Carnets du management - Newsroom - EM Strasbourg

17 févr. 2014 - le tour des magasins en ...... Comportements des consommateurs vis-à- vis des produits ... Seul un quart des personnes interrogées aux.
2MB taille 17 téléchargements 501 vues
management Les Carnets du

LA RECHERCHE À L’EM STRASBOURG

RESSOURCES HUMAINES

Derrière

les apparences RECHERCHES CROISÉES

Prise de décision : ce que les singes nous apprennent de nous… DANS L’ACTUALITÉ

Peugeot : une histoire de famille DOSSIER

Améliorer le management des hôpitaux : une urgence RENTRÉE 2014 – N°1

SOMMAIRE

P.25 

Dommage, rageant même. Car, à 45 ans, monsieur T anime une équipe de jeunes. Des financiers. Il est très à l’aise avec eux malgré la différence d’âge et a même réussi à intégrer deux femmes dans un groupe très masculin.

P.13 

Monsieur T est parti faire le tour des magasins en ville, l’appartement est vide. L’écran d’une tablette numérique scintille encore sur le canapé ; on aperçoit les dizaines de références de vêtements d’une boutique en ligne. Pas sûr qu’il en ait pris conscience, mais il était las, un peu angoissé même, par la profusion d’offres sur Internet.

Le consommateur digital est-il un consommateur heureux ?

Dis-moi ton âge… je te dirai comment tu diriges tes collaborateurs

P.8 

Interrompu dans ses pensées par le vendeur de la boutique, monsieur T tranche en faveur d’une marque qu’il avait repéré grâce à une publicité mettant en scène son animal préféré.

La pub a du chien !

P.15 

Monsieur T est d’autant plus déçu qu’il avait découvert une piste de progrès au fil de ses lectures : les traders font des erreurs pour des raisons psychologiques profondes. Il prévoyait de creuser davantage le sujet.

Prise de décision : ce que les singes nous apprennent de nous…

P. 22

 Monsieur T s’habille dans des boutiques « grandes tailles ». Il est costaud. Certains, au bureau, disent « gros » dans son dos. S’il laisse passer ce genre de remarques, il a très mal vécu son dernier entretien d’évaluation. Son chef ne lui a-t-il pas refusé une promotion ? Motif : « Vous êtes sympathique mais ne semblez pas capable des efforts nécessaires… »

Derrière les apparences

2 I Les Carnets du management I rentrée 2014

P.12 

Un élément qui lui parle, ce qui n’est pas forcément le cas des labels. Par exemple, il n’a pas vraiment prêté attention à celui de la veste qu’il vient de s’offrir, pourtant mis en avant par le fabriquant.

Éco-labels : qu’importe la certification…

P.4 

Monsieur T le sait, son premier chantier sera de donner de l’air aux comptes de la société et de négocier avec les banques.

Prêts bancaires : les enjeux de la renégociation

P.18 

P.10 

Enthousiaste à l’idée de se mettre au travail, monsieur T imagine même de nouveaux débouchés : l’hôpital voisin prévoyant d’externaliser plusieurs activités, pourquoi ne pas réagir vite ?

Une fois sa carte bleue sortie et ses achats réglés, monsieur T prend une grande décision…

Dis-moi comment tu paies, je te dirai (peut-être) qui tu es

P.26 

Améliorer le management des hôpitaux : une urgence

Il se voit déjà recruter un jeune capable d’analyser les données de la PME familiale afin d’améliorer son positionnement marketing.

Big data et small business

P.06 

Cette fois, c’est certain, il va réorienter sa carrière. Il est temps pour lui de s’investir dans l’entreprise familiale où il avait fait ses débuts. Et puis, il doit aider son père à passer la main en douceur.

Peugeot : une histoire de famille

P.28 

Il lui faudra aussi rapidement visiter la nouvelle plateforme logis-

tique régionale.

Plateformes logistiques : optimiser, l’atout maître

Ces quelques lignes de fictions sont les seules que vous trouverez dans ce magazine. Un clin d’œil pour insister sur tout l’intérêt des travaux de recherche menés au sein des laboratoires de l’EM Strasbourg Business School. Nous espérons que vous prendrez autant de plaisir à lire cette publication dont vous tenez le premier numéro entre les mains, que nous avons eu à l’imaginer et à lui donner naissance. Théo Haberbusch Les insertions publicitaires sont celles d’entreprises impliquées dans les chaires de l’EM Strasbourg. Elles leur ont été gracieusement offertes.

rentrée 2014 I Les Carnets du management I 3

TRIBUNE Finance

Prêts bancaires : les enjeux de la renégociation

L’

année 2013 a été marquée par un record : 1 560  milliards de dollars de prêts bancaires ont été renégociés dans le monde, soit près du double par rapport à l’année précédente, et l’équiva-

lent du montant total de crédits octroyés durant toute l’année 2009 par exemple (sources : Dealogic et Thomson Reuters). La renégociation de prêts bancaires [lire encadré] par les emprunteurs est souvent la conséquence de l’évolution, positive ou négative, de l’économie et/ou de l’entreprise, comme, par exemple, une baisse des taux d’intérêt, des opportunités d’investissement ou des difficultés financières. Le processus de renégociation étant coûteux et ne garantissant en rien un « meil-

leur » contrat à la clé, il est à manier avec parcimonie par les deux contreparties : l’entreprise et la banque.

Aux États-Unis Le financement externe des entreprises américaines s’effectue davantage par recours aux marchés actions et obligations. Par exemple, la capitalisation boursière représente 205  % du PIB aux États-Unis contre 58 % dans l’Union européenne (source : Banque mondiale).

4 I Les Carnets du management I rentrée 2014

Les nombreux enjeux de la renégociation des prêts bancaires sont d’autant plus importants en Europe que le crédit bancaire représente la principale source de financement externe des entreprises, contrairement aux États-Unis par exemple [lire encadré]. C’est pourquoi, des travaux empiriques de plus en plus nombreux s’intéressent à ce phénomène (Roberts et Sufi 2009, Roberts 2012, Nikolaev 2013). Les résultats obtenus jusqu’à présent sont particulièrement intéressants pour l’Europe (Godlewski 2013a, 2013b, 2013c). Premièrement, les renégociations multiples sont moins fréquentes qu’aux ÉtatsUnis et concernent beaucoup moins les clauses contractuelles. Par contre, les prêts sont renégociés plus tardivement qu’outreAtlantique. La durée médiane qui sépare deux renégociations est d’un 1 an, sachant que certains contrats sont renégociés tous les cinq mois. Cette dynamique de renégociation semble donc moins coûteuse et potentiellement plus bénéfique pour les contreparties, en particulier les emprunteurs. On peut également supposer que les contrats mis en place par les banques européennes sont plus « complets et efficients » dès le début de la relation bancaire vu la faible intensité des renégociations et leurs occurrences relativement tardives. Deuxièmement, en ce qui concerne les entreprises cotées, la Bourse semble accueillir avec enthousiasme certaines renégociations, en particulier lorsqu’elles impliquent des modifications au niveau des clauses contractuelles et des montants octroyés. Par ailleurs, des renégociations précoces mais peu fréquentes sont

Définition La renégociation de prêts bancaires consiste à amender une ou plusieurs caractéristiques du contrat initial, comme le montant, la maturité ou le spread. Par exemple, suite à une renégociation favorable, le contrat amendé peut stipuler une augmentation du montant, un rallongement de la maturité et une baisse du spread. Une renégociation multiple implique plusieurs amendements des termes du contrat, espacés dans le temps.

également mieux perçues par les actionnaires. Ainsi, la certification de la qualité d’un emprunteur par son ou ses prêteur(s) lors de la mise en place d’un financement bancaire semble également jouer lorsque le contrat de crédit initial est renégocié. Cela contribue à valider et renforcer le rôle d’expertise dans la production et le traitement de l’information par les banques, au bénéfice de l’ensemble des investisseurs externes à l’entreprise. Ce résultat renforce également les conclusions concernant l’efficacité potentielle de la dynamique de renégociation en Europe. En outre, de nombreux facteurs pèsent dans le processus de renégociation : les caractéristiques initiales du contrat de dette et du processus de renégociation, ainsi que la qualité de l’environnement juridique, les caractéristiques de l’industrie bancaire et des marchés financiers.

La renégociation semble plus efficace lorsque, par exemple, les apporteurs de fonds bénéficient d’une meilleure protection légale, le secteur bancaire est plus robuste et concurrentiel, et lorsque les marchés financiers (actions et obligations) sont développés. En somme, la renégociation des prêts bancaires en Europe semble faire partie intégrante de la relation banque-entreprise et permet d’adapter le contrat de dette à l’évolution de l’entreprise et de l’économie. Ces résultats ont une portée importante pour l’ensemble des investisseurs. Les entreprises bénéficient de conditions plus optimales pour se financer par dette bancaire. Les banques peuvent mieux gérer leurs engagements et donc leurs risques en ajustant de manière plus efficace leurs provisions et leurs fonds propres. Les investisseurs sur les marchés peuvent accéder de façon indirecte à de l’information privilégiée sur la qualité des entreprises en observant les décisions et les contenus des renégociations. Enfin, les autorités publiques peuvent tenter d’améliorer le financement bancaire des entreprises en mettant en place des cadres réglementaire et juridique adaptés.

Christophe J. Godlewski Professeur de finance UHA & EM Strasbourg (LaRGE)

photos © Thinkstock

L’ART ET LA MANIÈRE DE MARIER LES EXPERTISES Choisir Mazars, c’est privilégier l’excellence d’un partenaire qui vous accompagne à chaque étape de votre développement. C’est aussi la garantie d’un engagement de chaque instant, d’une écoute et d’une compréhension fine de vos enjeux. Mazars à vos côtés, ce sont des équipes animées par une même exigence de qualité et de résultat partout dans le monde qui conjuguent leurs expertises en audit, consulting, fiscalité, solutions comptables opérationnelles, conseil en finance et transactions. Mazars, c’est l’art et la manière d’optimiser vos performances en conjuguant expertise et proximité.

Mazars est un groupe international d’audit, de conseil, d’expertise comptable et de services fiscaux et juridiques qui fédère les compétences de 13 800 professionnels dans 72 pays. L’offre conseil de Mazars reflète l’ambition pluridisciplinaire du Groupe : faire bénéficier ses clients - grandes sociétés internationales, PME et organismes publics - de solutions globales et sur mesure qui les aident à mettre en œuvre une dynamique de croissance durable.

www.mazars.fr

DANS L’ACTUALITÉ

Peugeot :

Transmission d’entreprise

une histoire de famille Les graves difficultés rencontrées par la célèbre marque au Lion sont pour une bonne part liées à des conflits familiaux, qui se sont amplifiés à la suite du décès de Pierre Peugeot. Bref retour sur les événements, et leçons à en tirer en matière de transmissions d’entreprise.

