Carnet de Ferdinand BOILLET

8. Commando de Carnap (Essen-Karnap - Allemagne, Rhénanie du Nord-Wesphalie)______ 9. Mine de Dornap (Allemagne, Rhénanie du Nord-Wesphalie) ...
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Ferdinand BOILLET TRANSCRIPTION DE SON CARNET PERSONNEL

8ème Région Territoriale Dépôt des 4-44- et 120ème Bataillon de Chasseurs à pied Place de Givry Le chasseur Boillet Ferdinand Matricule 2648 du 4ème Bataillon de Chasseurs à pied

Dans quelles conditions j’ai été fait prisonnier !

SOMMAIRE

Dans quelles conditions j’ai été fait prisonnier ! ____________________________________ 3 Prisonnier __________________________________________________________________ 3 Camp de Worms (Allemagne, Rhénanie du Nord-Wesphalie) ___________________________ 4 Camp de Münster (Allemagne, Rhénanie du Nord-Wesphalie) __________________________ 4 Friedrisehefeld (Friedrichsfeld- Allemagne, Rhénanie du Nord-Wesphalie) _______________ 5 Duisburg (Allemagne, Rhénanie du Nord-Wesphalie) _________________________________ 5 Première évasion Duisburg _____________________________________________________ 8 Commando de Carnap (Essen-Karnap - Allemagne, Rhénanie du Nord-Wesphalie) ___________ 9 Mine de Dornap (Allemagne, Rhénanie du Nord-Wesphalie) ___________________________ 11 Camp de Sennelager (Rhénanie du Nord-Wesphalie) ________________________________ 12 Mine de Verne (Rhénanie du Nord-Wesphalie)_____________________________________ 12 Didam (Veluwe – Hollande septentrionale) ________________________________________ 15 Rotterdam (Hollande méridionale) ______________________________________________ 15 Angleterre ________________________________________________________________ 16 Londres __________________________________________________________________ 16 Folkestone ________________________________________________________________ 16 Boulogne __________________________________________________________________ 16 Demande pour rappel de solde _________________________________________________ 18 Remboursement de mes frais d’évasion __________________________________________ 19

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TRANSCRIPTION DE SON CARNET PERSONNEL

Dans quelles conditions j’ai été fait prisonnier ! Le 25 février 1916 En avant du fort de Douaumont, après avoir fait plusieurs reconnaissances dans les tranchées ennemies, qui étaient occupées par de faible effectif et après avoir combattu pendant deux heures environ nous avons réussi à disperser l’ennemi. Attaqués par des patrouilles ennemies nous avons pu aisément les repousser, car elles n’offraient guère de résistance, leur retraite s’opérait sur le gros de l’armée concentrée dans le bois des Corbeaux. Une ½ heure après l’ennemie détacha de nombreuses et très fortes patrouilles qui nous forcèrent à nous retirer sur la lisière du bois où se trouvait la 1ère section de ma Compagnie, commandée par le Lieutenant Legros. Là nous nous retranchâmes dans la position du tireur à genoux. Vers une heure de l’après-midi, un bombardement d’une extrême violence commença. Nous fûmes arrosés par des obus de tous calibres remplis de toutes sortes de gaz. Après un bombardement qui dura cinq heures et alors que nous étions en grande partie intoxiqués par les gaz, nous fûmes attaqués par des forces beaucoup plus supérieures aux nôtres dont les éléments étaient excellents n’ayant pas subi le bombardement qui nous avaient ébranlés. Incapables de nous défendre nous fûmes obligés de tout abandonner, car c’était la mort qui nous attendait.

Prisonnier Après avoir abandonné nos armes, nous fûmes pris par les allemands qui nous emmenèrent dans le bois. L’ennemi poursuivait toujours son avancée, et entendant le feu d’enfer qui ne cessait pas nous nous demandions ce qui pouvait bien se passer. Une heure après, nous eûmes la joie de nous rendre compte que l’ennemi, contre-attaqué par un régiment de zouaves, avait été refoulé jusqu’à la lisière du bois. Devant cette situation, les allemands nous emmenèrent en toute hâte en arrière. Dans cette marche, j’ai perdu beaucoup de mes malheureux camarades. Enfin après deux heures de marche nous arrivâmes dans un village français, envahi depuis le début des hostilités. Les allemands tuaient tous ceux qui ne pouvaient pas suivre et ils étaient nombreux ceux qui étaient fatigués, blessés n’avançaient que très péniblement, pour comble de malchance il neigeait très abondamment, ce qui nous rompait les jambes encore plus. Là nous vîmes des allemands installés dans les maisons. Tout le mobilier des pauvres gens du pays était dehors ; les granges étaient pleines de soldats qui étaient prêts à

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partir au combat. Ici, nous restâmes un bon moment. Une femme ayant eu pitié de nous – nous étions couverts de boue des pieds à la tête – vint nous apporter un peu d’eau pour boire, nous en avions bien besoin nous étions tous très altérés et certains avaient la fièvre. Un allemand s’en aperçu, il courut vers cette femme et la prit par le bras et l’emmena en lui arrachant le seau d’eau qu’il renversa en nous regardant et disant à la femme : «Ce sont nos ennemis, ils peuvent bien crever s’ils veulent ! ». La malheureuse fut conduite dans une maison remplie d’officiers (un état major certainement). Un moment après nous partîmes – nous marchâmes pendant une journée entière et arrivés à une gare nous fûmes embarqués dans des wagons à bestiaux qui étaient remplis de crottin de cheval – Nous fûmes tassés 60 hommes par wagon. Notre voyage en chemin de fer dura 28 heures.

