de RACINE

lyriques en présence de son confident, livre également au spectateur (en ... prend ainsi connaissance de toute l'histoire d'amour entre Titus et Bérénice (les.
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Bérénice de RACINE Développement des clés d’analyse Par Cécile Lignereux

Petits Classiques Larousse

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Bérénice de Racine

Acte II, scène 2

Clefs d’analyse Compréhension

L’entrée en scène de Titus ● Relever les éléments qui viennent compléter l’exposition. Rappelons que Racine, tout au long du premier acte, s’efforce de piquer la curiosité du spectateur par différents moyens, notamment en retardant l’entrée en scène de Titus. C’est ainsi que l’exposition n’est pas complète à la fin du premier acte, puisque seuls les points de vue d’Antiochus et de Bérénice ont été dévoilés au spectateur : il manque alors le point de vue de Titus. Or, sans ce point de vue déterminant, l’action ne peut pas se nouer clairement. L’apparition de Titus sur scène est d’autant plus attendue que non seulement il est omniprésent dans la bouche de tous les personnages – et pas seulement de Bérénice – mais encore que la situation de Bérénice, pour être confirmée, nécessite qu’il annonce leur mariage. L’entrée en scène de Titus vient donc apporter au spectateur un certain nombre d’informations qui viennent compléter l’exposition, dont la plus importante est bien sûr la décision de Titus de se séparer de Bérénice, et donc de renoncer à un amour heureux et partagé – ce qui a pour effet de nouer l’intrigue et de faire apparaître le conflit tragique. Mais Titus, qui se laisse aller une dernière fois aux épanchements lyriques en présence de son confident, livre également au spectateur (en vertu de la double énonciation propre au théâtre) des renseignements sur son passé amoureux – fait d’amour partagé, de bonheur et d’insouciance –, sur la soudaine prise de Petits Classiques Larousse

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conscience de ses responsabilité, sur ses tentatives pour informer Bérénice de sa douloureuse décision, sur la dette qu’il a envers elle (elle a fait de lui un homme vertueux), mais aussi sur la perfection de l’amour que lui voue Bérénice. Le spectateur prend ainsi connaissance de toute l’histoire d’amour entre Titus et Bérénice (les circonstances de sa naissance, ses bienfaits, mais aussi les raisons de sa fin annoncée). ● L’entrée en scène de Titus correspond-elle à l’attente du spectateur ? L’entrée en scène de Titus ne peut manquer de surprendre le spectateur. D’abord, celui-ci découvre un homme incertain, irrésolu, qui demande son avis à Paulin – là où le spectateur pouvait attendre un empereur sûr de lui et de ses choix. Ensuite, au moment où le spectateur s’attend à ce que Titus annonce son mariage avec Bérénice, il assiste à un véritable coup de théâtre, puisqu’au contraire Titus annonce sa décision de renvoyer Bérénice. Enfin, alors que Titus vient de formuler sa décision de façon catégorique, la présentant comme irrévocable malgré ce qu’il lui en coûte, son discours donne la primauté non pas à l’action politique mais au sentiment, non pas au présent mais au passé – qu’il revit avec nostalgie –, et repose moins sur l’examen du bien-fondé de sa décision que sur les regrets et sur la souffrance que celle-ci suscite.

Le dialogue entre Titus et son confident ● Observer les étapes argumentatives par lesquelles Titus incite Paulin à s’exprimer en toute sincérité. Au début de cette scène, Titus retarde le moment d’annoncer sa décision et préfère s’informer de ce que pense Paulin, et Rome à travers lui. Il pose ainsi une série de questions précises au sujet de son amour pour Bérénice. Constatant que Paulin se tient sur la défensive et élude ses questions, Titus tente alors d’obtenir de lui une réponse sincère. Pour cela, il s’adresse à la fois à la raison de son interlocuteur (en cherchant à le convaincre qu’il n’a pas d’autre moyen de savoir ce que pense Rome, insistant pour cela sur son désir d’« entendre tous les cœurs », et non les paroles flatteuses d’une cour corrompue) et à son affectivité (en soulignant que Paulin est le seul à être sincère, que son rang d’empereur le voue à la solitude, et qu’il souhaite établir avec lui une relation d’amitié et de confiance). En développant une telle stratégie argumentative visant à pousser Paulin à s’exprimer en toute franchise, Titus joue aussi bien sur les idéaux politiques de Paulin (utilisant le repoussoir du cruel Néron) que sur sa vanité de courtisan privilégié et que sur sa compassion pour un empereur souffrant de sa solitude. Bref, comme le souligne Jacques Scherer, « pour obtenir une réponse objective et convaincante, Titus monte une sorte de mise en scène : il compose un personnage, joue la pure ignorance, flatte la sensibilité de Paulin, en insistant sur son rôle privilégié au milieu d’une cour corrompue. »

