Destin de marins

24 sept. 2010 - collision avec un cargo vraquier. L'équipage, sain et sauf, .... bles et plus lumineuses. À la lumière des 18 entretiens menés, que retenez-.
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N ° 2 9 5 8 D U 2 3 O CTO B R E 2 0 1 0 • L E M A G A Z I N E D E L A M A R I N E N AT I O N A L E

Entretien

Entraînement Exocet

Traditions

Christophe Penot PAGE 10

Cassard et Forbin évalués PAGE 24

Point à la Ligne PAGE 34

M 01396 - 2958 - F: 2,40 E

EMPREINTES INOXYDABLES

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Destin de marins

BI-MENSUEL DE LA MARINE NATIONALE

SOMMAIRE

ÉDITORIAL

APERÇU

4

Remorquage en haute mer

AZIMUTS

6

PASSION MARINE

DESTINS DE MARINS : EMPREINTES INOXYDABLES PAGE 8 ENCART

19

Le commando Kieffer

INFO ACTUS

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Exocet 2010 : entraînement à la lutte au-dessus de la surface • Escadron de transformation Rafale : des marins au cœur de la mutualisation • YM Uranus : chronique d’un sauvetage • Jack Lang à bord de la frégate De Grasse • La frégate Forbin admise en service actif

CHRONIQUE DU PERSONNEL

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David Hallyday allume le feu chez les fusiliers marins ! • Toulon : Jacques Perrin dans la peau d’un marin • Saint-Mandrier : fin de formation pour 40 mousses • Lorient : sortie inhabituelle pour le Tigre • Octobre 1915 : la Marine au secours de 4 100 arméniens • Brest : présentation au drapeau à l’École des mousses

HISTOIRE

Marin... homme venu de la terre face à la mer qui l’appelle, face à la mer qu’il redoute Relever le défi Se décider à s’aventurer loin des côtes Commencer alors un éternel apprentissage : jour après jour, le geste se polit, le coup d’œil s’aiguise, l’équilibre s’acquiert L’homme s’affirme à force d’expérience toujours renouvelée Apprendre à faire du vent son complice, à faire de la mer sa voie royale Ainsi naissent les marins...

Bateau dérisoire sur la mer infinie Bateau de guerre sur la mer pacifiée Et pourtant À bord, des marins sont à l’œuvre, ils font équipage Ils veillent Les autres pêchent les trésors de la mer ou emportent les richesses de la terre Ils veillent pour que ceux-là arrivent à bon port Ils sont là, toujours et partout, pour prévenir toute menace, pour préserver la liberté des mers Ils sont, avec les autres, tous venus de la terre On les appelle les gens de mer.

CF(R) Pierre Dubrulle

La mer ne s’apprend qu'en mer Il va falloir du courage, de la ténacité, des efforts infinis La mer est exigeante pour ceux qui la défient Aller jusqu’au bout de ses forces, subir l’injustice, faire taire sa révolte Apprendre la modestie, ne pas sortir vaincu Devenir humble et fier à la fois Ainsi se forgent les marins...

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Passage de l’équateur : point à la Ligne !

ÊTRE COMBATIF

C’

Et puis veiller encore La ronde des quarts s’égrène... interminablement Ainsi vivent les marins...

30

Hommage aux mousses : ils ont dit… • IGeSA : un séjour gratuit pour les blessés en opérations extérieures • Mobilité professionnelle : un nouveau dispositif

DANS NOS PORTS

est le matin, on s’affaire, dans les villes et dans les ports Et dans les ports, on est déjà loin des rumeurs de la ville On est en partance, pour un jour... pour un mois On est en partance, l’esprit déjà tendu vers la haute mer Pour aller où ? Pour vivre quoi ? Pour vivre le métier de marin...

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Monaco Raid : les marins du BMP sur le podium • SM Le Breton, espoir de la voile française

ESPACE LECTEURS

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TEMPS LIBRE

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Rester vigilant, veiller... inlassablement Le beau temps n'est qu’une trêve Observer le ciel, scruter la mer, écouter son bateau, ne pas se faire surprendre Alors il faut veiller Alors il faut durer Il faut veiller pour que les autres dorment... et dormir vite

Marins en guerre : de glorieux anciens COLS BLEUS  N° 2958  23 OCTOBRE 2010  3

APERCU

dans la quinzaine

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REMORQUAGE EN HAUTE MER Le vendredi 8 octobre, dans la soirée, le remorqueur de haute mer Abeille Bourbon remorque à petite vitesse le chimiquier YM Uranus vers Brest. Durant le trajet, l’équipe d’évaluation et d’intervention restée à bord suit en permanence la situation du navire. Ce navire maltais de 120 mètres avait signalé dans la matinée au Cross Corsen qu’il était en grande difficulté en raison d’une importante voie d’eau, probablement due à une collision avec un cargo vraquier. L’équipage, sain et sauf, a été treuillé puis transféré sur la base d’aéronautique navale de Lanvéoc-Poulmic.

