CR_affectation dynamique 06Nov2007

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Décision territoriale et indicateurs de développement durable Fabien Leurent (1) et autres intervenants

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Décembre 2010

Leurent et al

Ecole des Ponts, ParisTech

Décision territoriale et indicateurs de développement durable : compte-rendu de la conférence du 4 novembre 2010 Fabien Leurent (1) et autres intervenants

1.

Synthèse d’ensemble

La Chaire Eco-conception des Ensembles Bâtis et des Infrastructures s’intéresse en particulier aux territoires à diverses échelles, pour les ensembles bâtis qu’ils englobent et les réseaux qui les desservent. L’évolution de tels systèmes est un problème de planification, dont les enjeux environnementaux méritent une approche d’éco-conception. La deuxième conférence anniversaire de la Chaire a été consacrée au thème « Décision territoriale et indicateurs de développement durable », afin de présenter des résultats de recherche en matière de transport et d’aménagement et d’entretenir le dialogue entre les chercheurs et les porteurs d’application – principalement des ingénieurs d’étude. La conférence a rassemblé un public d’environ 80 personnes, allant des chercheurs jusqu’aux managers d’entreprise de construction ou d’aménagement, en passant par les ingénieurs d’étude. Les interventions des orateurs et des participants à la Table Ronde permettent de dégager des constats d’ensemble : (i)

la forte complexité du territoire ;

(ii)

la complexité des politiques territoriales de durabilité ;

(iii)

les politiques et les actions sont à concevoir de manière intersectorielle, spécifique et partenariale ;

(iv)

l’aide à la décision ne dispose pas encore d’un outillage complet ;

(v)

les outils d’aide à la conception comprennent des modèles de simulation, des modèles d’impacts et des plates-formes informatiques de prospection ;

(vi)

les méthodes de conception raisonnée se diffusent progressivement, mais pas encore de manière systématique.

(i) Un territoire est un système complexe, et même hypercomplexe car c’est par essence le lieu focal d’intégration des enjeux des divers types. Par conséquent c’est le niveau pertinent pour concilier les enjeux. (ii) Les politiques territoriales de durabilité sont complexes : il faut des packages intersectoriels d’instruments pour agir sur un impact en prévenant les effets pervers. Les documents-cadre de planification deviennent davantage systémiques, avec le SCOT en tant que représentant emblématique. Attention toutefois au risque de diluer l’attention portée à un secteur spécifique, ou de réduire l’influence d’un instrument.

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Auteur correspondant : [email protected]. Ecole des Ponts ParisTech, Laboratoire Ville Mobilité Transport, 6-8 avenue Blaise Pascal, Champs sur Marne 77455 Marne la Vallée Cedex

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(iii) Les politiques et les projets sont à concevoir de manière intersectorielle, en respectant la spécificité de chaque territoire, et en intégrant les réactions des acteurs impactés. La concertation préalable vise à favoriser la co-conception des projets entre les aménageurs, les usagers et les riverains. Il s’agit de co-produire le territoire selon des schémas où chacun trouve son intérêt dans l’évolution projetée. (iv) Pour l’aide à la décision, les bases de données se développent continuellement, de même que les typologies thématiques et les batteries d’indicateurs pour chaque thème. Pour un problème donné il convient de sélectionner les indicateurs adaptés aux orientations politiques du projet de territoire, tout en représentant suffisamment l’ensemble des impacts. Sur certains thèmes, notamment les aspects sociaux mais aussi pour certains aspects physiques ou économiques, les modèles de simulation restent incomplets ou simplistes : à charge pour les scientifiques de les développer. (v) Les outils d’aide à la conception comprennent des modèles de simulation et des méthodes d’évaluation. On constate le développement complémentaire de plates-formes informatiques de prospection, pour simuler des chroniques d’évolution et notamment couvrir le cycle des objets à persistance longue que sont les ensembles bâtis et les infrastructures. De telles platesformes existent en matière de bâtiment, de stock immobilier, ou encore pour un réseau de transport. (vi) En conclusion, l’état actuel des projets territoriaux et de leur évaluation témoigne d’une conscience de plus en plus vive des territoires fortement peuplés, pour les enjeux du développement durable qui les concernent localement ou globalement. Cette conscience est basée sur des études de diagnostic ou de prospection, réalisées au moyen de bases de données, de modèles de simulation et de méthodes d’évaluation. Elle peut prendre la forme d’observatoires, notamment par secteur d’enjeu (ex. baromètre déplacements). Il est souhaitable que de tels observatoires se développent, qu’ils soient coordonnés entre les secteurs de manière intersectorielle, et que leurs résultats soient communicables aux acteurs susceptibles d’intervenir dans le projet d’aménagement.