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Réflexion

Paulin, porte-parole de Rome (vers 371-419) ● Analyser comment est construite la tirade de Paulin et les différents types d’arguments auxquels il a recours (arguments d’ordre politique, historique et moral) pour convaincre Titus. Mis en confiance, Paulin ose désormais exprimer son opinion, qui se confond avec celle de Rome : c’est en tant que porte-parole de Rome qu’il s’exprime. - Il commence par exprimer l’opinion de Rome (v. 372). - Puis, désireux de convaincre Titus que jamais Rome n’acceptera Bérénice pour impératrice, il recourt à différents arguments : - d’ordre politique (v. 373-386) : Paulin n’évoque la beauté et la vertu de la reine que pour mieux en souligner l’impuissance face à la rigueur de la loi romaine et face à la haine de Rome et surtout du peuple ; - d’ordre historique : Paulin utilise des exemples historiques pour convaincre Titus qu’il lui faut renoncer à Bérénice, citant des Romains célèbres qui ont tous respecté cette loi en dépit de leur amour ; - d’ordre moral : Paulin développe l’idée (là encore à l’aide d’un exemple) selon laquelle les Romains qui ont osé épouser une reine sont méprisables ; - Enfin, Paulin conclut son discours (v. 413 et suivants) en insistant sur le fait que, puisque l’opinion qu’il vient de défendre est celle du Sénat et de Rome, Titus connaît désormais la décision qu’il doit prendre.

Titus, l’homme d’État amoureux ● Analyser comment chacune des quatre tirades de Titus, écartelé entre un passé heureux et un présent déchirant, est structurée par l’opposition forte entre d’une part l’épanchement lyrique et d’autre part l’affirmation d’une décision catégorique et irrévocable. Chacune des quatre tirades de Titus, écartelé entre un avant heureux et un présent déchirant, est structurée par l’opposition forte entre, d’une part, l’épanchement lyrique (qui se traduit par des incursions dans le passé) et, d’autre part, l’affirmation d’une décision catégorique et irrévocable : Petits Classiques Larousse

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- la première repose sur l’opposition entre un passé heureux (Titus se laissant aller à une évocation nostalgique des moments heureux partagés avec Bérénice) et un présent tellement douloureux que Titus n’arrive pas à en parler (les trois propositions circonstancielles de temps retardant l’aveu douloureux) ; - la deuxième oppose fortement l’affirmation catégorique de la décision prise par Titus (v. 446) et l’évocation de ses hésitations et de ses moments de faiblesse ; - la troisième évoque avec gratitude la conversion opérée par Bérénice, avant de formuler ce que Titus s’apprête à lui dire (v. 520-522) ; - la quatrième célèbre la perfection des sentiments de Bérénice, avant de rappeler le « devoir » de l’empereur (v. 550-552). Ainsi le discours de Titus est-il marqué par la dualité : au style ample et poétique réservé à l’évocation élégiaque du passé s’oppose fortement le style bref propre à énoncer de façon catégorique (v. 446, 485-490, 522) la décision concernant le renvoi de Bérénice. Tandis que le premier donne de Titus l’image d’un amoureux déchiré entre l’amour et le devoir, regrettant son bonheur passé et conscient de sa cruelle ingratitude à l’égard de celle qui lui a tant donné, le second s’avère propre à mettre en valeur l’empereur conscient de ses devoirs, appelé à mettre en pratique sa décision. Bref, une telle opposition stylistique renforce encore la caractère déchirant du dilemme auquel se trouve confronté Titus.

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Acte II, scène 4 Clefs d’analyse

Compréhension

Une scène de rencontre inattendue ● Observer la répartition de la parole et commenter la longueur des répliques de Bérénice face à celles de Titus. Si l’on observe la répartition de la parole, on constate aisément que Bérénice parle beaucoup plus que Titus. C’est elle qui prend les initiatives et cherche à le faire parler. Elle tente ainsi d’en savoir plus sur les sentiments de l’empereur, formulant d’abord des reproches puis accumulant de très nombreuses questions qui restent sans réponse, et même des impératifs qui restent sans effet (v. 623). On peut également voir dans cette abondance de paroles une façon de combler le vide occasionné par le silence de Titus. La répartition de la parole est donc surprenante pour le spectateur, qui a assisté à l’entretien entre Titus et Paulin : en fin de compte, la décision prise par Titus s’avère encore plus difficile à mettre en pratique que prévu ; tout dépend désormais de l’empereur et de sa capacité à annoncer sa décision à Bérénice. ● Commenter l’effet produit par le changement de rythme des répliques (de la longue tirade initiale à la stichomythie finale) Bérénice commence l’entretien par une longue tirade visant à obtenir des explications de la part de Titus ; puis elle accumule au cours des répliques suivantes des questions qui restent sans réponse ; enfin, elle encourage Titus à lui parler par des encouragements brefs et insistants (v. 623 : « Achevez… Parlez… Hé bien ? »). Tout Petits Classiques Larousse