COLS BLEUS  N° 2958  23 OCTOBRE 2010  5

Azimuts Au moins un sous-marin nucléaire lanceur d’engin (SNLE) en patrouille permanente

HYDRO Mission de travaux hydrographiques ayant pour but de cartographier les zones terrestres et littorales en Atlantique.

CORYMBE Mission de permanence opérationnelle dans la zone du golfe de Guinée.

PRINCIPALES MISSIONS HORS EAUX TERRITORIALES

DEPLOYES

APPROCHES FRANCAISES

OCÉAN INDIEN

MÉDITERRANÉE

FAÇADE ATLANTIQUE

OCÉAN PACIFIQUE

Aconit, De Grasse (Atalanta), Dupleix (Enduring Freedom), Floréal (Atalanta), Cdt Bouan (Enduring Freedom), Somme

Éridan, Capricorne, La Fayette, Surcouf (Medor)

Altair, Aramis, Laplace, Monge, Perle, Rubis, Styx

PACIFIQUE

MÉDITERRANÉE

Jacques Cartier (ZEE NouvelleCalédonie), Jasmin (ZEE Polynésie française), La Moqueuse (ZEE NouvelleCalédonie), La Railleuse (ZEE Polynésie française), Maroa

ATLANTIQUE

Beautemps-Beaupré (Hydro), Siroco (Corymbe 104)

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Prairial (ZEE Polynésie française, Mission 2010.2) Vendémiaire

MANCHE/MER DU NORD

Élan, Céphée, Vulcain Améthyste (Agapanthe), Émeraude, Meuse (Agapanthe), Tourville (Agapanthe)

CHERBOURG BREST TOULON BAYONNE

AGAPANTHE Éléments précurseurs d’Agapanthe. Déploiement en mer Méditerranée, océan Indien et golfe arabo-persique, en soutien des opérations en cours.

ATALANTA

ENDURING FREEDOM

Opération de l’Union européenne de lutte contre la piraterie maritime dans le golfe d’Aden et l’océan Indien.

Opération de lutte contre les réseaux terroristes et trafics illicites dans le nord de l’océan Indien. Cartographie en date du 18 octobre 2010.

AU PORT-BASE DAKAR

BREST

BAYONNE

Sabre

Alcyon, Aldébaran, Andromède, Antarès, Argonaute, Belle Poule, Borda, Buffle, Cassiopée, Cdt Blaison, Cdt L’Herminier, Chacal, Croix Du Sud, Églantine, Étoile, Georges Leygues, Glycine, Grande Hermine, Guépard, Jaguar, L’Aigle, La Pérouse, Latouche-Tréville, La MottePicquet, Léopard, Lion, LV Lavallée, LV Le Hénaff, Lynx, Malabar, Mutin, Panthère, Pégase, PM L’Her, Primauguet, Sagittaire, Tenace, Thétis, Tigre

Athos

DJIBOUTI

Dague NOUVELLE-CALÉDONIE

La Glorieuse LA RÉUNION

Albatros, La Grandière, La Rieuse, Nivôse GUYANE

La Capricieuse, L’Audacieuse, Mahury, Organabo

Rapière, Saphir, Taape, Tonnerre, Var CHERBOURG

TOULON

Achéron, Ailette, Arago, Bélier, Bison, Casabianca, Cassard, Cdt Birot, Cdt Ducuing, Charles de Gaulle, Chevalier Paul, Chevreuil, Courbet, Esterel, EV Jacoubet, Forbin, Foudre, Gazelle, Germinal, Grèbe, Guépratte, Hallebarde, Jean Bart, Jean de Vienne, Jonquille, Luberon, Lyre, Malin, Marne, Mistral, Montcalm, Orion, Pluton,