2.

Etat de l’art

Les cadres d’action publique et les dispositifs d’aide à la décision pour la planification territoriale en France, par Martine Meunier-Chabert, chef de projet Urbanisme-déplacements au Certu. La mobilité urbaine évolue au fil des décennies : l’évolution démographique détermine la répartition des motifs d’activité donc des besoins de déplacement, tandis que les équipements de transport et les services offerts déterminent l’éventail des modes de transport disponibles. La planification intégrée de l’urbanisme et des déplacements, en lien avec les impacts environnementaux, fait l’objet de dispositifs à plusieurs échelles : depuis quelques centaines de mètres autour d’une trame de TC pour l’accès piéton donc aussi la politique de stationnement (PDU de Lyon), jusqu’au grand territoire défini par la Datar comme le bassin de vie. En France, l’orientation générale des politiques de transport est de limiter les obligations de déplacement et de réduire le recours à l’automobile. A chaque échelle il est recherché une politique cohérente dans l’espace, dans le temps et entre les secteurs d’intervention – le transport et l’urbanisme. A l’échelle d’une agglomération, le PDU (2) est le cadre de base 2

Plan de Déplacements Urbains

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pour diagnostiquer l’état du système et orienter son développement. A l’échelle d’un bassin de vie, le SCOT (3) doit rechercher la satisfaction des besoins de déplacement, quelles que soient la position géographique de l’usager et sa situation physique d’accessibilité. Enfin des Plans Climat – Energie Territoriaux (PCET) peuvent être élaborés à toutes échelles : cf. leur version régionale dans les Schémas Régionaux Climat – Air – Energie. Pour favoriser la cohérence, une démarche récente consiste à traiter de manière intégrée le PLU ( 4), le PDU et le PLH (5). Trois leviers paraissent majeurs pour la planification intégrée : d’une part le recours aux Transports Collectifs notamment en Site Propre ou à Haut Niveau de service ; d’autre part le renforcement des densités d’urbanisation déjà établies ; entre les deux, l’urbanisation dense au voisinage des gares ferroviaires. L’expérience britannique de planification territoriale éclairée par la modélisation et l’évaluation d’indicateurs, par Coralie Triadou (Rff) au titre de son poste antérieur dans le cabinet anglais Steer Davies Gleave. L’expérience britannique a été évoquée en termes d’enjeux politiques, d’aspects à étudier et d’outil de modélisation. Les enjeux politiques revendiqués depuis le rapport Stern (2006) sur les coûts du changement climatique et le rapport Eddington (2006) sur les effets d’agglomération, concernent (i) le développement économique, (ii) les émissions de Gaz à Effet de Serre, (iii) la qualité de vie, (iv) la sécurité. Les aspects à étudier ont été complétés récemment par les effets d’agglomération, évalués sur la base des densités d’établissement résidentiel et d’activités « productives », donc sur la densité des « opportunités économiques » disponibles pour des producteurs et réciproquement pour des clients. Le cabinet SDG a développé le modèle Urban Dynamics qui traite conjointement le transport, la démographie, l’économie et l’urbanisation. Son architecture couple un modèle de localisation pour les populations et les emplois, à un modèle de transport classique à quatre étapes. Une application au territoire du Yorkshire a montré que les effets d’agglomération les plus forts concernent les activités professionnelles et éducatives, et sont renforcés notamment par des projets routiers entre des villes assez proches (ils peuvent alors représenter de 10 à 30% des avantages aux usagers). Une autre application a montré que le développement de l’urbanisation sur un territoire permet de concilier un développement de l’emploi et une réduction des émissions de GES si le taux de croissance économique est faible, mais que l’impact carbone est renforcé si le taux de croissance économique est fort. Les indicateurs issus de la modélisation servent principalement aux spécialistes des problèmes de transport et d’aménagement, notamment au dialogue entre les représentants des différents échelons géographiques.