L

orsque Pierre Peugeot décède en décembre  2002, il a 72 ans, mais n’a pas préparé sa succession. Une situation très étonnante pour une entreprise du CAC 40, fleuron de l’industrie française, par ailleurs dynastie très ancienne, dans les mains de la famille du fondateur depuis 8 générations. C’est un drame familial et il faudra plus de deux semaines pour régler la succession à la tête de PSA. Boileau, l’homme de

Affectio societatis, affectio familiae L’Affectio societatis est le sentiment éprouvé par les actionnaires, de participer à une œuvre commune. L’Affectio familiae représente l’attachement à la famille. Dans les entreprises familiales, les deux affects s’entremêlent de manière parfois conflictuelle. Il est vital de séparer les lieux où se discuteront d’une part les affaires de l’entreprise, et d’autre part, les affaires de famille.

6 I Les Carnets du management I rentrée 2014

confiance de Pierre, organise une médiation entre deux cousins qui souhaitent présider le conseil de surveillance : Robert et Thierry Peugeot. Il propose une répartition de la gouvernance entre les trois branches de la famille. Thierry, le fils de Pierre, obtient la présidence du conseil de surveillance de PSA. Robert, le neveu, la présidence de la Foncière et Financière de participation (FFP), principal actionnaire de PSA. Jean-Philippe, de la troisième branche, la présidence des Établissements Peugeot Frères, qui détiennent 80 % de la FFP. Cette gouvernance à trois têtes qui peut se justifier sur le plan fiscal implique une entente entre les cousins, ce qui est loin d’être le cas entre Robert et Thierry. Au-delà de cette imbrication dommageable des responsabilités, ce sont aussi des conflits de valeur qui ont plombé l’entreprise. Peugeot est une entreprise « rhénane », avec une culture spécifique. La conservation du contrôle au sein de la famille est importante. Elle permet de mener une politique de long terme, et de financer le développement par l’autofinancement, avec une distribution raisonnable de dividendes. L’ancrage régional est une valeur forte, ainsi que l’ancrage national. Thierry Peugeot vit à Sochaux, et ses valeurs lui sont particulièrement chères. Il s’opposera à plusieurs reprises à des projets

Entreprise Rhénane Le concept d’entreprise rhénane fait référence au livre de Michel Albert, Capitalisme contre capitalisme et aux travaux de Michel Hau sur l’entreprise rhénane. C’est une entreprise familiale transgénérationnelle, ancrée dans un territoire, dont l’horizon est le long terme, fortement innovante, internationalisée et avec un désir de transmettre l’entreprise aux générations futures qui encourage à une gestion prudente et efficace des capitaux.

de délocalisation proposés par les présidents du directoire successifs, amenant Jean Martin Folz à démissionner en 2006. Après cette démission, Thierry s’oppose publiquement au projet de Robert de prendre la tête du directoire. Le conflit entre au conseil de surveillance, alors qu’il devrait rester dans le cadre familial. En fait, deux logiques s’opposent, l’Affectio familiae qui concerne les relations intrafamiliales et l’Affectio societatis qui concerne les relations famille-entreprise.

EN TERMES DE MANAGEMENT, QUELQUES LEÇONS À TIRER Une succession doit se préparer très en amont et le dirigeant doit savoir laisser la direction à son successeur. L’exemple de François Pinault est à cet égard hors

Capitalisme familial : des pépites à découvrir Peu de gens ignorent en France la saga des Michelin à Clermont-Ferrand ou des Mulliez à Lille. Beaucoup connaissent aussi les réussites d’entreprises familiales telles qu’Hermès dans le luxe, Bic dans les stylos, ou Bonduelle dans la conserverie. Mais certaines sociétés très discrètes méritent d’être mieux mises en lumière. Lesaffre, entreprise aux mains de la même famille depuis six générations, leader mondial de la levure, fait chaque jour lever un pain sur trois produits sur la planète.

normes. Il a confié les clés de l’entreprise à son fils, avouant ensuite qu’il avait souffert le martyre pendant les premiers six mois. Un leader est indispensable. La répartition des pouvoirs entre héritiers au sein des différentes instances est très fréquente pour des raisons d’optimisation fiscale, mais trop souvent sans véritable réflexion sur ses conséquences, notamment en termes de gouvernance.

L’Alsace est particulièrement riche en entreprises familiales performantes. Soprema par exemple, numéro 3 mondial de l’étanchéité des toitures, dirigé par les Bindschleder depuis quatre générations, sacrés entrepreneurs français de l’année 2013 par Ernst and Young. Citons aussi Tryba (fenêtres), Lingenheld (numéro un du BTP en Alsace), FM Logistic, en plein développement à l’international (1er du secteur en Russie), SALM (cuisines Schmidt) dirigé par la petite-fille du fondateur…

L’attachement à des valeurs familiales peut parfois se révéler contre-productif. Renault par exemple a bien davantage délocalisé que Peugeot, ce qui l’a aidé à mieux résister aux évolutions du marché. Les Peugeot, par souci de ne pas perdre le contrôle familial, n’ont pas su non plus ouvrir leur capital à des périodes où ils auraient pu le faire dans des conditions plus favorables, en s’alliant par exemple avec BMW ou Mitsubishi. Ils ont été contraints au final d’accepter des prises de participation de l’État français et de la société chinoise Dong Feng.❚

L’AUTEUR Patrice Charlier Responsable de la chaire Transmission d’entreprises créée en 2011 à l’EM Strasbourg, membre du conseil scientifique du « Family business Network », qui réunit dirigeants d’entreprises familiales et universitaires, Patrice Charlier organise régulièrement des conférences ouvertes au public sur le capitalisme familial et ses spécificités. Il coordonne un groupe d’échanges sur la gouvernance avec des dirigeants d’entreprises familiales de l’axe rhénan.

Réhabiliter les héritiers Le discours politique dominant en France est actuellement favorable aux créateurs d’entreprises et de manière générale, hostile à la figure des héritiers. La situation n’a rien à voir en Allemagne. Le climat est tel qu’une entreprise française sur dix seulement est transmise par le créateur à un de ses descendants (source : OséoBPI). Est-ce un bien ? Les héritiers ne sont pas tous compétents. Mais beaucoup d’entreprises familiales ferment quand leurs fondateurs se retirent ou décèdent. Les rachats par de nouveaux propriétaires s’avèrent parfois impossibles. Le décès du dirigeant est en France la deuxième cause de faillite. Or on sait que le taux de succès des entreprises nouvelles est beaucoup plus faible que celui des entreprises reprises. En Allemagne, les transmissions des entreprises au sein de la famille sont quatre fois plus fréquentes qu’en France. Les très nombreuses familles ne comptant qu’un enfant simplifient sûrement les successions. La culture allemande, plus entrepreneuriale, joue un rôle. Mais c’est probablement la réglementation qui fait la différence. Depuis une loi votée sous le gouvernement de Gerhard Schröder, les héritiers, sous certaines conditions de maintien de l’emploi, peuvent être exonérés de droits de succession lors de la transmission de l’entreprise.

rentrée 2014 I Les Carnets du management I 7

NOUVEAUX COMPORTEMENTS Conso

La pub

a du chien !

Comment réagissons-nous à la présence d’animaux dans les messages publicitaires ? Le marketing peut-il valoriser davantage l’attention qu’ils suscitent au détour d’un spot ou d’une affiche ? Aperçu d’une recherche en cours.

« L’animal ne laisse personne insensible. Que le récepteur d’une publicité mettant en scène des animaux soit ou non lui-même propriétaire d’un animal et quelle que soit son appréciation du message commercial, des réactions se manifestent : plaisir ou déplaisir, acceptation ou rejet », explique Agnès Walser-Luchesi. La chercheuse et sa coauteur ont d’ores et déjà identifié plusieurs mécanismes de valorisation autour des animaux en publicité, « qu’il faut rapprocher des profils des récepteurs  » (voir encadré) : jouer sur l’attractivité de l’animal qui capte spontanément l’attention ; jouer sur les émotions, les relations homme-animal, l’affect ; jouer l’humour, l’improbable, «  l’animal dans une situation que l’humain ne peut s’autoriser  ». Néanmoins, l’animal en publicité est à « manier » avec précaution, car « le récepteur, peu importe son profil, ne tolère pas qu’une marque fasse n’importe quoi avec un animal ». 8 I Les Carnets du management I rentrée 2014

Les concepteurs publicitaires recourent volontiers aux animaux dans leurs messages, en particulier aux États-Unis, mais, de leur propre constat, n’analysent pas forcément les incidences de ces mises en scène, poursuit Agnès Walser-Luchesi. Cela fonctionne, voilà tout ! D’où l’origine d’une recherche « autant destinée à enrichir la connaissance académique que les pratiques en marketing et publicité ».

HUMOUR ET SURPRISE Agnès Walser-Luchesi se concentre sur l’animal domestique ou sauvage, acteur et promoteur d’un produit dont il n’est pas destinataire. Exemple, Toby, le chien acteur de la saga familiale Crédit mutuel, qui vante notamment une offre de téléphonie. Mais aussi « l’ours blanc comme symbole de la protection naturelle pour vanter un aliment ou un produit cosmétique », ou, pourquoi pas, de célèbres marmottes à qui l’on prête infiniment de talents… La recherche a ainsi permis d’analyser les réactions d’une vingtaine de personnes à une publicité anglo-saxonne : dans une cuisine, un chien engloutit le sandwich de son maître sorti quelques instants, et son soda, d’une marque emblématique, puis met le chat sur la table pour se disculper. « Pour les récepteurs qui se disent “enchantés”, le message a été perçu pour son humour, l’effet de surprise final du chien plus rusé que le chat,

64 MILLIONS D’HABITANTS, 61 MILLIONS D’ANIMAUX   DE COMPAGNIE… une lecture au second degré qui ne discrimine pas les sphères animale et humaine, expliquet-elle. Au premier degré, les récepteurs dits “désenchantés” ont notamment pointé leur incompréhension du scénario utilisant les animaux, ou encore l’invraisemblance du chien absorbant une boisson gazeuse. » Cela étant, les deux catégories ont été sensibles à cette mise en scène, qu’elle induise chez eux plaisir ou déplaisir. « Et, ensemble, ces catégories étaient majoritaires dans l’étude. »

LA SYMBOLIQUE ANIMALIÈRE Selon la chercheuse, qui entreprend de mesurer finement l’effet de l’animal sur la persuasion publicitaire, il est quelque peu risqué de lier l’animal au produit pour promouvoir celui-ci. Un ours polaire et un laitage… Interviennent ici la symbolique, « qui diffère très sensiblement selon les cultures et les territoires », et éventuellement l’identification à l’animal, au risque

de déplaire radicalement. « La symbolique animalière est encore peu explorée, conclut Agnès Walser-Luchesi, de même que le rôle de l’animal dans la société. » Elle a quelques projets en la matière…

En France, les deux tiers des ménages possèdent un animal.

