement no 1922/2006, l’EIGE a pour objectifs de contribuer à la promotion de l’égalité entre les hommes et les femmes et à la renforcer, y compris l’intégration des questions d’égalité entre les hommes et les femmes dans toutes les politiques de l’Union européenne et dans les politiques nationales qui en résultent, et à la lutte contre la discrimination fondée sur le sexe, mais aussi de sensibiliser les citoyens de l’Union à l’égalité entre les hommes et les femmes, en fournissant une assistance technique aux institutions de l’Union, en particulier à la Commission européenne, et aux autorités des États membres.

4

En vertu de l’article 5 du règlement no 1922/2006, l’EIGE a la personnalité juridique. Il peut notamment acquérir ou aliéner des biens immobiliers ou mobiliers et ester en justice.

5

En outre, aux termes de l’article 4, paragraphe 5, du règlement no 1922/2006, l’EIGE peut établir des liens contractuels, notamment de sous-traitance, avec d’autres organismes, aux fins de la réalisation de tâches qu’il pourrait être amené à leur confier.

6

Par un avis de marché du 21 juin 2016, publié au Supplément au Journal officiel de l’Union européenne (JO 2016/S 118-209527), l’EIGE a lancé un appel d’offres, sous la référence EIGE/2016/OPER/01, pour l’attribution à un opérateur unique d’un contrat-cadre d’une durée de quatre ans, divisé en deux lots et intitulé « Contrat-cadre relatif à la maintenance et à la mise à jour des outils et

2

des ressources statistiques relatifs au genre de l’EIGE » (ci-après le « contrat-cadre »). 7

Aux termes du point 4.1 du cahier des charges joint à l’appel d’offres, un contrat-cadre unique devait être signé à l’issue de la procédure de passation de marché et un contrat-cadre de prestation de services par lot devait être attribué pour la fourniture des services des lots nos 1 et 2. Le contrat-cadre avait pour objet : –

lot no 1 : maintenance, développement et mise à jour d’une base de données statistique de l’EIGE composée de données et de métadonnées sur les statistiques différenciées par sexe ; suivi de sa maniabilité et de sa pertinence ; élaboration de rapports sur demande en vue de soutenir le processus de diffusion ;



lot no 2 : maintenance, développement et mise à jour des données et des métadonnées statistiques de l’onglet « Femmes et hommes dans la prise de décision » de la base de données de l’EIGE sur les statistiques différenciées par sexe et élaboration de rapports connexes.

8

Conformément au point 4.4 du cahier des charges, le contrat-cadre portait sur un montant maximal de 1 600 000 euros.

9

Aux termes du point 3.3.1 du cahier des charges, le marché devait être attribué à l’offre économiquement la plus avantageuse en termes de rapport qualité-prix, conformément à la formule F = Q×1000/P, dans laquelle F correspond au score final pour l’offre X, Q correspond au score total de qualité (sur 100) pour tous les critères de l’offre X et P correspond au prix de l’offre X.

10

Le soumissionnaire obtenant la note la plus élevée devait se voir attribuer le marché à condition de respecter l’exigence relative à l’absence de conflit d’intérêts ainsi que d’autres obligations liées aux critères d’exclusion.

11

Au point 3.2 du cahier des charges figure le tableau suivant concernant les critères et les sous-critères d’attribution ainsi que leur pondération :

Numérotation Description des des critères critères

Score Score minimal maximal requis par par critère critère

3

Gestion de projet :

1

Compréhension des objectifs du contrat - Organisation de l’équipe de projet - Programme de travail Méthodologie de projet et outils :

2

3

- Approche méthodologique claire et adéquate, incluant une méthodologie solide, assurance de qualité et plan de contrôle de qualité pour atteindre les résultats attendus - Technologies de sécurité claires et adéquates qui seront intégrées dans la solution proposée Gestion des risques lors de l’exécution du contrat :

25 8 13 9

8

35 30

17

5

20 10

4

- Gestion claire et adéquate des demandes de changements

5

5 - Gestion claire et adéquate des exigences contradictoires - Stratégie claire et adéquate en cas de travail sous pression

5

5

- Gestion claire et adéquate de tout autre risque envisagé Indicateurs clés de performance :

4

- Une liste complète et appropriée d’indicateurs clés de performance (KPI) pour l’évaluation de la qualité des produits conformément au travail d’EIGE

20 10

10

10

- Une liste complète et adéquate d’indicateurs clés de performance pour 5

l’évaluation de l’exécution du contrat conformément au calendrier annuel et aux besoins d’EIGE 12

Le même point 3.2 du cahier des charges prévoit également que les offres obtenant une note inférieure à la note minimale requise pour chaque critère ou un score total inférieur à 70 points sur 100 seront rejetées et ne seront pas évaluées lors de l’étape suivante de l’évaluation.

13

Après le lancement de l’appel d’offres et au cours de la période de dépôt des offres, l’EIGE a répondu à plusieurs demandes de clarification au sujet du cahier des charges. Cependant, aucune de ces demandes de clarification ne concernait l’interprétation des critères d’attribution.

14

Le 5 août 2016, en réponse à l’avis de marché, la requérante a soumis son offre pour les lots nos 1 et 2.

15

Le 16 août 2016, l’EIGE a nommé un premier comité d’évaluation, qui a procédé à l’évaluation des offres.

16

Par lettre du 19 septembre 2016 (ci-après la « lettre du 19 septembre 2016 »), l’EIGE a informé la requérante que son offre n’avait pas été retenue parce que celle-ci « n’avait pas le niveau de qualité minimal requis pour le critère no 3 pour les nos lots 1 et 2 ». Dès lors que la requérante n’avait pas atteint le score minimal acceptable de 10 points sur 20 pour le critère d’attribution no 3 à la suite de l’évaluation technique, son offre financière n’a pas été évaluée.

17

Le même jour, par les décisions EIGE/VL/InD/2016/525 et EIGE/VL/InD/2016/526 (ci-après, prises ensemble, la « première décision »), l’EIGE a attribué le contrat pour les lots nos 1 et 2 au soumissionnaire retenu.

18

Par lettre du 21 septembre 2016, la requérante a demandé à l’EIGE de fournir des renseignements concernant le nom du soumissionnaire retenu ainsi que les caractéristiques et les avantages relatifs de l’offre retenue.

19

Par lettre du 28 septembre 2016, la requérante a formulé des observations et des objections à l’encontre de l’évaluation de son offre. Elle a relevé que, en additionnant correctement les points attribués par le 6

comité d’évaluation à son offre pour chacun des sous-critères du critère no 3, il s’avérait que cette offre atteignait le score minimal requis au regard dudit critère pour les lots nos 1 et 2 et qu’elle avait donc été rejetée à tort. 20

Dans la même lettre, la requérante a demandé à l’EIGE de répondre à sa lettre du 21 septembre 2016, de communiquer la méthodologie exacte de l’évaluation de l’offre, y compris les facteurs de pondération des souscritères de chaque critère d’attribution, de s’abstenir de signer le contrat, de réévaluer son offre et de réexaminer la première décision.

21

L’EIGE a examiné les observations de la requérante et a trouvé des erreurs de calcul et des erreurs matérielles dans la lettre du 19 septembre 2016.

22

Le 5 octobre 2016, l’EIGE a adopté une décision de suspension par laquelle il a décidé de s’abstenir de signer les contrats pour les deux lots et de désigner un nouveau comité d’évaluation (ci-après le « second comité d’évaluation ») pour réaliser une nouvelle procédure d’évaluation pour toutes les offres reçues.

23

Le même jour, l’EIGE a informé la requérante que ses observations seraient examinées et qu’une décision définitive serait prise après une analyse complète de la situation. Dans la même lettre, l’EIGE a confirmé que les sous-critères définis dans le cahier des charges avaient été appliqués par le comité d’évaluation sans la moindre modification.

24

Par lettre du 14 octobre 2016 (ci-après la « lettre du 14 octobre 2016 »), l’EIGE a informé la requérante que, à la suite de la nouvelle évaluation effectuée par le second comité d’évaluation, son offre « n’avait pas le niveau de qualité minimal requis pour le critère no 3, pour les lots nos 1 et 2 ».

25

L’offre de la requérante n’ayant pas atteint, au cours de l’évaluation technique, le score minimal de 10 points sur 20 pour le critère no 3, son offre financière n’a pas été examinée et a donc été rejetée. En revanche, les offres financières des deux autres soumissionnaires ont fait l’objet d’une évaluation financière et ont été classées conformément à la formule mentionnée dans le cahier des charges.

26

Le même jour, par les décisions EIGE/VL/mpD/2016/591 et EIGE/VL/mpD/2016/593, l’EIGE a approuvé le rapport d’évaluation et attribué le contrat-cadre pour les deux lots au soumissionnaire retenu.

7

27

Par lettre du 18 octobre 2016, la requérante a demandé à l’EIGE de fournir des renseignements concernant le nom du soumissionnaire retenu ainsi que les caractéristiques et les avantages relatifs de l’offre retenue L’EIGE lui a fourni les informations pertinentes par lettre du 20 octobre 2016.

28

Par lettre du 24 octobre 2016, la requérante a formulé des observations et des objections à l’encontre de la lettre du 14 octobre 2016.

29

Le 7 novembre 2016, au cours d’une réunion qui a eu lieu à Vilnius entre les représentants de l’EIGE et les représentants de la requérante, ces derniers ont formulé leurs observations oralement.

30

Le second comité d’évaluation a examiné les observations de la requérante et a fourni à l’EIGE une analyse détaillée de ces dernières.

31

Par lettre du 10 novembre 2016, l’EIGE a rejeté les objections de la requérante et a relevé ce qui suit : –

la lettre du 19 septembre 2016, par laquelle la première décision avait été notifiée à la requérante, contenait des erreurs matérielles : en effet, « [p]ar erreur, la note indiquée dans la notification adressée à [la requérante] différait de celle approuvée par le comité d’évaluation dans le rapport d’évaluation initial signé par le premier comité d’évaluation » ;



il a été décidé de nommer un nouveau comité d’évaluation pour soumettre toutes les offres à une nouvelle procédure d’évaluation ;



au cours de la première et de la seconde évaluation des offres, la méthodologie décrite dans le cahier des charges a été suivie, la pondération des critères et des sous-critères n’a pas été modifiée et « [l]es deux comités d’évaluation ont agi conformément aux règles et aux principes des marchés publics et s’en sont tenus à la même interprétation des critères d’attribution tout au long de la procédure ».