Acharné, Coralline, Cormoran, Pluvier, Flamant, Géranium, Glaive TAHITI

Dumbéa, Dumont D’Urville, La Tapageuse, Revi, Manini ANTILLES

Maito, Violette, La Gracieuse, Ventôse SAINT-PIERRE-ET-MIQUELON

Fulmar

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PASSION

Marine

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DESTINS DE MARINS

EMPREINTES INOXYDABLES «M

arin, homme venu de la terre face à la mer qui l'appelle, face à la mer qu'il redoute / Relever le défi / Se décider à s'aventurer loin des côtes», écrivait Pierre Dubrulle, ancien officier devenu le « Monsieur cinéma » de la Marine pendant plus de trois décennies. À ces écrits poétiques, la nouvelle directive édictée cette année par les autorités de la Marine nationale quant aux finalités du métier de marin d’État répond de façon plus dogmatique : « Être marin, c’est être combatif. En tout lieu et en tout temps, le métier de marin demande un niveau d’exigence élevé. Nul ne peut se contenter de vivre sur ses acquis. Au contraire, il faut être capable de faire face». Marin d’État : plus qu’un métier, un état d’esprit qui s’est forgé à travers les générations. En s’intéressant à un livre hommage dédié à une école « fabriquante » de marins valeureux ainsi qu’à des personnalités emblématiques du monde maritime, Cols Bleus raconte dans ce numéro des destins de marins à l’empreinte inoxydable. Qu’il s’agisse des mousses, du commandant Philippe Kieffer, de l’académicien Jean-François Deniau, de l’explorateur Paul-Émile Victor ou du navigateur Éric Tabarly, leur expérience dans la Marine a forgé leur caractère et, souvent, infléchi la courbe de leur destin. « L’homme s'affirme à force d'expérience toujours renouvelée / Apprendre à faire du vent son complice, à faire de la mer sa voie royale / Ainsi naissent les marins », écrivait également Pierre Dubrulle avant de conclure avec emphase : « À bord, des marins sont à l'œuvre, ils font équipage / Ils veillent / Les autres pêchent les trésors de la mer ou emportent les richesses de la terre / Ils veillent pour que ceux-là arrivent à bon port / Ils sont là, toujours et partout, pour prévenir toute menace, pour préserver la liberté des mers / Ils sont, avec les autres, tous venus de la terre / On les appelle les gens de mer».

DOSSIER RÉALISÉ PAR STÉPHANE DUGAST

DE GAUCHE À DROITE : L’IDOLE DES HOULES ÉRIC TABARLY, L’ÉTERNEL COMBATTANT JEAN-FRANÇOIS DENIAU ET L’HOMME DES PÔLES PAUL-ÉMILE VICTOR, TROIS DESTINS IMPRÉGNÉS PAR LA MARINE ET LES OCÉANS.

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PASSION

Marine

« DES MARINS ET DES HOMMES » Éditeur d’art et écrivain, Christophe Penot est l’auteur d’ouvrages sur la Marine, dont le plus récent, intitulé La Gloire des mousses, va paraître en novembre. Observateur attentif de la vie des marins, illustres ou anonymes, cet homme de lettres pose un regard forcément éclairant sur le monde maritime. Explication de textes. s’y sont tellement bien frottés qu’ils ont fait des carrières exemplaires, dont on trouve l’écho dans ce livre. Comment sélectionnez-vous vos interlocuteurs ? Quelles sont les étapes de votre travail d’investigation ? Pour moi, seul l’intérêt du livre commande. Donc l’idée qui prime est de présenter des grands témoins qui sont à la fois des hommes de caractère et des hommes complémentaires, afin qu’ils apportent tous un éclairage supplémentaire sur l’École des mousses et le métier de marin. Au total, ils sont 18 grands témoins, tous prestigieux, qui répondent tous à des questions différentes. Ce qui permet d’obtenir un livre très profond, avec des réflexions passionnantes sur la vie des hommes et des femmes qui partent en mer dans l’idée de servir la nation qui a quand même donné au monde François-René de Chateaubriand et Jean-Baptiste Corot. Avez-vous rencontré des difficultés dans l’élaboration de cet ouvrage ? Il n’y a jamais de difficulté, car je travaille toujours en parfaite confiance avec mes interlocuteurs. Je les écoute longuement, dans le souci de les comprendre au mieux, avec leurs aveux et leur non-dits. Dans Les Chevaliers de la mer, l’amiral Forissier posait cette question fondamentale : « Comment deviner la vie des marins, qui est en soi indescriptible ? » Eh bien, de livre en livre, j’essaie justement de rendre ces vies de marins plus compréhensibles, plus perceptibles et plus lumineuses. Christophe Penot, vous venez de réaliser un ouvrage dédié aux mousses et à leur école, comment vous en est venue l’idée ? L’idée n’est pas de moi mais du capitaine de vaisseau Bernard Riou. C’était en juin 2008, à l’époque de la sortie des Chevaliers de la mer, livre que j’ai consacré à l’École navale. Bernard Riou allait quitter son rôle de « veuve » pour prendre le commandement du Centre d’instruction naval (CIN) de Brest. Parmi ses missions figurait, évidemment, la réouverture de l’École des mousses, fermée depuis 1988. « Cette École des mousses a une telle histoire, m’expliqua-t-il. Elle représente tellement la Marine ! Je vois déjà le livre que vous pourriez écrire… » Sur le principe, j’ai immédiatement acquiescé. Moi aussi je voyais déjà le livre que nous pourrions écrire. J’ai servi dans la Marine pendant mon service national. J’ai eu le bonheur de porter le pompon rouge. En clair, j’étais paré ! Comme votre précédent ouvrage, s’agit-il d’un livre 10  COLS BLEUS  N° 2958  23 OCTOBRE 2010