LES AUTEURS Agnès Walser-Luchesi est maître de conférences en sciences de gestion HDR, responsable du Master2 Marketing et Écoute des Marchés. Parmi ses sujets de recherche :

-Analyse du prix, perception des prix, fixation des prix

- Étude des représentations mentales - Écoute des marchés

- Méthodes qualitatives Dans cette recherche, Agnès Walser-Luchesi est associée à un co-auteur. Béatrice Canel-Depitre est maître de conférences HDR en sciences de gestion à l’université du Havre, au laboratoire Nimec.

Quel récepteur êtes-vous ? Plutôt spéciste ou anthropomorphiste ? « L’animal acteur n’en laisse aucun indifférent », explique Agnès Walser-Luchesi, qui a catégorisé les profils des récepteurs – vous et moi. Toutefois, confronté à 3 publicités distinctes, l’anthropomorphiste fait valoir l’intégration de l’animal dans la société et la famille, l’identification, l’humanisation et/ou la personnification, quand le spéciste souligne son indifférence, ou encore son refus face à la présence de l’animal. Ce qui ne l’empêche pas d’éventuellement en posséder un, « mais chacun doit tenir sa place ». Par ailleurs, posséder ou non un animal n’apparaît pas un critère discriminant dans la perception des pubs. « On n’observe pas a priori de manifestations d’anthropomorphisme ou d’anti-anthropomorphisme associées à cela. »

rentrée 2014 I Les Carnets du management I 9

NOUVEAUX COMPORTEMENTS Conso

79 %

des titulaires utilisent leur carte au moins une fois par semaine en paiement, 58 % en retrait, un des plus forts taux d’utilisation en Europe. Chez les 25-34 ans, le taux atteint jusqu’à

90 %

en paiement, 78 % en retrait.

Source GIE CB – 2006

Les Français considèrent majoritairement la carte bancaire comme leur moyen de paiement préféré,

73 %

des porteurs la privilégient.

/

« La carte bancaire a une double fonction contradictoire : le retrait, qui favorise l’usage d’espèces, et le paiement, qui diminue objectivement le recours aux espèces »

10 I Les Carnets du management I rentrée 2014

Dis-moi comment tu paies, je te dirai (peut-être) qui tu es…

En France, cela fait belle lurette que l’on « ne part plus sans elle », pour paraphraser un slogan des années 1990 : en volume de paiements, la carte bancaire a supplanté le chèque en 2001. Lequel, contre toute attente, n’a pas disparu, pas plus que la monnaie. « Rien n’indique qu’espèces et chèques disparaîtront à terme. Ne serait-ce que parce que la monnaie fiduciaire, notamment, permet l’anonymat des transactions. La traçabilité est un frein objectif à l’électronisation des dépenses. D’ailleurs, la création récente de cartes de paiement dépourvues de nom de titulaire prouve que nos concitoyens sont attachés à une certaine confidentialité ! » Abel François étudie depuis plus de dix ans les comportements des commerçants et des consommateurs concernant l’ensemble des moyens de paiement. En particulier dans le cadre de contrats de recherche avec le groupement Carte bancaire1 et Telecom Paris Tech. « La perspective est de comprendre et exploiter les données statistiques. » Outre les sondages nationaux, l’un des projets a consisté à confier des carnets de dépenses à un panel de 1 400 personnes, un autre à analyser les attitudes de 4 600 marchands et leur acceptation des divers modes de paiements.

QUI EST FAVORABLE À LA CARTE BANCAIRE ? - Chez les consommateurs, la typologie se fait à l’usage. En l’occurrence, le porteur est plutôt jeune, éduqué, urbain, disposant de revenus, et fréquente les enseignes de marques. En miroir, sont plus réfractaires les ruraux plutôt âgés qui privilégient le commerce de proximité. Reste néanmoins un taux d’équipement magistral : 90 à 92 %. - Côté commerçants : les enseignes à fort chiffre d’affaires, celles à gros volumes de transactions, les commerçants sur des marchés concurrentiels.

On observe aussi un effet d’incitation. Dans des secteurs géographiques où la plupart des commerçants sont équipés, tous finissent par en faire autant. Taux d’équipement en terminaux : 60 %, donc de vraies marges de progression, par exemple parmi les professions libérales, juridiques et de santé.

QUELLES SONT LES TENDANCES À L’HEURE ACTUELLE ? À moins de 10 €, nous privilégions les espèces ; au-dessus, la carte bancaire. Pour les montants supérieurs à 200 ou 300 €, le chèque remplit toujours son office. Un constat lié à la complexité des prix : il faut au minimum 7 pièces pour régler un achat de 1,99 € ! Une invitation à délaisser les pièces. Aujourd’hui, la carte grignote des deux côtés, les tout petits et les gros montants. Les commissions d’interchange2 ont baissé en 2011, les enseignes, particulièrement les grandes surfaces ou la restauration rapide, ont en conséquence supprimé leurs seuils et acceptent désormais la carte au premier euro ou presque, quand elles ne créent pas leurs propres organismes bancaires. Pour ces enseignes, les petits montants représentent peu en valeur, mais un

Conso

LA CARTE BANCAIRE ET NOUS (Source : Chiffres 2 012 – GIE CB)

60.6

319,6 MILLIONS   de paiements à l’étranger soit

20,1 MILLIARDS D’EUROS

MILLIONS de cartes CB en France

8,10 MILLIARDS  

(+ 1 % en 2012)

de paiements, soit

385,2 MILLIARDS D’EUROS

517,4 MILLIONS

1,54 MILLIARD

34,4 MILLIARDS D’EUROS

121,6 MILLIARDS D’EUROS

de paiements en ligne, soit

gain de temps substantiel au passage en caisse. Ce phénomène se renforce avec le paiement sans contact (voir encadré). À l’autre bout du spectre, l’électronisation des dépenses s’accroît aussi pour les montants importants, grâce à internet, pour les achats de voyages, de meubles…

L’AUTEUR Abel François est maître de conférences, professeur associé à l’EM Strasbourg. Docteur en sciences économiques, il enseigne l’économie générale, l’économie européenne et les politiques économiques. Parmi ses sujets de recherche en microéconomie bancaire : économie des instruments et des systèmes de paiement, surendettement des ménages, et transferts monétaires des migrants.

de retraits DAB soit

Le paiement sans contact, c’est déjà demain 22 millions de cartes bancaires sans contact circulent en France, soit un tiers du parc total. Elles sont actuellement acceptées chez 140 000 commerçants. Les terminaux de paiement, TPE, se modernisent progressivement. Le potentiel est donc aussi important : le Forum des services mobiles sans contact prévoit entre 50 et 100 millions d’actes d’achat sans contact en 2014. « En la matière, Strasbourg est pionnière, avec Caen et Nice », dit Abel François. Labellisée territoire leader du mobile sans contact, Strasbourg offre ainsi le paiement sans contact par téléphone et carte bancaire, système NFC Cityzi, sur l’ensemble de son parc d’horodateurs, une première française et mondiale selon NFC. C’est aussi à Strasbourg qu’a été lancé Orange Cash, qui permet de payer ses emplettes par mobile compatible NFC, de manière sécurisée. « Là, il existe en l’occurrence plusieurs systèmes de paiement via mobile, et pas encore d’interopérabilité. » (Sources : « Aujourd’hui en France » 17 février 2014/GIE CB/NFC) 1 Le groupement d’intérêt économique (GIE) CB regroupe près de 130 établissements de crédit ou de paiement et recouvre environ 80 % des transactions. Ses missions sont d’assurer la conformité, la surveillance et la promotion du système CB, ainsi que le développement de produits et services.

2 La commission d’interchange est celle que la banque dite acquéreuse, celle du commerçant, verse à la banque émettrice, celle du consommateur, à l’occasion de chaque transaction.

rentrée 2014 I Les Carnets du management I 11

NOUVEAUX COMPORTEMENTS Conso

Écolabels : qu’importe la certification… Prenez un produit d’une marque emblématique, riche de deux écolabels. Puis soumettez le tout, la marque et les écolabels, à l’appréciation de consommateurs. Le résultat, assez inattendu, vaut clairement pour ses implications en marketing… « Il y a consensus dans la production scientifique, les consommateurs accordent davantage leur confiance à un label ou une certification officiels », observe Sihem Dekhili. Ce constat demeure-t-il valide alors que foisonnent littéralement les certifications, certaines délivrées par des organismes indépendants, d’autres émanant des marques elles-mêmes, « et le constat est-il valide si le label accompagne une marque à forte notoriété ? ». Pas forcément, avance la chercheuse. Il serait ainsi envisageable de capitaliser sur une marque appuyée

par un label maison, et de faire l’économie d’une certification officielle. Objet d’études, le café Nespresso*. Produit de consommation très courante, notoriété internationale, image plutôt positive. En outre, la marque valorise de la même façon deux certifications, «  l’écolabel Fairtrade, le plus connu, et son propre programme de développement durable, Ecolaboration ». Voilà qui est particulièrement approprié au question­ nement : « examiner l’inter­action marque/ écolabel et l’inter­ relation entre ces deux attributs ».

POURVU QU’ON AIT UN LABEL ? Sihem Dekhili concède son étonnement à l’analyse des résultats, qui font singulièrement vaciller l’hypothèse de départ. Les consommateurs du panel ont clairement plébiscité un café labellisé plutôt que dépourvu de certification, mais « en accordant leur préférence à l’identique aux deux labels, celui de la marque et Fairtrade ». Identifiable par son logo vert et bleu, Fairtrade bénéficie d’un incontestable capital de sympathie en France. Chez les consommateurs, cette sympathie s’oriente apparemment tout autant vers l’affichage écologique de Nespresso. Toute marque pourrait-elle ainsi se passer d’une démarche exi12 I Les Carnets du management I rentrée 2014

geante et récurrente de certification, au profit d’une auto-labellisation, dont le cahier des charges et les objectifs sont élaborés et validés en interne ? Pas sûr, mais la réflexion est ouverte. Pour sa part, Sihem Dekhili prévoit maintenant « de prolonger la recherche en ciblant plusieurs marques de notoriétés différentes ».