II. Procédure et conclusions des parties 32 33

Par requête déposée au greffe du Tribunal le 27 décembre 2016, la requérante a introduit le présent recours. Le 15 juin 2017, l’EIGE a produit le mémoire en défense.

8

34

Par lettre enregistrée au greffe du Tribunal le 15 mars 2017, la requérante a demandé le traitement confidentiel envers le public de certaines annexes de la requête qui contiendraient des secrets d’affaires.

35

La requérante n’a pas déposé de réplique dans le délai imparti.

36

Les parties n’ont pas déposé de demande visant à être entendues lors d’une audience de plaidoiries, présentée au titre de l’article 106 du règlement de procédure du Tribunal, dans le délai imparti.

37

Le Tribunal (troisième chambre) a décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure, de statuer sans phase orale de la procédure.

38

La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal : –

annuler la décision de l’EIGE, qui lui a été notifiée par lettre du 14 octobre 2016, rejetant son offre et attribuant le contrat-cadre au soumissionnaire retenu (ci-après la « décision attaquée ») ;



condamner l’EIGE à l’indemniser à hauteur de 128 480 euros pour la perte d’une chance ou la perte du marché en lui-même ;

– 39

condamner l’EIGE aux dépens. L’EIGE conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :



rejeter le recours comme non fondé ;



condamner la requérante aux dépens.

III. En droit A. 40

Sur la demande en annulation

À l’appui de sa demande en annulation, la requérante invoque quatre moyens, tirés, le premier, de la violation des principes d’égalité de traitement et de transparence au motif que l’EIGE n’aurait pas interprété les critères d’attribution de la même manière tout au long de la procédure de passation de marché, le deuxième, de la violation des principes d’égalité de traitement et de transparence au motif que, en réexaminant intégralement son offre, l’EIGE aurait agi d’une manière arbitraire pouvant laisser craindre un favoritisme, le troisième, de la violation des principes d’égalité de traitement et de transparence au motif que les critères d’attribution étaient imprécis, ce qui aurait eu pour effet de 9

conférer à l’EIGE une liberté de choix inconditionnée pour l’attribution du marché en cause, et, le quatrième, de l’existence d’erreurs manifestes dans l’appréciation de son offre, dont la correction modifierait le résultat de la procédure de passation de marché, en ce sens que son offre n’aurait pas dû être rejetée et que le marché aurait dû lui être attribué. 1. Sur le premier moyen, tiré de la violation des principes d’égalité de traitement et de transparence au motif que l’EIGE n’aurait pas interprété les critères d’attribution de la même manière tout au long de la procédure de passation de marché 41

À l’appui du premier moyen, la requérante fait valoir, tout d’abord, que l’EIGE n’a pas interprété les critères d’attribution de la même manière tout au long de la procédure de passation de marché, violant ainsi les principes d’égalité de traitement et de transparence, qui sont des principes fondamentaux du droit de l’Union également consacrés à l’article 102 du règlement (UE, Euratom) no 966/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2012, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union et abrogeant le règlement (CE, Euratom) no 1605/2002 du Conseil (JO 2012, L 298, p. 1), tel que modifié, notamment, par le règlement (UE, Euratom) 2015/1929 du Parlement européen et du Conseil, du 28 octobre 2015 (JO 2015, L 286, p. 1), applicable à compter du 1er janvier 2016 (ci-après le « règlement financier »). À cet égard, la requérante rappelle que, selon une jurisprudence constante, les principes d’égalité de traitement et de transparence des procédures d’adjudication impliquent pour les pouvoirs adjudicateurs l’obligation de s’en tenir à la même interprétation des critères d’attribution tout au long de la procédure.

42

En l’occurrence, selon la requérante, le premier et le second comité d’évaluation ont manifestement interprété les critères et les sous-critères d’attribution de manière sensiblement différente. Cela ressortirait, d’une part, des différents scores obtenus par l’offre de la requérante pour chaque critère selon les extraits des rapports d’évaluation étayant la première décision et la décision attaquée et, d’autre part, des différences dans le raisonnement suivant lequel les scores en question ont été attribués à l’offre de la requérante, comme il ressort des extraits de ces rapports d’évaluation.

43

La requérante ajoute que l’absence de méthodologie ou d’orientations a facilité la violation des principes d’égalité de traitement et de transparence, car l’EIGE n’a pu assurer que les deux comités d’évaluation avaient interprété les critères d’attribution de la même manière. Dès lors, l’EIGE n’aurait pas respecté son obligation de veiller, à chaque phase de la procédure, au respect du principe d’égalité de 10

traitement et, par voie de conséquence, à l’égalité des chances de tous les soumissionnaires. 44

Par conséquent, selon la requérante, les circonstances du cas d’espèce seraient analogues à celles de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 18 novembre 2010, Commission/Irlande (C-226/09, EU:C:2010:697), dans laquelle la pondération des critères avait été modifiée après une première évaluation des offres, situation que la Cour avait jugée incompatible avec les principes d’égalité de traitement et de transparence. En particulier, par analogie avec la solution adoptée par cet arrêt, il ne serait pas nécessaire de démontrer qu’un soumissionnaire avait fait l’objet d’une discrimination, puisqu’il suffirait de relever, à cet égard, que, au moment où la modification avait été effectuée, il n’était pas exclu qu’un tel effet puisse se produire. En outre, selon la requérante, les circonstances ayant donné lieu à la présente affaire devraient être distinguées de celles ayant donné lieu à l’arrêt du 24 novembre 2005, ATI EAC e Viaggi di Maio e.a. (C-331/04, ci-après l’« arrêt ATI », EU:C:2005:718), car, en l’espèce, le changement d’interprétation des critères d’attribution se serait produit après l’ouverture des offres et après leur première évaluation.

45

L’EIGE fait valoir, au préalable, que, dans le cas d’espèce, il y a eu deux procédures d’attribution distinctes, de sorte que la décision attaquée doit être considérée comme une annulation de la première décision, laquelle a, par conséquent, disparu, avec effet rétroactif, de l’ordre juridique de l’Union. Le recours de la requérante concernant uniquement la décision attaquée, à savoir la décision notifiée à la requérante par lettre du 14 octobre 2016, ses affirmations liées à la première décision seraient irrecevables.

46

Sur le fond, l’EIGE conteste la violation des principes d’égalité de traitement et de transparence. a)

47

Sur la recevabilité

S’agissant de la recevabilité, contestée par l’EIGE, des allégations de la requérante portant sur la première décision, il est constant que, par son recours, la requérante vise à l’annulation de la décision attaquée, qui lui a été notifiée par lettre du 14 octobre 2016. Il est également constant que, dans le cadre de ses arguments avancés à l’appui du premier moyen, la requérante fait référence à plusieurs reprises à la lettre du 19 septembre 2016, par laquelle l’EIGE l’a informée de la première décision et du fait qu’elle n’avait pas atteint le seuil minimal requis pour le critère d’attribution no 3.

11

48

49

Cependant, lesdites références à la première décision sont effectuées afin d’étayer les arguments avancés par la requérante à l’appui du premier moyen, tiré de la violation des principes d’égalité de traitement et de transparence, et, partant, afin de contester la décision attaquée. En particulier, elles visent à comparer les deux décisions afin de démontrer que les critères et les sous-critères d’attribution ont été interprétés de manière sensiblement différente durant la procédure de passation de marché, violant ainsi les principes d’égalité de traitement et de transparence. Des lors, la fin de non-recevoir de l’EIGE doit être rejetée. b)

Sur le fond

50

S’appuyant sur une prétendue analogie entre les circonstances du cas d’espèce et celles de l’arrêt du 18 novembre 2010, Commission/Irlande (C-226/09, EU:C:2010:697), la requérante reproche, en substance, à l’EIGE la violation des principes d’égalité de traitement et de transparence, en ce qu’il n’aurait pas interprété les critères d’attribution de la même manière tout au long de la procédure de passation de marché. En particulier, selon la requérante, la violation desdits principes, qui aurait été facilitée par l’absence de méthodologie ou d’orientations, ressortirait clairement des extraits des rapports d’évaluation étayant la première décision et la décision attaquée et, notamment, des différents scores qui, selon lesdits extraits, ont été attribués à l’offre de la requérante pour chaque critère d’attribution et des différences dans le raisonnement suivant lequel les scores en question ont été attribués.

51

À titre liminaire, il convient de rappeler que les passations de marchés publics de l’EIGE sont soumises au respect des conditions dictées sous le titre V de ses règles financières, adoptées par le comité de gestion le 16 janvier 2014.

52

En vertu de l’article 85, paragraphe 1, de ces règles financières, s’appliquent aux passations de marchés, sous réserve de l’article 86, le titre V du règlement financier et le règlement délégué (UE) no 1268/2012 de la Commission, du 29 octobre 2012, relatif aux règles d’application du règlement no 966/2012 (JO 2012, L 362, p. 1), tel que modifié par le règlement délégué (UE) 2015/2462 de la Commission, du 30 octobre 2015 (JO 2015, L 342, p. 7).

53

Les procédures de passation de marché organisées par l’EIGE sont, dès lors, soumises aux articles 101 à 120 du règlement financier et aux articles 121 à 172 du règlement délégué no 1268/2012, tel que modifié.

12

54

En particulier, aux termes de l’article 102, paragraphe 1, du règlement financier, « [t]ous les marchés publics financés totalement ou partiellement par le budget respectent les principes de transparence, de proportionnalité, d’égalité de traitement et de non-discrimination ».

55

Aux fins d’assurer le respect des principes de transparence, d’égalité de traitement et de non-discrimination, l’article 105, paragraphe 2, du règlement financier impose au pouvoir adjudicateur de préciser, dans les documents de marché, « les critères d’exclusion, de sélection et d’attribution applicables ».

