de RACINE

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Britannicus de RACINE Développement des clés d’analyse Par Marie-José Fourtanier

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Britannicus de Racine

Acte V, scènes 1 à 3 Clefs d’analyse Compréhension L’aveuglement - Relever le champ lexical de la confiance dans les propos de Britannicus (V, 1). Le spectateur est resté à la fin de l’acte IV dans l’incertitude : Néron suivra-t-il les conseils de bon gouvernement de Burrhus ou ceux, habiles et insidieux, de Narcisse ? Il est vrai que nous sommes dans une tragédie à l’issue fatale et dans une histoire déjà écrite. Le suspense vient plutôt de la manière dont les personnages vont réagir aux différents revirements de Néron. Chacun en fait révèle sa personnalité et surtout sa vision du monde, sa morale, pourrait-on dire. Ainsi Britannicus se montre-t-il, comme l’analyse Lucien Goldmann, une victime passive, « sans aucune force intellectuelle ou morale ». En fait, avec naïveté et un total manque de clairvoyance, Britannicus applique à Néron son propre caractère : « Je crois qu’à mon exemple, impuissant à trahir, Il hait à cœur ouvert ou cesse de haïr. » (v. 1518-1519). En désaccord avec le piège qui se met en place, les répliques de Britannicus sont tissées du champ lexical de la confiance : l’expression clé de « la foi de nos serments » est soutenue tout au long de son discours par les répétitions des verbes se fier et croire. À l’inverse, Junie fait preuve de clairvoyance et d’une grande capacité d’analyse. Même jeune, même ignorante des usages de la cour, elle tente d’avertir Britannicus de la duplicité possible de Néron et de Narcisse. Le lexique qu’elle utilise s’oppose à l’aveuglement de celui qu’elle aime, ainsi emploie-t-elle les verbes, craindre et trahir, plusieurs fois répétés, les formules négatives ainsi que les adjectifs « suspect », « feint », « séduit » (au sens de corrompu). Enfin, son attitude et ses pleurs marquent évidemment son inquiétude pour Britannicus. Les mouvements contraires des deux jeunes gens soulignent encore leurs impressions et leurs réactions inverses, Junie retenant Britannicus et celui-ci courant au banquet où l’attend Néron.

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- Relever dans la tirade d’Agrippine le vocabulaire de l’orgueil (V, 2). Troisième personnage dont le spectateur attendait la réaction à l’apparent revirement de Néron, Agrippine dévoile sans ambages sa vision idéale d’un monde où tout plie devant elle : « Il suffit. J’ai parlé, tout a changé de face. Mes soins à vos soupçons ne laissent point de place. Je réponds d’une paix jurée entre mes mains : Néron m’en a donné des gages trop certains. » (v. 1584-1587). De telles affirmations résonnent d’autant plus pathétiquement que le spectateur sait par les scènes 3 et 4 de l’acte IV que ce ne sont que des illusions d’un personnage aveuglé par l’orgueil et un excès de confiance, non pas en Néron, mais en soi. En réalité, Agrippine, comme Britannicus, n’est que la dupe de Néron, et non, comme elle le croit, l’inspiratrice de son action.

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Réflexion La double énonciation - Comparer les propos de Néron à la fin de l’acte IV et ceux de ses futures victimes au début de l’acte V. La double énonciation permet entre autres au spectateur de connaître les actes ou les pensées des personnages et introduit ainsi une dimension de suspense dans le théâtre. Britannicus, nous l’avons vu, exprime sa totale confiance dans le changement d’attitude de Néron (V, 2), alors que celui-ci prépare son empoisonnement (IV, 4). Certes, l’argumentaire de Burrhus retarde quelque peu l’issue tragique, mais la dernière phrase que prononce Néron en entraînant Narcisse à sa suite résonne comme une inquiétante menace : « Viens, Narcisse. Allons voir ce que nous devons faire. » (v. 1481). En effet, compte tenu du dialogue qui précède et des propos manipulateurs de Narcisse, on ne peut guère douter que le polysémique verbe « devoir » renvoie non pas à la notion morale du devoir, mais à l’organisation de l’assassinat de Britannicus. Quant à Agrippine, elle est restée fixée à la scène 2 de l’acte IV au cours de laquelle Néron semble s’être rendu à ses raisons et à ses plaintes. Par le dernier ordre de la scène, il apparaissait lui redonner son pouvoir dans le palais : « Gardes, qu’on obéisse aux ordres de ma mère. » (v. 1304).