Camp de Worms (Allemagne, Rhénanie du Nord-Wesphalie) Nous débarquâmes à la gare de Worms ; et à 600 mètres de là, nous aperçûmes des baraques entourées de fil de fer barbelé, nous nous sommes alors dit - voilà le lieu de nôtre exil - nous ne nous trompions pas... Nous fûmes conduits au Camp en passant à travers champs pour ne pas passer par la ville ; c’était une sage précaution, mais cela n’empêcha les gens de nous courirent dessus les uns avec des bâtons et les autres avec des cailloux en nous en menaçant. Le Camp de Worms était rempli d’officiers Russes qui se trouvaient là, en représailles. Pendant les cinq premiers jours de nôtre séjour là, nous fûmes passés aux douches rasés les cheveux, les poils que nous avons sur les différentes parties du corps. En se livrant à cette dernière opération ils nous dirent qu’il fallait nous conformer aux lois allemandes. Après ce temps nous fumes enfermés dans des baraques couvertes de tôles. Notre nourriture consistait en de l’orge bouillie, de la sciure de bois, quelques pommes de terre qui n’avait pas été épluchées et des carottes blanches, le tout était bouilli ensemble, ce qui fournissait un plat détestable ; nous recevions aussi un petit morceau de pain noir qui portait les lettres K K et que malgré nôtre faim, ne nous tentaient guère. Cinq jours après, nous étions dirigés sur différents camps. Pour ma part je fus dirigé sur Münster où j’y arrivais après une journée effectuée en chemin de fer.

Camp de Münster (Allemagne, Rhénanie du Nord-Wesphalie) Là nos conditions de vie étaient celles des sauvages ; nous couchions directement sur la terre, notre alimentation ne valait rien ; nous avions, en effet, quelques betteraves fourragères bouillies avec de l’orge. Dès notre arrivée à ce camp nous fûmes fouillés toutes les pièces d’argent que nous possédions nous furent enlevées et nous reçûmes, en échange, des jetons en fer. Nous

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fûmes obligés de quitter notre uniforme de soldat pour prendre celui de prisonnier de guerre. A partir de ce moment devait commencer, pour nous, la triste existence de prisonniers de guerre à laquelle s’ajoutaient à nos souffrances physiques les douleurs morales. En l’espace de quinze jours nous reçûmes trois piqûres ; contre la variole et la fièvre typhoïde. Les majors qui étaient chargés de nous piquer, eurent bien mieux fait des bourreaux que des médecins. Ayant dans une main la seringue et l’aiguille, il pinçait de l’autre, la partie de la peau qui devait recevoir l’aiguille qui était enfoncée sans se soucier de la douleur qu’elle pouvait provoquer. Cette façon de procéder n’a pas manquer d’avoir des résultats très fâcheux sur certains de mes camarades dont l’état de santé ne pouvait supporter ces piqûres, c’est ainsi que j’en perdis plusieurs. Dans ce camp nous avons souffert de la faim, des mauvais traitements qui nous étaient infligés et du froid. Après un séjour de 25 jours dans ce camp, nous fûmes dirigés sur différents camps, en ce qui me concerne, j’ai été envoyé au camp de Friedrisehefeld.

Friedrisehefeld (Friedrichsfeld- Allemagne, Rhénanie du Nord-Wesphalie) Nous eûmes le bonheur de rencontrer dans ce camp, des prisonniers français capturés au début des hostilités. Il faut être passé par-là pour connaître la joie que l’on éprouve de se rencontrer compagnons de misère et d’infortune. Nos frères qui étaient là depuis longtemps nous donnèrent des renseignements sur la vie au camp et nous demandèrent des nouvelles de la France. Les malheureux étaient très contents d’apprendre que la France n’était pas réduite au point où les allemands le leur disaient. On leur disait en effet qu’en France on manquait de nourriture. Que l’on y mangeait de l’orge bouillie et qu’il y avait des grèves à chaque instant que tout les colis qu’ils recevaient c’était la Suisse qui le leur envoyait et que la France en remboursait le montant. Nos frères nous partagèrent des biscuits qu’ils avaient reçus de France. Après avoir séjourné pendant une quinzaine de jours dans ce camp, nous fûmes envoyés en détachement.

Duisburg (Allemagne, Rhénanie du Nord-Wesphalie) Avec une quinzaine de mes camarades, je fus envoyé en commando (détachement) à Duisburg. Nous devions travailler dans une fabrique d’obus où il y avait des français et des belges (80 environ). Le reste des employés était des enfants et des jeunes filles allemandes.