56

Ainsi, le pouvoir adjudicateur est tenu de veiller, à chaque phase d’une procédure d’appel d’offres, au respect du principe d’égalité de traitement et, par voie de conséquence, à l’égalité des chances de tous les soumissionnaires. Le principe d’égalité de traitement entre les soumissionnaires, qui a pour objectif de favoriser le développement d’une concurrence saine et effective entre les entreprises participant à un marché public, impose que tous les soumissionnaires disposent des mêmes chances dans la formulation des termes de leurs offres et implique donc que celles-ci soient soumises aux mêmes conditions pour tous les soumissionnaires. Par ailleurs, il découle de ce principe que les soumissionnaires doivent se trouver sur un pied d’égalité aussi bien au moment où ils préparent leurs offres qu’au moment où celles-ci sont évaluées (voir arrêt du 24 novembre 2005, ATI, C-331/04, EU:C:2005:718, point 22 et jurisprudence citée).

57

Il ressort également de la jurisprudence que le principe d’égalité de traitement implique une obligation de transparence afin de permettre de vérifier son respect (arrêts du 18 juin 2002, HI, C-92/00, EU:C:2002:379, point 45, et du 12 décembre 2002, Universale-Bau e.a., C-470/99, EU:C:2002:746, point 91).

58

En particulier, dans le contexte des marchés publics, le principe de transparence a essentiellement pour but de garantir l’absence de risque de favoritisme et de comportement arbitraire de la part du pouvoir adjudicateur. Il implique que toutes les conditions et modalités de la procédure de passation de marché soient formulées de manière claire, précise et univoque, dans l’avis de marché ou dans le cahier des charges (arrêt du 29 avril 2004, Commission/CAS Succhi di Frutta, C-496/99 P, EU:C:2004:236, point 111).

59

Le principe de transparence implique donc que toutes les informations techniques pertinentes pour la bonne compréhension de l’avis de marché ou du cahier des charges soient mises, dès que possible, à la disposition de l’ensemble des entreprises participant à une procédure de passation de 13

marché, de façon, d’une part, à permettre à tous les soumissionnaires raisonnablement informés et normalement diligents d’en comprendre la portée exacte et de les interpréter de la même manière et, d’autre part, à mettre le pouvoir adjudicateur en mesure de vérifier si effectivement les offres des soumissionnaires correspondent aux critères régissant le marché en cause (arrêt du 12 mars 2008, Evropaïki Dynamiki/Commission, T-345/03, EU:T:2008:67, point 145). 60

En outre, la Cour a déjà jugé que le respect des principes d’égalité de traitement et de transparence dans les procédures d’adjudication impliquait pour les pouvoirs adjudicateurs l’obligation de s’en tenir à la même interprétation des critères d’attribution tout au long de la procédure (arrêt du 4 décembre 2003, EVN et Wienstrom, C-448/01, EU:C:2003:651, point 92).

61

S’agissant des critères d’attribution eux-mêmes, il convient d’admettre, à plus forte raison, que ceux-ci ne doivent subir aucune modification au cours de la procédure d’adjudication (voir arrêt du 4 décembre 2003, EVN et Wienstrom, C-448/01, EU:C:2003:651, point 93 et jurisprudence citée). En outre, un pouvoir adjudicateur ne saurait appliquer des règles de pondération ou des sous-critères pour les critères d’attribution qu’il n’a pas préalablement portés à la connaissance des soumissionnaires (arrêt du 24 janvier 2008, Lianakis e.a., C-532/06, EU:C:2008:40, point 38).

62

À la lumière des considérations développées aux points 51 à 61 cidessus, il y a lieu d’exclure, en l’espèce, une violation des principes d’égalité de traitement et de transparence.

63

En premier lieu, tous les soumissionnaires se sont trouvés sur un pied d’égalité au moment où leurs offres ont été évaluées. En effet, toutes les offres soumises dans le cadre de l’appel d’offre en cause ont été réévaluées par le second comité d’évaluation, sans aucune exception.

64

En deuxième lieu, aucune dérogation aux stipulations du cahier des charges, et notamment aux critères d’attribution, n’a eu lieu à l’avantage d’un quelconque soumissionnaire. Il ressort du rapport du second comité d’évaluation que tous les critères et les sous-critères d’attribution, tels que définis par le cahier des charges, ont été repris sans aucune modification à l’avantage d’un seul soumissionnaire. Dès lors, tous les soumissionnaires ont été traités sur un pied d’égalité, les mêmes critères d’attribution, qui étaient connus depuis la publication du cahier des charges, s’appliquant à tous.

14

65

En troisième lieu, contrairement à ce que la requérante fait valoir, les circonstances de la présente affaire ne sont pas analogues à celles de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 18 novembre 2010, Commission/Irlande (C-226/09, EU:C:2010:697), dans laquelle était en cause une modification de la pondération des critères d’attribution après une première phase au cours de laquelle les membres de la commission d’évaluation avaient examiné les offres présentées, à titre individuel, avant la première réunion de cette commission en qualité d’organe collégial.

66

En effet, en l’espèce, au cours de la procédure de passation de marché en cause, ayant constaté des erreurs dans la lettre du 19 septembre 2016, l’EIGE a décidé d’adopter une décision de suspension et de soumettre toutes les offres à une nouvelle procédure d’évaluation, qu’il a confiée à un nouveau comité d’évaluation. Dès lors, deux évaluations distinctes, effectuées par deux comités d’évaluation distincts, se sont succédé, en l’espèce.

67

Ainsi, les différences entre le rapport du premier comité d’évaluation et celui du second comité, concernant tant les scores attribués en fonction des critères et des sous-critères d’attribution que les arguments formulés afin de justifier lesdits scores, ne sont que la conséquence du fait que deux comités d’évaluation ayant une composition différente se sont succédé. En effet, il ressort des rapports d’évaluation ainsi que des documents produits par l’EIGE que le second comité d’évaluation n’était pas composé des mêmes membres que le premier comité.

68

Dans ces conditions, il est normal qu’une évaluation des offres effectuée par des personnes autres que celles qui composaient le premier comité aboutisse à des résultats différents. Cela ne prouve pas pour autant qu’une discrimination ait été commise envers l’un des soumissionnaires, étant donné que toutes les offres ont fait l’objet d’une nouvelle évaluation par le second comité d’évaluation (voir point 63 cidessus).

69

Par ailleurs, à cet égard, la Cour a déjà jugé qu’un comité d’évaluation devait pouvoir disposer d’une certaine liberté dans l’accomplissement de sa tâche. Ainsi, il peut, sans modifier les critères d’attribution du marché établis dans le cahier des charges ou dans l’avis de marché, structurer son propre travail d’examen et d’analyse des offres présentées (arrêt du 21 juillet 2011, Evropaïki Dynamiki/EMSA, C-252/10 P, non publié, EU:C:2011:512, point 35).

70

En quatrième lieu, s’agissant de l’argument selon lequel la présente affaire devrait être distinguée de celle ayant donné lieu à l’arrêt du 15

24 novembre 2005, ATI (C-331/04, EU:C:2005:718), au motif que le prétendu changement d’interprétation des critères d’attribution s’est produit après l’ouverture des offres et après leur première évaluation, alors que, dans l’affaire susvisée, il s’était produit avant l’ouverture des offres, il convient de relever ce qui suit. 71

Certes, des différences factuelles existent entre les deux affaires et tiennent au fait que, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 24 novembre 2005, ATI (C-331/04, EU:C:2005:718), la commission d’adjudication avait accordé, après l’expiration du délai de présentation des offres et avant l’ouverture des enveloppes, un poids spécifique aux sous-éléments d’un critère d’attribution établi d’avance, en procédant à une ventilation, entre ces derniers, des points prévus au titre de ce critère par le pouvoir adjudicateur lors de l’établissement du cahier des charges ou de l’avis de marché. Cependant, aucune des trois conditions fixées par la Cour dans l’affaire susmentionnée n’a été violée par l’EIGE et son comité d’évaluation dans le cas d’espèce. En effet, il ressort du rapport d’évaluation du second comité d’évaluation que ce dernier n’a fondé son appréciation et son analyse ni sur des critères d’attribution du marché autres que ceux définis dans le cahier des charges, ni sur la base d’éléments qui, s’ils avaient été connus lors de la préparation des offres, auraient pu influencer cette préparation, ni sur la prise en compte d’éléments susceptibles d’avoir un effet discriminatoire envers l’un des soumissionnaires.

72

En cinquième lieu, s’agissant de l’argument selon lequel l’absence de méthodologie ou d’orientations a facilité la violation des principes d’égalité de traitement et de transparence, car l’EIGE n’a pas pu assurer que les deux comités d’évaluation interprètent les critères d’attribution de la même manière, il convient de relever que la Cour a déjà jugé qu’il n’y avait aucune obligation pour le pouvoir adjudicateur de porter à la connaissance des soumissionnaires potentiels, par une publication dans l’avis de marché ou dans le cahier des charges, la méthode d’évaluation appliquée par lui afin d’évaluer et de classer concrètement les offres au regard des critères d’attribution du marché et de leur pondération relative préalablement établis dans la documentation relative au marché en cause (arrêt du 14 juillet 2016, TNS Dimarso, C-6/15, EU:C:2016:555, points 27 et 28).

73

En effet, ainsi qu’il a été rappelé au point 69 ci-dessus, la Cour a considéré qu’un comité d’évaluation devait pouvoir disposer d’une certaine liberté dans l’accomplissement de sa tâche et, ainsi, qu’il pouvait, sans modifier les critères d’attribution du marché établis dans le cahier des charges ou dans l’avis de marché, structurer son propre travail d’examen et d’analyse des offres présentées (voir arrêt du 14 juillet 16

2016, TNS Dimarso, C-6/15, EU:C:2016:555, point 29 et jurisprudence citée). 74

Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de constater que, en l’espèce, tous les soumissionnaires ont été traités sur un pied d’égalité et les mêmes critères d’attribution, qui étaient connus par tous les soumissionnaires depuis la publication du cahier des charges, ont été appliqués par les deux comités d’évaluation sans aucune modification lors de l’évaluation des offres.

75

Dès lors, aucune violation des principes d’égalité de traitement et de transparence ne pouvant être reprochée à l’EIGE, il y a lieu de rejeter le premier moyen comme non fondé. 2. Sur le deuxième moyen, tiré de la violation des principes d’égalité de traitement et de transparence au motif que, en réexaminant intégralement l’offre de la requérante, l’EIGE aurait agi d’une manière arbitraire

76

Par son deuxième moyen, tiré, tout comme le premier moyen, de la violation des principes d’égalité de traitement et de transparence, la requérante fait valoir, en substance, que, par la décision de faire réexaminer intégralement les offres par un nouveau comité d’évaluation, au lieu de corriger l’erreur arithmétique dans la lettre du 19 septembre 2016 et de reconnaître que son offre pouvait être retenue, étant donné qu’elle avait obtenu le score minimal requis pour le critère d’attribution no 3, l’EIGE aurait agi d’une manière arbitraire pouvant laisser craindre un favoritisme.