Le dénouement tragique - Analyser l’effet tragique de l’aveuglement de Britannicus et d’Agrippine. Les deux personnages qui sont en fait les véritables opposants de Néron et les obstacles à la réalisation de ses désirs croient donc pour des raisons très différentes à la sincérité de Néron : Britannicus par naïveté et par honnêteté foncière, Agrippine par un orgueil qui confine à la folie. Tous les deux pensent que leur monde idéal s’organise enfin : celui du bonheur avec Junie loin des honneurs de la cour pour Britannicus ; pour Agrippine, la faveur de Néron qui lui assure la puissance sur Rome. Et c’est au moment même où leurs espoirs sont au plus haut que se prépare le dénouement, la mort réalisée pour l’un, la mort annoncée pour l’autre.

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Acte V, scènes 4 à 6 Clefs d’analyse Compréhension Le récit au théâtre - Observer les procédés qui donnent du relief à la scène de l’empoisonnement racontée par Burrhus (V, 5). Le récit au théâtre, celui du banquet de Néron, est un procédé qui a été critiqué par les tenants du drame romantique, et par V. Hugo en particulier, qui écrit dans la préface de Cromwell : « Racine éprouva les mêmes dégoûts, sans faire d’ailleurs la même résistance. Il n’avait, ni dans le génie ni dans le caractère, l’âpreté hautaine de Corneille. Il plia en silence, et abandonna aux dédains de son temps sa ravissante élégie d’Esther, sa magnifique épopée d’Athalie. Aussi on doit croire que, s’il n’eût pas été paralysé comme il l’était par les préjugés de son siècle, s’il eût été moins souvent touché par la torpille classique, il n’eût point manqué de jeter Locuste dans son drame entre Narcisse et Néron, et surtout n’eût pas relégué dans la coulisse cette admirable scène du banquet où l’élève de Sénèque empoisonne Britannicus dans la coupe de la réconciliation. » En fait, loin de ne témoigner que du respect des règles classiques, loin également d’être une preuve d’impuissance technique – comment représenter un banquet romain sur une scène théâtrale du XVIIe siècle ? Mais le « théâtre à machines » montrait des spectacles plus extraordinaires encore, comme l’envol de Médée, par exemple, sur un char tiré par des dragons – , le récit de l’empoisonnement de Britannicus permet d’apprécier, comme d’ailleurs le très long récit de la mort d’Hippolyte dans Phèdre, la virtuosité de l’écriture racinienne. Les mots se font images et permettent de fixer très efficacement les différents détails et la richesse de la scène. Racine utilise plusieurs procédés stylistiques pour ainsi donner du relief et de l’intensité à l’horreur représentée : tout d’abord, le choix du personnage porteur du récit des événements, Burrhus, étranger aux agissements machiavéliques et donc particulièrement horrifié, voire terrorisé. Ses premières paroles introduisent du suspense : Agrippine dans un premier temps croit que Britannicus a été poignardé : « Quoi ? du sang de son frère il n’a point eu d’horreur ? » (v. 1619), mais Burrhus, au lieu de répondre explicitement, démontre la fourberie de Néron dans laquelle le spectateur reconnaît celle de Narcisse : « Ce dessein s’est conduit Petits Classiques Larousse

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avec plus de mystère. » (v. 1620) Pour donner plus de vie à son récit, Burrhus rapporte les propos lénifiants de Néron, l’usage du style direct introduit ainsi le spectateur tel un témoin au milieu du banquet et des convives. Les mots « effusion » et « réunion » à la rime correspondent à une inversion totale de la réalité et des sentiments de Néron. L’adversatif « mais » et la locution adverbiale « à peine » décrivent la rapidité des effets du poison sur Britannicus, Racine suivant en cela le récit historique de Tacite (voir document complémentaire). La comparaison que fait Burrhus des effets de ce poison avec ceux d’un poignard (« le fer ») insiste sur l’efficacité du moyen utilisé. Un autre procédé stylistique consiste à interpeller Agrippine par l’apostrophe « Madame » et par un impératif : « Jugez… », afin de la prendre comme témoin averti des réactions contrastées des courtisans qu’elle connaît bien : « La moitié s’épouvante et sort avec des cris ; Mais ceux qui de la cour ont un plus long usage Sur les yeux de César composent leur visage. » (v. 1635-1637)

