Comment communiquer devant une caméra

En s'efforçant de maîtriser leur image jusqu'au moindre détail (de la .... revanche, il n'est pas d'usage d'assister au montage de votre propre interview (ceci,.
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Communiquer avec les médias

Comment communiquer devant une caméra Par Jean-Claude Allanic ancien journaliste, présentateur, rédacteur en chef, chroniqueur, grand reporter, médiateur sur France2, formateur et enseignant dans les écoles de journalisme en France

La règle fondamentale de toute communication, que ce soit devant une caméra, devant un micro ou devant un public physiquement présent, est… d’avoir quelque chose à dire. Quel que soit le média, toute communication repose avant tout sur le contenu et la clarté d’un message bien identifié (que souhaite-t-on réellement dire ?), bien ciblé (à qui veut-on s’adresser en priorité ?). Mais évidemment, à la télévision ou sur internet, l’image introduit une dimension supplémentaire qui peut être perturbante aussi bien pour celui qui s’exprime que pour celui qui regarde.

Le message subliminal de l’image Dès que vous apparaissez sur un écran, avant même de commencer à parler, vous "communiquez" par votre apparence physique, par l’image que vous renvoyez de vous-même ou/et de l’institution que vous représentez. Pour utiliser le langage du marketing, le "packaging" (l’emballage) est la première forme de la communication visuelle. En captant le regard et l’attention du consommateur, le packaging va lui donner toute une série d’informations (produit pour homme, pour femme, produit alimentaire, produit de luxe, etc.). Le but est, évidemment, de l’inciter à acheter. La comparaison peut choquer mais il en va de même pour le téléspectateur qui vous aperçoit sur son téléviseur et qui va se comporter comme un client dans un supermarché. Son premier regard sur vous va lui envoyer un certain nombre d’informations positives ou négatives qui l’inciteront un peu, beaucoup ou pas du tout à vous écouter. Votre image est, de prime abord, porteuse d’une communication inconsciente voire subliminale. Vous êtes un homme, une femme, jeune, vieux, vous avez l’air dynamique (ou moins), vous êtes souriant(e), triste, sympathique, fermé(e), habillé(e) d’une manière austère ou décontractée (voire fantaisiste) ; votre public va être a priori plus ou moins bien disposé à vous écouter et, éventuellement, à se laisser convaincre.

Quand l’habit fait le moine Certes, juger quelqu’un sur sa bonne ou mauvaise mine va à l’encontre de tous nos principes. Il n’empêche que la première impression est décisive pour "convaincre" (n’est-ce pas finalement valable aussi pour toutes les formes de contacts humains ?). En s’efforçant de maîtriser leur image jusqu’au moindre détail (de la dentition à la forme du menton, du meilleur profil au teint hâlé en permanence, de la couleur des chemises au choix des robes), les hommes et les femmes politiques contemporains l’ont bien compris. Aucun(e) n’oublie qu’en communication visuelle, l’habit fait le moine. Ne pas s’en être souvenu coûtera sa carrière politique à Jean-François Mattéi au moment de la canicule ; un ministre de la santé ne peut se présenter devant une caméra en polo décontracté sur fond de plantes méditerranéennes alors que vieilles personnes meurent de déshydratation dans les hôpitaux.

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On n’entendra rien du fond de ses propos ; seule sera retenue une décontraction vestimentaire assimilée à de l’inconscience, sinon de l’indifférence sur la gravité de la situation. Pour prendre un autre exemple du poids (certainement excessif et trompeur) des apparences, on citera le président du CSA Dominique Baudis suant à grosses gouttes au journal TF1 alors qu’il dénonçait les calomnies dont il était victime dans l’affaire de meurtre et de viols de prostituées à Toulouse ; certains n’hésiteront pas à y voir une preuve de sa culpabilité !

Gérer son image Puisqu’on vous jugera inévitablement d’abord sur votre apparence, à vous de savoir gérer votre image au mieux pour convaincre plus facilement. Concrètement, il y a quelques règles basiques à observer : une tenue classique et socialement "rassurante" puisque vous représentez une institution parfois critiquée mais fondamentalement respectée. Autrement dit, pas de tenue débraillée, pas de costume de croque-mort pour les hommes, élégance discrète et classique pour les femmes. Dans le détail, pas de couleurs tape-à-l’œil, pas de bijoux "bling-bling" clinquants et scintillants (responsables de reflets de lumière désagréables et de bruits dans les micros). Sachez, d’ailleurs, que les couleurs unies "non criardes" comme le bleu sont celles qui passent le mieux "au tube". Il faut veiller également au "décor" dans lequel vous êtes filmé(e). Dans la mesure où vous pouvez choisir, le téléspectateur doit pouvoir comprendre immédiatement de quoi il s’agit. Si vous êtes dans une classe ou devant une école, on saisira plus facilement de quoi vous parlez que si vous êtes au bord d’une plage ou sur un marché. Et si vous n’êtes toujours pas convaincu(e) de la force du message subliminal que transmet une simple image, visionnez quelques reportages en coupant le son et cherchez à deviner la fonction des personnes interviewées. L’exercice est amusant et réserve quelques surprises sur la manière dont nous communiquons inconsciemment. Malheureusement, vous n’êtes pas le seul maître de votre image. Celle-ci va dépendre aussi du cadre choisi par le réalisateur (trop serré ou trop large, il va rendre l’écoute du public plus ou moins confortable et donc influencer sur sa disponibilité d’écoute). Une lumière mal adaptée, une image floue ne vont pas donner envie de vous écouter ; du coup, votre communication passera moins bien. Cela étant, ce n’est pas à vous de gérer ces problèmes techniques. Sauf si vous pensez être victime d’une manipulation manifeste de votre image (il est, par exemple, bien connu, qu’une prise de vue en contreplongée rend les traits d’un visage moins sympathique). Pour se référer encore une fois le monde politique, on comprend pourquoi les candidats aux élections prennent autant de soin à contrôler l’organisation technique des débats télévisés contradictoires.