77

Si elle reconnaît que, en vertu de l’article 116 du règlement financier, l’EIGE est habilité à prendre toute mesure nécessaire pour remédier aux erreurs ou aux irrégularités entachant la procédure de passation de marché, la requérante soutient toutefois que ces mesures doivent toujours respecter les principes d’égalité de traitement et de transparence, visant à garantir l’absence de risque de favoritisme et d’arbitraire de la part du pouvoir adjudicateur.

78 79

L’EIGE conteste l’argumentation de la requérante. Premièrement, il ressort de la comparaison de la lettre du 19 septembre 2016 avec le rapport d’évaluation issu du premier comité d’évaluation que, s’agissant du critère d’attribution no 3, la requérante a obtenu un score global inférieur au seuil minimal requis, à savoir 7 points sur 20 pour le lot no 1 et 8 points sur 20 pour le lot no 2. De même, il résulte de cette comparaison que la lettre du 19 septembre 2016 et le premier 17

rapport d’évaluation sont identiques quant aux commentaires formulés pour les sous-critères du critère d’attribution no 3. 80

En revanche, il existe une différence entre le premier rapport d’évaluation et la lettre du 19 septembre 2016 quant au score attribué à chaque sous-critère d’attribution. En d’autres termes, il ressort de la comparaison de ces documents que l’EIGE a manifestement commis une erreur de transcription des points attribués pour les différents souscritères. En effet, dans ladite lettre, s’il a indiqué correctement, et conformément au premier rapport d’évaluation, les points totaux obtenus par la requérante, il a toutefois mentionné pour chaque sous-critère du critère d’attribution no 3 des points différents de ceux qui avaient été indiqués par le premier comité d’évaluation dans son rapport.

81

Cependant, compte tenu des similitudes et des différences qui existent entre le premier rapport d’évaluation et la lettre du 19 septembre 2016, et contrairement à ce que la requérante fait valoir, l’erreur entachant la lettre du 19 septembre 2016 ne peut pas être qualifiée de simple « erreur arithmétique » commise dans le calcul du score attribué à l’offre de la requérante en ce qui concerne le critère d’attribution no 3.

82

Dès lors, l’EIGE n’aurait pas pu faire abstraction de l’existence du rapport d’évaluation et procéder, comme la requérante le souhaitait, à un nouveau calcul des notes. Une telle solution aurait conduit à nier la valeur et le contenu du rapport d’évaluation du premier comité d’évaluation et à remettre en cause la régularité de la procédure de passation, tout en jetant le doute sur la fiabilité de ladite procédure et du comité d’évaluation.

83

Deuxièmement, la solution adoptée par l’EIGE de soumettre toutes les offres à une nouvelle procédure d’évaluation est favorable à la requérante. En effet, ainsi que le souligne l’EIGE, le rapport d’évaluation ne pouvant être ignoré et les notes ne pouvant être recalculées en faveur de la requérante, la solution alternative aurait été la correction de la note finale conformément au rapport d’évaluation, et donc dans un sens défavorable à la requérante.

84

Troisièmement, ainsi que l’EIGE le souligne, la décision qu’il a adoptée était également conforme à l’article 116, paragraphe 2, du règlement financier, selon lequel, « [l]orsque la procédure se révèle entachée d’erreurs substantielles, d’irrégularités ou de fraude, le pouvoir adjudicateur la suspend et peut prendre toutes les mesures nécessaires, y compris l’annulation de la procédure ».

18

85

L’argument de la requérante selon lequel, bien que l’EIGE soit habilité, en vertu de l’article 116 du règlement financier, à prendre toute mesure nécessaire pour remédier aux erreurs ou aux irrégularités entachant la procédure de passation de marché, ces mesures doivent toujours respecter les principes d’égalité de traitement et de transparence ne saurait remettre en cause cette conclusion. En effet, en l’espèce, l’EIGE a décidé de soumettre tous les offres à une nouvelle procédure d’évaluation par une décision formelle de suspension qui a été signifiée à tous les soumissionnaires.

86

Dès lors, aucune violation des principes de transparence ou d’égalité de traitement ne peut être imputée à l’EIGE en ce qu’il a décidé de remédier à l’erreur commise en appliquant l’article 116, paragraphe 2, du règlement financier. Cette conclusion est également corroborée par le fait que, ainsi qu’il ressort de la comparaison des rapports d’évaluation issus des deux comités d’évaluation, à la suite de la seconde évaluation, l’offre de la requérante a obtenu une note finale plus élevée que celle attribuée par le premier comité d’évaluation, alors que l’offre retenue a obtenu une note finale inférieure à celle qu’elle avait obtenu du premier comité d’évaluation.

87

Compte tenu de tout ce qui précède, contrairement à ce que fait valoir la requérante, en décidant de nommer un nouveau comité chargé de réévaluer les offres au lieu de remédier à l’erreur de transcription, l’EIGE n’a pas agi d’une manière arbitraire pouvant laisser craindre un favoritisme, mais, au contraire, a agi dans l’intérêt de la requérante.

88

Dès lors, le deuxième moyen doit être rejeté comme non fondé. 3. Sur le troisième moyen, tiré de la violation des principes d’égalité de traitement et de transparence au motif que les critères d’attribution étaient imprécis

89

À l’appui du troisième moyen, la requérante fait valoir, en substance, la violation des principes d’égalité de traitement et de transparence au motif que les critères d’attribution étaient imprécis, vagues et manquaient de clarté, ce qui aurait eu pour effet de conférer à l’EIGE une liberté de choix inconditionnée pour l’attribution du marché en cause. Elle reproche également à l’EIGE d’avoir inclus, dans la critique de son offre, des éléments qui ne ressortaient pas du libellé des critères d’attribution.

90

À titre liminaire, l’EIGE conclut à l’irrecevabilité pour manque d’intérêt à agir des arguments avancés par la requérante, en ce qu’ils sont dirigés contre les critères d’attribution nos 1 et 2 du cahier des charges.

19

91

Sur le fond, l’EIGEconteste l’argumentation de la requérante.

92

S’agissant de la question de la recevabilité soulevée par l’EIGE, il convient de renvoyer aux considérations développées au point 185 ciaprès.

93

S’agissant du fond, il convient de relever, d’emblée, que l’affirmation de la requérante selon laquelle les critères d’attribution sont vagues, imprécis et dépourvus de clarté est une affirmation d’ordre général qui n’est soutenue par aucun élément de preuve concret. La requérante n’apporte pas non plus d’éléments concrets visant à étayer l’affirmation selon laquelle le prétendu caractère vague et imprécis des critères d’attribution aurait conféré à l’EIGE une liberté de choix inconditionnée pour l’attribution du marché en cause.

94

En outre, les éléments suivants démontrent que les critères d’attribution du marché en cause (voir tableau reproduit au point 11 ci-dessus) étaient suffisamment précis et transparents et n’ont pas eu pour effet de conférer à l’EIGE une liberté de choix inconditionnée pour l’attribution dudit marché.

95

En premier lieu, conformément à l’article 105, paragraphe 2, du règlement financier, l’EIGE a énuméré les critères techniques d’attribution qu’il entendait retenir en vue de l’attribution du marché à l’offre économiquement la plus avantageuse au point 3.2 du cahier des charges (voir tableau reproduit au point 11 ci-dessus). Ce dernier précise également, à l’aide d’un tableau détaillé, les sous-critères d’attribution choisis ainsi que la pondération relative que l’EIGE entendait conférer à chacun de ces sous-critères pour déterminer l’offre économiquement la plus avantageuse.

96

En outre, il ressort du cahier des charges que, conformément à l’article 110, paragraphe 4, troisième alinéa, du règlement financier, les critères d’attribution sont liés à l’objet du marché. Cela ressort clairement du libellé du sous-critère no 1 du critère d’attribution no 1, visant à la compréhension des objectifs du marché en cause.

97

En second lieu, selon une jurisprudence bien établie, les critères d’attribution doivent être formulés, dans le cahier des charges ou dans l’avis de marché, de manière à permettre à tous les soumissionnaires raisonnablement informés et normalement diligents de les interpréter de la même manière. À cet égard, la Cour a précisé que, afin de vérifier si le soumissionnaire concerné était effectivement incapable de comprendre les critères d’attribution en cause ou s’il aurait dû les comprendre en appliquant le standard d’un soumissionnaire raisonnablement informé et 20

normalement diligent, devait être pris en compte le fait que le soumissionnaire concerné et les autres soumissionnaires aient été capables de soumettre des offres et que le soumissionnaire concerné, avant la soumission de son offre, n’ait pas demandé d’éclaircissements au pouvoir adjudicateur (voir, en ce sens, arrêt du 12 mars 2015, eVigilo, C-538/13, EU:C:2015:166, points 54 à 56 et jurisprudence citée). 98

En l’espèce, les critères d’attribution ayant été précisés dans le cahier des charges, la requérante en avait connaissance depuis la publication de ce dernier. Cependant, comme le fait observer, à juste titre, l’EIGE, la requérante n’a jamais demandé d’éclaircissements au pouvoir adjudicateur au sujet des critères d’attribution avant de soumettre son offre, et ce malgré le fait que le cahier des charges lui accordait la possibilité d’obtenir des informations supplémentaires en envoyant une demande par courrier électronique, possibilité que, par ailleurs, d’autres soumissionnaires ont exploitée. En outre, deux autres soumissionnaires ont été en mesure de soumettre des offres sans demander d’éclaircissements concernant les critères d’attribution.

99

Il convient, par conséquent, de considérer que les critères d’attribution ont été formulés, dans le cahier des charges, de manière à permettre à tous les soumissionnaires raisonnablement informés et normalement diligents d’en comprendre la portée exacte, de les interpréter de la même manière et, partant, de soumettre leur offre.