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Schéma de Cohérence Territoriale

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Plan Local d’Urbanisme

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Plan Local d’Habitat

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Les études INSEE de diagnostic territorial Christian Calzada (Direction régionale Lorraine de l’Insee) a présenté les démarches de diagnostic territorial réalisées en partenariat entre des acteurs locaux et l’Insee : plus de 270 études au cours des années 2000. Le réseau de la statistique publique permet de mutualiser des recueils d’information, des bases de données et aussi des méthodologies d’étude (cf. le rapport « Comment effectuer un diagnostic économique local » par la Dreal Rhône-Alpes). Les bases de données couvrent tout un éventail de thèmes : démographie, société, emploi, revenus, entreprises, risques industriels, risques naturels, patrimoine naturel… Pour chaque thème il existe une batterie d’indicateurs, dont la portée spatiale est variable. Un diagnostic territorial peut être complété par une projection dans le temps, avec essentiellement une projection démographique. Enfin des ouvertures ont été proposées concernant des indicateurs de résilience et de pérennité, ainsi que les potentialités d’évolution du rapport entre les ressources disponibles et les pressions correspondantes. Gestion patrimoniale de stocks et modèles urbains La gestion des réserves (ressources) a constitué le premier thème dans l’intervention de Niklaus Kohler, professeur à l’Université de Karlsruhe, concernant les stocks immobiliers. Ceux-ci sont des artefacts imparfaitement renouvelables. On peut les délimiter selon le propriétaire ou selon une frontière spatiale. Des modèles d’évolution de stock ont été développés, avec un suivi temporel tout au long du cycle de vie de chaque élément (dynamique des cohortes). Par élément, l’état de vieillissement devrait déterminer un type d’intervention, de manière probabiliste. Un tel modèle sert à établir des stratégies de maintenance à court terme, des stratégies de gestion immobilière à moyen terme, et des stratégies de renouvellement à long terme. Dans divers pays les stocks immobiliers servent à adosser le système social des retraites ; un risque à éviter étant la conjonction entre des logements mal entretenus et des retraités pauvres. Le second thème d’intervention a été un inventaire large des modèles du milieu urbain, incluant le schéma de principe urbanistique de Ledoux (18ème siècle), l’économie urbaine (depuis Von Thünen en 1826), le métabolisme urbain (étude de Duvigneaud sur Bruxelles en 1976), et les modèles photo-réalistes.

3.

Contributions de la recherche

Indicateurs de développement urbain durable et outils proposés au niveau européen, par Bruno Peuportier, MINES ParisTech Prendre en compte les aspects environnementaux dans les décisions est maintenant un principe largement partagé, mais dont l’application reste encore problématique du fait des multiples définitions et référentiels élaborés autours du développement durable. Il est alors utile de se doter d’unités et de moyens de mesure appropriés -indicateurs et outils-. Le réseau européen CRISP (Construction and city related sustainability indicators) avait recensé plus de 500 indicateurs et 40 systèmes d’indicateurs dans les années 2000-2003. Le caractère multi-critères du « développement durable » implique en effet de travailler sur des ensembles d’indicateurs respectant entre autre des critères de complétude et de non redondance. Depuis, de nouveaux indicateurs sont apparus, et de nombreux systèmes