L’AUTEUR Sihem Dekhili est maître de conférences HDR en marketing à l’EM Strasbourg, responsable du master 2 Ingénierie d’affaires. Ses recherches portent notamment sur :

- Stratégies d’éco-certification et confiance des consommateurs - Labels de qualité et politique de prix - Comportements des consommateurs vis-àvis des produits écologiques * La recherche mentionnée a été menée en collaboration avec Mohamed Akli Achabou : enseignant-chercheur en stratégie à l’IPAG Paris.

134 consommateurs Menée au moyen de questionnaires, l’expérimentation a consisté à proposer la marque à 134 participants, respectivement avec label officiel, avec label « maison », sans aucun label. « Pour une méthodologie aussi concrète et réaliste que possible », trois variantes de prix ont par ailleurs été intégrées, 35, 37 et 39 euros pour 100 capsules. « De fait, autour d’une même marque, nous avons exposé les consommateurs à toutes les combinaisons envisageables d’éco-affichage et de prix. »

DÉCRYPTAGE Conso

Le consommateur digital est-il un consommateur heureux ?

Le scandale provoqué par la révélation du système de surveillance et de fichage des internautes par les services de renseignement américains (NSA) a jeté une lumière crue sur le manque de protection des données individuelles divulguées sur la Toile. Mais au-delà de cette affaire précise, le commerce de ces données est devenu une source essentielle de revenus pour de nombreux acteurs du Net. Et les internautes qui utilisent des outils aussi communs que Facebook ou Google ont conscience qu’ils ne peuvent échapper au repérage systématique de leurs actions et préférences.

dévoiler trop d’informations, et que la personnalisation des offres dont ils bénéficient ne compense pas l’intrusion dans la vie privée, cette impression d’être espionné sans pouvoir s’en défendre », analyse Lars Meyer-Waarden.

Les sites d’avis, regorgeant de publicités masquées, et les comparateurs de prix, financés par de la publicité, ne sont plus aujourd’hui considérés comme fiables. Le manque de sécurité des transactions est aussi dénoncé : piratage, usurpations d’identité… Face à ces risques, de plus en plus ressentis, quels avantages ?

La consommation en ligne est devenue un phénomène massif. Le professeur Lars Meyer-Waarden et son équipe étudient son impact sur le bien-être des acheteurs. Pas si positif qu’on aurait pu l’imaginer…

L

a Toile donne accès à une multitude de biens et services, offerts par des prestataires du monde entier, qu’aucun acheteur ne pourra jamais trouver dans les boutiques de son village ou de son quartier. Difficile de choisir parmi cette offre bouillonnante ? De multiples outils sont à disposition pour se déterminer : comparateurs de prix, avis en ligne des internautes, interactions sur les forums… Pas étonnant si le développement de la consommation en ligne a suscité de grandes espérances. Mais le bilan est aujourd’hui plus que mitigé, la consommation digitale engendre au final plus de stress que de satisfaction, révèle Lars Meyer-Waarden de l’EM Strasbourg, à l’issue d’une enquête* menée aux États-Unis, pays pionnier dans le domaine.

SURVEILLANCE ET FICHAGE « À court terme, les consommateurs se disent satisfaits. Ils se sentent mieux informés, considèrent qu’ils ont plus d’autonomie dans leurs achats. Ils peuvent obtenir des produits plus précisément adaptés à leurs besoins qu’en magasin. Mais sur le long terme, on voit aujourd’hui que leur bien-être global diminue. Les consommateurs trouvent qu’ils doivent rentrée 2014 I Les Carnets du management I 13

DÉCRYPTAGE

La méthode Pour nourrir cette recherche, 1 500 personnes représentatives de la population des États-Unis ont été questionnées par la société d’études on-line Research Now. « Nous avons utilisé des méthodes innovantes de mesure du bien-être (baromètre Gallup), mises au point ces dernières années par des économistes, pour compléter l’approche traditionnelle, où la croissance d’une activité est considérée comme positive, par principe, quelles qu’en soient les conséquences humaines  », explique Lars Meyer-Waarden, qui promeut de manière plus globale une nouvelle approche du marketing (dans le courant de la « Transformative Consumer Research »), mettant au centre, non plus les seuls critères économiques, ventes, parts de marché, profitabilité, mais l’accroissement du bien-être du consommateur sur le long terme.

La diversification des produits proposés au grand public n’est pas aussi importante qu’on pouvait l’imaginer il y a quelques années. À côté d’une offre très éparpillée, de nouveaux « blockbusters » ont émergé, produits vendus en masse sans que la commercialisation via Internet apporte une valeur ajoutée particulière. Il y a plus grave. « Seul un quart des personnes interrogées aux États-Unis ont déclaré qu’elles étaient satisfaites des offres personnalisées envoyées par les annonceurs qui disposaient de leur historique d’achat », affirme Lars Meyer-Waarden.

PAS FACILE DE SUIVRE L’ÉVOLUTION TECHNOLOGIQUE L’enquête a mis en évidence d’autres phénomènes de plus en plus problématiques. L’addiction aux écrans atteint de nombreuses personnes interrogées. Après 45 ans, des difficultés spécifiques apparaissent. Beaucoup de consommateurs disent craindre de ne pas parvenir à suivre 14 I Les Carnets du management I rentrée 2014

l’évolution des technologies, à se servir des nouvelles applications. Ils se sentent perdus. Or, le sentiment de compétence joue un rôle important en matière de bienêtre des consommateurs. Quant à ceux qui n’ont pas d’accès à Internet, ils deviennent d’emblée exclus d’une grande partie des possibilités globales d’achat. Au final, cette enquête auprès des consommateurs américains peut laisser songeur quant aux bénéfices des ventes en ligne, considérées il y a peu comme une panacée. La situation est-elle similaire en Europe ? Une nouvelle étude a été lancée au printemps 2014, en France et en Allemagne, par l’équipe de recherche de Lars MeyerWaarden et Martin Klarmann, pour mieux comprendre encore les liens entre usage des technologies numériques et bien-être des consommateurs. Il s’agit aussi d’explorer d’autres modèles, qui pourraient accroître ce bien-être.

LES AUTEURS DE L’ENQUÊTE Lars Meyer-Waarden est professeur agrégé des universités en sciences de gestion, à l’EM Strasbourg et responsable de l’axe de recherche Marketing & Information and communication technologies au sein du laboratoire Humanis. Andreas Munzel est maître de conférences à l’IAE Toulouse.

Martin Klarmann est professeur au Karlsruhe Institute of Technology, en Allemagne.

*  Étude menée en collaboration avec Andreas Munzel de l’IAE de Toulouse, et le professeur Martin Klarmann, du Karlsruhe Institute of Techno­ logy, en Allemagne.

La mesure du bien-être : un concept qui vient de l’économie Jusqu’à quel point le Produit Intérieur Brut est-il un bon indicateur du bien-être dans un pays ? Comment affiner les données pour passer d’une mesure de la seule production marchande à une mesure plus ambitieuse, tenant compte de la qualité de vie perçue, de la santé, du bonheur ? Telles étaient les questions posées à la Commission Stiglitz, mise en place en juin 2008 à l’initiative du président français Nicolas Sarkozy. Elle rassemblait, outre le Prix Nobel d’économie Joseph Stiglitz, d’autres noms prestigieux, comme Amartya Sen, Nobel lui aussi, ou le Français Jean-Paul Fitoussi, de l’OFCE. Le rapport final a préconisé notamment d’accorder plus d’importance, dans les statistiques économiques, à la qualité de la vie et au développement durable. Un défi difficile, auquel de plus en plus de chercheurs se confrontent.

RECHERCHES CROISÉES Finance comportementale

Prise de décision :

ce que les singes nous apprennent de nous…

E

Pourquoi les acteurs économiques agissent-ils si souvent de manière irrationnelle ? Pour tenter, entre autres, de comprendre les traders, Marie-Hélène Broihanne, professeur de finance, étudie les réactions des capucins, des chimpanzés et des orangsoutans…

nfant, elle s’était fait mordre par un singe lors d’une visite de Rocamadour. MarieHélène Broihanne n’est pas rancunière. Elle consacre désormais une bonne partie de ses recherches à l’étude des décisions des primates non humains. Peut-être ne saurat-elle jamais pourquoi elle a été mordue. Mais elle apprend chaque semaine davantage sur les comportements « économiques » des singes : leur capacité d’anticipation, la notion qu’ils peuvent avoir de la réciprocité, leur relation au risque, à l’incertitude… C’est Valérie Dufour, spécialiste en éthologie évolutive, qui l’a amenée à ces travaux atypiques. « J’avais rencontré un soigneur qui entraînait un capucin brun à échanger des grains de raisin contre des cailloux. Cette expérience me fascinait, je me demandais ce que le singe pouvait vraiment comprendre. C’est ainsi que tout a commencé. J’ai repéré les compétences en finance comportementale de MarieHélène Broihanne, et nous nous sommes lancées ensemble en 2007 », explique la jeune biologiste. Les chercheuses étudient par exemple la capacité d’attente des singes. Combien de temps peuvent-ils patienter un biscuit à la main, sachant qu’on leur en donnera davantage s’ils ne le mangent pas tout de rentrée 2014 I Les Carnets du management I 15

RECHERCHES CROISÉES Finance comportementale

Glossaire Ambiguïté ou incertitude Si l’on ignore les probabilités de gain et de perte lorsqu’on intervient, il ne s’agit plus dans le langage mathématique d’une situation de risque, mais d’une situation d’ambiguïté ou d’incertitude.

Éthologie L’éthologie est l’étude du comportement des différentes espèces animales, y compris des humains. Des scientifiques célèbres comme Charles Darwin ont marqué cette branche zoologique de la biologie. Les comportements communs à une même espèce, indépendants de l’apprentissage par imitation entre congénères, intéressent tout particulièrement les chercheurs.

Psychologie cognitive En se basant sur l’analyse des comportements, la psychologie cognitive étudie l’activité mentale des individus : la perception, l’attention, la mémoire, le raisonnement… Elle utilise préférentiellement l’expérimentation de terrain, notamment la mesure des temps de réaction, le temps nécessaire à une opération, la précision des réponses. Les résultats des expériences sont modélisés à l’aide d’outils mathématiques, afin de mettre des régularités en évidence.

Risque Dans le langage scientifique, on court un « risque » lorsqu’on parie en connaissant la probabilité de gain et de perte.