100 Enfin, s’agissant de l’argument avancé par la requérante selon lequel l’EIGE aurait inclus, dans la critique de son offre, des éléments qui ne ressortaient pas du libellé des critères d’attribution, dans la mesure où, par cet argument, elle vise à reprocher à l’EIGE une liberté de choix inconditionnée dans l’attribution du marché en cause, force est de constater d’emblée que la requérante n’apporte aucun élément concret visant à préciser ou à étayer cette allégation. En outre, il ressort de la lecture du second rapport d’évaluation que le comité d’évaluation s’est limité à appliquer les critères d’attribution tels que précisés dans le cahier des charges et mentionnés dans le tableau reproduit au point 11 cidessus et n’a appliqué aucun autre critère. 101 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le troisième moyen comme non fondé. 4. Sur le quatrième moyen, tiré de l’existence d’erreurs manifestes dans l’appréciation de l’offre de la requérante 102 À l’appui du quatrième moyen, la requérante soutient que de multiples erreurs manifestes ont été commises par l’EIGE dans l’appréciation de 21

son offre, en l’absence desquelles cette dernière n’aurait pas dû être rejetée et le marché aurait dû lui être attribué. Elle conteste l’évaluation de son offre au regard de tous les critères d’attribution techniques, énumérés au point 3.2 du cahier des charges. 103 L’EIGE conteste le bien-fondé de chacune des allégations de la requérante concernant les critères d’attribution. 104 À titre liminaire, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le pouvoir adjudicateur dispose d’un large pouvoir d’appréciation quant aux éléments à prendre en considération en vue de décider de passer un marché sur appel d’offres et que le contrôle du Tribunal doit se limiter à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation ainsi que de l’exactitude matérielle des faits, de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation et de détournement de pouvoir (voir arrêt du 12 décembre 2012, Evropaïki Dynamiki/EFSA, T-457/07, non publié, EU:T:2012:671, point 40 et jurisprudence citée). a) Sur l’évaluation du sous-critère no 1 du critère d’attribution no 3, relatif à la gestion claire et adéquate des demandes de changements, pour les lots nos 1 et 2 1)

Rapport d’évaluation

105 S’agissant du sous-critère no 1 du critère d’attribution no 3, le second comitéd’évaluation a attribué à l’offre de la requérante une note de 2 points sur 5 pour les deux lots. Dans son rapport, ledit comité a relevé ce qui suit quant à la qualité technique de l’offre de la requérante : « Le soumissionnaire propose une gestion des risques en deux étapes : la création d’un document consignant tous les changements ainsi que les informations spécifiques y relatives, et la création d’un comité consultatif en matière de changements, qui appuiera le processus décisionnel concernant les changements ayant une grande incidence. La seconde proposition ne définit pas les changements ayant une grande incidence par rapport à ceux ayant une faible incidence pour assurer le bon déroulement des travaux tout en évitant de surcharger les membres du comité. Cette partie de l’offre ne tient pas non plus suffisamment compte du fait que le travail à accomplir dans le cadre de ce marché est très vaste, complexe et hétérogène, de sorte que les changements potentiels concernant les différentes activités le seraient également. Ces différents types de changements requerraient des approches sur mesure. L’offre n’expose pas de manière convaincante la manière dont il sera fait face à ce niveau de complexité. »

22

106 Au regard de cet extrait, la requérante avance cinq griefs. 2)

Sur le premier grief

107 Par son premier grief, la requérante fait valoir que le sous-critère no 1 du critère d’attribution no 3 est vague, car rien dans le cahier des charges n’indique ce que l’EIGE considère comme une stratégie « claire et adéquate » de gestion des demandes de changements ni en fonction de quels facteurs les points de pondération ont été attribués. 108 L’EIGE conteste les arguments de la requérante. 109 À cet égard, en premier lieu, il convient de relever, ainsi qu’au point 98 ci-dessus, que la requérante n’a jamais demandé à l’EIGE d’éclaircissements au sujet des critères d’attribution, y compris le critère d’attribution no 3, avant de soumettre son offre, et ce malgré le fait que le cahier des charges lui accordait la possibilité d’obtenir des informations supplémentaires en envoyant une demande par courrier électronique, possibilité que, par ailleurs, d’autres soumissionnaires ont exploitée. 110 En deuxième lieu, le sous-critère en question est précisé, bien que d’une manière succincte, au point 2.4.4, sous h), du cahier des charges. En effet, ainsi que la requérante elle-même l’a souligné, il ressort du point 2.4.4, sous h), a, du cahier des charges que, afin de remplir le souscritère no 1 du critère d’attribution no 3, « [l]’offre technique d[evait] clairement décrire la procédure d’évaluation et de gestion des risques ». En particulier, le cahier des charges précise que, à cette fin, le soumissionnaire devait au moins « décrire la stratégie qui sera[it] suivie et permettra[it] de faire face aux demandes de changements provenant de l’EIGE ». 111 Or, le passage mentionné du cahier des charges délimite clairement les termes « claire et adéquate », en donnant aux soumissionnaires des indications précises de ce qu’ils auraient pu présenter pour assurer une gestion « claire et adéquate » des demandes de changements. En particulier, la précision selon laquelle le soumissionnaire était appelé à décrire la stratégie qui permettrait de « faire face aux demandes de changements provenant de l’EIGE » clarifie ce que l’EIGE entend par gestion « adéquate » des demandes de changements tout en donnant une indication quant aux éléments qui seraient pris en compte pour attribuer les points de pondération prévus par le cahier des charges pour le souscritère en cause. 112 En troisième lieu, ainsi que l’EIGE l’a relevé, la requérante aurait pu fonder sa proposition sur une littérature connue et sur sa propre vision de 23

la manière dont le contrat pourrait être mis en œuvre ainsi que sur plusieurs liens et références qui ont été fournis dans le cahier des charges et qui se rapportaient à des domaines spécifiques de la base de données des statistiques de genre de l’EIGE et à ses domaines de travail, tels que l’indice de l’égalité entre les sexes, le programme d’action de Beijing ou la violence sexiste. Par ailleurs, il convient de relever, à cet égard, que, dans son offre, la requérante se targue de sa propre expérience dans le domaine de l’analyse de données et de la gestion de bases de données. Elle disposait ainsi des éléments nécessaires pour pouvoir présenter une offre adéquate aux objectifs et aux exigences du contrat tels que précisés dans le cahier des charges. 113 Dès lors, la requérante ne saurait se prévaloir du prétendu caractère imprécis et vague du sous-critère no 1 du critère d’attribution no 3 pour remettre en cause l’évaluation de son offre effectuée par le comité d’évaluation de l’EIGE. 3)

Sur le deuxième grief

114 Par son deuxième grief, la requérante fait valoir que la critique selon laquelle son offre « ne définit pas les changements ayant une grande incidence par rapport à ceux ayant une faible incidence » est manifestement infondée, car la définition des risques ayant une grande incidence et de ceux ayant une faible incidence figurerait dans la section « Gestion de tout autre risque envisagé » pour les lots nos 1 et 2 de son offre. 115 L’EIGE conteste l’argumentation de la requérante. 116 À cet égard, il y a lieu de relever que, en l’espèce, la requérante a structuré son offre technique pour les lots nos 1 et 2 en suivant la liste des critères et des sous-critères d’attribution fixée dans le cahier des charges (voir tableau reproduit au point 11 ci-dessus). En particulier, s’agissant du critère d’attribution no 3, relatif à la gestion des risques, la requérante a structuré son offre en quatre sections, correspondant, en substance, aux quatre sous-critères d’attribution. 117 Ainsi, la critique du second comité d’évaluation selon laquelle l’offre de la requérante « ne définit pas les changements ayant une grande incidence par rapport à ceux ayant une faible incidence » est formulée au regard de la section « Gestion de demandes de changements », qui constitue la première des quatre sections dont se compose l’offre de la requérante en ce qui concerne le critère d’attribution no 3.

24

118 Or, il ressort de la lecture de l’offre de la requérante que ladite section ne contient pas de définition des changements ayant une grande et une faible incidence et que la section « Gestion de tout autre risque envisagé » de l’offre pour les lots nos 1 et 2 contient simplement la définition de risques à faible, moyen et fort impact, sans préciser de quel type de risque ni de quel type d’impact il s’agit. 119 Par ailleurs, force est de constater que rien dans l’offre ne permet de considérer que ce qui est élaboré dans la section « Gestion de tout autre risque envisagé » vaut également pour la section « Gestion de demandes de changements ». Enfin, chaque sous-critère d’attribution devant être évalué séparément, il n’incombait pas au second comité d’évaluation de tenir compte des informations données dans le cadre d’autres sections pour déterminer la qualité de l’offre de la requérante. 4)

Sur le troisième grief

120 Par son troisième grief, la requérantefait valoir que la critique du second comité d’évaluation selon laquelle la stratégie de gestion des risques proposée n’est pas adaptée au marché en raison du niveau de complexité est infondée, car le cahier des charges ne demanderait pas d’employer une méthodologie spécifique de gestion des risques ou quoi que ce soit d’équivalent. Elle ajoute que la méthodologie de gestion des risques qu’elle a proposée est universelle, utilisée dans le monde entier et a été appliquée avec succès à plusieurs projets tout aussi complexes et hétérogènes, y compris dans le cadre d’une coopération antérieure avec l’EIGE. 121 L’EIGE conteste l’argumentation de la requérante. 122 Tout d’abord, il convient de relever que l’affirmation de la requérante selon laquelle la méthodologie de gestion des risques proposée est universelle, utilisée dans le monde entier et appliquée avec succès à plusieurs projets tout aussi complexes et hétérogènes, y compris dans le cadre d’une coopération antérieure avec l’EIGE, n’est qu’une simple affirmation d’ordre général qui n’est soutenue par aucun élément de preuve concret. Ensuite, force est de constater que cette affirmation ne démontre pas que l’appréciation de son offre par le second comité d’évaluation de l’EIGE est entachée d’une erreur manifeste. Enfin, une lecture du cahier des charges révèle que l’argument de la requérante selon lequel ce dernier ne requiert pas d’employer une méthodologie spécifique de gestion des risques ou quoi que ce soit d’équivalent n’est pas non plus fondé.

