conseil de prud'hommes de bobigny

26 nov. 2012 - tenues dans les cafés voisins du siège de l'Institut, Gérard RUL ..... Cet arrêt était cassé le 21 octobre 2008, la Cour d'Appel de Paris autrement ... licenciement, l'examen du déroulement chronologique des faits se révèle.
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RG n° F 10/04074

CONSEIL DE PRUD’HOMMES DE BOBIGNY

Audience du 26 novembre 2012

CONCLUSIONS

Pour : Pascal MOUSSY Demandeur

Contre : ASSOCIATION PRUDIS CGT Défenderesse

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FAITS I. L’exposant commençait à intervenir en 1990 en qualité d’enseignant au sein de PRUDIS CGT, Institut de formation de conseillers prud’hommes salariés. En 1997, Jean-Claude LAM, qui assurait la direction de l’Institut, lui confiait la responsabilité de directeur des études. L’exposant se voyait dès lors amené, non seulement à enseigner dans les stages de formation, mais également à concevoir des programmes de formation dans le cadre national fixé par l’Institut, à concevoir et réaliser des supports pédagogiques et à procéder à des études méthodologiques (pièce adverse n° 2 et pièce n°2). Avant de partir à la retraite, Jean-Claude LAM, le 14 avril 2004, proposait à Bernard THIBAULT de songer à Carlos RODRIGUEZ pour le remplacer à la direction de l’Institut. Jean-Claude LAM soulignait, pour justifier ce choix, l’expérience prud’homale de l’intéressé et son rôle particulièrement actif dans l’activité consacrée à la défense des droits et libertés. Il suggérait également d’associer le directeur des études à la réflexion sur les conditions de la pérennisation de l’activité de l’Institut (pièce adverse n° 3). Par son courrier du 1er juin 2004, l’exposant confirmait à Bernard THIBAULT que le choix de Carlos RODRIGUEZ permettrait de maintenir le caractère enthousiaste qui caractérisait l’équipe de formateurs de l’Institut et qui serait fort compromis par la venue de personnes de « la maison » peu connues pour leur sensibilité pédagogique (pièce adverse n° 4). C’était finalement Gérard Rul, qui n’avait certes pas la même expérience prud’homale que Carlos RODRIGUEZ, mais qui ne venait pas de « la maison » et dont l’exposant avait eu l’occasion d’apprécier l’activité « de terrain » à l’Union Locale du 1er (à Paris), qui était nommé à la direction de l’Institut. A l’occasion de conviviales discussions tenues dans les cafés voisins du siège de l’Institut, Gérard RUL assurait l’exposant et Carlos RODRIGUEZ, qu’il soutiendrait activement la compensation qui venait d’être proposée à ce dernier d’une participation au collectif droits et libertés dans le cadre d’une activité salariée. (Un peu plus de deux mois plus tard, début septembre, Gérard Rul assurait à Carlos RODRIGUEZ et à l’exposant qu’il démissionnerait si cette embauche n’intervenait pas au plus tard au mois de février suivant).

Le 30 juin 2004, le départ à la retraite de Jean-Claude LAM était accompagné d’une « information concernant la direction de PRUDIS » (pièce adverse n°7) annonçant 2

une « refonte », présentée dans les conclusions de PRUDIS (p. 4) comme une « démocratisation », de la formation des conseillers prud’hommes. Le ton blessant de la note d’information envers l’effort fourni par Jean-Claude LAM et son équipe conduisait l’exposant, par un courrier du 5 juillet 2004, à proposer une rencontre pour le 10 septembre aux directeurs des stages nationaux (pièce adverse n° 8). Le 15 juillet 2004, la Coordination de l’Activité confédérale signifiait à l’exposant son désaccord avec sa démarche, lui demandait de lui indiquer quels avaient été les destinataires de son courrier et de se rapprocher des responsables de l’activité Prudis pour décider des initiatives à prendre en matière de réflexion collective (pièce adverse n° 13). La réunion proposée par l’exposant avait finalement lieu le 17 septembre, et non le 10 septembre. Gérard Rul (qui n’avait pas initialement été invité par l’exposant pour ne pas le mettre en difficulté puisqu’il n’était pas concerné par une éventuelle réaction de mécontentement suscitée par la dépréciation, qui n’était pas de son fait, de la qualité syndicale du travail antérieurement réalisé) avait insisté pour être présent et la date du 1O ne lui convenait pas. L’exposant avait alors pris en compte l’usage d’une fixation conjointe entre la direction de l’Institut et le directeur des études des dates des rencontres réunissant les éducateurs (pièce n° 106). A l’issue de la réunion du 17 septembre, chargée d’émotion devant le peu d’égards manifestés envers Jean-Claude LAM, l’exposant proposait de rédiger un texte de protestation qui serait ultérieurement soumis à la signature des directeurs des stages nationaux. Ce texte, en date du 5 novembre 2004, soulignait comme « insultante pour le travail collectif que nous avons opiniâtrement mené depuis tant d’années la « refonte » annoncée par la note d’informations du 30 juin dernier » et poursuivait : « Il nous paraît nécessaire d’adresser aux mêmes destinataires une autre note précisant qu’il s’agit, avec l’aide de notre camarade Gérard RUL, moins de remanier PRUDIS que de prolonger le mouvement amorcé il y a plus de dix ans. Et l’incident sera clos. » (pièce adverse n° 16). Gérard RUL, qui n’était pas mis en cause, dénonçait cependant cette lettre collective comme une initiative illustrant la persistance d’un climat de défiance, de doutes quant au jugement porté par la Confédération sur l’Institut et les militants oeuvrant en son sein et invitait les éducateurs PRUDIS et les conseillers permanents du secteur DLAJ pour le 10 décembre 2004 à une réunion de réflexion sur le nouveau dispositif de formation (pièce n° 13). 3

Le déroulement de cette réunion devait mettre en évidence qu’elle avait être organisée moins pour la réflexion annoncée que pour inviter l’exposant à une autocritique sur le comportement qui lui était attribué envers la responsable administrative de l’Institut, ledit comportement étant alors révélé comme un « scoop »…