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Document complémentaire L’empoisonnement de Britannicus Tacite, Annales, livre 13 XV. Néron, alarmé de ces fureurs, et voyant Britannicus près d’achever sa quatorzième année, rappelait tour à tour à son esprit et les emportements de sa mère, et le caractère du jeune homme, que venait de révéler un indice léger, sans doute, mais qui avait vivement intéressé en sa faveur. Pendant les fêtes de Saturne, les deux frères jouaient avec des jeunes gens de leur âge, et, dans un de ces jeux, on tirait au sort la royauté ; elle échut à Néron. Celui-ci, après avoir fait aux autres des commandements dont ils pouvaient s’acquitter sans rougir, ordonne à Britannicus de se lever, de s’avancer et de chanter quelque chose. Il comptait faire rire aux dépens d’un enfant étranger aux réunions les plus sobres, et plus encore aux orgies de l’ivresse. Britannicus, sans se déconcerter, chanta des vers dont le sens rappelait qu’il avait été précipité du rang suprême et du trône paternel. On s’attendrit, et l’émotion fut d’autant plus visible que la nuit et la licence avaient banni la feinte. Néron comprit cette censure, et sa haine redoubla. Agrippine par ses menaces en hâta les effets. Nul crime dont on pût accuser Britannicus, et Néron n’osait publiquement commander le meurtre d’un frère : il résolut de frapper en secret, et fit préparer du poison. L’agent qu’il choisit fut Julius Pollio, tribun d’une cohorte prétorienne, qui avait sous sa garde Locuste, condamnée pour empoisonnement, et fameuse par beaucoup de forfaits. Dès longtemps on avait eu soin de ne placer auprès de Britannicus que des hommes pour qui rien ne fût sacré : un premier breuvage lui fut donné par ses gouverneurs, trop faible, soit qu’on l’eût mitigé, pour qu’il ne tuât pas sur-le-champ. Néron, qui ne pouvait souffrir cette lenteur dans le crime, menace le tribun, ordonne le supplice de l’empoisonneuse, se plaignant, que, pour prévenir de vaines rumeurs et se ménager une apologie, ils retardaient sa sécurité. Ils lui promirent alors un venin qui tuerait aussi vite que le fer : il fut distillé auprès de la chambre du prince, et composé de poisons d’une violence éprouvée. XVI. C’était l’usage que les fils des princes mangeassent assis avec les autres nobles de leur âge, sous les yeux de leurs parents, à une table séparée et plus frugale. Britannicus était à l’une de ces tables. Comme il ne mangeait ou ne buvait rien qui n’eût été goûté par un esclave de confiance, et qu’on ne voulait ni manquer à cette coutume, ni déceler le crime par deux morts à la fois, voici la ruse qu’on imagina. Un breuvage encore innocent, et goûté par l’esclave, fut servi à Britannicus ; mais la liqueur était trop chaude, et il ne put la boire. Avec l’eau dont on la rafraîchit, on y versa le poison, qui circula si rapidement dans ses veines qu’il lui ravit en même temps la parole et la vie. Tout se trouble autour de lui : les moins prudents s’enfuient ; ceux dont la vue pénètre plus avant demeurent immobiles, les yeux attachés sur Petits Classiques Larousse

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Néron. Le prince, toujours penché sur son lit et feignant de ne rien savoir, dit que c’était un événement ordinaire, causé par l’épilepsie dont Britannicus était attaqué depuis l’enfance ; que peu à peu la vue et le sentiment lui reviendraient. Pour Agrippine, elle composait inutilement son visage : la frayeur et le trouble de son âme éclatèrent si visiblement qu’on la jugea aussi étrangère à ce crime que l’était Octavie, sœur de Britannicus : et en effet, elle voyait dans cette mort la chute de son dernier appui et l’exemple du parricide. Octavie aussi, dans un âge si jeune, avait appris à cacher sa douleur, sa tendresse, tous les mouvements de son âme. Ainsi, après un moment de silence, la gaieté du festin recommença.