25

123 En effet, il ressort du point 1.6 du cahier des charges, intitulé « Méthodologie », que, s’agissant des deux lots du marché public en cause, le soumissionnaire doit proposer l’approche méthodologique la plus appropriée afin d’assurer la réalisation des objectifs spécifiques, des résultats attendus et des services, des activités et des tâches demandés en temps voulu et de manière rentable. Il s’ensuit que le cahier des charges donne des indications précises s’agissant des caractéristiques spécifiques que l’EIGE attendait en ce qui concerne la méthodologie qui devait être élaborée par les soumissionnaires. 124 Dans ces circonstances, il y a lieu de considérer que le commentaire du second comité d’évaluation s’avère justifié. Aucune erreur d’appréciation ne saurait donc être reprochée à l’EIGE. 5)

Sur le quatrième grief

125 Par son quatrième grief, la requéranteconteste, comme non fondée, la critique formulée par le second comité d’évaluation selon laquelle les différents types de changement requerraient des approches sur mesure. L’offre ayant été soumise en vue de l’attribution d’un contrat-cadre, il est, selon la requérante, uniquement possible d’envisager d’éventuelles commandes de prestations et non d’ajuster la stratégie de gestion des risques à des besoins spécifiques. En outre, elle fait valoir que rien dans l’offre ne laisserait entendre que sa stratégie de gestion des risques excluait des approches sur mesure. 126 L’EIGE conteste l’argumentation de la requérante. 127 S’agissant de l’argument selon lequel rien dans l’offre ne laisserait entendre que la stratégie de gestion des risques de la requérante excluait des approches sur mesure, il convient de relever, à l’instar de l’EIGE, que, sans une description concrète et exhaustive de la façon dont la requérante prendrait en compte les risques potentiels, il n’y avait aucune garantie pour l’EIGE que ces risques seraient pris en charge pendant l’exécution de l’accord-cadre, l’EIGE ne pouvant pas simplement supposer que la stratégie de la requérante permettrait également des approches adaptées. 128 Par ailleurs, il ressort clairement du point 2.4.4 du cahier des charges que le manque de détail d’une offre peut aboutir à une évaluation négative de sa qualité technique. Le niveau de détail de l’offre a donc eu un poids important dans le cadre de l’évaluation de sa qualité technique. 129 Dès lors, la requérante ne peut utilement contester le commentaire négatif du second comité d’évaluation. 26

6)

Sur le cinquième grief

130 Par son cinquième grief, la requérante prétend que certains aspects positifs de son offre n’ont pas été pris en compte par le comité d’évaluation, à savoir le fait que son offre contenait une proposition claire des informations à recueillir pour chaque demande de changement, un échantillon du véritable tableau exposant en détail la manière dont elle aurait envisagé le travail du gestionnaire du projet avec la liste des changements et une description du processus opérationnel, exposant le processus de gestion des changements avec le diagramme du processus décisionnel correspondant. 131 En outre, la requérante avance qu’il est impossible de déduire de l’extrait du rapport d’évaluation contenant l’appréciation de l’offre retenue quels avantages relatifs cette offre présentait qui justifiaient de son score de 4 points sur 5 pour les lots nos 1 et 2. 132 L’EIGE conteste l’argumentation de la requérante. 133 Tout d’abord, il convient de rappeler qu’il ressort d’une jurisprudence constante qu’il ne saurait être exigé du pouvoir adjudicateur qu’il transmette à un soumissionnaire dont l’offre n’a pas été retenue, d’une part, outre les motifs du rejet de cette dernière, un résumé minutieux de la manière dont chaque détail de son offre a été pris en compte au titre de l’évaluation de celle-ci et, d’autre part, dans le cadre de la communication des caractéristiques et des avantages relatifs de l’offre retenue, une analyse comparative minutieuse de cette dernière et de l’offre du soumissionnaire évincé (voir, en ce sens, arrêt du 4 octobre 2012, Evropaïki Dynamiki/Commission, C-629/11 P, non publié, EU:C:2012:617, point 21 et jurisprudence citée). 134 Ensuite, force est de constater que le rapport du second comité d’évaluation souligne clairement l’existence de certaines faiblesses dans l’offre de la requérante, que le pouvoir adjudicateur ne pouvait ignorer. 135 Enfin, il ressort clairement de l’extrait du rapport d’évaluation contenant l’appréciation de l’offre retenue que « [l]es risques liés aux demandes de changements sont clairement appréciés, ce qui montre une stratégie fiable quant à la manière de procéder et de traiter des demandes de changements ». Dès lors, comme l’a relevé, à juste titre, l’EIGE et contrairement à ce que fait valoir la requérante, l’extrait du rapport d’évaluation explique clairement les avantages de l’offre retenue. 136 Dans ces conditions, aucune erreur manifeste d’appréciation ne saurait être reprochée à l’EIGE. 27

137 Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure que les allégations de la requérante ne permettent pas de démontrer que l’évaluation du second comité d’évaluation de l’EIGE était entachée d’une erreur manifeste d’appréciation quant au sous-critère no 1 du critère d’attribution no 3. b) Sur l’évaluation du sous-critère no 2 du critère d’attribution no 3, relatif à la gestion claire et adéquate d’exigences contradictoires, pour les lots nos 1 et 2 1)

Rapport d’évaluation

138 S’agissant du sous-critère no 2 du critère d’attribution no 3, le second comité d’évaluation a attribué à l’offre de la requérante une note de 2 points sur 5 pour les deux lots. Dans son rapport, ledit comité a relevé ce qui suit quant à la qualité technique de l’offre de la requérante : « Deux types d’exigences contradictoires sont distingués dans l’offre en fonction de la raison du conflit et la responsabilité de la gestion des exigences contradictoires est attribuée au consultant principal. Cependant, une stratégie claire permettant de résoudre ces conflits avec les étapes nécessaires fait défaut. » 139 Au regard de cet extrait, la requérante avance trois griefs. 2)

Sur le premier grief

140 Par son premier grief, la requérante réitère l’argument selon lequel ce sous-critère est vague, car rien dans le cahier des charges n’indiquerait ce que l’EIGE considère comme une stratégie de gestion des exigences contradictoires « claire et adéquate », ni en fonction de quels facteurs les points de pondération sont attribués. 141 L’EIGE conteste l’argument de la requérante. 142 À cet égard, il convient de relever d’emblée, ainsi qu’il a été relevé au point 98 ci-dessus, que la requérante n’a jamais demandé à l’EIGE d’éclaircissements au sujet des critères d’attribution, y compris le critère d’attribution no 3, avant de soumettre son offre, et ce malgré le fait que le cahier des charges lui accordait la possibilité d’obtenir des informations supplémentaires en envoyant une demande par courrier électronique, possibilité que, par ailleurs, d’autres soumissionnaires ont exploitée. 143 En outre, l’argument avancé par la requérante ne saurait remettre en cause l’appréciation du second comité d’évaluation. En effet, contrairement à ce qu’elle fait valoir, le rapport d’évaluation ne reproche 28

pas tant à la requérante le manque d’une stratégie claire que le manque d’une stratégie articulée en étapes et visant à permettre de résoudre les conflits que des exigences contradictoires peuvent générer. 144 Or, ainsi que l’a souligné la requérante elle-même, le cahier des charges, au point 2.2.4, sous h), précise que l’offre technique doit clairement décrire la procédure d’évaluation et de gestion des risques. En particulier, le cahier des charges précise que, à cette fin, le soumissionnaire doit au moins décrire « le processus » qui sera suivi et permettra de faire face aux exigences contradictoires provenant de l’EIGE. Dès lors, le point 2.2.4, sous h), du cahier des charges permet aux soumissionnaires de comprendre que la stratégie envisagée doit décrire « le processus », voire la procédure par étapes, leur permettant de faire face aux exigences contradictoires provenant de l’EIGE. 145 Il en découle que le premier grief doit être rejeté. 3)

Sur le deuxième grief

146 Par son deuxième grief, la requérante fait valoir que son offre contient une stratégie claire au vu de différents éléments. Tout d’abord, l’offre précise que la requérante est déterminée à identifier et à gérer les exigences des dépositaires d’enjeu. Ensuite, elle mentionne un processus d’analyse qui traite en détail de la collecte des exigences et de leur transmission aux équipes de développement. De plus, elle précise que la requérante est déterminée à informer le client de toute exigence contradictoire reçue. En outre, elle distingue deux raisons fondamentalement différentes à l’origine d’exigences contradictoires. Enfin, l’offre décrit en environ 400 mots les mesures concrètes permettant de satisfaire à chacune des exigences contradictoires. 147 L’EIGE conteste les arguments de la requérante. 148 À cet égard, ainsi que l’a relevé le second comité d’évaluation (voir point 138 ci-dessus), il ressort de l’analyse de la section « Gestion claire et adéquate d’exigences contradictoires » de l’offre de la requérante pour les lots nos 1 et 2 que la requérante envisage deux types d’exigences contradictoires en fonction de la raison du conflit, à savoir le conflit dû à un manque d’information et le conflit dû aux différents points de vue sur les valeurs de l’organisation. 149 Cependant, au lieu de proposer une stratégie structurée par étapes, la requérante ne propose qu’une description très générale de la façon de résoudre le second type de conflit, alors que, s’agissant du premier type de conflit, elle se contente de proposer une solution consistant à 29

organiser une rencontre entre experts. Dès lors, aucune erreur manifeste d’appréciation ne peut être reprochée au second comité d’évaluation à cet égard. 150 En outre, force est de constater que, parmi tous les éléments énumérés par la requérante et structurant son offre (voir point 146 ci-dessus), ne figure pas de description détaillée d’une procédure à suivre pour faire face aux exigences contradictoires de l’EIGE, telle que demandée par le cahier des charges. Dès lors, lesdits éléments, bien que positifs, ne suffisent pas à remettre en cause l’appréciation du comité d’évaluation, constatant le manque d’une stratégie par étapes visant à répondre aux exigences contradictoires de l’EIGE. Ils ne prouvent pas non plus l’existence d’une erreur manifeste dans l’appréciation du second comité d’évaluation. 4)

Sur le troisième grief

151 Par son troisième grief, la requérante fait valoir que l’extrait du rapport d’évaluation contenant l’appréciation de l’offre retenue n’explique pas les raisons pour lesquelles cette offre a obtenu le score maximal au regard de ce sous-critère pour les deux lots. En effet, selon la requérante, il ressortirait de cet extrait que même l’offre retenue ne contient pas une stratégie claire pour la résolution des exigences contradictoires, mais une liste de conflits. 152 L’EIGE conteste les arguments de la requérante. 153 À cet égard, il convient de relever que les allégations de la requérante ne permettent pas de démontrer que l’évaluation du second comité d’évaluation de l’EIGE est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation quant au sous-critère no 2 du critère d’attribution no 3. 154 En effet, contrairement à ce que la requérante fait valoir, dans l’extrait du rapport d’évaluation portant sur l’appréciation de l’offre retenue, le second comité d’évaluation explique clairement les raisons pour lesquelles cette offre a obtenu le score maximal au regard de ce souscritère pour les deux lots. 155 En outre, dans la mesure où, par son argument, la requérante vise à se prévaloir du fait que l’EIGE ne lui a pas communiqué une analyse comparative minutieuse de son offre et de l’offre retenue, qui lui aurait permis de comprendre quels seraient, en l’espèce, les caractéristiques et les avantages de cette dernière, il suffit de renvoyer à la jurisprudence mentionnée au point 133 ci-dessus.