II. Au mois de mars 2005, la situation de Carlos RODRIGUEZ, s’annonçait des plus critiques, avec la perspective se rapprochant d’une perte d’emploi. Ce qui laissait alors Gérard Rul dans un détachement serein, qui allait conduire l’exposant, par son courrier du 7 mars, à l’interpeller vivement sur ses engagements du mois de septembre et sur la nécessité de s’employer à intégrer l’intéressé à l’activité droits et libertés dans le cadre d’une relation de travail salarié. L’exposant s’inquiétait également de la distance qui était survenue avec Gérard Rul après son installation au siège de Montreuil (pièce adverse n° 21). Par son courrier du 8 mars 2005, Gérard Rul donnait aux animateurs Prudis son appréciation sur le courrier de la veille qu’il avait reçu de l’exposant, attribuait à ce dernier un comportement détestable et informait qu’il solliciterait du président de PRUDIS la réunion d’un conseil d’administration « pour qu’il porte une appréciation sur la situation créée et dégage les perspectives pour l’avenir » (pièce adverse n° 22). Par son courrier du 9 mars 2005, envoyé en recommandé, Gérard RUL demandait à l’exposant de se rendre sur son lieu de travail pour discuter des « problèmes » évoqués. Par ce même courrier, il insistait sur sa participation à la réunion prévue pour le 18 mars (pièce adverse n° 23). (Il est rappelé à la page 5 des conclusions de PRUDIS que cette réunion était la première réunion du nouveau groupe pédagogique). Par son courrier du 13 mars, après avoir évoqué des incidents survenus le 11 mars, l’exposant indiquait à Gérard Rul qu’il était à sa disposition pour le rencontrer le 17 mars mais il lui confirmait son indisponibilité pour la réunion du 18 mars, en demandant des informations sur le sort de l’usage d’une fixation conjointe des dates des réunions consacrées aux questions pédagogiques (pièce adverse n° 25). Gérard Rul consacrait l’essentiel de l’entretien du 17 mars à enjoindre à l’exposant de « sortir » de la grille du stage « contrat de travail » prévu du 4 au 8 avril l’intervenante qui devait animer la première journée de ce stage. Gérard Rul n’expliquant pas son initiative par des raisons pédagogiques et ne se référant à 4

aucune décision collective concernant la personne mise en cause, l’exposant refusait de procéder à l’exclusion demandée. Il était envoyé le 24 mars aux stagiaires, directeurs et intervenants, accompagnée par une lettre présentée comme provenant de l’exposant, une grille du stage « contrat de travail » (pièce n° 25) ne correspondant pas à celle conçue par l’exposant (pièce n° 24). Par leur courrier du 28 mars 2005, les directeurs du stage « contrat de travail » exprimaient leur désaccord d’avoir été mis « devant le fait accompli » d’une éviction qu’ils désapprouvaient et regrettaient « un acte de défiance » envers le directeur des études (pièce adverse n° 32). Par son courrier du 29 mars 2005, Gérard Rul adressait des reproches à l’exposant, portait à sa connaissance les nouvelles orientations et lui demandait de lui indiquer comment il comptait y répondre (pièce adverse n° 33). Le 30 mars, l’intervenante pressentie pour assurer le remplacement de l’exclue indiquait qu’elle ne participerait pas à l’animation de la première journée du stage, considérant qu’elle interviendrait dans « un contexte très houleux » (pièce adverse n° 34). Elle avait notamment été informée par l’exposant qu’elle avait reçu un courrier faussement attribué à l’exposant et des circonstances dans lesquelles lui avait été faite la proposition d’intervention. La direction de PRUDIS, sans concertation avec les directeurs du stage, décidait alors d’annuler toute la semaine du stage « contrat de travail » et diffusait largement l’annonce de cette annulation. Par son courrier du 31 mars 2005, Jacques THIBAULT, le président de l’Institut, avertissait l’exposant que la répétition d’actes s’opposant à la mise en œuvre des orientations de l’Institut le conduirait à saisir le Conseil d’administration pour examen des suites à donner (pièce adverse n° 36). Faisant preuve d’un étonnant sens de l’anticipation, sans même laisser le temps de dire « ouf », il cosignait ce même jour un courrier annonçant, au sujet de l’attitude reprochée à l’exposant, que « le conseil d’administration de PRUDIS appréciera dans les prochains jours la suite à donner » (pièce n° 29). Le conseil d’administration se réunissait le 5 avril.

Il lui était remis par Carlos RODRIGUEZ, qui en faisait partie, un document rédigé par l’exposant daté du même jour. Ce document présentait un historique des événements 5

vécus par PRUDIS depuis l’annonce de la « refonte » et, répondant à la demande exprimée par le courrier de Gérard RUL du 29 mars, indiquait comment l’exposant envisageait sa participation à l’activité de l’Institut (pièce adverse n° 39). A l’issue de ses travaux, le conseil d’administration, après avoir réfléchi sur la « situation créée par l’attitude de Pascal Moussy », adoptait les termes de la lettre de Gérard RUL précisant les orientations de travail du directeur des études et indiquait que ce dernier devait désormais s’y conformer. Il était également donné mandat au Président de « rencontrer et d’écouter les arguments de Pascal, de prendre toutes initiatives utiles pour assurer l’effectivité des décisions et informer le C.A. des suites données » (pièce adverse n° 40).

Par leur courrier du 8 avril 2005, Jacques Thibault et Gérard Rul, après avoir annoncé la diffusion d’un compte-rendu de la réunion du conseil d’administration, mentionnaient le document de 11 pages rédigé par l’exposant le 5 avril et faisaient part de leur choix de ne pas y répondre. Ils rappelaient également les règles de fonctionnement de l’Institut et indiquaient que des demandes précises seraient faites au responsable pédagogique pour les stages à venir (pièce adverse n° 41).

III. Par son courrier du 12 avril 2005, Gérard Rul, constatant la présence de l’intervenante qui ne lui convenait pas dans la grille (élaborée au début de l’année 2005) du stage « méthodologie juridique » devant se tenir au mois de mai, demandait à l’exposant son accord pour rechercher une autre intervenante pour lui éviter de procéder lui-même à cette recherche (pièce n° 31). Par son courrier du 13 avril 2005, l’exposant dénonçait l’annulation du stage « contrat de travail », ne donnait pas son accord pour procéder à une exclusion résultant d’une initiative arbitraire et protestait contre la suspicion jetée sur sa pratique pédagogique (pièce n° 32). Ce courrier était remis le 14 avril aux dirigeants de PRUDIS, au cours d’un entretien tenu en présence de deux représentants du syndicat de l’exposant, le SNPEFP-CGT. Cet entretien donnait l’occasion de réaffirmer un souci partagé de s’inscrire dans les décisions confédérales concernant PRUDIS mais il n’était aucunement fait état d’une quelconque procédure disciplinaire ou d’exclusion concernant l’exposant. Le 19 avril 2005, était diffusé un tract (pièce adverse n° 46) annonçant, pour le 22 avril, un mouvement de grève soutenu par le SNPEFP-CGT (pièce n° 35). Ce tract, reprenant les protestations exprimées dans le courrier du 13 avril, dénonçait le 6

