PORTRAIT D’un street artist chrétien
Ce que je crois
« Mes portraits inscrivent l’humain au cœur de villes à l’architecture aseptisée. »
Christian Guémy
Chez l’artiste urbain Christian Guémy, alias C215, les bombes de peinture sont alignées aux côtés de statues de la Vierge. Figure emblématique du street art français, le pochoiriste au mystérieux patronyme est reconnu dans le milieu pour ses radieux portraits d’exclus auréolés de couleurs chaleureuses. À la fois humaniste et contemplatif, l’univers esthétique de Christian Guémy est peuplé d’orphelins et de clochards, mais aussi d’icônes de Jésus ou encore de portraits de Thérèse de Lisieux. Semés par les rues dans des recoins négligés, des murs décrépits aux cabines électriques sans épargner les poubelles, ses dessins bigarrés empreints de poésie suscitent l’émotion au cœur de villes désincarnées. « Mes œuvres placent des invisibles au rang de célébrités. À travers ces visages, je souhaite que les passants se confrontent à leur propre humanité », confie ce fervent admirateur du Caravage. Le quadragénaire à la tignasse ébouriffée voit son art comme une alternative aux « idoles » contemporaines, ces people omniprésents dans l’espace public. Croyant, Christian s’inspire de figures bibliques dont Moïse, né comme lui dans un chaos « qu’il a essayé de réordonner toute sa vie ». Sans oublier François d’Assise. « Je l’admire, car il a quitté son confort pour aller dans la rue, vers les plus faibles. » Les animaux, chiens, chats et oiseaux, ont d’ailleurs une place d’honneur dans les tableaux urbains de C215.
l’église San Lorenzo, sur une porte de garage, j’ai peint une Vierge aux roses. Les policiers ont voulu m’arrêter, mais quand j’ai expliqué ma démarche aux autorités et au prêtre, celui-ci a souhaité bénir mon œuvre. » S’il n’a jamais eu d’ambitions prosélytes, Christian voit ses images comme des icônes. « Mes peintures portent un message évangélique sur les plus pauvres. Il n’y a pas de cynisme dans mon discours. Je ne peins pas pour choquer, mais pour fédérer. » Jean-Pierre Gay, le curé de Vitry-sur-Seine, a surtout été séduit par la
De la rue aux chapelles
dimension spirituelle du travail de l’artiste. Celui-ci a dessiné la Vierge sur une entrée délabrée de son église. « Il réussit à mettre en lumière la profondeur des personnes, ses créations éveillent à l’intériorité », témoigne le prêtre. Marqué par la perte de sa mère, à l’âge de 5 ans, Christian a vécu une enfance douloureuse à Orléans et s’est retrouvé en échec scolaire à l’adolescence : « Seul le lycée catholique a accepté de mener l’élève absentéiste que j’étais jusqu’au bac. Comme Jean Les regards parfois insistants, certains levés Valjean, j’ai été terrassé par leur charité. » Serait-ce pour vers le ciel, des anonymes célébrés dans ses dessins rendre la pareille que Christian a pris sous son aile Ilia, racontent des histoires intimes. Comme autant de un jeune déscolarisé, pour l’assister dans son travail ? messages personnels abandonnés à l’anonymat des villes. Installé à Vitry-sur-Seine (94), Christian a comÉbloui par les écrits de Charles Passé mencé à recouvrir les immeubles des cités lorsque, Péguy et les œuvres du Quattrocento, 1973 Naissance séparé de sa compagne, il s’est battu pour voir sa fille Christian s’est converti au catholicisme à Orléans. Nina. « J’ai créé un parcours avec le visage de mon enfant lors de ses études d’histoire : « Dans 1993-2000 Masters d’histoire et d’histoire à l’endroit où elle résidait. Je l’ai fait pour lui montrer un sens, c’est l’art qui m’a mené à Dieu. » de l’art. que je pensais à elle. » Bourlingueur, Christian s’est Aujourd’hui, il aime travailler pour les 2006 Installation à depuis exercé sur la tôle des bidonvilles d’Haïti, en chapelles ou les églises afin de prendre Vitry-sur-Seine (94). faisant un crochet par Rome et le Vatican : « Près de du recul par rapport à un marché de l’art purement mercantile. « Je souPrésent haite réaliser davantage d’images Jusqu’au 31 octobre Grande exposition consacrées. » Une manière d’offrir à collective de street art, son tour « des vecteurs de foi » artisà la Tour Paris 13, à tiques, tout en invitant le public du L’ATLAS Paris. www.tourparis13.fr À lire DES street art à sortir de ses sentiers battus Futur Retrouvez C215 VILLES pour investir les églises. HORS -S É R I E
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texte Pauline Hammé
Photo Pierre-Emmanuel RASTOIN LA VIE 24 octobre 2013
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Novembre 2014 Exposition Douce France au palais Bénédictine, à Fécamp (76). Sa galerie : www.c215.com
LA VIE 24 octobre 2013
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