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d’indicateurs ont été élaborés par différents organismes, en particulier des collectivités locales. Des exemples de grilles d’indicateurs sont proposés dans les projets européens E-cohousing et HQE2R. Afin de simplifier la prise de décision, il est parfois proposé d’agréger les différents indicateurs dans une valeur unique, qui peut être obtenue selon différentes approches : - la monétarisation des impacts (projet européen ExternE par exemple), - la priorité donnée à un critère unique (Bilan carbone), - la transformation en unité commune (par exemple m2 de sol dans l’empreinte écologique), - la pondération des différents indicateurs selon des priorités accordées en fonction du contexte local (projet européen LEnSE par exemple). Quelle que soit l’approche choisie, établir des priorités entre les critères relève d’une décision politique, prenant en compte des accords au niveau planétaire (concernant le climat et la couche d’ozone), des réglementations au niveau continental (directives européennes sur les émissions acides, les composés organiques volatils, les déchets…), national (loi sur l’air, loi sur l’eau…) et local (ressources en eau, pics d’ozone…), des engagements volontaires (plans climat, agendas 21…) et de plus en plus des aspects issus d’une démarche participative. Chaque individu conserve également une marge de mannoeuvre, par exemple en réglant le thermostat de son chauffage. A ces différents niveaux, les indicateurs peuvent aider les décideurs à mieux cerner les conséquences de leurs choix en termes de pressions sur l’environnement (émissions de polluants par exemple) ou d’état (élévation de température…). Les indicateurs « orientés dommages » visent à évaluer des conséquences sur la santé humaine (nombre d’années de vie perdues), la biodiversité (nombre d’espèces disparues) et les ressources (en combustibles et en matières premières rares). Les indicateurs de réponse ou de moyens rendent compte des efforts fournis (niveau d’isolation des bâtiments par exemple). Ils sont plus faciles à évaluer, mais l’avantage des indicateurs de performance est de synthétiser un grand nombre de caractéristiques au niveau urbain et de faciliter la comparaison de différentes solutions techniques sur des critères communs. Des outils d’évaluation ont alors été développés, dans un premier temps à l’échelle d’un bâtiment. Le premier projet européen dans ce domaine, REGENER (1995-96), a concerné l’application de l’analyse de cycle de vie aux bâtiments : une évaluation quantifiée d’indicateurs environnementaux (CO2, énergie, eau, déchets, toxicité humaine, éco-toxicité…) a été menée à l’aide d’outils comme LEGEP (Allemagne), ECO-QUANTUM (Pays Bas) et EQUER (France). Des bases de données ont par ailleurs été élaborées sur l’impact des matériaux et procédés (chauffage, électricité, eau, déchets…). Les différents outils ont été comparés dans le cadre du projet PRESCO (Practical Recommendations for Sustainable Construction), cf. http://www.etn-presco.net/. Le Comité Européen de Normalisation est actuellement chargé d’harmoniser les différentes approches, une norme étant en préparation (Contribution des ouvrages de construction au développement durable -Cadre pour l’évaluation des bâtiments-). Il reste cependant difficile de constituer une norme inter-sectorielle, incluant les différents procédés à l’échelle de la ville (matériaux, énergie, transports, eau, déchets…). Du matériel pédagogique a été développé sur ces questions dans le projet TREES, cf. http://www.cep.ensmp.fr/trees/. Des travaux de recherche se poursuivent dans le cadre du projet LORE-LCA. Les premières applications de ces outils ont montré l’importance de la phase d’utilisation dans le bilan environnemental des bâtiments, du fait de leur longue durée de vie. Mais dans les nouvelles constructions très performantes, les impacts liés à la fabrication des matériaux Décision territoriale et indicateurs de DD