démantèlement du contrat de travail et la dégradation des conditions de travail de l’exposant. Le 21 avril, les participants au stage concerné par la grève, après avoir pris connaissance du tract et des explications de Jacques THIBAULT, venu exposer son point de vue sur la situation, signaient une motion de soutien à la grève de l’exposant (pièce n° 36). Le 22 avril en milieu de matinée, l’exposant arrêtait son travail et quittait le centre de formation de Courcelle pour se rendre à la réunion de soutien à son action qui devait se dérouler à 12 h à la Bourse du Travail parisienne et devait rassembler entre 90 et 1OO personnes. Le 28 avril 2005, suite à son « attitude », l’exposant était convoqué à un entretien en vue d’une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement (pièce adverse n° 48), l’entretien devant avoir lieu dans locaux du centre de formation de Courcelle. Le 11 mai 2005, l’exposant se rendait à cet entretien, soutenu par la présence à ses côtés de 114 militants de la CGT. Au cours de l’entretien, Jacques THIBAULT reprochait essentiellement à l’exposant ses courriers des 5 et 13 avril et demandait à l’exposant de « préciser par écrit ses intentions ». Les participants au stage « modification du contrat de travail », qui avaient vu l’exposant suspendre son enseignement le temps de l’entretien préalable à son licenciement, procédaient à une évaluation collective soulignant « la maîtrise de Pascal qui a su faire abstraction des difficultés qu’il vivait » et exprimant leur satisfaction devant le travail accompli au cours de la semaine (pièce n°39). Par son courrier du 12 mai 2005, l’exposant indiquait comment il voyait la poursuite de sa collaboration à l’activité de formation des conseillers prud’hommes de la CGT (pièce n° 42). Par courrier du 18 mai 2005, l’exposant se voyait remettre une motion du conseil d’administration lui demandant une déclaration de loyauté, à remettre dans les huit jours à compter de la notification de ladite motion (pièce adverse n° 53 bis). Mais le principe de l’exclusion de l’exposant était d’ores et déjà acquis. Avant que soit connue sa réponse sur l’engagement demandé (cette réponse devant intervenir le 25 mai), l’exposant, qui n’était pas en mise en pied conservatoire, se voyait interdire par courrier du 19 mai, « faute d’engagement de sa part », l’accès au 7

centre de formation de Courcelle pour participer à un stage dans lequel sa participation était programmée (pièces adverses n° 60 et 62). Par son courrier du 25 mai 2005, l’exposant soulignait que son courrier du 12 mai était de nature à répondre à l’attente du conseil d’administration et que, s’il devait subsister un doute, il suggérait au conseil de procéder à son audition (pièce adverse n° 63). Cette demande d’audition par le conseil d’administration était soutenue le 26 mai par le SNPEFP-CGT (pièce n°51). En vain… Par courrier du 30 mai 2005, l’exposant se voyait notifier son licenciement. La mesure d’exclusion reposait sur deux motifs. Le premier reprochait un refus de travail collectif et une opposition systématique aux décisions collectives. Le second grief concernait les propos tenus par l’exposant IV. Par son ordonnance du 28 juillet 2005, la formation de référé du Conseil de Prud’hommes de BOBIGNY, après avoir relevé que le licenciement de l’exposant avait essentiellement eu pour objet de sanctionner son rôle dans la dénonciation collective des modalités de la refonte de la formation des conseillers prud’hommes CGT et que le déclenchement de la procédure de licenciement avait été concomitant au mouvement de grève du 22 avril, ordonnait à titre provisoire la poursuite du contrat de travail de l’exposant sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l’ordonnance, le Conseil se réservant le pouvoir de liquider cette astreinte. Des déclarations tentaient de jeter la suspicion sur la formation de référé (voir pièce n°169) et l’Institut PRUDIS se refusait à exécuter cette ordonnance. Le refus d’exécution est manifeste pour la période allant de la notification de l’ordonnance prud’homale au début du mois de novembre 2005, lorsque la 18ème Chambre C de la cour d’Appel de PARIS, saisie par l’Association PRUDIS, a tenu son audience. L’exposant s’est vu notifier une délibération du conseil d’administration de l’Institut PRUDIS en date du 1er septembre 2005, le cantonnant à des tâches d’élaboration de supports pédagogiques (pièce adverse n° 128) et ne lui permettant pas de retrouver l’intégralité des attributions qui étaient attachées à son contrat de travail (pièce n° 2, pièce adverse n° 2). Il était précisé par la délibération du 1er septembre que le C.A. validerait in fine toutes les décisions concernant notamment les grilles, les supports pédagogiques, les directions de stage et les intervenants. 8

Ce contrôle collectif exercé en amont n’autorisait toutefois pas à retirer à l’exposant ses attributions de conception de programmes de formation, à moins de lui signifier que son emploi de directeur des études avait été supprimé ou de lui adresser, au moment de la reprise, une proposition de modification de son contrat de travail. Mais ces deux hypothèses ne se sont pas présentées au début du mois de septembre 2005. L’activité d’enseignement de l’exposant relevait sans nul doute de la « commune intention des parties » au contrat (pièce n° 2). L’activité « d’intervenant » de l’exposant était d’ailleurs mise en évidence dans l’organigramme du 18 février 2005 de la « maison confédérale » (pièce n° 65). Les participants du stage « procédure prud’homale », privés de la perspective d’une venue de l’exposant, ont bien compris que l’absence de proposition d’une activité d’enseignement faite à l’exposant au moment de la reprise ne valait pas une exécution satisfaisante, lorsqu’ils ont signé une pétition demandant « sa réintégration au poste qu’il occupait avant cette affaire » (pièce n° 81). Les modalités pratiques de « l’exécution » se sont déroulées en deux phases. D’abord, un refus d’accès, le 30 août, à l’immeuble de la CGT (pièces n° 113 et 114). Ensuite, une reconduite à la sortie, le 5 septembre, une fois que l’exposant, après en avoir discuté avec deux directeurs de stage qui l’avaient accompagné lorsqu’il s’était représenté au siège de PRUDIS le 2 septembre (pièces n° 110 et 113), ait remis à Gérard RUL un courrier protestant contre la remise en cause de son contrat de travail (pièce adverse n° 130) tout en lui demandant dans quel bureau il devait se rendre pour commencer sa tâche de réalisation de brochures (pièce adverse n° 132 et pièces n° 75 et 112). Le refus d’exécution avait du mal à être dissimulé. Une fédération demandait des explications (pièce n° 89), des conseillers prud’hommes et des organisations de la CGT exprimaient leur indignation (pièces n° 80, 98 et 100), 880 militants signaient une pétition exigeant « LE RESPECT PAR PRUDIS DE LA DECISION PRUD’HOMALE » (pièce n° 118).