- Relever les éléments des portraits de Néron et de Narcisse dans le discours de Burrhus (V, 5). Tout au long du récit, comme dans toute la tragédie, Burrhus ne cesse de donner ses titres impériaux à Néron, à savoir « l’Empereur » et « César ». Ces termes de majesté font par contraste ressortir la dimension particulièrement basse de son comportement, à la fois le crime commandité et son hypocrisie lors de son accomplissement : « À peine l’Empereur a vu venir son frère, Il se lève, il l’embrasse, on se tait, et soudain… » (v. 1621-1622) De même, Néron est indirectement décrit comme un impie qui n’hésite pas à placer son acte criminel sous la protection des dieux par le rite des libations. Enfin, ce qui, plus que tout, glace Burrhus d’horreur, c’est l’impassibilité de Néron devant le crime, attestée par son attitude calme et les paroles qu’il prononce pour évoquer de manière naturelle la maladie (peut-être l’épilepsie) dont aurait souffert Britannicus. Le portrait du traître particulièrement odieux qu’est Narcisse est parachevé par Burrhus lorsqu’il décrit la joie mauvaise qui le saisit à la mort de son maître jeune et innocent. Il a bien accompli ce qu’il s’était promis à la scène 8 de l’acte II pour assurer sa fortune, perdre « les misérables », c’est-à-dire les malheureux.

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Réflexion La prédiction d’Agrippine - Analyser les temps verbaux dans la dernière tirade d’Agrippine (V, 6). Par l’utilisation du futur de l’indicatif, Agrippine se livre à une double prédiction : certes elle envisage sa propre mort et décrit par anticipation le règne sanglant de Néron, mais elle maudit son fils dans le même élan. La dernière tirade d’Agrippine face à Néron fait encore ressortir son invincible orgueil et in fine son courage : « Mais je veux que ma mort te soit même inutile. Ne crois pas qu’en mourant je te laisse tranquille. » (v. 1680-1681) - Montrer que le personnage de Néron tel que le dépeint Agrippine est proche de la réalité historique. Telle une pythonisse, Agrippine prévoit le règne meurtrier et la folie grandissante de Néron, du moins tels que les historiens latins, Tacite et Salluste, nous les ont relatés : « Désormais, sans faire aucun choix, ni garder aucune mesure, il fit périr suivant ses caprices n’importe quelles personnes, sous n’importe quels prétextes. » (Suétone, Vies des douze Césars, « Néron », ch. XXXVII). Par ses imprécations, elle prévoit également le suicide de son fils (auquel le personnage historique a été effectivement contraint par peur des tortures humiliantes que lui réservait la sentence du sénat qui l’avait condamné comme ennemi public) et, plus étrange encore, son destin posthume qui fait de lui l’horreur du genre humain et de son nom une insulte même pour les tyrans.

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Acte V, scènes 7 et 8 Clefs d’analyse Compréhension Un dénouement prolongé - Relever dans les deux scènes finales les informations sur le sort des différents protagonistes. En deux scènes relativement brèves, Racine prolonge la tragédie au-delà de la mort du héros. Le dramaturge s’en ainsi explique dans sa première préface (1670) : « La pièce est finie au récit de la mort de Britannicus, et l’on ne devrait point écouter le reste. On l’écoute pourtant, et même avec autant d’attention qu’aucune fin de tragédie. Pour moi, j’ai toujours compris que la tragédie étant l’imitation d’une action complète, où plusieurs personnes concourent, cette action n’est point finie que l’on ne sache en quelle situation elle laisse ces mêmes personnes. » Ainsi les ultimes scènes rassurent-elles le spectateur en le renseignant sur le sort de l’héroïne, Junie, prise sous la protection du collège sacré des Vestales et échappant ainsi à la passion de Néron ; sur la mort de Narcisse, tué dans une émeute de la plèbe romaine. Les injustices en somme apparaissent vengées, ce qui satisfait le goût du public pour des fins morales, même dans une tragédie du pouvoir et du désir. Même Néron semble puni, au moins dans le temps clos de la tragédie, en subissant le châtiment d’un désir à jamais inassouvi : « Le seul nom de Junie échappe de sa bouche. Il marche sans dessein ; ses yeux mal assurés N’osent lever au ciel leurs regards égarés. » (v. 1757-1759) - Montrer qu’Agrippine et Burrhus sont conscients du danger qui les guette (V, 7). Agrippine et Burrhus, quant à eux, anticipent leur propre mort, Agrippine comme prise par la fatalité : « Le coup qu’on m’a prédit va tomber sur ma tête », et Burrhus l’espérant comme signe de l’échec patent de son éducation : « La plus soudaine mort me sera la plus chère. »