Rester soi-même Les exemples cités ci-dessus doivent toutefois être relativisés. Une image séduisante et bien maîtrisée peut faire gagner quelques voix décisives dans une élection mais la maîtrise d’un outil médiatique n’est pas suffisante à elle seule, pour convaincre. Heureusement, nous sommes capables de réflexion au-delà des premières impressions. Autrement dit, on peut fort bien communiquer efficacement sans recourir à la chirurgie esthétique et sans faire appel aux grands couturiers et aux coiffeurs des stars ! L’important, finalement, c’est de rester soi-même… tout en veillant à l’adéquation de votre langage et votre apparence avec le sujet traité. Sans perdre de vue que le public attend d’un représentant de l’éducation nationale un comportement et une présentation conformes à ses responsabilités, à son autorité et à son statut social et à la confiance qu’il place dans l’institution. Une tenue trop austère peut induire un certain conservatisme voire une étroitesse d’esprit (ou quelqu’un de complexé et mal dans sa peau). À l’inverse, trop d’excentricité amène à s’interroger sur le sérieux et la crédibilité du discours. Bref, pour être crédible et "entendu", il faut que les signes sociaux extérieurs soient en conformité avec la fonction et le contenu de ce qui est dit.

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Quelques usages à connaître et quelques pièges à éviter Les conditions de l’interview. La moindre des choses, c’est de connaître au préalable le thème ainsi que les conditions de l’interview. Sera-t-elle en direct ou enregistrée (avec, dans ce cas, peut-être un montage de vos propos) ? De quel temps d’antenne disposerez-vous ? Serez-vous seul(e) ou opposé(e) à des contradicteurs ? À quelle heure sera programmée votre intervention, dans quel type d’émission et pour quel type de public ? Peut-on "refaire une interview" ? On peut toujours demander, au moment du tournage, à "refaire une prise" si on a le sentiment d’avoir été confus(e) ou de ne pas avoir réussi à faire passer son message essentiel. Mais la décision est à la discrétion du journaliste. En revanche, il n’est pas d’usage d’assister au montage de votre propre interview (ceci, principalement, afin d’éviter les pressions diverses qui ne manqueraient pas de s’exercer si la pratique était acceptée) ; Ne pas lire ses notes. Regardez au bon endroit que l’interview soit enregistrée, en direct ou dans les conditions du direct, évitez de lire vos notes et répondez à votre interlocuteur en le regardant dans les yeux (un regard "ailleurs" est interprété comme un regard fuyant symptomatique de déclarations peu sincères). Dans le même ordre d’idées, ne cherchez pas à vous voir sur les écrans de contrôle, ne vous adressez pas directement à la caméra (c’est "réservé" à ceux qui parlent à la France du fond des yeux !) mais au journaliste ; Être à l'écoute. Avant de répondre, écoutez bien les questions et ne vous laissez pas surprendre par une question imprévue ou formulée d’une manière compliquée. Restez vigilant(e) pendant toute la durée d’une émission même si la séquence ne vous concerne pas directement ; on peut toujours vous demander de réagir. Et, bien sûr, ne répondez jamais au second degré (la communication, c’est toujours du premier degré) et ne vous mettez jamais en colère (cela rend laid et l’agresseur est vite assimilé au méchant). Enfin, pour éviter d’être piégé(e) par les micros ouverts et les caméras qui tournent "en douce", tant que vous êtes sur un plateau ou avec une équipe de tournage, que ce soit avant ou après l’émission ou pendant le tournage... tout ce que vous direz ou ferez pourra être retenu contre vous ! En définitive, le secret d’une bonne communication audiovisuelle, c’est de : savoir clairement ce que l’on veut dire (ou ce que l’on doit dire) ; faire preuve de sincérité (ou d’apparente sincérité) ; s’exprimer en termes simples ; ne pas hésiter à se répéter ; ne pas dévier (intelligemment) de son message ; ne pas se déguiser (ni sur le fond ni sur la forme) ; en bref… donner le sentiment d’être profondément convaincu(e) pour convaincre profondément.

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