V. Par son arrêt du 27 avril 2006, la 18ème Chambre C de la Cour d’Appel de PARIS infirmait l’ordonnance prud’homale du 28 juillet 2005.

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Cet arrêt était cassé le 21 octobre 2008, la Cour d’Appel de Paris autrement composée étant désignée comme juridiction de renvoi. Après l’intervention de l’arrêt de la Cour de Cassation du 21 octobre 2008, l’exposant, après avoir, dès le 27 octobre 2008, fait deux demandes de rencontre (pièces n° 151, 152 et 153), était convié à « venir à Prudis » le 16 décembre 2008 (pièce n° 154). Il a pu alors constater une apparence de crispation devant la perspective d’une exécution de l’ordonnance prud’homale à l’occasion d’un entretien rapidement expédié, tenu, non dans les bureaux habituels de l’Institut (pièces n° 156, 157 et 158), mais dans une salle d’un sous-sol. Par son arrêt du 10 mars 2009, la 18ème chambre D de la Cour d’Appel de PARIS infirmait l’ordonnance prud’homale du 28 juillet 2005 et condamnait l’exposant à payer à l’Association PRUDIS la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile (pièce n° 162). L’exposant formait un pourvoi, qui devait donner lieu à un arrêt de non-admission. L’exposant a donné clairement son point de vue sur les arguments développés par l’Association PRUDIS lors du traitement de ce pourvoi ainsi que sur le rapport ayant conduit à la non-admission (pièces n° 163 à 168). Le 30 novembre 2010, l’exposant saisissait le Conseil de Prud’hommes de BOBIGNY, statuant au principal.

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DISCUSSION

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Sur le caractère de prétextes des motifs inscrits dans la lettre de licenciement.

Par son arrêt du 28 avril 1994, S.A Delachaux c / Clavier (C.S.B.P. n° 61, A. 35 ; Dr. Ouv. 1994, 442), la Cour de Cassation a souligné que le juge prud’homal peut être amené à ordonner la poursuite du contrat de travail du salarié licencié en raison d’une participation active à une grève, après avoir constaté que les fautes officiellement reprochées à l’appui du licenciement n’étaient que des « prétextes ». Lorsque le juge s’assure que la grève n’a pas été la cause déterminante d’un licenciement, l’examen du déroulement chronologique des faits se révèle particulièrement utile. Il apparaît ici essentiel de regarder si la procédure de licenciement a été déclenchée avant ou après le mouvement de grève (voir Cass. Soc. 21 mars 1973 : pièce adverse n° 88). Cette approche chronologique a déjà permis au juge prud’homal de neutraliser les effets du licenciement illicite, après avoir relevé la concomitance entre la participation au mouvement de grève et la mise en œuvre de la procédure de licenciement (voir, notamment, C.A. Paris (18ème Ch. C), 24 mai 2000, Dr. Ouv. 2000, 396 ; C.A. Paris (18ème ch. C.), 27 février 2003, Dr. Ouv. 2003, 298).

Dans la présente affaire, l’examen du déroulement chronologique des faits met en évidence que les motifs inscrits dans la lettre de licenciement ne constituent que des prétextes.

Sur le premier motif : refus de toute démarche de travail collectif et opposition systématique aux décisions collectives. 11

I. Le reproche d’un refus de toute démarche de travail collectif manque en fait. L’exposant, par son courrier du 25 mars 2005, assure de sa disponibilité pour rencontrer les directeurs de stages (pièce adverse n° 30). Son courrier du 12 mai 2005 insiste sur le fait que les projets de grille qu’il réalise sont soumis à la critique collective (pièce adverse n° 50). Il lui a été reproché de ne pas avoir assisté, le 18 mars 2005, à la première réunion du nouveau groupe pédagogique. L’exposant ne va pas déclencher ici une savante discussion sur la question de savoir si l’usage d’une fixation conjointe des dates des réunions pédagogiques (pièce n° 106) avait été régulièrement dénoncé. Il se contentera de rappeler que cette réunion pédagogique a été la seule à laquelle il n’a pas assisté et qu’il s’est expliqué dans son courrier du 13 mars 2005 sur les raisons de son absence (pièce n° 25). Mais l’Institut PRUDIS a chargé le dossier en produisant cinq courriers faisant état de pressions que l’exposant aurait exercées pour que des éducateurs ne participent pas à cette réunion. Cette abondante correspondance mérite le détour. Seule, Fabienne COMITI, qui, depuis, a intégré le nouveau conseil d’administration de PRUDIS (pièce adverse n° 99), affirme que l’exposant lui aurait demandé de ne pas participer à cette réunion (pièce adverse n°28). Il est dommage que Fabienne COMITI fasse une confusion entre la suggestion d’un report et l’injonction d’un boycott. Les deux autres membres du nouveau conseil d’administration sont plus mesurés. Agnès PAULGEN-PERRUCHE évoque « le souhait de certains » sans désigner l’exposant (pièce adverse n° 26). Le troisième membre du conseil ne parle même pas de cette réunion (pièce adverse n° 24).

Il reste enfin deux courriers.