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deviennent non négligeables, par exemple la consommation d’énergie correspondante peut représenter un tiers du total. L’analyse de cycle de vie commence à être appliquée au niveau d’un îlot, avec par exemple des études sur le quartier Lyon Confluence à Lyon (environ 60000 m2 de logements et 15 000 m2 de bureaux, 70 000 m2 d’espaces verts, rues, quais…) et sur la ZAC Claude Bernard à Paris. Ces études ont mis en avant l’influence des formes architecturales et urbaines d’une part, et des choix énergétiques d’autre part, sur la performance environnementale des ensembles bâtis. Parmi les perspectives ouvertes par ces travaux, on peut citer par exemple l’étude de la simplification des outils, avec cependant l’objectif de conserver une sensibilité satisfaisante aux paramètres de conception/décision. Il s’agit aussi de concilier la complexité de la question environnementale avec l’exigence de participation du plus grand nombre. L’intégration intersectorielle constitue sans doute encore un verrou. En associant des chercheurs dans les domaines des transports, de la biodiversité, des bâtiments et de l’énergie, la Chaire Ecoconception des ensembles bâtis et des infrastructures peut apporter une contribution sur les indicateurs et les outils d’évaluation, à la disposition des décideurs. Quels indicateurs pour évaluer la biodiversité dans la ville ? par Jean Roger-Estrade, AgroParisTech (6). Au-delà des considérations éthiques qui commandent de préserver la biodiversité où qu’elle soit, ou culturelles, qui font qu’en général une ville verte est plus agréable à vivre, les services rendus par la biodiversité urbaine sont suffisamment nombreux (régulation du climat et du cycle de l’eau, amélioration de la qualité de l’air, diminution du bruit, climatisation des bâtiments,…) pour que l’on cherche à préserver, accroître ou utiliser la biodiversité dans la ville. Il faut pour cela disposer d’indicateurs. Dans sa définition la plus générale, un indicateur est une information (qualitative ou quantitative) utilisée pour évaluer l’état ou l’évolution d’un système, en général complexe, que l’on peut difficilement appréhender de manière directe. L’autre finalité des indicateurs est d’aider à prendre des décisions. Toute variable calculée ne peut être considérée comme un indicateur : une richesse spécifique ou l’abondance d’une espèce ne devient signifiante (i.e. utile à l’évaluation de l’état de la biodiversité ou pour l’aide à la prise de décision), que lorsqu’elle est associée à d’autres éléments d’appréciation. Ceux-ci peuvent être des seuils minimaux pour éviter la disparition d’une espèce, des données pour apprécier son intérêt écologique, des lois de fonctionnement permettant de fixer la richesse spécifique maximale ou souhaitable d’un écosystème. Les indicateurs sont de nature extrêmement variée, sur le plan de leurs objectifs, de leur mode de calcul, des échelles spatio-temporelles considérées, de la facilité de leur mise en œuvre et de leur pertinence scientifique. Ils le sont également de part la variété des utilisateurs finaux (scientifiques, gestionnaires, grand public). Suivant S. Plantureux, nous proposons de classer les indicateurs de biodiversité en deux grandes familles : d’une part les indicateurs « directs » qui se basent sur le dénombrement ou l’estimation de l’abondance de variétés, de races, d’espèces, de taxons, d’écosystèmes. Ces indicateurs peuvent être simples (ex : une espèce) ou composites

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Remerciements à Sylvain Plantureux (ENSAIA Nancy) pour les discussions et les idées exposées dans ce texte