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au long de la scène, le rythme des répliques s’accélère donc, ce qui peut donner l’impression au spectateur que l’étau se resserre autour de Titus, qui ne semble plus pouvoir se dérober aux questions insistantes de Bérénice. La stichomythie finale crée une atmosphère tellement oppressante qu’elle en devient insupportable – d’où l’aphasie et la brusque sortie de Titus.

L’échec du dialogue et l’impossibilité de communiquer ● Montrer comment Bérénice, en interprétant faussement les paroles de Titus aux vers 600-601, accentue la situation de malentendu. Aux vers 598, Titus profite de la question de Bérénice (« Toujours la mort d’un père occupe votre esprit ? ») pour tenter de suggérer que ce décès a engendré en lui un changement radical. Or cette allusion est mal interprétée par Bérénice, qui y voit seulement l’expression de la douleur d’un fils endeuillé, et non l’annonce d’une transformation irréversible. Elle est incapable de deviner l’évolution de son amant… et celui-ci n’a pas le courage d’élucider le quiproquo. Ce malentendu illustre à quel point la communication entre les deux amants semble désormais vouée à l’échec.

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Réflexion La souffrance d’un amant incapable de signifier son intention de rompre ● Analyser en quoi la première réplique de Titus est pleine d’ironie tragique pour le spectateur qui a assisté aux deux scènes précédentes. Rappelons que l’ironie tragique réside dans le décalage entre l’ignorance du héros, qui ne discerne pas la menace qui pèse sur lui, et les informations dont dispose le spectateur. Si la première réplique de Titus est empreinte d’ironie tragique, c’est qu’elle n’est pas comprise de la même façon par le spectateur (qui a assisté aux confidences de Titus à Paulin, et donc qui sait que si Titus parlait de Bérénice et pensait à elle, c’était dans la perspective de s’en détacher) et par Bérénice (qui ne demande qu’à être rassurée sur les sentiments de Titus, à la pensée duquel elle espère être « présente » v. 581-584). Un tel décalage accentue donc fortement le côté pathétique de l’absence de communication qui règne entre les deux amants – absence de communication qui rend infructueuses les tentatives de Titus pour faire comprendre à Bérénice la situation (v. 619 ; v. 621-623).

La surpris et l’inquiétude de Bérénice face à la froideur et au mutisme de Titus ● Analyser l’émotion grandissante de Bérénice, qui passe d’un ton agressif (reproches véhéments, demandes d’explication railleuses) à un ton doux et inquiet (paroles consolantes, aveux d’amour). Bérénice connaît au fil de la pièce une évolution intérieure assez nette. On peut rappeler que dès la fin de l’acte I, persuadée de son bonheur tout proche, elle souhaitait parler à Titus afin d’échanger avec lui des propos amoureux. Or, loin d’exprimer ses sentiments, elle commence par s’excuser de son intrusion, puis exprime sa reconnaissance envers les bienfaits dont la comble Titus (tenant un discours relativement conventionnel), avant de formuler une série de reproches assez véhéments (v. 566, 579) et des demandes d’explication railleuses (v. 570, 574, 589590, 591-592, 598). Mais peu à peu, devant le trouble de Titus et après l’allusion de celui-ci à la mort de son père, Bérénice semble s’adoucir et éprouver de la compassion Petits Classiques Larousse

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face à la souffrance manifeste de son amant. Elle lui adresse alors des paroles consolantes avant de tenter de le sensibiliser à sa propre douleur (v. 610-615). Enfin, se laissant gagner par l’inquiétude, elle émet l’hypothèse que son amant puisse être las d’elle (v. 619-620) – cette hypothèse visant à émouvoir Titus et à obtenir de lui un démenti. La stichomythie finale la fait apparaître certes impatiente d’en savoir plus mais surtout angoissée. À la fin de cette scène, Bérénice n’est donc plus l’amoureuse sûre de son bonheur et prompte à la raillerie agressive ; elle est désormais une femme inquiète, profondément déstabilisée par l’attitude de Titus, ébranlée dans l’enthousiasme et l’optimisme dont elle faisait preuve au premier acte.

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