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Les cinq pages de la lettre de Marie-José CAPEL sont muettes sur la fameuse réunion (pièce adverse n° 79). Quant au courrier écrit le 10 avril 2005 par Didier PHILIPPON, il n’est aucunement consacré à la réunion du 18 mars. Il indique à Gérard RUL qu’il s’est rendu compte, « avec du recul », que l’exposant avait utilisé un stage organisé du 6 au 10 septembre 2004 pour influencer des stagiaires (pièce adverse n° 42). Il convient d’attirer l’attention de la Cour sur l’autre courrier que Didier PHILIPPON a offert aux débats. Il s’agit d’une lettre du 27 septembre 2004, toujours adressée à Gérard RUL, consacrée à ce même stage du début de mois de septembre. Le rédacteur du courrier peut enfin faire part de son indignation devant le comportement de l’exposant : « J’ai pris sur moi pendant le stage, mais j’ai vécu ce moment difficile comme une vraie provocation… ». Cette correspondance est répertoriée dans le bordereau de pièces de l’Association PRUDIS sous le numéro 90 avec l’indication suivante : « courrier de Philippe MASSON à Gérard RUL du 27 septembre 2004 ». Il s’agit peut-être d’un dérapage dans la construction du dossier à charge contre l’exposant… L’exposant signalera enfin la mauvaise foi qui conduit à le présenter comme refusant toute démarche de travail collectif. Entre la fin de l’année 2004 et le début de l’année 2005, il aconsacré de longs moments, à la demande du collectif national droits et libertés, à un travail qui s’est achevé par la rédaction d’un mémoire ampliatif déposé à l’appui du recours formé par la CGT contre plusieurs dispositions du décret du 20 août 2004 portant modification de la procédure civile (pièce n° 17). Le 1er mars 2005, l’exposant a été cité comme s’étant inscrit dans un « travail collectif » particulièrement utile (pièce n° 18). Le grief d’un refus de toute démarche collective ne résiste pas à l’examen. Le reproche d’une opposition systématique aux décisions collectives n’est guère plus sérieux

II. La demande d’exclusion d’une intervenante exprimée le 17 mars 2005 par Gérard Rul a été faite à la veille du 18 mars, jour de la tenue de la première réunion du 13

nouveau groupe pédagogique. Il s’agit d’une initiative individuelle, qui ne s’appuyait sur aucune décision prise collectivement. Le courrier des directeurs du stage concerné par cette exclusion met même en évidence que l’initiative de Gérard RUL a été mise en œuvre contre l’avis collectif (pièce adverse n° 32). Les travaux du groupe pédagogique du 18 mars ont été à l’origine des orientations exposées dans le courrier de Gérard RUL en date du 29 mars (pièce adverse n° 33). Parmi ces orientations, figurait « l’extension du panel des intervenants ». Lorsque l’exposant, le 11 avril, n’a pas voulu donner suite à la demande d’exclusion concernant la même intervenante, il n’était pas dans une logique d’opposition à une décision collective. La personne dont Gérard RUL ne voulait plus ne pouvait être raisonnablement concernée par l’instruction d’ouverture du panel des intervenants.

On peut notamment relever que depuis la nomination de Gérard RUL comme secrétaire général de PRUDIS il y a eu dix stages organisés à Courcelles. Sur ces dix stages de cinq jours chacun, l’intervenante concernée n’est intervenue qu’une seule journée dans le stage « temps de travail » de décembre 2004 (pièce adverse n° 92) et son trava (pièces adverses n° 93 à 98). De surcroît, il doit être constaté que le présent contentieux a été l’occasion d’une publicité autour de la vie privée de cette personne, au moyen de procédés (pièce adverse n° 56, p. 5 et pièces n° 90, 128, 86 et 76) considérés comme peu honorables par la Cour de Cassation (voir Cass. Civ. 6 octobre 1998, Bull. I, n° 274). L’agitation entretenue autour du seul refus du directeur des études de voir ses prérogatives arbitrairement entamées par une initiative individuelle et exempte de justifications d’ordre objectif ne saurait valoir démonstration de la prétendue opposition systématique de l’exposant aux décisions collectives. Il est dès lors manifeste que le premier motif inscrit dans la lettre de licenciement ne constitue qu’un prétexte.

Sur le second motif : avoir tenu des propos exprimant le mépris, le dénigrement, voire l’injure à l’endroit des dirigeants de PRUDIS et des responsables confédéraux.

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Si l’on s’en tient aux termes de la lettre de licenciement, le grief de propos exprimant le mépris, le dénigrement, voire l’insulte ne vise que les propos tenus par l’exposant. Il ne saurait concerner des propos émis par d’autres personnes, que ce soit ceux de Jean-Claude Lam en août 2004 (pièce adverse n° 14) ou ceux provenant des jeunes syndicalistes de Mc Do déçus de l’attitude de Gérard RUL (pièce adverse n° 52 et pièce n° 58). D’ailleurs, Jacques Thibault, lors de l’entretien préalable au licenciement, a très explicitement indiqué que c’étaient les propos tenus par l’exposant dans sa lettre du 5 avril qui lui posaient problème (pièce adverse n° 49). Seulement, à peu près un mois avant, Jacques THIBAULT s’était déjà exprimé sur le courrier du 5 avril rédigé par l’exposant. Dans un courrier du 8 avril qu’il avait cosigné avec Gérard RUL, écrit à l’intention des secrétaires généraux des Unions Départementales, des correspondants PRUDIS et des éducateurs PRUDIS, ce courrier était mentionné dans les termes suivants : « Lors du C.A., Carlos nous a donné un courrier de 11 pages que Pascal nous a écrit. Nous ne pensons pas utile d’abonder dans la surenchère, les faux débats et de donner prise à des faux-fuyants. Nous choisissons donc, tout en contestant l’essentiel, de ne pas y répondre ». La suite du courrier est consacrée à un rappel de règles de vie et de fonctionnement. Et la dernière partie du document s’attache à souligner que le « responsable pédagogique » sera invité à tenir compte des demandes précises qui lui seront faites pour qu’il travaille en cohérence avec les orientations préconisées dans le courrier du 29 mars. Le constat s’impose. Le 8 avril, les dirigeants de l’Institut PRUDIS faisaient état de leur connaissance du courrier du 5 avril et il n’était aucunement annoncé une quelconque procédure disciplinaire ou d’exclusion en raison des propos tenus dans ce courrier. Le courrier écrit par Jacques Thibault et Gérard RUL le 8 avril est la pièce n° 41 de l’Association PRUDIS. Dans ses conclusions, l’Institut ne lui fait l’honneur, ni de la citation, ni du commentaire… C’est seulement après la grève du 22 avril que le courrier du 5 avril est ressorti pour caractériser « l’attitude » de l’exposant. La lecture du compte-rendu de l’entretien 15

préalable nous révèle que les dirigeants de PRUDIS lui ont trouvé le charme de l’opportunité. L’examen du déroulement chronologique des faits permet ici de mettre en évidence le caractère de prétexte du second motif mentionné dans la lettre de licenciement.

Sur la particularité de la grève du 22 avril : l’arrêt de travail d’un salarié soutenu collectivement L’Association PRUDIS tente de jeter le discrédit sur la grève menée le 22 avril par l’exposant en soutenant être en présence d’une « instrumentalisation du droit de grève » et en s’interrogeant sur « l’authenticité » de cette grève. Mais l’arrêt de travail observé le 22 avril 2005 par l’exposant répond bien aux conditions attendues d’une grève.