16 I Les Carnets du management I rentrée 2014

suite ? Un chimpanzé peut surseoir environ un quart d’heure, exactement ce que fait un enfant humain de cinq ans. Un enfant plus jeune ne tiendra pas aussi longtemps. « Le fait de leur montrer l’exemple, de tenter de les influencer, n’a aucun effet. Cela correspond à un stade général d’apprentissage », observe Marie-Hélène Broihanne. Ce type d’expérience peut paraître un tantinet bizarre. Mais dans un contexte de crise économique prolongée, à la suite de l’écroulement brutal des marchés financiers, l’étude des comportements économiques et tout particulièrement des mécanismes de prise de décision est au contraire d’une brûlante actualité.

DÉCISION DANS LE RISQUE Non, les acteurs ne sont pas rationnels, comme le posait autrefois la théorie. Et les primates non humains peuvent nous apprendre beaucoup sur la part de nos comportements issue d’un apprentissage, et celle qui s’enracine dans l’évolution des espèces, et peut donc difficilement être modifiée. « Nous utilisons des méthodologies et des connaissances issues de différentes disciplines, éthologie des primates, psychologie cognitive,

théorie de la décision, et analysons ainsi les choix en situation de risque, aussi bien chez les singes que chez les humains, enfants et adultes. Nos premiers résultats ont été obtenus dans le cadre d’une recherche précisément intitulée « Les bases biologiques des décisions économiques » financée par l’Agence nationale de la recherche entre 2009 et 2012 », expose Marie-Hélène Broihanne. La question du risque est au cœur des travaux menés par les deux chercheuses. « Nous réalisons des expériences type. Nous offrons aux singes un petit gâteau qu’ils peuvent choisir de conserver (l’option sans risque), ou bien d’échanger (l’option risquée) contre le contenu d’une des six coupelles qu’on leur montre et qui contiennent chacune des gâteaux de tailles différentes  », explique MarieHélène Broihanne. Les singes participent en général volontiers à ces sortes de loteries, en particulier les macaques naturellement très joueurs. Les chercheuses étudient alors leurs réactions, analysées en comparaison à celles des humains. L’aversion aux pertes, par exemple, est avérée chez les uns comme chez les autres. S’il perd 100 euros, un humain ressentira une telle frustration qu’il aura besoin de gagner ensuite 225 euros pour se sentir à nouveau bien. Les perceptions des singes sont très proches.

Les 5 macaques les mieux entraînés d’Europe « Ce sont de vrais gamblers. On leur offre le casino tous les après-midi », s’amuse Valérie Dufour. Grâce à leur collaboration avec le Max-Planck Institute for Evolutionnary Anthropology de Leipzig et le Centre national de la recherche de Rome, les deux chercheuses strasbourgeoises disposent d’une vingtaine de singes, la plus grosse cohorte d’animaux entraînés au monde. Un atout majeur pour la progression de leurs travaux.

D’autres biais comportementaux ont été mis en évidence. S’ils étaient aussi rationnels qu’ils le croient, les hommes auraient ainsi intérêt par exemple à vendre, quand les prix montent, et à acheter, quand les cours baissent. Or, ils sont très nombreux à faire le contraire. C’est ce que les chercheurs en finance appellent le « biais de disposition ».

De nouvelles pistes de recherche s’ouvrent aujourd’hui aux deux acolytes. « Les résultats de nos premiers travaux ont intéressé des revues scientifiques prestigieuses, ce qui va nous donner la possibilité de travailler à plus grande échelle. Au-delà du comportement vis-à-vis du risque, nous voulons étudier maintenant le comportement des primates, humains et non humains, en situation d’incertitude », expose Marie-Hélène Broihanne.

Beaucoup augmentent aussi les mises quand ils commencent à gagner, et se retirent du jeu quand ils perdent. Exactement comme les singes, et contrairement à tout raisonnement raisonnable !

LES AUTEURS DE L’ENQUÊTE

« Nous nommons cela l’effet main chaude. Nous l’avons hérité d’une longue histoire, à travers les millénaires », explique Valérie Dufour. « Nos ancêtres, il y a fort longtemps, lorsqu’ils trouvaient à manger, des fruits ou de petits animaux, avaient intérêt à tout rafler avant de prendre le risque d’aller voir ailleurs. Tant qu’ils trouvaient, ils continuaient à chercher au même endroit. C’était une question de survie de l’espèce. Les hommes et les singes ont hérité de ce même réflexe, d’origine évolutive, et donc assez difficile à modifier. »

Professeur en sciences de gestion, Marie-Hélène Broihanne co-dirige la chaire de finance comportementale de l’EM Strasbourg. Elle est responsable de la spécialisation Banque-Finance et de la majeure Finance-Comptabilité du programme Grande École de l’EM Strasbourg. Depuis 2013, elle est membre du conseil scientifique de l’Autorité des marchés financiers. Elle est co-auteur de « Finance comportementale » (éditions Economica, 2004).

DES COMPORTEMENTS ANCESTRAUX Les travaux de Marie-Hélène Broihanne et Valérie Dufour mêlent expérimentations et analyses statistiques. « J’analyse les données recueillies sur le terrain par Valérie, qui conduit les expériences avec les singes et enregistre toutes leurs réactions. Une fois ces informations mises en forme, je les compare aux données émanant de la théorie économique sur la prise de décision des humains », observe la chercheuse. « Lorsque ces résultats convergent, nous sommes face à des comportements que l’on pourrait qualifier d’innés, peu susceptibles de changer rapidement ». Marie Hélène Broihanne et Valérie Dufour ont ainsi montré que pas plus les singes que les humains n’évaluent correctement la probabilité d’un succès, même s’ils en sont préalablement informés. Les deux ont tendance à surévaluer leurs chances de gagner.

Marie-Hélène Broihanne

Valérie Dufour

Biologiste à l’Institut pluridisciplinaire Hubert Curien (CNRS Strasbourg), Valérie Dufour a intégré le CNRS après deux post-doctorats à l’Université d’Utrecht (Pays-Bas) et à l’université de St-Andrews (UK). Elle est spécialisée dans l’étude de la cognition des primates, des corvidés et canidés. Elle s’intéresse à la compréhension du temps chez l’animal, mais également aux tactiques (tricherie, coopération, troc) mises en place dans les dilemmes sociaux.

6 points à retenir

1 

Les gérants de fonds ont tendance à garder trop longtemps les titres qui chutent, en raison d’une aversion aux pertes d’origine biologique et donc difficile à surmonter. Dans ce contexte, il est pertinent d’utiliser des astuces techniques (ordres « Stop Loss ») pour déclencher les ventes à partir d’un seuil préalablement défini.

2 

Les particuliers ne doivent pas regarder trop souvent la valeur de leur portefeuille de titres cotés, au risque d’effectuer trop de transactions alors qu’il serait optimal d’attendre.

3 

La prise de conscience de ses biais cognitifs personnels est une des pistes les plus fructueuses pour améliorer ses performances financières.

4 

Les diplômes, le quotient intellectuel, les connaissances en matière de finance, permettent aussi de réduire les biais cognitifs et donc les risques de pertes.

5  6 

Les performances financières des femmes sont plus régulières que celle des hommes, mais de même niveau moyen.

Les incitations non monétaires (récompenses symboliques) jouent un rôle majeur dans la motivation des gestionnaires de fonds. Elles augmentent le niveau de prise de risque dans l’espoir d’atteindre de meilleures performances. La prise de risque, en revanche, diminue avec l’âge.

rentrée 2014 I Les Carnets du management I 17

DOSSIER Management du changement

18 I Les Carnets du management I rentrée 2014

Améliorer le management des hôpitaux : une urgence Demande de soin croissante et budgets publics à la baisse. Une optimisation du fonctionnement du secteur hospitalier est indispensable. Avec son équipe, Thierry Nobre, professeur des universités en sciences de gestion et directeur du laboratoire de recherche Humanis de l’EM Strasbourg, a mis en évidence des innovations managériales fécondes susceptibles d’être dupliquées pour sortir de la seringue. Vous êtes un des spécialistes français de la gestion hospitalière. Quelles sont les principales difficultés auxquelles les établissements de santé doivent faire face aujourd’hui ? L’enjeu principal est d’arriver à améliorer la prise en charge des patients dans un contexte budgétaire extrêmement contraint. Le gouvernement a annoncé un plan d’économie de 10 milliards d’euros dans le domaine de la santé, dont 2 milliards concernant spécifiquement le secteur hospitalier. De telles économies ne seront pas réalisables sans remise en cause de certains modes de fonctionnement. L’hôpital français souffre en particulier d’une organisation en silo, par services spécialisés, cloisonnés, avec des hiérarchies qui opposent souvent médecins, administratifs et personnels soignants. Cette structure est dysfonctionnelle et freine les évolutions rendues possibles par les nouvelles technologies médicales. Aux États-Unis par exemple, les trois quarts des actes chirurgicaux ont

désormais lieu sans hospitalisation, en ambulatoire, alors qu’en France, seulement 40 % des patients bénéficient d’une telle prise en charge. Les frais hospitaliers sont donc plus élevés, sans gain significatif en termes de santé publique, et avec une qualité moindre pour le patient. Des marges de progression importantes existent dans ce domaine. Plusieurs réformes ont été votées ces dernières années pour améliorer l’organisation. En vain ? Depuis le milieu des années 1980, on demande aux hôpitaux d’élaborer des « projets d’établissement » afin de formaliser et structurer leur politique. Les Agences régionales de santé exigent des projets de plus en plus construits. Mais ceux-ci s’appuient encore trop rarement sur de véritables études des besoins à l’échelle des territoires. La loi «  Hôpital, patients, santé et territoires  » adoptée en 2009, a permis d’améliorer quelque peu le système de gouvernance, mais

l’insuffisance des analyses menées en amont rend l’exercice de direction assez formel. Les conflits entre administratifs et médecins sont-ils toujours aussi vifs ? Jusqu’en 2005, une commission médicale d’établissement s’exprimait au nom des médecins, et le directeur prenait en compte ses avis, ou non. Les tensions étaient souvent très fortes. Ont été créés à cette date des « pôles » regroupant plusieurs services sous la responsabilité élargie de médecins. J’ai coordonné un ouvrage sur le sujet*. La réforme va dans le bon sens, mais des problèmes importants demeurent. Les médecins responsables des pôles sont toujours nommés par les directeurs, ce qui pose question. Par ailleurs, ils entendent le plus souvent continuer à exercer une activité clinique intense, ce qui ne leur donne pas une disponibilité suffisante. La grande majorité d’entre eux ont une formation au management très réduite, compte tenu des responsabilités qu’ils doivent assumer. De plus, ce nouveau système remet profondément en cause les modes de fonctionnement des équipes de direction. Ce n’est guère étonnant si les résultats ne sont pas encore au rendez-vous. * Le Management des pôles à l’hôpital, Dunod Éditions, 2013. Sous la direction de Thierry Nobre et Patrick Lambert.

rentrée 2014 I Les Carnets du management I 19

DOSSIER Management du changement

Réformer sans braquer

Thierry Nobre et ses confrères décrivent dans L’Innovation managériale à l’hôpital* 14 innovations repérées dans des établissements pilotes, susceptibles de faire évoluer le management hospitalier sans révolution. Zoom sur quatre d’entre elles.