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Le jour même de notre arrivée on nous fit voir l’usine où nous devions travailler, et le lendemain nous allâmes au travail à cette usine, il fallait beaucoup travailler, et nous ne recevions presque rien à manger. C’était cependant meilleur qu’au camp, mais ce n’était pas une nourriture pour des hommes se dépensant beaucoup. Nous couchions dans une grande salle de théâtre et notre literie était assez convenable ; nous avions chacun un lit en fer avec une paillasse propre. Je fus surpris de voir mes camarades aller au travail sans mot dire, comme s’ils travaillaient pour la France. La plus grande partie travaillait à la tâche et les autres à la journée. J’avais de la peine à voir ces frères travailler pour nos ennemis. Ne se rendaient-ils pas un compte exact de ce qu’ils faisaient. Ne pensaient-ils pas que les obus qu’ils fabriquaient étaient destinés à tuer nos frères ? Ah ! J’ai beaucoup souffert en pensant à cela et songeant à mes frères qui combattaient sur le front. Je me disais que je fabriquerais peut-être l’obus qui les tueraient. Non cela ne pouvait être et je refusais nettement devant l’ingénieur allemand de travailler. Celui-ci me railla en me disant : « Ne faites pas la forte tête, faites plutôt comme vos camarades que vous voyez là-bas ». Je ne peux pas fabriquer des engins destinés à tuer mes frères qui combattent sur le front lui disais-je. D’un ton menaçant il répliqua : « Si ce n’est pas de bonne volonté, vous travaillerez de force, et la sentinelle me conduisit devant un obus de 280 qui se trouvait dans le chantier. Enlevez cet obus qui gêne le passage me dit-il. Je ne peux pas il pèse trop lourd lui répondis-je. Il me menaça alors de son fusil mais voyant que je ne céderais pas il me fit mettre au garde à vous devant cet engin meurtrier. Je suis resté dans cette position toute la journée. La journée terminée il m’emmena en même temps que mes camarades en me disant : « On vous pardonne pour la première fois mais si vous recommencez on vous mettra au poteau ». Le lendemain matin je me suis fait porter malade. La sentinelle me conduisit devant le médecin et là je rends compte au major qui parlait très bien notre langue que j’avais été blessé à la poitrine par un éclat d’obus (105 allemands) et depuis ce temps je ne puis plus me servir de mon bras. « Il ne vous faisait pas mal pour combattre ? ». Il me fallait bien répondre à cela et j’estimais que le mieux était de mentir : « Je ne combattais pas Monsieur le major, j’étais ordonnance de mon capitaine lorsque j’ai été blessé !». Le major y mordit et me dit : « Je vais vous mettre aux travaux légers ». Le lendemain, je fus employé aux travaux légers, avec deux autres camarades, je devais décharger des caisses vides des wagons. J’étais très content d’avoir pu couper au travail des obus et je me disais comme le major est un bon vieux. J’irai le revoir quand cela n’ira plus.

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Nous devions ranger ces caisses en tas, malgré tout je ne voulais pas travailler pour les allemands. Je dis à mes camarades que j’étais malade et je me construisis une sorte de niche où j’ai passé 6 jours de suite, sans me livrer au moindre travail. Or, un beau jour le Directeur me fit appeler par une sentinelle qui ne put me trouver. Celui-ci en rendit compte à l’ingénieur. Ils se mirent tous à me chercher, et c’est à un de mes camarades qu’ils doivent de m’avoir trouvé. Découvert, je fus mené au poste et attaché au poteau pendant 48 heures c’est-à-dire 8 heures par jour. Je fus employé ensuite à gratter du fer rouillé pour le peindre. Une sentinelle était placée tout près de moi, il m’était donc impossible de m’absenter, car la sentinelle tout en gardant la porte me gardait en même temps. Pourtant je ne voulais pas travailler et ayant réfléchi sur le meilleur moyen pour arriver à mes fins, je prétendais à de violentes coliques. Cela était en même temps une promenade que d’aller au W.C.. Quelques jours après, trois de mes camarades qui voulaient s’évader me demandaient si la sentinelle était toujours à la porte. Je leur ai répondu affirmativement mais en ajoutant qu’il m’était facile d’occuper ailleurs la sentinelle qui venait toujours me chercher au W.C. lorsque j’y restais longtemps ; pendant ce temps-là, la porte est libre et vous pourrez aisément vous en aller. Dès le lendemain matin mes trois camarades s’habillèrent en civil dans une petite cabane en planches qui se trouvait dans la cour, et vers les 9 heures du matin lorsque mes camarades furent prêts, et alors que j’étais en train de gratter le fer, je regardai si la sentinelle faisait attention à moi, et tout à coup je partis en courant, me dirigeant vers les cabinets. Ce stratagème réussit à merveille, car la sentinelle se mit à ma poursuite, abandonnant sa garde à la porte par laquelle devaient se sauver mes camarades. Mes camarades eurent le temps nécessaire de se sauver sans que la sentinelle ne s‘en aperçoive. J’avais prolongé le plus de temps possible mon séjour au cabinet à la porte duquel la sentinelle était en faction. A notre retour, la sentinelle ne s’aperçut pas de l’évasion de mes camarades. Le soir au moment de quitter l’usine pour aller à la soupe, comme à l’habitude on fit l’appel - mes trois camarades manquaient. Les sentinelles n’en menèrent pas large parce qu’ils savaient ce que leur coûtait une évasion – l’envoi sur le front. Et aussi se mirent-ils à fouiller minutieusement l’usine dans l’espoir de retrouver mes camarades qui étaient déjà loin – vers les 9 heures du matin qu’ils étaient partis, et les allemands faisaient l’appel à 7 heures du soir.