d’entretiens faisant la part belle à des témoignages de marins ? Oui, parce que j’aime beaucoup cette formule que j’ai utilisée pour la première fois en 1996, en recueillant la mémoire de Pierre Chany (1). Car mon premier souci est celui-là : recueillir la mémoire d’un homme, pour que sa trace et son savoir ne soient jamais effacés. Dans le cas présent, le livre commence par un chapitre historique pour bien replacer cette réouverture dans un contexte plus large qui est celui de l’aventure maritime. Puis le récit laisse place aux entretiens, c’est-à-dire aux hommes. Je pense souvent au mot de Gorki : « L’homme ! C’est magnifique ! Cela sonne fier ! » Ce mot correspond parfaitement à l’idée que je me fais du marin : un homme avec ses défauts, comme tout le monde, mais qui porte cependant un côté magnifique. Il suffit de songer à Olivier de Kersauson, au vice-amiral d’escadre Olivier Lajous, au contre-amiral Hervé Vautier, au commandant du Belem Yann Cariou : tous entretiennent un rapport puissant, magnifique et fier avec la mer. Ils

À la lumière des 18 entretiens menés, que retenezvous de l’École des mousses ? Qu’elle est effectivement à la hauteur du titre de mon ouvrage : La Gloire des mousses. Car il y a une gloire et une leçon dans la condition du mousse : apprendre pour s’améliorer et pour faire de sa vie une œuvre digne. C’est d’ailleurs ce que dit Bernard Giraudeau, le premier des grands témoins que j’ai rencontrés, et qui nous laisse ici un émouvant témoignage. Je sais que s’il était encore parmi nous, il serait très fier de la promotion dont il a été le parrain. Vos trois derniers ouvrages s’intéressent à la Marine nationale et à ses acteurs, que vous fréquentez désormais assidûment. Quelles sont les valeurs du marin selon vous ? Est-il si différent d’un terrien ? C’est justement l’une des questions que j’ai posées à l’amiral Forissier au cours de notre entretien ! Sa réponse ? « Ce n’est pas l’homme, ce n’est pas le marin ; c’est la mer qui est différente. » Une réponse

que je complète aujourd’hui avec cette remarque d’Éric Hussenot, le fondateur d’Océanopolis : « L’homme, capable d’araser des montagnes ou capable de marcher sur la lune, ne sait toujours pas mesurer exactement la profondeur de la fosse des Mariannes ! » C’est, à mon sens, parfaitement expliquer la différence qui existe entre la terre et la mer. Et j’imagine que cette différence finit, peu ou prou, par trouver sa traduction dans les êtres. Il y a chez les marins qui écrivent une sensibilité, une mélancolie très personnelle que toute l’œuvre de Pierre Loti illustre abondamment. On trouve aussi cette même sensibilité chez Chateaubriand. Quand il mande à Madame de Staël, dans une phrase parfaitement cadencée : « Savez-vous, illustre dame, qu’il y a un certain oiseau noir qui se montre sur la mer au tempo des orages… », ce n’est évidemment pas l’homme politique qui parle, c’est l’ancien voyageur qui a traversé l’Atlantique, c’est le fils d’un vieil armateur malouin.

«

L’idée que je me fais du marin ? C’est un homme avec ses défauts, comme tout le monde, mais qui porte cependant un côté magnifique.

Le marin navigateur Éric Tabarly, le marin académicien Jean-François Deniau ou le marin explorateur Paul-Émile Victor… Cols Bleus s’est intéressé pour ce numéro à des marins au destin exceptionnel. Que vous inspirent ces personnages qui ont fréquenté de près ou de loin la Marine nationale ? J’aime beaucoup le portrait d’Éric Tabarly que sa femme, Jacqueline, a bien voulu tracer dans Les Chevaliers de la mer : « Un yéti, une silhouette mal à l’aise à terre, mais un lion de mer qui s’avérait d’une force et d’une agilité insoupçonnables dès qu’il posait le pied sur un bateau ! » Pour Paul-Émile Victor, ne l’ayant jamais croisé, je parlerais seulement de ses dessins : ils m’ont toujours fait penser à l’œuvre graphique de Saint-Exupéry, beaucoup de poésie, beaucoup de tendresse… J’imagine que cet homme rude s’était apaisé loin de la civilisation. Enfin, j’ai regretté que le temps ne nous permette pas, mon épouse et moi, d’éditer Jean-François Deniau. Nous lui avions proposé d’écrire sur les paysages ligériens. Sa maladie a mis fin à ce projet.