MISE EN CONCURRENCE AVEC L’EXTÉRIEUR La situation aux Quinze Vingt était bloquée depuis des années. Une restauration de mauvaise qualité, à des prix élevés pour la collectivité. Aucune mission de conseil n’avait pu améliorer la situation. Pour sortir de l’impasse, une équipe interne a mené un benchmarking, établi QUINZE VINGT un cahier des charges et PARIS lancé un appel d’offres externe. Cette démarche a servi d’électrochoc. De manière inattendue, le service restauration a pris son destin en main et décidé de répondre à l’appel d’offres. Sa proposition a été choisie. En l’espace de cinq mois, les progrès ont été CHU spectaculaires.

BORDEAUX

UN GROUPEMENT D’INTÉRÊT ÉCONOMIQUE POUR DÉVELOPPER LA RECHERCHE CLINIQUE En Aquitaine et à l’initiative du CHU de Bordeaux, un groupement d’intérêt économique baptisé Accelence, a été créé pour favoriser le développement des essais cliniques à vocation industrielle. Le GIE a instauré un guichet unique, facilitant l’accès aux établissements de santé. Le nombre potentiel de patients concernés a été augmenté grâce à des liens avec la médecine de ville. Des actions de promotion concertée ont attiré de nouveaux industriels. Les prestations scientifiques et médicales ont été mieux valorisées.

DES FORMATIONS COMMUNES POUR APPRENDRE À TRAVAILLER ENSEMBLE À l’initiative du centre hospitalier universitaire de Besançon, un Institut de formation des personnels de santé a remplacé en 2011 l’ensemble des écoles spécialisées du secteur : pour les kinésithérapeutes, les infirmiers, les cadres de santé… Le nouvel institut propose des cursus spécifiques, mais avec des modules de formation communs, afin de dévelopCHU per le travail collectif et la pratique de BESANÇON conduite de projets transversaux chez ces professionnels appelés à collaborer tout au long de leur vie professionnelle.

HÔPITAL GRASSE

Imaginée à l’hôpital de Grasse, la Cellule d’Efficience et d’Organisation (CEFOR) accueille les propositions d’améliorations. Au cours de réunions mensuelles, cette cellule reçoit les porteurs de projets, les aide à faire progressivement mûrir leurs propositions, émet un avis argumenté sur leur faisabilité et leur opportunité. La CEFOR est composée à la fois de médecins, de responsables de l’administration, de cadre de santé et de représentants des fonctions de support stratégiques de l’hôpital, ce qui facilite la création de zone de consensus. Fonctionnant en mode projet, elle travaille dans des délais relativement courts, accompagne ensuite et contrôle la mise en œuvre des innovations sélectionnées.

* L’Innovation managériale à l’hôpital – 14 cas de mise en œuvre, sous la direction de Thierry Nobre, Dunod, 2013.

20 I Les Carnets du management I rentrée 2014

UN CABINET DE CONSEIL INTERNE POUR SOUTENIR LES SUGGESTIONS D’ÉVOLUTIONS

Fusions-acquisitions,

le secteur médico-social en ébullition Une réduction drastique du nombre d’associations est dans l’air du temps. On parle d’une diminution de 36 000 à 6 000. Une équipe de chercheurs a démarré en janvier 2014 une enquête sur cette dynamique de regroupements. Un grand nombre des associations qui accueillent actuellement les personnes âgées et les personnes porteuses de handicap ont été créées par des congrégations religieuses, des fondations philanthropiques ou sont nées de la mobilisation collective de familles concernées. Cet enracinement explique l’attachement profond des dirigeants de chacune de ces structures, à leur identité, à leur autonomie, parfois même à leurs murs. La restructuration souhaitée par le gouvernement doit tenir compte de la très grande hétérogénéité du secteur. Certaines structures n’accueillent pas plus de 12 personnes, d’autres jusqu’à 8 000 usagers ; certaines sont strictement locales, d’autres appartiennent à des réseaux nationaux. De plus, les regroupements et les fusions doivent

tenir compte de ce passé très prégnant et des pratiques de management marquées par une dimension affective exacerbée.

…la principale question posée aujourd’hui est celle de la qualité et de la sécurité des usagers, en un mot, de la bientraitance.

L’enjeu est en partie économique, il s’agit de mieux utiliser les ressources disponibles. Mais la principale question posée aujourd’hui est celle de la qualité et de la sécurité des usagers, en un mot, de la bientraitance. Entre autres, se pose la question des petites structures isolées qui ne peuvent se doter des moyens nécessaires pour répondre à ces exigences de qualité et de sécurité.

Les modes de prise en charge sont aussi amenés à évoluer. Les services ambulatoires, la prise en charge des seniors dans leur cadre de vie habituel vont se développer. Cela nécessitera des organisations adaptées, une mutualisation des fonctions support. Nos recherches ont comme objectif d’accompagner ces changements.Elles combinent plusieurs approches : des analyses exploratoires, des études approfondies de cas, et également une enquête nationale. Il s’agira au final d’aider les acteurs de terrain à conduire ces projets de transformation pour trouver leur place dans la nouvelle organisation, en gagnant en professionnalité, mais sans perdre leur identité, le sens de leur action.

LES AUTEURS DE L’ENQUÊTE Célia Lemaire

maître de conférences à l’EM Strasbourg,

Caroline Merdinger-Rumpler

maître de conférences à l’EM Strasbourg

Bruno Michel

maître de conférences à la Faculté de pharmacie de Strasbourg

Thierry Nobre

professeur à l’EM Strasbourg

rentrée 2014 I Les Carnets du management I 21

RESSOURCES HUMAINES Management de la diversité

Derrière

les apparences 2013 restera l’incontestable année du selfie, cet autoportrait auquel s’exercent même de respectables chefs d’État… Notre sujétion à l’image grandit, et avec elle, la mise en scène de soi, autour d’exigences esthétiques variées. Omniprésentes sinon omnipotentes dans les médias et les réseaux sociaux, les préoccupations d’âge et d’apparence physique seraient moins affirmées dans le monde de l’entreprise. Vraiment ?

 82 %

des Français jugent que l’apparence physique a un poids important dans la vie professionnelle (enquête Adia/Jean-François Amadieu, 2003)

Le site d’actualités nord-américain Salon vient de révéler les pratiques managériales décapantes d’un magnat de la finance récemment disparu*. On y découvre, quelque peu médusé, que cette référence absolue du business des années 1980 recrutait ses collaboratrices exclusivement sur leur physique. Pour séduire partenaires et clients, clairement. À l’exclusion de diplôme ou compétence professionnelle, les trois critères d’embauche des secrétaires et employées administratives étaient la jeunesse, la chevelure blonde et une plastique irréprochable. Le mot d’ordre de l’époque, selon l’une d’elles : « the shorter the skirt, the bigger the bonus » - la traduction semble superflue. Le reste à l’avenant : les interventions de chirurgie esthétique (liposuccion, implants mammaires…) suggérées et « sponsorisées » à l’envi par la direction, l’injonction de maigrir faite à toute secrétaire sujette à l’embonpoint, avec en corollaire le renvoi des réfractaires et vieillissantes…

PRIME À LA BEAUTÉ, TOUJOURS Excessif, choquant, ce portrait ? Pas d’angélisme pourtant, car aujourd’hui encore, 22 I Les Carnets du management I rentrée 2014

au travail, « la prime à la beauté est réelle, avérée par des études scientifiques », affirme Isabelle Barth. Dans des traductions moins discutables, vraisemblablement. Tout bien considéré, quels leviers ce dirigeant actionnait-il ? L’apparence physique et l’âge. Qui figurent tous deux parmi les 20 critères prohibés par la loi française dans l’emploi, le logement, l’éducation et l’accès aux biens et services. Or dans une enquête publiée en 2003, un actif sur 5 estime avoir été l’objet d’une discrimination sur son apparence, 70 % des actifs avoir été témoins de tels comportements. Le plus souvent, lors du recrutement. « S’il existe peu de jurisprudence relative à l’apparence physique au travail, le ressenti des individus est en revanche très fort », poursuit la directrice de l’EM Strasbourg, qui pilote cette année la commission « Apparences physiques en milieu professionnel » de l’AFMD (Association française des managers de la diversité). De fait, « il y a une grande distance entre le ressenti et l’objectivation », et cela vaut pour les individus comme pour les organisations. Isabelle Barth constate en effet combien le thème de l’apparence physique est éminemment sensible « et délicat à rendre objectif. Il fait même un peu

peur ». D’un exemple, la directrice de l’EM Strasbourg résume toute l’ambiguïté du sujet : « Certaines entreprises organisent des ateliers de relooking pour leurs collaborateurs. Cela signifierait-il qu’il existe une conformité ? » Alors, laquelle ? Et quid de celui qui s’en écarte ?