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Première évasion Duisburg Cet événement me fit considérer de plus près que travailler pour un ennemi et d’être prisonnier des allemands, et l’idée de quitter cette rase commença à me travailler la tête. Pour brûler la politesse aux bôches, j’avais besoin d’effets civils. Un jeune allemand qui travaillait avec nous à l’usine me procura, moyennant quelque argent et de quelques biscuits comme il souffrait de la faim, il me procura des effets civils, une veste, un pantalon, une casquette. Ainsi muni, je me suis fait une niche dans un tas de caisses qu’il y avait dans le milieu de la cour de l’usine, et j’ai apporté là tout ce que j’avais pu trouver comme vivres pour me permettre de m’alimenter pendant le temps de mon voyage très pénible, que j’allais entreprendre, je me suis reposé deux jours durant dans ma niche. La deuxième nuit, bien dispos, je défonçais le mur (deneinte) d’enceinte de l’usine et je prenais la clef des champs – il était neuf heures du soir. Je traversais les rues de Duisburg où il y avait beaucoup d’officiers allemands et de sergents de ville qui prenaient le frais. Au bout d’une heure de marche j’arrivai dans la banlieue de la ville. Je me dirige droit vers le Rhin que je suivis pendant un moment ; lorsque près d’un petit chantier j’aperçois une barque à deux rames. Je me suis dit - voilà mon affaire puisque le Rhin va se jeter en Hollande c’est-à-dire dans la mer du Nord, je vais pouvoir m’échapper tranquillement. Je coupais la corde qui retenait la barque et j’y place dedans. Je m’apprêtais à me servir des rames mais c’était bien inutile ; le courant était si fort que la barque allait beaucoup plus vite que ne je pouvais l’imaginer. J’étais en barque depuis minuit et il était trois heures du matin lorsque je mis pied à terre. J’avais fait pendant trois heures près de 90 kilomètres, et je me trouvais à Wessel, à environ 28 kilomètres de la frontière Hollandaise. Je restai caché tout près de cette ville dans un tas de foin qui ne se trouvait pas loin du fleuve, et le soir vers les dix heures, je me suis remis en route. Je détache ma barque que j’avais dissimulée dans un petit buisson et je prends place dessus. Je me trouvais dans la barque depuis environ une heure lorsque passant sous un pont en bois, ma barque se heurte à un barrage de fil de fer ; à ce bruit une sentinelle qui était placée pas loin de ce barrage se réveille en me criant : « Alt-Verda », et tire un coup de feu, qui par bonheur ne m’atteignit pas. Le poste arriva et ils me jetèrent une corde en me faisant comprendre qu’il fallait que je l’attache à mon embarcation. Comme il ne m’était pas possible de résister, je fis ce que voulaient les allemands, et je fus ramené à terre. Un allemand me prenant par le collet cria : « Françouse. Vee-Nederland » (en Français qui se sauve en Hollande). Je fus immédiatement conduit au poste de police où je fus interrogé. Dès que je leur fis connaître que je m’étais évadé du camp de Duisburg, ils y téléphonèrent et me

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firent conduire au camp de Friedrisehefeld, où je jugeais dès mon arrivée, une punition qui m’avait été infligée pour mon évasion. Ma peine accomplie, je fus dirigé sur un commando à Carnap.

Commando de Carnap (Essen-Karnap - Allemagne, Rhénanie du Nord-Wesphalie) Le 19 décembre 1916, j’arrivai à Carnap (Wesphalie) où j’étais immédiatement employé dans une carrière qui travaillait pour les usines Krupp. Là il fallait travailler à mourir. Le 20 décembre au matin, nous fumes conduits aux magasins pour toucher des effets de travaille et qu’elle fut notre surprise lorsque nous reçûmes un complet en papier que nous voyons pour la première fois. Ce qui nous révolta encore plus ce fut lorsque l’on nous réclama 16fr. Pour la veste, 22 pour le pantalon et 6f.50 pour la casquette. C’était bien cher pour des effets en papiers. Le coup de ces effets devait nous être retenu sur le produit de notre travail. Notre séjour ne commençait pas bien du tout, et des jours plus tristes nous attendaient. Le lendemain matin nous fumes conduits au travail sans avoir même pris un quart de café. Cela n’était pas fait du tout pour nous donner du goût au travail, aussi nous refusames de travailler. Les sentinelles montèrent dans la chambre, et nous menacèrent de la crosse de leurs fusils. Nous en désarmames deux, le Caporal allemand, devant notre attitude décidée, dit aux sentinelles de nous laisser tranquille. C’était pour en détacher, une, qui alla chercher du renfort dans un commando voisin. Elle revint accompagnée de huit autres sentinelles qui pénétrèrent dans notre baraque et, sur l’ordre du Caporal allemand, nous frappèrent à coup de crosse. Les coups pleuvaient –nous en parions un, nous en recevions trois autres. Un de mes camarades eut la tête ouverte une autre les brisés. Pour ma part un allemand brisa sur moi la crosse de son fusil – tout a une fin et notre martyr finit. Nous fumes rassemblés et les sentinelles nous escortèrent. La porte de la baraque s’ouvrit ; le chef de poste parut et nous commanda de marcher personne ne bougea – les allemands furieux se jetèrent sur les premiers de la colonne et les battirent. Pas plus que la première fois cette méthode ne réussit, et nous n’avançâmes pas. Pour nous punir, nous fumes enfermés dans notre baraque pendant quatre jours, et nous reçûmes rien à manger durant ce temps. Le cinquième jour au matin la porte s’ouvrit et donna passage à une sentinelle qui demanda s’il y en avait qui voulaient travailler. Personne ne répondit. La sentinelle partit en colère, mais revint à 10 heures pour nous donner à manger.