»

À LIRE La Gloire des Mousses de Christophe Penot, réalisé avec la complicité des photographes de la Marine et de Michel Bellion, Peintre de Marine (Cristel éditions).

Si vous deviez résumer en un aphorisme, un proverbe ou trois mots le marin et sa condition, quels seraient vos bons mots ? « Des bateaux et des hommes ». C’est d’ailleurs le nom de la collection que nous lançons avec Michel Bez, Peintre officiel de la Marine, et c’est pour moi le synonyme de belles promesses. Promesses d’ailleurs, avec la mer. Promesses de rencontres, surtout. Pas plus que je ne me lasse de lire un bon livre ou de regarder un grand peintre, je ne me lasse jamais d’écouter des marins.  PROPOS RECUEILLIS PAR STÉPHANE DUGAST

(1) Journaliste sportif (1922-1996), considéré comme l'une des meilleures plumes du quotidien L'Équipe.

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PASSION

Marine

DESTINS DE MARINS ÉRIC TABARLY (1931-1998)

L’IDOLE DES HOULES

Plus de trois décennies à sillonner les mers du monde. Un talent de marin incommensurable. Un génie visionnaire dans le monde de la course au large. Un esprit avant-gardiste en matière d’architecture navale. Une ribambelle de chevauchées océaniques à la barre de ses six voiliers de course Pen Duick, devenus légendaires. Des générations de marins marquées par sa science de la navigation et sa philosophie de vie. Douze ans après sa disparition, l’empreinte d’Éric Tabarly est inoxydable. ilence de plomb sur l’esplanade de l’École navale. En ce 21 juin 1998, un office religieux est célébré en l’honneur d’un marin d’exception : Éric Tabarly. Ultimes mots d’adieu de sa femme Jacqueline : « Mon mari aimait beaucoup, passionnément la France, la mer, les bateaux. Et il était très fier d’avoir servi la France, la mer et les bateaux, dans cette arme qu’est la Marine et qui était sa deuxième famille ». Les yeux embués, les plus émotifs serrent les mâchoires. Devant une assistance pétrifiée, l’épouse fidèle et

S

12  COLS BLEUS  N° 2958  23 OCTOBRE 2010

attentionnée poursuit sans ciller : « La mer n’est pas méchante. La mer l’a pris. Elle ne l’a pas volé ». Son mari aimait les océans. Une semaine auparavant, c’est en mer qu’il a disparu. Au large de l’Irlande, pendant le convoyage de son bateau fétiche. Une nuit sombre. Une mer formée. Un vent fraîchissant. Une voile trempée à envoyer. Des lames scélérates accrochant la bôme. Des vagues perfides faisant bondir Pen Duick. Soudain, un coup de roulis prononcé. Une violente rafale à contresens. Une corne claque à

hauteur de poitrine. Choc et fracas : le skipper tombe à l’eau. Stupeur. Instants suspendus. Une voix faible se perd dans le lointain. « Pas un cri, des mots… un seul mot ou plusieurs », selon Erwan Quéméré, l’ami photographe embarqué à la manœuvre. Puis le silence. Pesant et éternel. Les recherches désespérées de l’équipage, jusqu’au petit matin, seront vaines. Aucune silhouette à l’horizon. L’eau est à 11°C. À minuit et quart, en mer d’Irlande, 51°18’N – 5°53’W, l’océan a englouti l’un de

ses plus fidèles disciples. Éric Tabarly n’est plus. Pen Duick, son fameux cotre noir, est orphelin. Le grand public est sous le choc. Le monde de la voile perd l’un de ses plus grands connaisseurs. La Marine perd l’un des siens. Désormais, seul le vent sèchera les larmes. Seul le soleil apaisera le chagrin. En ce 21 juin 1998, la foule est inconsolable à Lanvéoc-Poulmic. Mêmes sentiments à Brest, en Bretagne et à l’intérieur des terres. Le pays pleure un navigateur emblématique. La France pleure un marin. La France pleure son marin.