LE POIDS DU JUGEMENT Poser le périmètre de l’apparence physique apparaît en conséquence comme un préalable, « nous l’avons maintenant stabilisé », poursuit Isabelle Barth (voir encadré). « Au-delà, les entreprises sollicitent notre réflexion sur les stéréotypes, les préjugés, comment sensibiliser les collaborateurs, les inciter à prendre de la distance envers les idées reçues et les jugements péremptoires. » Aussi hétéroclites soient-ils, les clichés ont la vie dure. Illustration : « Un ‘bon gros’ sera pour cer-

tains forcément jovial, et pour d’autres incapable d’effort ‘puisqu’il ne maigrit pas’. » Objectif annoncé des travaux, «  comprendre, analyser, puis déconstruire et tenter de changer les comportements ». Et, en contrepoint, fournir les moyens de prévenir moqueries, brimades, si ce n’est ostracisation. « In fine, nous réalisons un livrable, il s’agit vraiment de diffuser largement les résultats de nos réflexions. »

89 %

des Français considèrent qu’une personne de plus de 50 ans n’a pas les mêmes chances à l’embauche (enquête Adia/Jean-François Amadieu, 2003)

Ces sujets, couramment explorés et objets de littérature académique en sociologie, psychologie et sciences du sport, le sont nettement moins en sciences du management, explique encore Isabelle Barth. D’où l’intérêt d’un travail interdisciplinaire et fin. Ainsi, la commission de l’AFMD tente de distinguer les secteurs rentrée 2014 I Les Carnets du management I 23

RESSOURCES HUMAINES Management de la diversité d’activités. « Nous avons également isolé le cas spécifique de la relation clients. Et observé les pratiques qu’elle implique, dans le secteur du luxe, de l’hôtellerie. » Des dress codes explicites ou implicites, par exemple, et puis des exigences éventuellement sujettes à caution. Une hôtesse de caisse, un vendeur d’une enseigne sportive doivent-ils avoir une allure athlétique ? « L’impact sur le client est inexistant, cela a été démontré ». No comment…

L’AUTEUR DE L’ENQUÊTE Directrice générale de l’EM Strasbourg,

Isabelle Barth est professeur agrégé

des universités en sciences de gestion. Elle

Apparence physique, de quoi parle-t-on ? « Le périmètre est large », explique Isabelle Barth. Elle l’évoque notamment sur son blog, sous le titre un tantinet provocateur « Le costume et le tailleur ne font pas le futur manager », où elle invite résolument les candidats aux grandes écoles à faire bouger les lignes des préjugés. De fait, la directrice de l’école distingue apparence physique subie et choisie. Subis, l’accent, la couleur de peau, celle des cheveux, le bégaiement, le handicap, le vieillissement, les joues cramoisies pendant une prise de parole… Choisis car procédant d’un acte délibéré, l’habillement, la coiffure, le tatouage, le maquillage, les piercings… « Les limites se situent à l’intersection avec d’autres critères », poursuit-elle. Exemple, porter des dreadlocks peut être déconseillé, voire dangereux, dans certains environnements de travail. Exemple, l’hygiène corporelle, exigible partout. Mais au-delà du règlement intérieur, du Code du travail ? « Il faut laisser à l’entreprise le soin de gérer sa performance, c’est vrai. La question se pose aussi à propos du fait religieux, il me semble que l’idée-force serait de ne pas nuire au vivre ensemble. » Pour autant, Isabelle Barth met en garde contre toute théorie monolithique : « Une présumée bonne pratique peut avoir un effet boomerang radical. » Confer l’organisation d’ateliers de relooking en entreprise, déjà évoquée…

24 I Les Carnets du management I rentrée 2014

enseigne notamment l’épistémologie, le conseil audit en RSO (responsabilité sociétale des organisations), la gestion élargie RH et engagement sociétal. Elle est membre du laboratoire Humanis de l’EM Strasbourg, où elle anime l’axe de recherche RSO. Depuis dix ans, Isabelle Barth consacre réflexion et travaux au management de la diversité. Pour aller plus loin : Le blog d’Isabelle Barth, sur Educpros : http://blog.educpros.fr/isabelle-barth *« Behind the scènes of Charles Keating’s sexist Financial empire » Kathleen Sharp, 6 avril 2014. www.salon.com

Dis-moi ton âge… je te dirai comment tu diriges tes collaborateurs Dans ses travaux, Danut Casoinic met en évidence les effets de l’âge, de la cohabitation de plusieurs générations dans les entreprises et leur impact sur les comportements de leadership et les attitudes des individus au travail. Le chercheur souligne en outre l’existence de plusieurs dimensions de l’âge d’un individu dont l’âge biologique, l’âge chronologique ou encore l’âge subjectif.

Les Carnets du management : L’âge est-il une thématique d’actualité dans les organisations ?

C. M.  : Qu’est-ce que l’âge subjectif, que vous opposez à l’âge chronologique ?

Danut Casoinic : C’est un sujet qui ne peut plus être négligé, le vieillissement de la population et les départs en retraite plus tardifs l’imposent. Je l’étudie depuis longtemps. Ma thèse, par exemple, a examiné l’influence de l’âge sur le leadership, la satisfaction au travail et l’engagement affectif. En l’occurrence, l’impact de la diversité des âges sur les relations de travail entre managers et collaborateurs est réel.

D. C. : L’âge subjectif résulte de plusieurs mesures telles que l’âge ressenti, l’âge perçu par les autres, l’âge souhaité et bien d’autres encore. Ainsi, chez un individu, l’âge biologique ou chronologique n’est pas tout. Il est important que les entreprises, et en particulier les recruteurs, en prennent davantage conscience et renoncent, sans doute, à certains stéréotypes. Par ailleurs, l’âge subjectif a véritablement une incidence sur la qualité des relations de travail, sur les attitudes et les comportements, et sur la motivation des salariés. En négatif ou en positif, bien sûr.

C. M.  : De quelle façon ? D. C. : La diversité des âges est bénéfique pour l’expression du leadership transformationnel, celui qui actionne le charisme et la vision des managers pour motiver et animer leurs collaborateurs. Surtout quand la différence d’âge est importante avec des collaborateurs plus jeunes. À l’inverse toutefois, les managers plus jeunes que leurs collaborateurs seront moins enclins à manifester ce type de leadership. Il importe en conséquence d’en tenir compte dans l’organisation.

L’INTERVIEWÉ Danut Casoinic est docteur ès sciences de gestion et enseignant-chercheur à l’Université de Strasbourg, EM Strasbourg. Parmi le cours qu’il enseigne comptent notamment le comportement organisationnel et la dynamique des équipes, la gestion des compétences, le management des organisations et la conduite du changement, ainsi que le management stratégique.

EN 2003,   89 %

des Français considéraient qu’une personne de plus de 50 ans n’avait pas les mêmes chances à l’embauche (Enquête Adia/Jean-François Amadieu, 2003).

DIX ANS PLUS TARD,

des constats similaires se dégagent d’un sondage mené par l’association professionnelle À compétence égale sur un échantillon français de 771 candidats seniors à l’emploi, 431 consultants en cabinet de conseil en recrutement, et 161 RRH et DRH en entreprises. Ainsi, pour 79 % des seniors ayant répondu à l’enquête, l’âge reste le critère principal de sélection des entreprises, suivi par les compétences, l’expérience et la formation (Enquête À Compétence Égale, 2013).

rentrée 2014 I Les Carnets du management I 25

LE COIN DU CONSULTANT Marketing

Big data et small business

Les PME disposent souvent de plus de données sur leurs clients qu’ils ne le croient. Et ces données valent plus qu’ils ne le pensent. Les conseils d’Herbert Castéran pour collecter et traiter ces statistiques en or. Y compris dans les petites structures.

Le text-mining Grâce à des logiciels tels que Tropes en Open source, ou R, il est possible de repérer sur Internet les consommateurs qui s’expriment sur l’entreprise, et ce qu’ils en disent. Ces logiciels permettent également de synthétiser des remontées d’informations internes. Ils sont téléchargeables sur les sites suivants : http://www.tropes.fr/ et http://cran.r-project.org/

En proposant à ses clients des offres complémentaires, liées à leurs achats précédents, Amazon augmente ses ventes en ligne de 30 % ! Un libraire installé en ville ne dispose pas des mêmes algorithmes que le géant américain. Mais rien ne l’empêche de noter les préférences de ses acheteurs fidèles, pour leur suggérer ensuite, par email, des livres qui pourraient leur plaire. Très peu le font en réalité. De la même manière, un grand nombre de PME sous-utilisent les données dont elles disposent quant au comportement de leurs clients, à leurs préférences, leurs critiques, leurs souhaits. Des recherches récentes ont pourtant montré que cette analyse systématique améliorait la productivité globale de 0,5 à 1 % par an. Herbert Castéran suggère donc une action en deux temps.

1 

COLLECTER LES DONNÉES DE MANIÈRE SYSTÉMATIQUE

■ Les avis publiés sur les sites Internet, les forum, les réseaux sociaux… peuvent être synthétisés et analysés grâce à des logiciels spécialisés d’extraction de

26 I Les Carnets du management I rentrée 2014

connaissances (« text-mining »), dont certains sont accessibles gratuitement (R, Tropes…). Il s’agit d’avoir des informations sur les personnes qui s’expriment, sur leur perception de l’entreprise, leur intention de consommer, de recommander l’entreprise, etc. ■  Les vendeurs, les agents d’accueil, le service après-vente sont également des mines d’informations, pour autant qu’ils soient sensibilisés, et qu’ils fassent remonter de manière systématique et formalisée les retours des clients. Leurs rapports peuvent être synthétisés de manière automatique. Ils permettent de dégager des tendances (évolution du panier moyen, fidélité, attentes…) et d’évaluer ainsi la valeur potentielle globale de ces clients, ce que des chercheurs nomment leur « valeur à vie ». ■  La fréquence d’achat et les dates de premier et dernier achat sont aussi des données d’accès aisé grâce aux cartes de fidélité ou par l’analyse de tickets de caisse convenablement documen-

Data analyst : un métier en plein boom. D’après une étude de Mac Kinsey, il manquerait d’ici 2018, aux États-Unis, un million et demi de professionnels de l’analyse de données.

tés. Ces seuls éléments permettent d’élaborer les analyses les plus sophistiquées en matière de prévision de la valeur client et d’optimisation de la politique marketing.

2 

TRAITER L’INFORMATION ET RÉAGIR

■  En traitant l’information, l’entreprise a d’importants atouts en main. La perception des « signaux faibles » envoyés par les consommateurs (commentaires, évolutions des fréquences d’achat et du panier moyen…) permet d’agir rapidement pour redresser la barre par exemple, avant un décrochage, en ciblant spécifiquement les clients sur le point de vous quitter.

■  L’analyse des chiffres de vente par segments de clientèle permet aussi d’affiner la stratégie des entreprises. Les consommateurs «  primo-adopteurs », toujours en attente des dernières nouveautés, n’ont pas les mêmes attentes et ne réagissent pas de la même manière que les « suiveurs »,

beaucoup plus attentifs aux prix. Ils ne représentent pas non plus la même valeur totale pour les entreprises. En réalité, l’effort à fournir, tant pour trouver l’information, que pour la traiter, n’est pas hors de portée. L’approche des consommateurs est en passe de connaître une révolution. Ce n’est pas un hasard si le cabinet Mac Kinsey a consacré une étude récente au sujet*.

L’AUTEUR DE L’ENQUÊTE Herbert Castéran

Enseignant-chercheur à l’EM Strasbourg, après quinze années en entreprise, sa spécialité est la mesure de l’efficacité des actions marketing.