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Nous fumes ensuite obligés de travailler un peut, car si nous avions continué à persister dans notre attitude nous serions morts de faim. A 2 heures nous descendions dans une carrière pour en tirer la pierre que nous chargions dans des petits wagonnets. Pour ma part je refusais de charger les pierres, prétextant que ma blessure ne me permettait pas un pareil effort. Je fus conduit auprès du directeur qui me fit présenter au major. Ce dernier, après m’avoir consulté reconnu que j’étais incapable de charger les pierres, mais me dit que je pouvais nettoyer le hangar où étaient garées les machines qui servaient à monter la pierre de la carrière. Dès le lendemain, je fus employé à enlever le mâchefer des machines. J’avais là un emploi qui me permettait de me reposer à l’aise, puisque je n’étais pas surveillé. Mon bien relatif ne m’empêchait pas de songer et de préparer une prochaine évasion. Tout était décidé mais il me fallait des provisions pour pouvoir m’évader. Elles tardèrent à me parvenir. Enfin, au bout d’un mois, je reçus des biscuits et deux colis de provisions qui m’étaient adressés par les miens. Dès le lendemain de la réception des provisions, je brûlais à nouveau la politesse aux bôches. Une forêt ne se trouvait pas loin du camp et je la pris. Je me suis dissimulé durant toute la journée, et la nuit venue, je me mis en marche dans la direction de la Hollande. Au jour j’arrivais à Bokom (Bockum) et d’après ma carte, je m’aperçus que j’avais fait déjà une cinquantaine de kilomètres depuis mon départ de Carnap. Jusqu’à la nuit je me reposais, caché dans une forêt. A ce moment là, je me mis en marche. Au jour, j’arrivais à Kirchelem ( ). Durant tout le jour je me cachais dans d’anciennes carrières de pierre. La nuit venue je me remis en marche. Au matin, j’atteignais Wesel qui se trouve à 28 kilomètres de la frontière hollandaise. Pendant toute la journée, je me tenais caché dans un petit buisson le long du Rhin. A la nuit, je longeais le Rhin et je me trouvais à 7 kilomètres de la frontière hollandaise, lorsque je m’arrêtais dans la forêt ; il était environ deux heures du matin. Ayant calculé que je n’aurais pas eu le temps de franchir la frontière avant le jour, j’ai remis à la nuit suivante la fin de mon voyage qui devait me rendre à la liberté. J’étais là depuis environ 5 heures lorsqu’un civil me réveilla. C’était un bûcheron qui travaillait dans la forêt. Il me mena immédiatement à la gendarmerie de Wesel d’où je fus dirigé sur le camp de Friedrisehefeld où une punition sévère me fut infligée. Je purgeais ma peine dans un réduit de 2 mètres de large environ sur 4 mètres de long. Je recevais comme nourriture à midi un morceau de pain K.K. qui pouvait peser environ 250 grammes ; le soir à six heures, je recevais un second morceau de pain, du même poids que celui du matin. A ma sortie, je fus envoyé au camp où j’y restais jusqu’au 29 février, date à laquelle je fus dirigé sur le camp de Dornap.

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Mine de Dornap (Allemagne, Rhénanie du Nord-Wesphalie) C’est en représailles que j’étais envoyé dans ce camp où je fus employé dans une mine de charbon. Jamais je n’avais tant souffert durant ma captivité en Allemagne. Nous devions travailler à 1800 mètres sous terre. Là nous étions battus sans rime ni raison. Les allemands qui nous accompagnaient avaient d’autant plus d’intérêt à nous faire produire le plus que leur salaire, se voyant d’autant plus augmenté que nous avions beaucoup travaillé. Ah ! Çà travailler pour nos ennemis, çà ne m’a jamais souri, et les souffrances que j’endurais contribuèrent à me décider plus vite. Mais je ne savais pas où m’échapper d’un bagne pareil où je me trouvais. Enfin un jour je prends l’escalier de secours pour voir où il aboutissait, arrivé en haut il y avait une porte qui était fermée. Je me suis dit : « Voilà un bon moyen pour m’évader ! ». Aussi dès demain, je mettrai mon projet en exécution. Le lendemain matin, muni de mon pic qui devait me servir pour défoncer la porte, je pris l’escalier de secours. La porte céda assez aisément : « Dehors ! » . Je me suis caché derrière un tas de pierres où je m’étais fait une sorte de trou, et où je restais jusqu’à la nuit. A ce moment je me mis en marche dans la direction de la frontière hollandaise. Au petit jour je me trouvais à Halbern que je traversais, et où il y avait beaucoup de gens qui allaient au travail. En quittant la ville, j’aperçut un allemand. Afin de ne pas éveiller l’attention, je marchais d’un pas ferme en homme de la ville, je me dirigeais directement vers le pont qui est sur la Lip (Lippe), lorsque au moment même où j’allais passer sur ce pont, je fus arrêté par un agent de police qui me demanda où j’allais. Je lui répondis que je me promenais. S’aperçut-il de mon accent ou de mon embarras ? . Je n’en sais rien. Toujours est-il qu’il me prit par l’épaule et me dit : « Vous êtes un prisonnier ! ». Il me conduisit au poste de police où je fus interrogé. Le chef de poste s’assura de la véracité de mes déclarations en téléphonant au camp de Dornap. Le lendemain de mon arrestation, je fus reconduit à mon ancien commandos. A mon retour à Dornap, je fus immédiatement conduit à la mine. Afin de faire relâcher la surveillance dont j’étais l’objet, je travaillais pendant huit heures par jour sans mot dire. Après ce temps, en compagnie de quatre autres de mes camarades, je me sauvais après avoir défoncé le mur de la baraque où nous dormions. Quatre-vingt-seize heures après notre départ du camp de Dornap nous arrivâmes à la frontière hollandaise. Comme toujours nous n’avions marché que de nuit. Au moment même où nous franchissions la frontière nous essuyâmes plusieurs coup de feu et les sentinelles voyant que malgré cela nous continuons à courir, ils lâchèrent sur nous les chiens policiers. J’eus le malheur de me faire arrêter, en territoire hollandais par deux chiens policiers.