Tabarly et Pen Duick, à la vie, à la mort Pen Duick : un cotre noir séducteur long de 17 mètres. Entre lui et Tabarly, une « union à la vie, à la mort », selon sa fille Marie. Pen Duick : celui où tout finit et celui par où tout a commencé. Un bateau familial racheté un soir d’automne en 1952 (30 000 francs de l’époque). Et une promesse faite par Éric à son père Guy de lui payer sa dette grâce à sa solde d’engagé dans la Marine. Février 1953, Éric Tabarly, tout juste 22 ans, est incorporé. Deux mois de classe à Hourtin pour le matricule 5716-T53, afin d’y apprendre les rudiments militaires. Affectation de courte durée à SaintMandrier, au centre de sélection des élèves pilotes. Dans la foulée, direction l’École de la marine à Khouribga, au Maroc. L’élève pilote Tabarly débute sa carrière militaire au sein de la flottille 51S en septembre 1953. Il fait ses gammes sur Stamp, un avion de voltige aérienne d’origine belge. Aguerrissement sur SNJ, un monoplan version Marine du T6 américain. L’apprentissage est fastidieux. Les cours denses. Les sorties peu nombreuses. La base aéronavale est située en plein bled. Peu de loisirs et de fantaisies. De surcroît, la solde d’appelé de durée légale est maigre. Ils sont finalement dix élèves à sortir du stage de Khouribga, dont Éric Tabarly. Août 1954, affectation au centre d’entraînement d’Agadir pour un stage de perfectionnement. Stage à la 28F de six mois sur bimoteur Beechcraft. Promu second maître en décembre 1954, l’élève Tabarly reçoit son brevet et son macaron. Tabarly est désormais pilote sur Lancaster, un quadrimoteur puissant de 1 250 ch à hélices. Première solde complète. Premières économies pour Pen Duick. Le rêve prend forme. À la fin du stage, le second maître Tabarly rallie un poste à Saigon. La mystérieuse Asie. L’Indochine. Plus que le voyage, la solde double est l’une de ses

principales sources de motivation. Il faut restaurer Pen Duick qui pourrit sur un quai. Les vols s’enchaînent. Plus de 1 000 heures : missions de transport de troupes, de patrouille maritime ou de repérages de zones de saut pour les parachutistes. Tabarly devient un pilote confirmé, capable de maîtriser aussi bien un avion d’instruction léger qu’un puissant quadrimoteur. L’appel du large demeure, néanmoins, de plus en plus impérieux. La mer et les bateaux sont sa passion. Le second maître pilote se décide à préparer le concours d’entrée à l’École navale. Premier échec. Retour en métropole sur la base de Lann-Bihoué. Les permissions permettent d’entamer des travaux sur Pen Duick. Et de naviguer. L’année suivante, Éric Tabarly réussit finalement le concours. Il a vingt-sept ans.

Une seule passion : la voile Promotion École navale 1958 : l’aspirant Tabarly est l’un des plus anciens et des plus sportifs. En course à pied, il excelle. En demi-fond, ses chronos sont

remarqués. Son sport favori reste pourtant la voile. Les jeudis après-midi, traditionnellement consacrés à la pratique d’une activité sportive, Tabarly et des camarades naviguent. Une activité peu prisée du directeur des études qui préférerait voir son élève athlète disputer les cross pour défendre les couleurs de l’école. Malgré des jours de « chibi » (1) et la non-attribution du prix de sport, l’intéressé resté fidèle à sa passion. Son voilier est amarré sur le plan d’eau de l’école qui lui octroie malgré tout quelques faveurs. Horaires aménagés pour lui et quelques fidèles lors des sorties du week-end. À l’École navale, Pen Duick devient une mascotte. Camarade de promo, l’amiral Christian Rouyer n’a rien oublié de cet élève atypique : « Éric était déjà habité par la passion unique de Pen Duick. Toute sa solde passait dans la restauration du voilier. Il était un élève extrêmement pointu en navigation, manœuvre, météo et sport. En maths et en physique par contre… Je l’ai même vu hésiter à se présenter à COLS BLEUS  N° 2958  23 OCTOBRE 2010  13

PASSION

Marine cier en second. « Je m’attendais à continuer dans l’aéronavale », concède Éric Tabarly. Son voilier Pen Duick mouillera devant le yacht club de Cherbourg. Si sa passion pour la voile lui vaudra une nouvelle fois de connaître les arrêts, le jeune officier navigue pendant tous ses temps libres. C’est pour lui un plaisir, une passion et une raison de vivre. Tout en poursuivant son affectation, l’EV Tabarly forme un vœu : participer à la seconde édition de la course transatlantique en solitaire, une compétition phare, courue entre l’Angleterre et les États-Unis. Départ prévu en mai 1964. Compte à rebours déclenché. Pen Duick n’est pas taillé pour cette solitaire. Il faut construire un nouveau voilier manoeuvrable seul. Le chantier Pen Duick II est lancé.