30

156 Il s’ensuit que le troisième grief doit être rejeté. c) Sur l’évaluation du sous-critère no 3 du critère d’attribution no 3, relatif à la stratégie claire et adéquate en cas de travail sous pression, pour les lots nos 1 et 2 1)

Rapport d’évaluation

157 S’agissant du sous-critère no 3 du critère d’attribution no 3, le second comité d’évaluation a attribué à l’offre de la requérante une note de 2 points sur 5 pour les deux lots. Dans son rapport, ledit comité a relevé ce qui suit quant à la qualité technique de l’offre de la requérante : « Le soumissionnaire n’envisage pas les risques importants liés au dépassement du délai final. Or, les différentes activités prévues dans le cahier des charges sont assorties de plusieurs délais et des demandes ad hoc viennent s’ajouter aux activités normales et continues, ce dont l’approche du soumissionnaire doit tenir compte (par exemple, dans l’allocation des ressources humaines et financières ainsi que dans sa flexibilité). » 158 S’agissant du lot no 2, dans son rapport, le second comité d’évaluation a ajouté ce qui suit : « En même temps, le soumissionnaire doit envisager les risques liés au travail avec des collaborateurs externes dans les États membres de l’Union ainsi que dans d’autres pays dans le cadre de la collecte des données et doit avoir une stratégie de gestion des risques claire dans ce cas, ou la méthode SCRUM doit être clairement appropriée à ce cas. » 159 Au regard de ces extraits, la requérante avance quatre griefs. 2)

Sur le premier grief

160 Par le premier grief, la requérante réitère l’argument selon lequel le sous-critère no 3 du critère d’évaluation no 3 est vague, car rien dans le cahier des charges n’indique ce que l’EIGE considère comme une stratégie de travail sous pression « claire et adéquate », ni en fonction de quels facteurs les points de pondération sont attribués. 161 L’EIGE conteste l’argument de la requérante. 162 Tout d’abord, il convient de rappeler que, avant de soumettre son offre, la requérante n’a jamais demandé à l’EIGE d’éclaircissements au sujet des critères d’attribution, y compris le critère d’attribution no 3. Ensuite, par son argument, la requérante n’explique pas en quoi l’appréciation du 31

second comité d’évaluation serait entachée d’une erreur manifeste. Enfin, force est de constater que le cahier des charges, au point 2.4.4, sous h), donne des précisions relatives au sous-critère no 3, en donnant aux soumissionnaires une indication claire de ce qu’ils doivent décrire dans leur offre. En effet, il ressort dudit point du cahier des charges que le soumissionnaire doit décrire « la stratégie qui sera suivie et permettra de faire face au travail sous pression (par exemple, dans des délais serrés ou lorsque des ressources viennent à manquer de manière inattendue) ». En particulier, les exemples énumérés entre parenthèses audit point donnent une indication précise de ce que l’EIGE considère comme étant une « stratégie adéquate ». 163 Dès lors, la requérante ne saurait se prévaloir du prétendu caractère imprécis et vague du sous-critère no 3 du critère d’attribution no 3 pour remettre en cause l’évaluation de son offre effectuée par le second comité d’évaluation de l’EIGE. 3)

Sur le deuxième grief

164 Par le deuxième grief, la requérante conteste, comme erronée, l’affirmation contenue dans le rapport d’évaluation selon laquelle « les différentes activités prévues dans les spécifications techniques sont assorties de plusieurs délais », en faisant valoir que ces activités ne sont assorties d’aucun délai spécifique, le point 1.4 du cahier des charges étant expressément intitulé « Éventail indicatif d’activités, de tâches et de livrables par lot ». 165 L’EIGE conteste l’argument de la requérante. 166 À cet égard, force est de constater que l’argument de la requérante est réfuté par le cahier des charges, qui inclut, ainsi que le relève à juste titre l’EIGE, un calendrier indicatif pour différentes activités. En outre, comme l’a souligné le second comité d’évaluation, le cahier des charges prévoit plusieurs délais et demandes ad hoc qui viennent s’ajouter aux activités normales et continues et dont les soumissionnaires doivent tenir compte pour concevoir leur offre en conséquence. Leur caractère indicatif n’empêche pas les soumissionnaires d’envisager les risques potentiels importants liés au dépassement du délai. 167 Il s’ensuit qu’aucune erreur manifeste d’appréciation ne saurait être reprochée à l’EIGE. 4)

Sur le troisième grief

32

168 Par le troisième grief, la requérante fait valoir que la critique supplémentaire concernant le lot no 2, selon laquelle « le soumissionnaire doit envisager les risques liés au travail avec des collaborateurs externes », est dénuée de pertinence au regard du critère relatif au travail sous pression. Selon la requérante, rien dans le cahier des charges ne laisse entendre que les soumissionnaires auraient dû proposer une méthodologie de travail avec des collaborateurs externes dans les États membres de l’Union ainsi que dans d’autres pays. Le cas échéant, la requérante s’occuperait de ce problème pour chaque commande de prestation prise séparément. 169 L’EIGE conteste les arguments de la requérante. 170 À cet égard, il convient de relever, d’abord, que, s’agissant du lot no 2, le cahier des charges envisage l’accomplissement de plusieurs activités parmi lesquelles la première vise à maintenir, à développer et à mettre à jour le point d’entrée de la base de données existante sur les femmes et les hommes occupant des postes dans les processus décisionnels. En particulier, afin d’accomplir cette activité, le soumissionnaire est appelé à récolter les statistiques sur les femmes et les hommes dans le processus décisionnel émanant de diverses sources fiables au niveau européen et national, telles que les institutions politiques, les administrations publiques nationales, les institutions et les agences européennes, les instituts de statistique, les organisations de partenaires sociaux ou les banques centrales, dans 35 pays. 171 Or, l’accomplissement desdites activités implique un travail en coopération avec des collaborateurs externes dans les États membres de l’Union ainsi que dans d’autres pays. Dès lors, l’argument de la requérante selon lequel rien dans le cahier des charges ne laisse entendre que les soumissionnaires auraient dû proposer une méthodologie de travail avec des collaborateurs externes dans les États membres de l’Union ainsi que dans d’autres pays ne saurait prospérer. 172 En outre, compte tenu de ce qui précède, la critique du second comité d’évaluation selon laquelle « le soumissionnaire doit envisager les risques liés au travail avec des collaborateurs externes » n’est pas dénuée de pertinence dans le cadre du sous-critère no 3. Au contraire, elle apparaît justifiée, dès lors que le fait de travailler et de devoir se coordonner avec des collaborateurs externes peut représenter un facteur de ralentissement dans le travail susceptible d’avoir un impact important sur le respect des délais et, partant, une source de pression importante dans le déroulement du travail. 173 Il découle de ce qui précède que le troisième grief doit être rejeté. 33

5)

Sur le quatrième grief

174 Par le quatrième grief, la requérante relève que deux aspects positifs de son offre n’ont pas été pris en considération, à savoir l’explication des raisons pour lesquelles le risque de « travail sous pression » pouvait être évité en tant que tel et la description en 200 mots de l’approche envisagée quant aux outils de gestion concrets qui seraient utilisés s’il était nécessaire de travailler sous pression. 175 L’EIGE fait valoir que, tout en appréciant les éléments positifs soulignés par la requérante, les aspects négatifs mentionnés par le second comité d’évaluation justifient le score attribué à l’offre de la requérante. 176 À cet égard, force est de constater que, si, certes, les éléments mentionnés par la requérante sont des éléments positifs de son offre, il n’en demeure pas moins que cette dernière présente également les lacunes constatées par le second comité d’évaluation qui ont justifié le score qui lui a été attribué. Dès lors, aucune erreur manifeste d’appréciation ne saurait être reprochée à l’EIGE à cet égard. 177 Il en résulte que la requérante n’a pas établi que l’évaluation de son offre quant au sous-critère no 3 du critère d’attribution no 3 était entachée d’erreurs manifestes d’appréciation. d) Sur l’évaluation du sous-critère no 4 du critère no 3, relatif à la gestion claire et adéquate de tout autre risque envisagé 178 Sans contester le bien-fondé du commentaire du second comité d’évaluation concernant le sous-critère no 4 du critère d’attribution no 3, la requérante se borne à reprocher le caractère vague de ce sous-critère, en faisant valoir que rien dans le cahier des charges n’indique ce que l’EIGE considère comme une gestion « claire et adéquate » de tout autre risque envisagé ni en fonction de quels facteurs les points de pondération sont attribués. 179 L’EIGE conteste l’argument de la requérante. 180 Cet argument, qui ne saurait prouver que l’appréciation du second comité d’évaluation est entachée d’une erreur manifeste, doit être rejeté sur la base des considérations développées au point 98 ci-dessus. En effet, n’ayant jamais demandé à l’EIGE des éclaircissements au sujet du sous-critère en question avant de soumettre son offre, malgré la possibilité de s’adresser à l’EIGE par correspondance, la requérante ne saurait se prévaloir devant le Tribunal dudit argument pour remettre en cause l’appréciation du comité d’évaluation. 34

181 Il en résulte que la requérante n’a pas établi que l’évaluation de son offre quant au sous-critère no 4 du critère d’attribution no 3 était entachée d’une erreur manifeste d’appréciation. e)