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Mes quatre camarades avaient réussi à se sauver à temps pour ne pas être pris. Arrêté je fus ramené au commandos de Dornap où l’on me mit les poignets de fer que je gardais pendant huit jours et je fus conduit en prison. Je pensais bien être fusillé cette fois, mais non ; je fus conduit en prison les mains derrière le dos avec les poignets de force. Sans que je puisse m’expliquer pourquoi, mon pantalon m’avait été retiré et c’est en chemise que je subis mes souffrances. En fait de nourriture un morceau de pain K.K. le matin et autant le soir (C’est le menu que mangent tous les prisonniers de guerre punis). Il me fallait me coucher à terre pour pouvoir manger le pain ayant les mains liées. Le 9ème jour les poignets de force me furent enlevés et je fus conduit au camp de Sennelager. Lorsque les poignets de force me furent enlevés, mes poignets étaient enflés. Arrivé à Sennelager je fus présenté devant un conseil présidé par le général Commandant le camp. Ce dernier me demanda la raison pour laquelle je ne voulais pas travailler et pourquoi je me sauvais toujours. Je lui répondis que j’étais français et comme tel je ne pouvais pas travailler pour tuer mes frères qui sont sur le front. En raison de mon attitude, je fus puni pour bris de clôture et refus de travail. Je fus prévenu qu’à la prochaine tentative d ‘évasion je serais interné dans une forteresse.

Camp de Sennelager (Rhénanie du Nord-Wesphalie) Ma punition terminée, je fus employé dans le camp à écraser des boîtes de conserves car tous les hommes qui avaient plus de quatre évasions ne devaient plus sortir du camp. Je suis resté au camp environ un mois après ma punition. J’avais bien essayé de m’enfuir avec des camarades en creusant des souterrains, mais nous étions toujours vendus par des français, qui craignaient que nous nous évadions parce que les bôches punissaient toujours les prisonniers pour ne pas les avoir prévenu de l’évasion de leurs camarades. Une note arriva qui disait que tous ceux qui avaient tenté plusieurs fois de s’évader devaient être dirigés sur un commandos de représailles. Pour ma part, j’étais très heureux de quitter le camp de Sennelager, car je sentais bien que je n’aurais jamais pu m’évader. Ce détachement fut envoyé à Verne au fond de la Wesphalie pour travailler dans les mines de charbon.

Mine de Verne (Rhénanie du Nord-Wesphalie) Là c’était le bagne complet. Il y avait des français, des belges, des anglais et des russes. Tous ces prisonniers avaient été envoyés aussi là en représailles pour avoir tenté de s’évader.

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La première nuit de mon arrivée six belges s’évadèrent ; ils furent repris à 200 mètres du camp car dès qu’ils s’aperçurent que ces six hommes manquaient ils firent sonner les cloches et les habitants armés de bâtons ou de fusils parcouraient les champs. Les six belges furent découverts dans un champ de blé, et c’est dans un piteux état qu’ils furent ramenés au camp. Ils avaient été odieusement frappés. Quelques jours après vingt anglais partirent vers les neuf heures du soir. Pour se sauver ils s’emparèrent de la sentinelle et la désarmèrent. Depuis nous n’avons plus su ce qu’ils étaient devenus. Les sentinelles se plaignirent de ne pouvoir tenir des hommes comme nous et qu’il fallait augmenter le poste. Le poste fut renforcé de 22 hommes et de ce moment-là, il fut assez difficile de s’échapper. D’abord au lieu d’aller travailler comme d’habitude, les français à part on nous...cinq français, cinq belges, cinq anglais, cinq russes. Quelques jours après je proposais à un de mes camarades de nous évader en lui ajoutant que je connaissais un bon moyen pour faire aboutir notre entreprise. Pour le décider complètement, je le mettais au courant de mon plan qui était le suivant : nous nous trouvions dans une salle qui était élevée à cinquante centimètres du sol ; en face se trouvait une vaste salle qui était aussi à cinquante centimètres du sol. Le lavabo seul séparait ces deux salles et pour s’y rendre il fallait emprunter un escalier. Nous fîmes une trappe assez grande pour permettre à un homme d’y passer et nous nous faufilâmes sous la grande salle qui aboutissait à la rue. Il nous restait à démolir le mur qui donnait sur la rue. Dès la deuxième nuit ce travail était terminé, et nous pouvions partir. Au dernier moment, plusieurs camarades se décidèrent à nous suivre, et nous fîmes neuf pour nous évader. J’avais retiré beaucoup d’enseignements de mes différentes tentatives d’évasions, et de mon long séjour parmi les allemands. Aussi je savais que le meilleur moyen de dépister les allemands était de ne pas se diriger tout de suite vers la frontière hollandaise, nous prîmes un chemin tout opposé et nous passâmes la première. Après avoir marché toute la nuit, nous passâmes la journée dans le milieu d’un champ de blé. Nous prîmes ensuite la direction Nord-Ouest, celle de la frontière hollandaise. Comme d’habitude nous marchions de nuit et nous nous reposions le jour. Nous évitions les villes et les villages et ce n’est qu’à travers champs, ou des bois et des marécages que nous arrivions. Après huit nuits de marche nous arrivâmes à trois kilomètres de la frontière ; aucun de nous ne manquait à l’appel. Il était trois heures du matin, nous apercevions très bien les sentinelles et nous prîmes le partit de nous séparer, et de franchir la frontière deux à deux pour être moins visible. Mon camarade et moi nous guettâmes pendant une demi-heure environ les allées et venues des sentinelles, pour choisir le moment propice à notre évasion. Ce moment arriva ; nous nous faufilâmes dans un bois, nous arrivâmes après dans un pré,