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(intégrant un calcul comme l’indice de Shannon). Ils sont sustout importants pour l’évaluation et la compréhension et peuvent pour certains être employés comme outils d’aide à la décision. d’autre part les indicateurs « indirects » qui appréhendent la biodiversité en s’intéressant notamment aux facteurs qui constituent un risque ou une opportunité pour la biodiversité, aux conséquences de l’état de la biodiversité et aux réponses des écosystèmes et des systèmes humains (sur le plan social, économique et politique) à l’état de la biodiversité. Ces indicateurs sont avant tout orientés vers la prise de décision et l’évaluation des moyens mis en œuvre pour favoriser la biodiversité (exemple de l’indicateur dit « de Singapour »). Les deux types d’indicateurs peuvent renseigner sur la biodiversité en elle-même, mais aussi sur les fonctions qui lui sont associées. Comme le souligne S. Plantureux, l’utilisation des indicateurs directs nécessite de se poser les « bonnes questions » sur les hypothèses de base liés à leur choix, le niveau d’échantillonnage, la fréquence des observations, les interactions entre indicateurs, les évaluations en double, etc... Les indicateurs sont devenus, depuis deux décennies environ, des outils majeurs pour l’évaluation de la biodiversité, des actions mises en œuvre pour sa protection et des conséquences sur les écosystèmes et pour l’homme qu’entrainent ses modifications. Malgré les réserves méthodologiques qui peuvent être portés sur les indicateurs directs (et notamment sur les indicateurs à paramètre unique tels que l’abondance d’une espèce), il est essentiel de disposer de ce type d’indicateurs pour décrire les changements de biodiversité, afin de reconsidérer les stratégies de gestion. Les indicateurs indirects sont très complémentaires des indicateurs directs et ils constituent des outils essentiels pour l’aide à la décision dans le domaine des relations entre agriculture et biodiversité. Principes d’éco-conception en transport et en aménagement, par Fabien Leurent (Ecole des Ponts ParisTech) Déjà sont en cours des démarches empiriques pour planifier des « objets » qui paraissent désirables, tels que des circulations douces ou des éco-quartiers. Cependant les ensembles bâtis élargis présentent des spécificités irréductibles : au premier plan, si un ensemble bâti comporte un élément de circulation (ex. tronçon de rue) alors l’usage de cet élément est déterminé par la situation géographique. De manière générale, plus le sous-système considéré est large, plus il comporte d’interactions internes et externes qui le rendent d’autant plus complexe. Pour traiter la complexité dans une démarche d’éco-conception en transport, il est recommandé (i) de délimiter l’objet ou le soussystème à traiter, (ii) de discerner le problème d’éco-conception et (iii) le domaine d’action associé pour un acteur concerné, (iv) afin de caractériser des impacts et donc poser des indicateurs de performance. Quatre sous-systèmes sont distingués : les infrastructures, les Véhicules, les Protocoles (services de transport, services de fournitures et de maintenance), les Usages (par l’usager ou par un organisateur de mobilité sur un territoire). Par exemple, la performance d’un opérateur d’infrastructure pour exploiter le trafic se mesure en distance parcourue par des véhicules (veh.km), tandis qu’un organisateur de mobilité multimodale produit des distances parcourues par des voyageurs (voy.km). Concernant l’aménagement, un territoire comporte des équipements infrastructurels et des ressources écologiques, mais encore un stock humain, un système économique et un système de sécurité civile et juridique. Au côté des acteurs d’ordre général que sont des fournisseurs