Il y a eu une cessation du travail. Le matin du 22 avril, l’enseignement prévu n’a pas été assuré. Dans la première partie de la matinée, l’exposant s’est contenté d’animer l’évaluation du stage. Ensuite, aux environs de 10 heures, il a quitté la salle de cours et le centre de Courcelle pour participer à la réunion de soutien à son action qui se devait se tenir à 12 heures à la Bourse de du Travail de Paris (pièces n° 124 et 125 et pièce adverse n°46). Il ne s’agissait pas ici de la grève « d’autosatisfaction » interdite par le célèbre arrêt Bardot, curieusement cité par l’Institut PRUDIS (pièce adverse n° 137), consistant à « satisfaire unilatéralement ses désirs par une modification des conditions essentielles de son contrat de travail ». En arrêtant d’enseigner, activité qu’il affectionne par-dessus tout, l’exposant ne se livrait pas à une modification des fonctions qui lui étaient contractuellement dévolues. Il ne saurait donc être sérieusement contesté que l’exposant a arrêté d’effectuer son travail au cours de la matinée du 22 avril.

L’arrêt de travail était observé pour soutenir des revendications d’ordre professionnel, qui n’avaient pas pour objet d’obtenir le départ d’un dirigeant (comme dans l’espèce rapportée dans la décision de la Cour de Paris versée aux débats par l’Institut PRUDIS : pièce adverse n° 138) mais de protester contre le démantèlement du contrat de travail de l’exposant et la dégradation de ses conditions de travail (pièce adverse n° 46). 16

Les raisons de cet arrêt de travail avaient été porté préalablement portées à la connaissance des dirigeants de l’Institut. Le 14 avril, en présence des représentants du SNPEFP-CGT, ceux-ci s’étaient vus remettre le courrier du 13 avril, par lequel l’exposant exprimait ses protestations (pièce n° 32), reprises ensuite par le tract diffusé le 19 avril (pièce n° 46°). L’institut tente de parfaire sa réflexion sur la nature de l’arrêt du travail du 22 avril par l’argument d’une absence de retenue sur les bulletins de salaire de l’exposant (pièces adverses n° 140 et 141). Cette circonstance est loin d’être déterminante. Du moins, si l’on se réfère à l’arrêt Soumaré et Union Locale CGT de Paris 1er contre Sté Café de l’Univers, rendu le 12 avril 2005 par la 18ème chambre D de la Cour de Paris (Dr. Ouv. 2005, 490 et s.), qui relève que l’absence de retenue sur la paie ne suffit pas à établir l’absence de grève. Certes, le mouvement présente ici une particularité : celle d’avoir été suivi par une seule personne, l’exposant étant à l’époque le seul salarié de l’Institut. Ce qui ne n’est pas de nature à remettre en cause la qualification de grève donnée à l’arrêt de travail (voir Cass. Soc. 13 novembre 1996, Dr. Ouv. 1997, 143). Seul, mais pas isolé. Les participants au stage concerné par la grève du 22 avril, après avoir entendu le point de vue du président de PRUDIS sur la grève que l’exposant avait décidé d’observer (voir pièces n° 171 et 172), ont voté une motion de soutien à l’action menée par l’exposant. Celle-ci protestait contre la suspicion manifestée envers la pratique pédagogique de celui-ci, s’interrogeait sur les motifs de la remise en cause du travail effectué depuis de nombreuses années et manifestait le souci du maintien d’une formation de qualité (pièce n° 36). La réunion tenue à la Bourse du Travail rassemblait entre 90 et 100 conseillers prud’hommes ou militants de la CGT s’intéressant à l’activité prud’homale, qui affirmaient leur souci d’être présents aux côtés de l’exposant dans son action pour la défense de ses conditions de travail et de voir maintenue une formation prud’homale de qualité (pièces n° 107 et 111). Lors des débats du 3 novembre 2005, le défenseur de l’Institut PRUDIS, n’a pas craint de présenter les participants à la réunion de protestation figurant sur les photographies produites par l’exposant (pièces n° 68 et 69) comme participant au stage qui se serait poursuivi pendant toute la matinée du 22 avril… 17

Ce n’est pas très sérieux. L’attitude qui ressort des photographies n’est pas vraiment studieuse. Et surtout, sur l’une d’entre elles (pièce n° 68), on reconnaît Tino FORTUNAT, le délégué syndical du Mc Do de Strasbourg St Denis, dont le visage était devenu familier à tous ceux qui ont suivi un conflit qui a duré près d’un an et qui, n’étant pas conseiller prud’homme, ne figurait pas sur la liste des participants au stage organisé à Courcelle du 18 au 22 avril 2005.

Sur l’illicéité manifeste d’un licenciement qui intervient pour punir de la grève et stopper l’extension d’une expression collective sur les conséquences des modalités de la « refonte » sur la qualité de la formation des conseillers prud’hommes

I. La lettre collective du 5 novembre 2004 soulignait que « le manque de considération qui a accompagné le départ de Jean-Claude LAM n’a pu que profondément blesser Jean-Claude et tous ceux qui ont travaillé avec lui à ce que PRUDIS devienne un outil militant de la meilleure qualité possible » pièce adverse N°16). Et c’est justement ce souci de voir préserver la qualité de l’activité de formation des conseillers prud’hommes de la CGT qui a été une des raisons essentielles, avec la solidarité envers un salarié qui défend ses conditions de travail, du soutien apporté à l’exposant lorsqu’il a fait grève le 22 avril 2005 (pièces n° 36, 107 et 111). (Sur la légitimité de l’inquiétude alors ressentie sur l’évolution de l’Institut PRUDIS, voir pièce n° 172).

Le nombre des inquiets devant les conséquences des modalités de la « refonte » commençait à grandir sensiblement. On passait de vingt quatre directeurs de stage à une centaine de personnes au tempérament militant, peu habituées à rester silencieuses devant une situation leur paraissant néfaste à la défense des intérêts des salariés.