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franchissant la barricade nous tombâmes sur une route. Nous nous couchâmes immédiatement et prenant ma carte, et ma boussole pour reconnaître l’endroit où je me trouvais, je m’aperçus que nous étions bien dans la direction du Nord-Ouest. Nous marchions depuis plus d’une heure lorsque nous nous trouvâmes dans une sorte de carrefour. Un poteau indicateur portait – Suderviche (Suderwick - Hollande), à 12 kilomètres, et Sinnderen (Sinderen - Hollande) à 7 kilomètres. Je regarde à nouveau ma carte, et je dis à mon camarade : « Mais nous sommes en Hollande ! ». Libres nous étions – Nous nous serrâmes la main comme deux frères qui voient arriver à terme leurs souffrances. Nous étions bien fatigués. Nous continuâmes notre route et au bout d’une heure nous arrivâmes à une ligne de chemin de fer, au passage à niveau il y avait écrit en français Lettre là. Je prends ma carte à nouveau et voyant que cette voie ferrée allait à Sinnderen nous la longeâmes pendant deux heures. En cours de route nous nous trouvâmes un petit ruisseau qui logeait un bois. Nous nous y arrêtâmes pour nous nettoyer. A peine étions-nous là que nous entendions le coup de sifflet d’une locomotive. Instinctivement nous nous couchâmes dans un petit taillis. Nous vîmes passer le train ; ce n’était pas les mêmes locomotives que celles des allemands. Nous continuâmes à suivre la voie ferrée et nous marchions depuis une heure, lorsque nous rencontrâmes une jeune fille montée sur une bicyclette ; celle-ci nous dit : « Bonyout ! » sans que nous ayons prêté attention à elle ; deux cents mètres plus loin nous aperçûmes une gare. Nous vîmes un homme se diriger dans notre direction. Je dis à mon camarade : « Je vais lui demander si nous sommes bien en Hollande ». A ma demande ce Monsieur, en souriant, me répondit : « Vous êtes des évadés ?». Oui, répondis-je, nous sommes deux français. Et nous serra chaleureusement la main , et nous demanda si nous avions faim et il nous conduisit immédiatement chez lui. Sa femme s’empressa de nous faire une omelette, nous mangeâmes, en attendant une bonne tartine de pain blanc beurrée. Nous primes ensuite un bon café et après nous fûmes conduits à la gare pour prendre le train pour Suderviche (Suderwick). Nous étions accompagnés d’un civil hollandais qui nous conduisit à Suderviche pour y être interrogés par le Commandant de la place de cette ville, et ensuite nous nous rendîmes dans une caserne d’infanterie hollandaise. Nous fumes on ne peut mieux reçus par les soldats qui nous offrirent à manger. Ah ! Que l’on est bien heureux de se voir tant changé après dix-sept mois de souffrances. Le soir nous couchâmes dans un petit hôtel. Dans la même chambre couchèrent avec nous deux soldats hollandais qui étaient chargés de nous garder. Le lendemain matin nous fumes conduits auprès du commandant de la place pour la deuxième fois, qui nous interrogea pour savoir dans quelles conditions nous étions arrivés en Hollande....etc...

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Après notre interrogatoire nous nous promenâmes à travers la ville et à onze heures nous allâmes manger à la même caserne où nous avions pris notre repas la veille. Restaurés , nous sommes sortis pour nous promener encore à travers la ville. A six heures nous allâmes souper et ensuite nous nous rendîmes au même hôtel où nous avions passé la nuit précédente pour y dormir. Le lendemain matin à neuf heures nous quittâmes Suderviche pour aller à Didam pour y être mis en quarantaine. Les deux soldats hollandais nous accompagnaient toujours.

Didam (Veluwe – Hollande septentrionale) Arrivés à Didam, nous fumes conduits devant le Commandant de la place qui nous fit mettre immédiatement dans un camp spécial où étaient mis en quarantaine tous les prisonniers des puissances belligérantes qui se rendaient en Hollande. C’est ainsi que nous nous trouvions parmi des français, des belges, des anglais, des allemands, des russes et surtout des polonais. Dès notre arrivée nous fumes passés à la toise, nous prîmes une douche, et nos effets nous fumes retirés ; à la place desquels nous reçûmes un uniforme comme on en distribue dans les hôpitaux en France. Notre alimentation était rationnelle. Le premier jour en raison de notre état et afin d’éviter un embarras gastrique, on nous donna du lait et du bon pain blanc ; le lendemain ce fut plus consistant et ainsi de suite. Nous étions là depuis 7 jours lorsque l’on nous appris que le Consul de France avait l’habitude de visiter le camp une fois par semaine. Tous les nouveaux français arrivés depuis sa dernière visite, et qui avaient exprimé le désir de le voir, lui furent présenté. Nous étions du nombre. Le consul nous interrogea sur les circonstances de notre capture et de notre évasion, et comme nous voulions retourner en France, il nous demanda à quel régiment nous appartenions, le nom des chefs qui nous commandaient avant notre capture, la profession que nous exercions dans la vie civile, le lieu de résidence de nos parents. Nous signâmes cet interrogatoire. Le consul nous quitta en nous félicitant, et en nous disant d’aller le voir à Rotterdam, à notre sortie du camp. Deux jours après nous quittions le camp. Nous prîmes le premier train du matin pour Rotterdam.

Rotterdam (Hollande méridionale) A notre arrivée nous eûmes le plaisir d’être attendus à la gare par le Consul de France. Il nous offrit l’apéritif et nous conduisit à l’hôtel des marins où le consul nous laissa après avoir donné des instructions pour que nous soyons hébergés.

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Le même après-midi vers les trois heures, nous allâmes au consulat de France. Le consul nous fit habiller complètement de neuf, et nous remis douze florins à chacun. Il nous dit de revenir tous les matins le voir pour toucher deux florins. Nous étions libres tout le reste de la journée. A l’hôtel des marins , nous fîmes la connaissance de nombreux camarades évadés d’allemagne avec lesquels nous passions le temps. Cette vie dura vingt-cinq jours au bout desquels nous fumes embarqués sur le vapeur anglais Woodkok. Après dix-sept heures de voyage sur la mer du Nord, nous accostions à un quai de l’embouchure de la Tamise.