Lorient et le Pen Duick II

une colle de maths en se demandant avec humour si la note qu’il pourrait obtenir valait la peine de traverser toute la cour de l’école ». Été 1959, fin de la première année. Le cas Tabarly fait couler beaucoup d’encre. Son parcours chaotique inquiète sa hiérarchie. La note du commandant n’est évidemment pas la meilleure. L’élève féru de voile est à la source de profonds différends entre les officiers de l’état-major. Tabarly frôle le renvoi. Deux marins vont lui sauver la mise. « Pour une fois que nous avons un officier qui aime la mer, on ne va tout de même pas le mettre à la porte ! », assène le lieutenant de vaisseau Noetinger devant le jury. Le capitaine de corvette Jaouen, alors officier de manœuvre, appuie cet avis : « Grâce à Tabarly, la plupart de nos élèves ont compris le rôle du vent, des courants et se sont amarinés. La promotion 58 est la plus « boulinarde » qui soit ». Le jeune officier peut poursuivre son apprentissage. Été 1960, fin des cours. Éric Tabarly finit dernier de sa promotion. Il a vingt-neuf ans.

Autour du monde avec la Jeanne Campagne d’application du croiseur Jeanne d’Arc 1960-1961 pour l’élève officier Tabarly. Un demi tour du monde. D’abord l’Atlantique nord, en direction des Antilles. Quelques escales dans le golfe du Mexique. Le canal de Panama. Descente le long de la côte ouest de l’Amérique du Sud pour atteindre le détroit de Magellan. Remontée ensuite vers le Brésil avant de traverser une nouvelle fois l’Atlantique et de faire escale à Dakar, au Sénégal. Incursion en Méditerranée jusqu’en mer Noire pour admirer Istanbul. Enfin, dernier détour par Venise puis Alger avant de rejoindre Brest. De ces huit mois de campagne d’application, l’enseigne de vaisseau Tabarly garde à coup sûr d’excellents souvenirs. Celui de « la galère » en fait partie. La « galère » est une grosse chaloupe à voile de la Jeanne d’Arc mise à l’eau (selon une tradition maritime) 100 miles avant d’arriver en escale. À son bord, une dizaine d’élèves officiers, du matériel de sécurité et de 14  COLS BLEUS  N° 2958  23 OCTOBRE 2010

navigation pour rejoindre à la voile le prochain port d’escale du groupe d’application. L’enseigne de vaisseau Tabarly est désigné avec neuf de ses camarades pour rejoindre les Saintes, aux Antilles, à bord de la « galère » poussée par les alizés. L’équipage rejoint le port quelques heures après l’accostage de la Jeanne d’Arc. Lors des escales suivantes, d’autres élèves auront beaucoup moins de sens marin… Retour à Brest le 8 juin 1961. Guy Tabarly a réservé une surprise à son fils : Pen Duick vient tirer des bords le long de la coque grise de la Jeanne. Le fils est ému. Fin de la formation pratique, permissions, navigations sur son Pen Duick et première affectation surprise : Cherbourg, dragueur de mines Castor, offi-

En pleine préparation, une nouvelle affectation vient troubler la sérénité d’Éric Tabarly. Ordre lui est intimé de rejoindre la base de Bizerte, en Tunisie. Le coup est rude. L’avenir s’obscurcit. Son « pacha » à Cherbourg décide néanmoins de plaider son cas devant les hautes autorités. Veto parisien. Réponse cinglante des gestionnaires au jeune officier : « Vous n’êtes pas dans la Marine pour faire de la voile. Cette affectation en Tunisie vous fera le plus grand bien dans votre formation d’officier ». Le salut viendra finalement d’un homme : le capitaine de vaisseau Kerviller, en charge des sports de la Marine, auteur d’un traité de manœuvre et grand amateur de voile. Lui et Tabarly ont déjà navigué ensemble lors d’un convoyage. Kerviller est sensible à la cause du jeune officier et promet de l’aider. C’est chose faite. Une nouvelle affectation tombe le 6 mars 1963 : Lorient, commandant de l’Edic 9092. La Trinité, lieu de construction de son nouveau voilier, est toute proche : Tabarly est aux anges. Cette affectation va lui permettre de poursuivre la préparation de son nouveau voilier. À terre, les autorités de la Marine vont désormais se montrer plus compréhensives. Pen Duick II est transféré dans l’arsenal de Lorient pour les dernières finitions. Impossible toutefois pour l’officier de participer à la course autour du monde, trop longue, sur ses seules permissions ou de poser des congés sans solde à cause des dettes contractées. Un ordre de mission sera finalement édité pour la durée de la Transat, pour le plus grand bonheur de l’intéressé. « Je serai éternellement reconnaissant à la Marine », écrira-t-il plus tard dans ses Mémoires du large. L’enseigne de vaisseau Tabarly quitte son commandement le 2 mai 1964. le 23, il est à Plymouth, piaffant d’impatience sur les pontons. Il a bientôt 32 ans. Il va dès lors écrire les plus belles pages de l’histoire de la voile. Si rares seront les militaires à pouvoir jouir d’une telle liberté dans l’exercice de leur métier, rares sont ceux de la trempe de Tabarly. Marin résolument hors norme et inclassable. Figure emblématique devenue icône, Éric Tabarly a transmis sa passion de la mer au grand public. Contre vents et marées, « l’idole des houles » a montré, aux marins comme aux terriens, l’intérêt de se tourner vers le grand large.  STÉPHANE DUGAST D’APRÈS UNE ENQUÊTE DU LV OLIVIER LEBOSQUAIN