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C’est ce processus d’extension que le licenciement a tenté d’arrêter. Le ton du courrier adressé le 27 mai 2005 à des stagiaires participant à une session « formateurs », qui venaient de faire part de leur réprobation devant la procédure de licenciement engagée à l’encontre de l’exposant et de leurs inquiétudes sur les conséquences de cette exclusion (pièce n°76) s’inscrit tout à fait dans cette démarche de mise au pas. Il accuse les formateurs qui ont manifesté leur refus du licenciement de l’exposant de « contester la légitimité du conseil d’administration et par voie de conséquences de ces décisions ». Et il regrette que les stagiaires aient voulu rester autonomes pour rédiger leur courrier : « Que dire enfin de la crainte d’affronter la réflexion critique du directeur de stage qui s’est vu refuser jusqu’au dernier moment de prendre connaissance de ce texte ? » (pièce adverse n° 77). L’éviction du conseil d’administration de PRUDIS, pour cause de solidarité, de Carlos RODRIGUEZ (pièce n°109), l’exclusion des directions de stages nationaux d’éducateurs ayant soutenu l’exposant (pièces n° 77, 78 et 94) sont de la même veine. Dans son intervention du 18 mai 2005, jacques THIBAULT annonçait clairement la couleur. « Naturellement lors des stages à Courcelle, ce n’est pas pendant les cours que des choses sont dites aux stagiaires. Mais comment tolérer que les derniers stages donnent lieu à des pétitions, des prises de position, voire des participations à des manifestations qui mettent en cause les décisions de la direction confédérale, sans que nous prenions les mesures pour que cela cesse ? » (pièce adverse n° 56). Le président de l’Institut de formation n’apparaît pas ici guidé par des finalités pédagogiques. Sa démarche, qui a pu conduire par ailleurs à interdire la présence (même à titre bénévole) de l’exposant dans des stages organisés au niveau départemental en dehors du centre de Courcelle, a été regrettée par des conseillers prud’hommes qui y ont vu une remise en cause de la liberté de pensée et une absence de prise en compte de leur droit à la formation (pièce n° 130).

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II. L’exposant a beaucoup lu le Professeur Jean-Maurice VERDIER. Bien sûr, ses chroniques de portée générale, comme celle qu’il a consacrée à mesurer la portée de l’arrêt Clavaud qui a fermement refusé le licenciement attentatoire à la liberté d’expression (J.M. VERDIER, « Libertés et travail. Problématique des droits de l’homme et rôle du juge », D. 1988, Chr. XI). Mais aussi un écrit à connotation plus personnelle. Il s’agit du courrier qu’il a envoyé à Bernard THIBAULT au sujet de l’exposant, qu’il avait eu l’occasion de présenter comme un « intellectuel batailleur » (pièce n° 131). Sa lettre, cosignée avec quatre autres professeurs de droit social, faisait part de la préoccupation suscitée par la mesure d’exclusion ayant frappé l’exposant (pièce n° 132). Bernard a renvoyé à Jacques (pièce n° 133). Le président de PRUDIS a envoyé une réponse s’attachant à faire découvrir les défauts reprochés à l’exposant (pièce n° 134). Le courrier de Jacques THIBAULT appelle deux observations. Le président de l’Institut indiquait aux professeurs qu’il tenait à leur disposition l’ensemble des pièces du dossier. Mais le courrier du 5 avril 2006 avait été envoyé à la CGT en connaissance de cause. L’exposant avait eu le souci constant de communiquer au Professeur Antoine LYON-CAEN, cosignataire du courrier, tous les documents essentiels qui lui avaient été adressés par les dirigeants de PRUDIS. Jacques THIBAULT se voulait ensuite rassurant sur les perspectives de collaboration avec l’exposant : « d’ailleurs pendant toute cette période où il a mené un combat public contre la direction de Prudis et les responsables confédéraux il est resté membre du comité de rédaction du Droit Ouvrier, et il l’est toujours ». (Cette pérennité de l’appartenance de l’exposant au comité de rédaction de la revue juridique de la CGT ressortait également d’une attestation du directeur de la revue versée par PRUDIS aux débats du 3 novembre 2005 : pièce adverse n° 144). Seulement, une fois rendu l’arrêt du 27 avril 2006, s’engageait, sous l’impulsion de Philippe MASSON et de Jacques THIBAULT, un processus qui devait conduire à l’exclusion du comité de rédaction. Une campagne était menée pour empêcher la parution d’un article cosigné par l’exposant, accepté par le comité de rédaction et destiné à être publié en juillet 2006 (pièces n° 135 à 138). Devant la résistance opposée à cette mesure d’une extrême signification, une alternative était trouvée. L’article devait finalement paraître en décembre 2006 (pièce n° 139), en même temps que le directeur du comité de 20

rédaction signifiait une mesure d’exclusion collective de l’exposant et de deux autres personnes (pièces n° 140 à 145). Dans la réponse qu’il a faite à la lettre d’exclusion, l’exposant exprimait en quoi cette mesure le touchait, n’envisageant pas d’écrire dans une revue qui ne se revendiquerait pas des valeurs de la CGT (pièce n° 143). Il a depuis participé à la création de Chronique Ouvrière, dont il communique les coordonnées (pièce n° 146) à la Cour, dans le cas où elle voudrait vérifier la loyauté de cette nouvelle revue envers la CGT. La lettre d’exclusion de l’exposant lui adressait le grief (dont les autres exclus n’étaient pas destinataires) d’avoir diffusé des tracts « très violents à l’égard de la CGT ». (Accusation reprise par l’information confédérale du 13 décembre 2006 : pièce n° 147). Des juges des référés invités à intervenir face à une entorse faite à la liberté d’expression ont déjà eu l’occasion de prendre en considération une situation faisant apparaître la diffusion de tracts comme « une pratique habituelle dans l’entreprise » (CPH Annecy 26 juin 2001, ordonnance confirmée par C.A. Chambéry, 18 mars 2003, Dr. Ouv. 2003, 426 et s.). Cette pratique ne devrait pas être ici considérée comme particulièrement insolite et la Cour ne pourra que constater que les tracts diffusés depuis les propos rassurants de Jacques THIBAULT témoignent moins d’une hostilité envers l’organisation syndicale que d’un souci de rappeler les valeurs de la CGT (pièces n° 148 à 150).

Le licenciement de l’exposant apparaît bien comme une étape d’un processus de remise en cause de la liberté d’expression s’achevant avec la mesure d’exclusion collective du comité de rédaction du Droit Ouvrier. Dans ces conditions, il est quelque peu dérisoire, comme le fait l’Institut PRUDIS à la page 15 de ses conclusions, de vanter la liberté d’expression reconnue par ses dirigeants par les discussions avec « quelques militants » venus soutenir l’exposant lors de l’entretien préalable à son licenciement. Cette valorisation paraît excessive. Tenter de donner quelques explications à 114 militants de la CGT très choqués par la perspective de l’exclusion (et non une cinquantaine comme l’a compté par erreur Jacques THIBAULT : pièce adverse n° 49) relève du « minimum syndical ».