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de produits, ou des opérateurs d’équipement ou de service, il y a des acteurs spécifiques dans et sur l’espace : des fournisseurs de biens localisés (options de localisation, ou équipement public ou privé), des configurateurs dans l’espace (ex. pour la mixité fonctionnelle) et des « tuteurs de mutualisation » (ex. pour favoriser des marchés d’alimentation ou des clubs d’auto-partage). Des axiomes pour l’éco-conception en aménagement sont proposés : (0) de traiter l’espace comme une ressource d’occupation, avec une capacité et un état de remplissage, qui est modelable, constructible, équipable ; (1) de représenter la complexité de l’objet qui augmente avec le « volume de territoire », i.e. l’extension de l’espace et la masse des activités contenues ; (2) d’intégrer dans le modèle d’usage, la situation dans une configuration organique ; (3) de considérer les impacts inhérents à la notion de territoire, en incluant donc les impacts sociaux et économiques ainsi que la gouvernance. A propos des éco-quartiers qui sont des objets emblématiques pour l’aménagement durable, les méthodes d’évaluation existantes sont surtout des méthodes de score, avec des points à marquer dans une batterie de critères d’ordre écologique (émission de GES / déchets / polluants, prélèvement de ressources, qualité de vie), d’ordre social (mixité sociale, mixité intergénérationnelle, mixité fonctionnelle), d’ordre économique (coût, impact budgétaire, impacts sur l’emploi), ou de gouvernance (participation des citoyens, éducation à l’environnement). Mais un quartier est comme une pièce dans le puzzle de l’agglomération : il faut reconnaître les influences de l’ensemble sur la partie (détermination des occupations sociales et économiques, donc des activités et des impacts), ainsi que les influences de la partie sur l’ensemble, notamment les consommations externes de matières mais aussi, d’occupation spatiale (présence et circulation à l’extérieur), les impacts à distance (sur le voisinage ou plus lointains, ex. report de stationnement ou usage d’une aménité). Il faut appréhender ces relations « commerciales » entre le quartier et l’extérieur, pour en évaluer l’équité (quelles compensations mutuelles ?) et pour rechercher des mutualisations performantes – au-delà du mythe de l’auto-suffisance. Une démarche d’éco-conception pour un ensemble spatial doit : (i) le démarquer et le situer dans une configuration ; (ii) caractériser sa composition interne en types d’objets et en interaction ; (iii) analyser les impacts et les consommations ; (iv) analyser les relations d’échange.

4.

Perspectives d’acteurs sur le développement durable des territoires

Sous la forme d’une Table Ronde. Brigitte Guigou, de l’Institut d’Aménagement et d’Urbanisme Ile de France, a signalé l’évolution des modes de vie, leur diversification progressive. Les choix d’habitat obéissent à des contraintes matérielles mais intègrent aussi l’attachement personnel à certains lieux. On constate un décalage entre la densité vécue et la densité réelle : d’ailleurs les habitants mentionnent d’abord les services et l’accessibilité en tant que facteurs de la qualité de vie. Olivier Baduel, de l’Etablissement Public d’Aménagement (EPA) Marne la Vallée, a mis en évidence les composantes écologiques, sociales et économiques dans le projet d’aménagement de la Ville Nouvelle : au principe fondateur d’organisation selon un axe estouest vers le cœur d’agglomération parisienne, s’ajoute désormais l’objectif de favoriser les échanges nord-sud. L’EPA s’est doté de référentiels par échelle spatiale pour travailler par opérations en équipes-projet qui assemblent des compétences sectorielles. Des indicateurs ont été sélectionnés pour la synthèse : le bilan carbone, ainsi que l’Indice de Développement Humain pour des volets de société, d’équipements et d’enseignement. Décision territoriale et indicateurs de DD