Sur l’évaluation des critères d’attribution nos 1 et 2

182 Dans le cadre du quatrième moyen, tiré de l’existence d’erreurs manifestes commises par le second comité d’évaluation dans l’appréciation de son offre, la requérante fait valoir l’existence de plusieurs erreurs manifestes portant également sur les critères d’attribution nos 1 et 2 du cahier des charges. 183 À titre liminaire, l’EIGE conclut à l’irrecevabilité pour manque d’intérêt à agir des arguments avancés par la requérante et, plus généralement, des troisième et quatrième moyens en ce qu’ils sont dirigés contre les critères d’attribution nos 1 et 2 du cahier des charges. En effet, l’offre de la requérante ayant été rejetée au motif qu’elle n’avait pas atteint le seuil minimal de 10 points sur 20 pour le critère d’attribution no 3, cette circonstance est, selon lui, un motif suffisant pour justifier la décision attaquée. En outre, il ajoute que la requérante ne prouve pas quel intérêt elle pourrait avoir à l’annulation de la décision attaquée sur la base des critères d’attribution nos 1 et 2. 184 Sur le fond, l’EIGE conteste avoir commis des erreurs manifestes d’appréciation dans l’évaluation de l’offre de la requérante au regard des critères d’attribution nos 1 et 2. 185 À cet égard, il suffit de relever que, la requérante n’ayant pas établi que l’évaluation de son offre quant au critère d’attribution no 3 était entachée d’erreurs manifestes d’appréciation, les arguments qu’elle avance à l’appui des troisième et quatrième moyens, tirés, respectivement, d’un manque de clarté des critères d’attribution nos 1 et 2 et de l’existence d’erreurs manifestes commises par le second comité d’évaluation dans l’appréciation desdits critères, doivent être rejetés comme inopérants. En effet, même si sa note pour ces critères d’attribution avait été supérieure, cette circonstance n’aurait pas été de nature à affecter l’appréciation de son offre au regard du critère d’attribution no 3. La requérante n’ayant pas atteint le seuil minimal prévu par le cahier des charges pour le critère d’attribution no 3, l’offre de la requérante devait être rejetée. 186 L’ensemble des moyens soulevés par la requérante ayant été rejetés, il y a lieu de rejeter, en conséquence, la demande d’annulation de la décision attaquée. B.

Sur la demande en indemnité 35

187 La requérante demande une compensation financière, qu’elle évalue à 128 480 euros, pour la perte de chance qu’elle aurait subie en l’espèce, voire la perte du marché en cause, causée par le comportement prétendument illégal de l’EIGE. 188 En particulier, la requérante fonde la demande indemnitaire sur les mêmes illégalités que celles invoquées à l’appui de la demande d’annulation de la décision attaquée et fait ainsi valoir que celle-ci est entachée de plusieurs illégalités, dont la violation des principes d’égalité de traitement entre soumissionnaires et de transparence et des erreurs manifestes d’appréciation. 189 S’agissant de l’existence d’un lien de causalité entre les illégalités en cause et le préjudice prétendument subi, la requérante fait valoir que, si l’EIGE n’avait pas rejeté son offre en violation des principes d’égalité de traitement et de transparence et sur le fondement d’erreurs manifestes d’appréciation, le contrat-cadre aurait dû lui être attribué. 190 S’agissant du préjudice prétendument subi, elle fait valoir que, même en tenant compte du large pouvoir d’appréciation dont l’EIGE disposait dans l’attribution du marché en cause, la perte de chance qu’elle a subie en l’espèce, voire la perte du contrat lui-même, constitue un préjudice réel et certain conformément à la jurisprudence. 191 Enfin, la requérante fait valoir que, dans une situation comme celle de l’espèce, dans laquelle la perte de chance apparaît irrémédiable, il serait contraire au droit à une protection juridictionnelle effective, consacré à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, que le juge de l’Union refuse de lui reconnaître la perte d’une telle chance, voire même la perte du marché et l’indemnisation. 192 L’EIGE conteste les arguments de la requérante. 193 À titre liminaire, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE, en matière de responsabilité non contractuelle, l’Union doit réparer, conformément aux principes généraux communs aux droits des États membres, les dommages causés par ses institutions ou par ses agents dans l’exercice de leurs fonctions. 194 Selon une jurisprudence bien établie, l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union, au sens de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE, pour comportement illicite de ses organes, est subordonné à la réunion d’un ensemble de conditions, à savoir l’illégalité du comportement reproché aux institutions, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement allégué et le 36

préjudice invoqué. Dès lors que l’une de ces conditions n’est pas remplie, le recours doit être rejeté dans son ensemble, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres conditions (voir arrêts du 4 juillet 2000, Bergaderm et Goupil/Commission, C-352/98 P, EU:C:2000:361, points 39 à 42 et jurisprudence citée ; du 9 septembre 2008, FIAMM e.a./Conseil et Commission, C-120/06 P et C-121/06 P, EU:C:2008:476, points 106 et 164 à 166 et jurisprudence citée, et du 15 octobre 2013, Evropaïki Dynamiki/Commission, T-474/10, non publié, EU:T:2013:528, point 215 et jurisprudence citée). 195 En vertu de l’article 18, paragraphe 2, du règlement no 1922/2006, l’EIGE doit réparer, conformément aux principes généraux communs aux droits des États membres, les dommages causés par lui ou ses agents dans l’exercice de leurs fonctions. Il y a lieu de considérer que les principes énoncés au point 194 ci-dessus s’appliquent à la responsabilité non contractuelle engagée du fait d’un comportement illégal et d’un dommage causé par l’EIGE. 196 Il convient, dès lors, d’examiner si ces conditions sont remplies en l’espèce. 197 À cet égard, il convient de relever que la requérante fonde sa demande indemnitaire sur le même comportement illégal que celui invoqué à l’appui de sa demande d’annulation de la décision attaquée. 198 En l’espèce, tous les arguments que la requérante a fait valoir à l’appui de sa demande en annulation afin de démontrer l’illégalité de la décision attaquée ont été examinés et rejetés. 199 Il s’ensuit que la requérante n’a pas apporté la preuve d’un comportement illégal de la part de l’EIGE. 200 La demande en indemnité doit dès lors être rejetée sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur les autres conditions d’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’EIGE. C.

Sur la demande de traitement confidentiel

201 Par lettre enregistrée au greffe du Tribunal le 15 mars 2017 (voir point 34 ci-dessus), la requérante a demandé le traitement confidentiel envers le public des pages 68 à 233 de l’annexe A.2 et des pages 275 à 277 de l’annexe A.11 de la requête. 202 Il s’agit, respectivement, de l’offre technique et de l’offre financière soumises par la requérante dans le cadre du marché en cause. 37

203 À l’appui de sa demande, la requérante fait valoir, en substance, que les pages 68 à 233 de l’annexe A.2 et les pages 275 à 277 de l’annexe A.11 contiennent des secrets d’affaires, de sorte que leur divulgation pourrait révéler des informations économiques, techniques et financières cruciales, ce qui serait susceptible de réduire sa compétitivité sur le marché intérieur des services informatiques et de nuire à ses intérêts commerciaux, en lui occasionnant des dommages pécuniaires potentiels. Ainsi, une telle divulgation violerait ses droits fondamentaux liés à la protection de la propriété intellectuelle au sein de l’Union. 204 S’agissant de l’annexe A.11, il convient de relever, d’emblée, que, l’offre de la requérante ayant été rejetée par l’EIGE avant la phase de l’examen des offres financières, aucune référence à ladite annexe n’est effectuée dans le présent arrêt. 205 S’agissant de l’annexe A.2, à savoir l’offre technique de la requérante, force est de constater qu’aucune référence au contenu de ladite offre technique faite dans le présent arrêt ne révèle des informations économiques, techniques et financières cruciales contenant des secrets d’affaires de la requérante. 206 Par conséquent, il n’existe pas de raison légitime de faire droit à la demande de traitement confidentiel des pages 68 à 233 de l’annexe A.2 et des pages 275 à 277 de l’annexe A.11 à la requête, formulée par la requérante. 207 Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de rejeter le recours dans son intégralité. IV. Sur les dépens 208 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombée, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EIGE. Par ces motifs, LE TRIBUNAL (troisième chambre) déclare et arrête : 1)

Le recours est rejeté.

2)

Proof IT SIA est condamnée aux dépens. 38

Frimodt Nielsen

Kreuschitz

Półtorak

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 4 octobre 2018. Signatures

Table des matières

I. Antécédents du litige II. Procédure et conclusions des parties III. En droit A. Sur la demande en annulation 1. Sur le premier moyen, tiré de la violation des principes d’égalité de traitement et de transparence au motif que l’EIGE n’aurait pas interprété les critères d’attribution de la même manière tout au long de la procédure de passation de marché a) Sur la recevabilité b) Sur le fond 2. Sur le deuxième moyen, tiré de la violation des principes d’égalité de traitement et de transparence au motif que, en réexaminant intégralement l’offre de la requérante, l’EIGE aurait agi d’une manière arbitraire 3. Sur le troisième moyen, tiré de la violation des principes d’égalité de traitement et de transparence au motif que les critères d’attribution étaient imprécis 4. Sur le quatrième moyen, tiré de l’existence d’erreurs manifestes dans l’appréciation de l’offre de la requérante a) Sur l’évaluation du sous-critère no 1 du critère d’attribution no 3, relatif à la gestion claire et adéquate des demandes de changements, pour les lots nos 1 et 2 1) Rapport d’évaluation 2) Sur le premier grief 3) Sur le deuxième grief 4) Sur le troisième grief 5) Sur le quatrième grief 6) Sur le cinquième grief b) Sur l’évaluation du sous-critère no 2 du critère d’attribution no 3, relatif à la gestion claire et adéquate d’exigences contradictoires, pour les lots nos 1 et 2 1) Rapport d’évaluation 2) Sur le premier grief 3) Sur le deuxième grief 4) Sur le troisième grief c) Sur l’évaluation du sous-critère no 3 du critère d’attribution no 3, relatif à la stratégie claire et adéquate en cas de travail sous pression, pour les lots nos 1 et 2

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1) Rapport d’évaluation 2) Sur le premier grief 3) Sur le deuxième grief 4) Sur le troisième grief 5) Sur le quatrième grief d) Sur l’évaluation du sous-critère no 4 du critère no 3, relatif à la gestion claire et adéquate de tout autre risque envisagé e) Sur l’évaluation des critères d’attribution nos 1 et 2 B. Sur la demande en indemnité C. Sur la demande de traitement confidentiel IV. Sur les dépens

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