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Il est à noter que le déroulement de cet entretien préalable si remarqué par les conclusions de l’Institut PRUDIS a permis à son président de noter que l’exposant, à l’occasion de cette rencontre, a pris part à un débat « parfois vif », mais qui s’est toujours déroulé « dans le respect mutuel » (pièce adverse n° 49)…

Sur le trouble causé par le licenciement A la page 25 des ses conclusions l’Institut PRUDIS présente l’exposant comme ayant « un fonctionnement particulièrement autocratique, clientéliste et népotiste inconciliable avec la mission de service public que réalise l’association et la philosophie confédérale ». Cette image renvoie à des pratiques qui sont aux antipodes des valeurs défendues par les militants de la CGT. Elle se révèle manifestement peu crédible, dès qu’on prend connaissance des multiples réactions syndicales qui ont vivement pris position contre le licenciement de l’exposant, que ce soit sous forme de courriers (pièces n° 40, 41, 44, 48, 58, 59, 67, 79 et 87), d’une motion (pièce n° 97) ou de pétitions (pièces n° 117 et 118). L’exposant attirera particulièrement l’attention sur trois protestations. Celle provenant d’un « vieux » conseiller prud’homme et militant syndical, Francis LATASTE, particulièrement attaché aux valeurs fondatrices de la CGT (pièce n° 82). Celle exprimée par la motion votée par le 11ème congrès de la CGTM (pièce n° 104). Celle émise par Kléber DEROUVROY, ayant adhéré à la CGT en 1965, ayant débuté son activité prud’homale en 1979, ancien membre du Conseil supérieur de la prud’homie, sollicité par la CGT pour être son candidat lorsqu’il a été demandé aux confédérations syndicales de proposer des noms en vue de choisir un successeur à Monsieur Pierre LANQUETIN au sein de la Chambre sociale de la Cour de Cassation. Militant pour « une formation prud’homale spécifique de qualité » (pièce n°10). Le 6 juin 2005, après avoir appris le licenciement de l’exposant, pour « protester contre cette atteinte inacceptable aux droits et libertés », il rendra sa carte de la CGT (pièce n° 55). Il n’est guère surprenant, dans ces conditions, que les premiers juges qui sont intervenus en référé aient considéré nécessaire d’intervenir pour neutraliser les effets 22

du trouble manifestement illicite constitué par un licenciement attentatoire à la liberté d’expression. Sur le fondement des dispositions de l’article L. 1121-1 du Code du Travail, protectrices de la liberté d’expression, et des articles L. 1132-2 et L. 1132-4 du même Code, garantissant l’exercice du droit de grève, il est demandé au Conseil d’ordonner la poursuite du contrat de travail de l’exposant.

SUR LA DEMANDE D’INDEMNITE DUE AU TITRE DU PREJUDICE CAUSE PAR LE LICENCIEMENT ATTENTOIRE A LA LIBERTE D’EXPRESSION ET A L’EXERCICE DU DROIT DE GREVE La Chambre sociale de la Cour de Cassation a posé une règle générale qui veut que c’est dans la limite du montant des salaires dont il a été privé, que le salarié dont le licenciement est nul et qui demande sa réintégration a doit au paiement d’une somme correspondant à la réparation du préjudice subi au cours de la période qui s’est écoulée entre son licenciement et sa réintégration (voir Cass. Soc. 3 juillet 2003, Bull. V, n° 214 ; Cass. Soc. 12 février 2008, n° 07-40413). Mais une règle spéciale a été admise lorsqu’il s’agit d’un licenciement résultant de la violation d’une liberté fondamentale. La Chambre Sociale, par un arrêt du 2 février 2006 (Bull. V, n° 53), a souligné qu’en cas de violation du droit de grève, principe de valeur constitutionnelle, la nullité du licenciement ouvre droit au paiement d’une indemnité égale au montant de la rémunération qui aurait dû être perçue entre l’éviction de l’entreprise et la réintégration, peu important que le salarié ait ou non reçu des salaires ou un revenu de remplacement pendant cette période. L’exposant est dès lors fondé à solliciter une indemnité dont le montant correspond aux salaires devant lui être versés entre le mois de mai 2006, période où l’Institut PRUDIS a cessé de lui verser le salaire qu’il percevait jusqu’alors, soit 2203,84 € par mois (pièces adverses n° 140 et 141), et la date de sa réintégration effective dans son emploi, suite au jugement à intervenir.

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SUR L’INDEMNITE DEMANDEE AU TITRE DE L’ARTICLE 700 Un éminent membre du conseil d’administration de l’Institut PRUDIS, Bernard AUGIER (pièce adverse n° 99) a dénoncé, dans les colonnes du numéro d’avril 2007 de la Revue Pratique de Droit Social (p. 134), la démarche visant à faire condamner le salarié licencié au versement de l’article 700, « instaurant ainsi le principe de la double peine : avoir été licencié et être condamné à payer une somme à son employeur ». L’Institut de formation des conseillers prud’hommes de la CGT, dans son conflit avec l’exposant, n’a pas hésité à se mettre dans une situation paradoxale en demandant, à l’occasion de la procédure de référé, à ce qu’il soit condamné à lui verser la somme de 2000 € au titre de l’article 700 du Nouveau Code Procédure Civile. L’exposant se limitera à demander, sur le fondement de l’article de l’article 700 du Code de procédure civile, une somme de 100 €, pour le dédommager des frais d’huissier et de photocopie occasionnés par le contentieux consécutif à son licenciement.

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PAR CES MOTIFS Vu les articles L. 1121-1, L. 1132-2 et L. 1132-4 du Code du Travail

Il est demandé au Conseil:

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d’ordonner la poursuite du contrat de travail de l’exposant sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter de la notification du jugement à intervenir ;

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de condamner l’Association PRUDIS CGT à verser à l’exposant une indemnité dont le montant correspond aux salaires devant lui être versés entre le mois de mai 2006, période où l’Institut PRUDIS a cessé de lui verser le salaire qu’il percevait jusqu’alors, soit 2203,84 € par mois, et la date de sa réintégration effective dans son emploi ;

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assortir son jugement de l’exécution provisoire ;

Il est également demandé la condamnation de l’Association PRUDIS CGT au versement d’une indemnité de 100 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

A PARIS, le 22 octobre 2012

Pascal MOUSSY

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