Solutions d’analyse gratuites, diffusion d’un savoir-faire quantitatif via les data analysts, accessibilité d’une information toujours plus riche : le Big Data offre une opportunité historique aux petites entreprises. D’autant que la frontière informationnelle s’estompe, que les études de marché ne sont plus le seul moyen de connaître son environnement. Mais ces promesses ne pourront être tenues qu’à condition que les PME prennent conscience des potentialités offertes par leurs données client, véritable gisement de croissance inexploité. * « Big Data : la prochaine frontière de l’innovation, de la concurrence et de la productivité »

rentrée 2014 I Les Carnets du management I 27

LE COIN DU CONSULTANT Supply Chain

Plateformes logistiques : optimiser, l’atout maître

Deux facteurs clés conditionnent la compétitivité d’une plateforme logistique : la rigueur de sa conception et la maîtrise de ses flux internes. Comment doper leur performance ? Ces échos d’une recherche récente alimentent à point nommé les démarches de création ou d’amélioration continue des processus…

Plateforme logistique, définition express Composante essentielle du management de la supply chain, la plateforme est le point intermédiaire entre l’origine et la destination finale de marchandises. C’est là où vont s’ajuster les flux, dans le temps et dans l’espace. L’entrepôt en est la traduction la plus courante.

28 I Les Carnets du management I rentrée 2014

« La compétitivité d’une plateforme est directement liée à l’implantation, le layout, et aux flux internes », analyse David Damand. Et cela n’a rien d’un long fleuve tranquille : aussi pertinente que soit la conception initiale, l’organisation des plateformes logistiques évolue de façon récurrente, au gré des clients, des produits, des volumes stockés. Les prestataires assurent également des opérations ponctuelles comme la personnalisation de produits ou la pose de stickers promotionnels. « Une vraie pelote de laine. » Voilà en conséquence comment le chercheur décrit les flux internes d’un entrepôt logistique, s’il s’agissait de les modéliser, le mouvement en plus. Autant d’activités, autant de déplacements : réception de marchandises, contrôle, mise en stock – plus ou moins longtemps -, conditionnement, préparation de commandes, inventaire, expédition. De fait, explique David Damand, ce sont l’expérience et l’expertise des concepteurs et prestataires qui enrichissent les pratiques, au risque toutefois de demeurer parcellaires.

RECENSER L’EXPERTISE, PUIS LA « CUSTOMISER » Dans le cadre d’une chaire d’entreprise, l’équipe constituée de chercheurs, dont une doctorante, et d’une entreprise partenaire en supply chain management a élaboré une méthodologie originale d’analyse et de conception de flux, qui consolide précisément l’état de l’expertise en la matière. « Nous apportons une plus-value au prestataire logistique qui nous a sollicités, avec une méthodologie originale qui répond à sa question ‘comment faire, comment améliorer la conception et l’organisation des plateformes ?’», explique Elvia Lepori, doctorante du laboratoire de recherche Humanis encadrée par Marc Bollecker, Marc Barth et David Damand. Les chercheurs ont préalablement exploré l’état des connaissances en la matière dans la littérature scientifique. « Les approches sont partielles, se concentrent sur une activité pour y appliquer une méthode particulière. » Elvia Lepori s’est ensuite entretenue avec les managers de l’entreprise, afin de

recueillir et retranscrire leurs méthodes, leurs propositions et, plus globalement, leurs expertises. « Puis nous avons élaboré un modèle de référence, basé sur un modèle problème-solution, pour représenter les connaissances capitalisées », poursuit David Damand. La représentation est soutenue par un logiciel dédié à la résolution de problèmes. Le modèle de référence est destiné à devenir un modèle particulier, adapté aux besoins spécifiques d’une plateforme logistique donnée.

LES AUTEURS DE L’ENQUÊTE David Damand

Enseignant-chercheur, responsable de la chaire Supply Chain Management de l’EM Strasbourg, Laboratoire Humanis de l’EM Strasbourg

Elvia Lepori

Doctorante en sciences de gestion, Laboratoire Humanis de l’EM Strasbourg

Marc Bollecker

Professeur des universités, Laboratoire Humanis de l’EM Strasbourg

Marc Barth

Maître de conférences, Habilité à diriger des recherches, Laboratoire Humanis de l’EM Strasbourg

Les vertus de la co-construction « Les concepts, la réflexion que nous avons pu livrer sont clairement alimentés par le travail mené conjointement par les chercheurs et les managers », souligne la doctorante Elvia Lepori. Au final, quels bénéfices pour les partenaires de la chaire d’entreprise ? « Pour un doctorant, productions scientifiques et expérience de terrain », dit-elle. « Pour les enseignants-chercheurs, ce sont des publications scientifiques et une diffusion auprès des étudiants. Nous irriguons la pédagogie avec un tel projet ! » précise David Damand. L’entreprise, quant à elle, bénéficie d’un livrable, donc un retour sur investissement très concret. « La méthode a été évaluée in situ, avec un manager et autour d’un besoin précis dans un entrepôt », souligne Elvia Lepori. Cette méthode est appréciée pour le gain en qualité et en exhaustivité des solutions. Aujourd’hui, la méthode est en cours d’implémentation dans les procédures de l’entreprise.

rentrée 2014 I Les Carnets du management I 29

LES ENSEIGNANTS-CHERCHEURS DE L’EM STRASBOURG AYANT PARTICIPÉ AU MAGAZINE

ILS SONT CITÉS DANS CE MAGAZINE

Christophe Godlewski

Mohamed Akli Achabou

Domaines de recherche

Investissement et financement Financial Institutions, Markets and Instruments

Patrice Charlier

Domaines de recherche Finance d’entreprise Business plan Diagnostic financier

Agnès Walser-Luchesi

Domaines de recherche

Marketing opérationnel et stratégique Politique et perception des prix Méthodologie qualitative et des mémoires

Abel François

Domaines de recherche Économie européenne Économie politique

Sihem Dekhili

Domaines de recherche

Marketing responsable Marketing opérationnel et stratégique Comportement du consommateur

Lars Meyer-Waarden

Domaines de recherche

Marketing Management de l’innovation Management de la relation client

Marie-Hélène Broihanne Domaines de recherche

Finance d’entreprise Finance comportementale

30 I Les Carnets du management I rentrée 2014

Thierry Nobre

Domaines de recherche

Management hospitalier Contrôle de gestion Management du changement

Célia Lemaire

Domaines de recherche

Outils de contrôle de gestion Contrôle de gestion inter-organisationnel Management dans le secteur de la santé

Isabelle Barth

Domaines de recherche

Management de la diversité Management commercial Comportements émergents du consommateur

Danut Casoinic

Domaines de recherche

Management des organisations et conduite du changement Gestion des compétences Comportement organisationnel, leadership et dynamique des équipes

Herbert Castéran

Domaines de recherche

Efficience de l’action marketing Valeur client Tourisme

David Damand

Domaines de recherche Gestion de production Extraction de connaissances Analyse multicritères

Marc Barth Marc Bollecker Béatrice Canel-Depitre Valérie Dufour Martin Klarmann Elvia Lepori Caroline Merdinger-Rumpler Bruno Michel Andreas Munzel

Directrice de la publication Isabelle Barth Directeur de la rédaction Théo Haberbusch Coordination Julie Bouton Comité éditorial Isabelle Barth, Karine Bouvier, Marie-Hélène Broihanne, Maxime Merli, Lars Meyer-Waarden, Thierry Nobre, Jessie Pallud, Laurent Weill Rédaction Agnès Baumier-Klarsfeld, Laurence Peltier Photos Alexis Chézière, Marie Faggiano Création maquette et mise en page Welcome Byzance Tirage 15 000 exemplaires Numéro ISSN en cours de déclaration Contact et demande d’abonnement EM Strasbourg Business School 61 avenue de la Forêt-Noire 67085 Strasbourg Cedex 03 68 85 80 32 www.em-strasbourg.eu

« La finance comportementale est une passerelle entre la théorie financière classique et le quotidien des marchés » Muriel Tailhades Directeur Général Délégué de CCR AM

Chaire Finance Comportementale CCR Asset Management, partenaire du LaRGE / EM Strasbourg depuis 2012

Sujets d’étude : •

Excès de confiance, perception du risque et prise de risque. L’étude du cas des professionnels de la Finance.



La dynamique de diversification des portefeuilles comme mesure du sentiment du marché.



Comprendre le processus de décision de gérants professionnels.

CCR AM adresse tous ses remerciements à l’équipe de recherche du LaRGE

CCRAXXX_ANNONCE_180614.indd 1

19/06/2014 16:28

COMPTE SUR : ) .m (n E C A S L A T E R IV L T

E ÉPARGNE QUI PERM DE SOUTENIR LE DÉVELOPPEMENT . CE NUMÉRIQUE EN ALS, A ions Pour plus d’informat tre on -c ci flashez le code ou rendez-vous sur caisse-epargne.fr.

ALS AC E

Offre soumise à conditions, réservée aux personnes physiques et aux personnes morales sans but lucratif. Une personne ne peut détenir qu’un seul compte sur livret régional au sein d’une même Caisse d’Epargne. Les fonds collectés dans la région sont alloués aux projets de cette même région. CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE D’ALSACE - SA coopérative, à directoire et conseil d’orientation et de surveillance, régie par les articles L.512-85 et suivants du code monétaire et financier, capital de 235 000 000 €, siège social à Strasbourg, 1 avenue du Rhin, RCS de Strasbourg B 383 984 879, Intermédiaire d’assurance, immatriculé à l’ORIAS n° 07 005 414, titulaire de la carte professionnelle «Transactions sur immeubles et fonds de commerce » SANS RECEPTION DE FONDS, EFFETS OU VALEURS n° 34/2010 délivrée par la préfecture du Bas-Rhin, garantie par CEGI 128 rue de la Boétie 75008 Paris. Crédit photo : Thinkstock. PRO DIRECT MARKETING - RC 88B1179.

LA DIFFÉRENCE EST NOTRE FORCE. ET DEMAIN ELLE SERA LA VÔTRE.

DÉVELOPPEMENT DURABLE

DIVERSITÉ

ÉTHIQUE

RESPONSABILITÉ

SOLIDARITÉ DIFFÉRENCE IMAGINATION COLLABORATION RESPECT PROXIMITÉ OUVERTURE

Nos CINQ PROGRAMMES DE FORMATION • Programme Bachelors : diplômes d’université bac +3 • Programme Grande École, accrédité Epas-EFMD • Programme Masters universitaires en management • Programme Executive Education • Programme doctoral

EM STRASBOURG

ALUMNI

*Faire la différence

L’EM STRASBOURG n’est pas une grande école. Elle est plus que ça, sa différence est inscrite dans son ADN. Notre potentiel unique réside dans notre identité universitaire, notre campus au centre d’une ville européenne et notre capacité à donner à chacun de nos étudiants l’opportunité de se distinguer. Nous avons de grands projets pour vous. REJOIGNEZ-NOUS !