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Le récit d’Albine - Montrer les étapes successives de la fuite de Junie (V, 8). C’est pour échapper à Néron que Junie s’enfuit du palais après l’assassinat de Britannicus ; ses paroles rapportées par Albine au discours direct expliquent sa détermination de rester fidèle à la mémoire de Britannicus : les termes « parjure » et « foi toujours pure » à la rime insistent sur ce sentiment de fidélité envers son amour disparu. Dans un premier temps, elle échappe à la surveillance des gardes de Néron en prétextant se rendre chez Octavie et sort du palais, lieu étouffant de la tragédie, pour rejoindre l’espace public du Forum où se dresse la statue d’Auguste. Là, le peuple la prend sous sa protection et la mène jusqu’au temple proche de la déesse Vesta. - Observer la scène de lynchage de Narcisse (V, 8). On peut considérer que Narcisse meurt pour le service de son maître puisqu’il ose ce que même Néron n’ose pas, porter la main sur Junie. Ainsi sont à la fois punis sur un mode emphatique, « de mille coups mortels », son arrogance, son impiété et sa certitude de pouvoir tout oser, ce que Racine soucieux du sens étymologique appelle « son audace ».

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Réflexion Tragédie et histoire - Analyser l’usage que Racine fait des allusions historiques (V, 7, en particulier aux vers 1701-1702). Malgré le temps révolu de l’histoire qui ne peut faire que le règne de Néron ne se déroule différemment des prévisions d’Agrippine, exprimées dans les vers 17001701, Agrippine et Burrhus à la fin de la tragédie reprennent espoir. Un instant arrêté par la suspension tragique et la totale lucidité des protagonistes, le Destin se remet en route : à nouveau, Agrippine espère que Néron pourra changer de règles de conduite et qu’en quelque sorte la tragédie aura servi de leçon : « Voyons quel changement produiront ses remords, S’il voudra désormais suivre d’autres maximes. » (v. 1767-1768) Enfin, le dernier vers de la tragédie prononcé par Burrhus exprime un vœu dont l’histoire nous dit qu’il ne fut certes pas réalisé. - Analyser et discuter la description de la folie grandissante de Néron (V, 8). La vision finale que laisse Néron par l’entremise du récit d’Albine est celle du désespoir amoureux : son comportement hagard et son accablement montrent les effets de sa frustration d’avoir perdu Junie. Ainsi Racine scelle-t-il le sort de son personnage, bien loin de la réalité historique, mais dans le cadre de la tragédie qui porte le nom de sa victime, en le punissant, comme le dit Albine, « d’un éternel ennui ».

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Document complémentaire L’empoisonnement de Britannicus Suétone, Vies des douze Césars, « Néron » XXXIII. Ce fut par Claude qu’il commença ses meurtres et ses parricides. S’il ne fut pas l’auteur de sa mort, il en fut du moins le complice. Il s’en cachait si peu, qu’il affectait de répéter un proverbe grec, en appelant mets des dieux les champignons qui avaient servi à empoisonner Claude. Il outrageait sa mémoire par ses paroles et par ses actions, en l’accusant tour à tour de folie et de cruauté. Il disait qu’il avait cessé de demeurer parmi les hommes, en appuyant sur la première syllabe de morari, en sorte que cela signifiât qu’il avait cessé d’être fou. Il annula beaucoup de décrets et de règlements de ce prince comme des traits de bêtise ou de folie. Enfin, il n’entoura son tombeau que d’une mince et chétive muraille. Il empoisonna Britannicus parce qu’il avait la voix plus belle que la sienne, et qu’il craignait que le souvenir de son père ne lui donnât un jour de l’ascendant sur l’esprit du peuple. La potion que lui avait administré la célèbre empoisonneuse Locuste étant trop lente à son gré, et n’ayant occasionné à Britannicus qu’un cours de ventre, Néron appela cette femme et la frappa de sa main, l’accusant de ne lui avoir fait prendre qu’une médecine au lieu de poison. Comme elle s’excusait sur le dessein qu’elle avait eu de cacher un crime si odieux : « Crois-tu donc, lui avait-il dit, que je craigne la loi de Julia ? » et il l’obligea de composer devant lui le poison le plus prompt et le plus actif qu’il lui serait possible. Il l’essaya sur un chevreau qui n’expira que cinq heures après. Il le fit recuire à plusieurs reprises, et le donna à un marcassin qui mourut sur-le-champ. Sur l’ordre de Néron, on l’apporta dans la salle à manger et on le servit à Britannicus qui soupait avec lui. Le jeune prince tomba dès qu’il l’eut goûté. Néron dit alors aux convives que c’était une épilepsie à laquelle il était sujet. Le lendemain, par une pluie battante, il le fit ensevelir à la hâte et sans aucune pompe. Pour prix de ses services, Locuste reçut l’impunité, des terres considérables et même des disciples.