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Pierre Sallenave, qui dirige l’Agence Nationale de la Rénovation Urbaine, a exprimé deux fonctions à remplir au moyen d’indicateurs. La première est d’aider à choisir des cibles d’intervention parmi les quartiers : actuellement il n’y a pas d’évaluation ex-ante des bénéfices économiques, mais un suivi ex-post de l’envie d’habiter dans le quartier rénové, en confrontant les valeurs immobilières locales aux prix dans l’agglomération. La seconde est d’évaluer la performance d’une intervention : par exemple avec l’évolution d’indicateurs de délinquance. Se pose alors le problème du périmètre d’observation, puisque la rénovation implique une mobilité résidentielle. Il importe d’assurer l’accessibilité du quartier au reste du territoire. De manière générale, dans la rénovation urbaine au niveau national français les enjeux sociaux dominent les enjeux écologiques, même s’il convient de construire et de gérer de manière écologique. Les difficultés sociales conditionnent la gouvernance : comment intéresser des habitants au devenir d’un quartier qu’ils subissent sans l’avoir choisi, ey comment gagner leur confiance alors qu’ils n’attendaient plus rien de l’action collective ? Christian Caye, délégué au développement durable du Groupe Vinci, a signalé le contraste entre les grands métiers du groupe : enjeux à court terme dans les opérations de construction, à long terme dans les opérations de concession, où la durée du modèle économique atteint parfois jusqu’à 75 années ! L’industriel raisonne en performance globale et pas seulement de durabilité : avec des indicateurs de synthèse tels que la fréquence des accidents du travail, ou la quantité de CO2 émis. Il manque des indicateurs d’efficacité pour les services exploités, particulièrement en temps passé par les usagers. Enfin, à propos de la commande publique, certaines demandes récentes ne sont malheureusement pas assorties de conditions économiques favorables. Jean-Luc Nguyen, pdg du cabinet conseil Partenaires Développement, coordonne le thème Ville Durable au sein du groupe d’ingénierie Sétec. Le fort affichage donné en 2008 par le grand débat du Grenelle de l’Environnement, capitalise des signaux présents depuis la Charte des Villes Européennes à Alborg en 1994, et des impulsions telles que les expériences pionnières d’éco-quartier. Nous sommes dans une phase de transition : progressivement et quasi-insensiblement s’opère un changement de paradigme. Dans la pratique des opérations d’aménagement, chaque opération impose son contexte spécifique : en rénovation urbaine les enjeux sociaux priment. L’intégration de la durabilité nécessite un assemblage des compétences disciplinaires, avec en position d’ensemblier l’architecte, l’urbaniste ou l’ingénieur : il faut rechercher une cohérence en amont dans la conception d’une opération, notamment intégrer une approche géographique sensible à la formation des impacts, dans les considérants de l’ingénieur-planificateur. Dans certains projets il faut intégrer les contraintes hydrologiques, dans d’autres l’exposition au vent – ainsi, dans l’opération Euromed à Marseille, l’orientation des voies dans un éco-quartier a été choisie pour casser le Mistral dans les îlots. Enfin, la maîtrise d’œuvre urbaine diffère profondément de la maîtrise d’œuvre d’infrastructure, en contenu comme en relation contractuelle. Pour évaluer la qualité d’un projet d’aménagement on dispose d’un indicateur ex-ante : le degré d’adhésion des investisseurs au plan masse, révélateur de son intérêt économique. Jean Laterrasse, directeur du Laboratoire Ville Mobilité Transport, a rappelé l’hypercomplexité du système urbain, en raison d’une part de ses fonctionnalités multiples et d’autre part de la présence des usagers dans le système, avec leur exposition et leur capacité autonome d’intervention. Les projets et les expériences d’aménagement durable sont intéressants pour les chercheurs, afin de saisir dans sa réalité le processus à l’œuvre. L’Agence Nationale de la Recherche a lancé un thème Ville Durable, dont relèvent les deux projets de recherche Aspect 2050 et Impetus. Le premier porte sur la conception et l’évaluation des Plans Climat Energie Territoriaux et débouche sur deux enseignements :

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d’une part l’implication des collectivités territoriales est réelle mais en général pas au niveau décisionnel suffisant, par exemple un responsable de la voirie intervient là où il faudrait des packages politiques intersectoriels pour traiter les émissions de GES. D’autre part, concernant les indicateurs dans leurs fonctions de mesure ou de communication, il n’appartient pas à la recherche ni à l’expertise de définir un référentiel applicable uniformément à tout problème d’aménagement : mais bien à la société civile locale, dans un processus de concertation. Le projet Impetus concerne l’élaboration de services urbains intégrés, couplant des options résidentielles (Logement) avec des services de mobilité. Des indicateurs spécifiques sont à concevoir pour évaluer la qualité du service rendu à l’usager.

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