Angleterre

A peine débarqués à Gravensend (Gavesend – Kent) nous fumes conduits devant le commandant de la place par des soldats anglais, qui nous attendaient où nous débarquèrent. Comme ailleurs on nous questionna sur les circonstances de notre capture et de notre évasion. Nous fûmes ensuite fouillés ; et on nous servis à manger. Notre repas terminé, on nous fit prendre le train pour Londres. Il était quatre heures du matin, et nous étions arrivés la veille à dix heures du soir, nous n’avions pas eu le temps de nous reposer.

Londres Arrivés à Londres à huit heures et demie du matin nous fûmes conduits par l’escorte qui nous avait accompagnée en train. Dans un hôtel où nous fûmes hébergés, le lendemain de notre arrivée à Londres vers les sept heures et demie nous fûmes embarqués dans le train à destination de Folkestone où nous arrivâmes à onze heures du matin.

Folkestone Dès notre arrivée, nous fûmes aussitôt conduits devant le consul de France qui nous interrogea aussi, et nous remit à chacun cinq shillings. Nous fûmes conduits à l’hôtel du port où nous fûmes hébergés. Nous restâmes à Folkestone deux jours que nous employâmes à bien nous promener à travers la ville. Au bout de ce temps nous fûmes embarqués à bord d’un transport Anglais qui nous débarqua à Boulogne après deux heures de traversée.

Boulogne Enfin nous étions en France cette patrie si chérie. 16

A Boulogne la clique d’un régiment d’infanterie qui était en garnison vint nous prendre au débarquement et c’est musiques en tête que nous arrivâmes, trente évadés au cercle militaire où un banquet fut offert à notre occasion.

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Demande pour rappel de solde 8ème Région Territoriale

Dépôt des 4-44- et 120ème Bataillon de Chasseurs à pied Place de Givry

Le chasseur Boillet Ferdinand Matricule 2648 du 4ème Bataillon de Chasseurs à pied, à Messieurs les Membres du Conseil d’administration J’ai l’honneur de vous adresser la présente demande tendant à faire effectuer en ma faveur le rappel de ma solde en captivité et en pays neutres. Demande pour rappel de solde Fait prisonnier à Douaumont le 25 février 1916 et interné ensuite au Camp de Worms le 28 février 1916 ; puis après au Camp de Münster le 2 mars 1916 ; puis au Camp de Friedrisehefeld le 25 mars 1916 ; puis au Camp de Sennelager le 23 janvier 1917. Je me suis évadé le 8 août 1917 et après huit jours de marche, j’ai gagné la frontière Hollandaise que j’ai passé le 15 août 1917 à 2 heures ½ du matin. Je me suis présenté aux autorités Françaises à Rotterdam le 25 août 1917 (Hollande). Je fais sur mon honneur la déclaration suivante du 25 février 1916 au 7 août 1917 inclus (période pendant laquelle je suis captif en allemagne). Je n’ai absolument rien perçu du gouvernement ennemi. J’ai quitté la Hollande le 12 septembre 1917 pour passer en Angleterre d’où j’ai été réincorporé en France le 15 septembre 1917 date de mon arrivée à Boulogne. Pendant mon séjour en Hollande, j’ai perçu du Consul de France 12 florins. J’ai perçu du Consul de France pendant mon séjour en Angleterre 5 francs et à mon arrivée au dépôt, je n’ai rien perçu comme frais de route. Pendant la période de ma captivité le gouvernement ennemi m’a assuré la nourriture et le logement et ne m’a fait aucune retenue pour hospitalisation. Aucune délégation volontaire où d’office en a été faite sur la solde, 135 francs 75 centimes que je perçus le 18 avril 1918 à Alger.

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Remboursement de mes frais d’évasion Afrique – Alger

19ème Corps Division d’Alger Place d’Alger 1er Régiment de Zouaves

le 12 avril 1917 Le zouave Boillet Ferdinand er au 1 Régiment de zouaves 70ème Compagnie à Alger à

Monsieur le Ministre de la Guerre, J’ai l’honneur de vous solliciter le remboursement de mes frais d’évasion dont l’allocation est prévue par la circulaire ministérielle n° 10645. Voici le décompte de mes frais Un complet 55 francs Une paire de souliers 38 francs Un e casquette 7 francs 50c. Linge de corps 15 francs 50c. Boussole et cartes 26 francs Total 142 francs Je déclare sur mon honneur avoir réussit à m’évader à ma cinquième tentative. Comme témoin de mes dires je cite : Monsieur Granier Eugène au 1er Bataillon K Compagnies des évadés à Médennine Sud-Tunisien, puis Monsieur Marliae Jean au 260ème Régiment d’Infanterie 1ère Compagnie L. P. n° 508, et F.O. Je reçus à Givry le 22 décembre la somme de 12 f. Je reçus à Alger le 18 avril la somme de 14 f. Je reçus à Alger le 29 avril la somme de 12 f. Je reçus à Alger le 19 mai la somme de 14 f. Je reçus à Miliana le 17 juillet la somme de 9 f. Je reçus à Miliana le 21 août la somme de 60 f. Je reçus à Miliana le 19 octobre la somme de 50 f. Je reçus à Miliana le 27 novembre la somme de 50 f. .../... Compliments à l’Auteur de ce livre qui a fait sa captivité en Allemagne pendant la Grande Guerre de 1914 –1918. Lu ce livre en novembre 1937

Signature ? 19