XXXIV. Néron commençait à se fatiguer de sa mère, qui épiait et critiquait avec aigreur ses paroles et ses actions. Il essaya d’abord de la rendre odieuse, en disant qu’il abdiquerait l’empire et se retirerait à Rhodes. Bientôt, il lui ôta tous ses honneurs et toute sa puissance, lui enleva sa garde et ses Germains ; enfin il la bannit de sa présence et de son palais. Il eut recours à tous les moyens pour la tourmenter. Étaitelle à Rome, des affidés de Néron lui suscitaient des procès ; à la campagne, ils l’accablaient de railleries et d’injures, en passant près de sa retraite par terre ou par mer. Cependant, effrayé de ses menaces et de sa violence, Néron résolut de la perdre. Trois fois il essaya de l’empoisonner ; mais il s’aperçut qu’elle s’était munie d’antidotes. Il fit disposer un plafond qui, à l’aide d’un mécanisme, devait s’écrouler sur elle pendant son sommeil. L’indiscrétion de ses complices éventa son projet. Alors Petits Classiques Larousse

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il imagina un navire à soupape, destiné à la submerger ou à l’écraser par la chute du plafond. Il feignit de se réconcilier avec elle, et, par une lettre des plus flatteuses, l’invita à venir à Baies célébrer avec lui les fêtes de Minerve. Là, il ordonna aux commandants des galères de briser, comme par un choc fortuit, le bâtiment liburnien qui l’avait emmenée, tandis que, de son côté, elle prolongeait le festin. Lorsqu’elle voulut s’en retourner à Baules, il lui offrit, au lieu de sa galère avariée, celle qu’il avait fait préparer. Il la reconduisit gaiement et lui baisa même le sein en se séparant d’elle. Il passa le reste de la nuit dans une grande inquiétude, attendant le résultat de son entreprise. Quand il eut appris que tout avait trompé son attente, et qu’Agrippine s’était échappée à la nage, il ne sut que résoudre. Au moment où l’affranchi de sa mère, Lucius Agérinus, venait lui annoncer avec joie qu’elle était saine et sauve, il laissa tomber en secret un poignard près de lui, le fit saisir et mettre aux fers, comme un assassin envoyé par Agrippine ; puis il ordonna qu’on la mit à mort, et répandit le bruit qu’elle s’était tuée elle-même, parce que son crime avait été découvert. On ajoute des circonstances atroces mais sur des autorités incertaines. Néron serait accouru pour voir le cadavre de sa mère, il l’aurait touché, aurait loué ou blâmé telles ou telles parties de son corps, et, dans cet intervalle, aurait demandé à boire. Malgré les félicitations des soldats, du sénat et du peuple, il ne put ni alors, ni plus tard, échapper aux remords de sa conscience. Souvent il avoua qu’il était poursuivi par le spectre de sa mère, par les fouets et les torches ardentes des Furies. Il fit faire un sacrifice aux mages pour évoquer et fléchir son ombre. Dans son voyage en Grèce il n’osa point assister aux mystères d’Éleusis, parce que la voix du héraut en écarte les impies et les hommes souillés de crimes. À ce parricide, Néron joignit le meurtre de sa tante. Il lui rendit visite pendant une maladie d’entrailles qui la retenait au lit. Selon l’usage des personnes âgées, elle lui passa la main sur la barbe, et dit en le caressant : « Quand j’aurai vu tomber cette barbe, j’aurai assez vécu. » Néron se tourna vers ceux qui l’accompagnaient, et dit comme en plaisantant qu’il allait se la faire abattre sur-lechamp ; puis il ordonna aux médecins de purger violemment la malade. Elle n’était pas encore morte qu’il s’empara de ses biens ; et, pour n’en rien perdre, il supprima son testament.

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