(1) Prison de l’École navale.

JEAN FRANÇOIS DENIAU (1928-2007)

L’ÉTERNEL COMBATTANT

Ses nombreuses pérégrinations à travers la planète, sa carrière d’homme politique et de diplomate, son savoir-faire reconnu de médiateur et négociateur, ses talents d’écrivain, son sens inné de la communication et son aura en font l’une des figures incontournables de la Ve République. Sur terre comme en mer, Jean François Deniau a croqué la vie à pleines dents.

a terre est ronde » écrivait-il. Il l’a quitté le 24 janvier 2007. La Marine a perdu l’un de ses fidèles. Pourtant, Jean François Deniau n’a jamais fait carrière dans la Marine nationale. L’énergumène est même un drôle de marin. « C’est un marin. Pas un marin de plaisance. Ni un marin de commerce. Mais un marin de rêve et de courage à la poursuite de son rêve et de son Graal », confirme Jean d’Ormesson, écrivain et ami d’enfance. Jean François Deniau a donc été un amoureux des océans, sa source d’inspiration. Toute sa vie, il a chéri la mer. Féru de bons mots salés, l’homme a été également un fou de navigation au point de multiplier les traversées et de décider brutalement de franchir l’Atlantique à la voile en 1995… après un triple pontage cardiaque et une intervention au poumon ! En guise de thérapie : « L’air du large. La responsabilité de la barre. La liberté. L’océan. »

«L

Boulimique de la vie L’océan est son jardin. L’Atlantique est mon désert, préférera-t-il titrer lorsqu’il couchera les mots de cette aventure sur le papier. Au terme de cette folle équipée, la Marine lui réservera un accueil semblable à celui d’un vainqueur d’une course transocéanique. Son arrivée dans les Antilles est un triomphe sur la maladie. Et une leçon de courage. Ni étoile argentée, ni galon doré

sur sa veste mais le respect de toute une institution. À terre, Jean François Deniau est également un boulimique de la vie. Tour à tour homme politique sans langue de bois, diplomate culotté, grand reporter inspiré, baroudeur invétéré, écrivain reconnu et chantre infatigable des droits de l’Homme, il a arpenté la planète et ses points chauds. Rien ne prédestinait a priori cet enfant issu de la bourgeoisie provinciale à mener une vie aussi mouvementée. Né à Paris le 31 octobre 1928, Jean François Deniau vit une enfance sans histoires à Granville, bercée déjà par des récits rocambolesques dont celui de la traversée de sa mère et sa grand-mère entre la lointaine Australie et l’Angleterre. Son père décède alors qu’il a huit ans. C’est « Madame Mère » qui fera autorité à la maison sur ses deux filles et ses deux garçons. Études au lycée Pasteur de Neuilly, puis à l'école Sainte-Geneviève. Jean François Deniau a 17 ans à la Libération. Trop jeune pour courir les maquis, c’est plutôt par son frère Xavier (futur député et ministre lui aussi) qu’il a vécu la guerre, par procuration.

De l’Indochine au traité de Rome C’est à la Sorbonne qu’il mène ensuite des études de géographie et d’ethnologie. En 1949, sur l’invitation de son frère Xavier, il se rend en Indochine. Dans la moiteur de la jungle ou dans la chaleur des villages, le jeune COLS BLEUS  N° 2958  23 OCTOBRE 2010  15

PASSION

Marine

étudiant apprend la vie et l’action. C’est cependant sur les bords du Mékong qu'il passe l’écrit du prestigieux concours de l’École nationale d’administration. Malgré une préparation peu orthodoxe, il réussit l’ENA : reçu cinquième ! Une nouvelle vie démarre. Nommé inspecteur des Finances, le fonctionnaire, d’emblée anticonformiste, se passionne pour les questions européennes, un domaine alors jugé dévalorisant. Lui fonce tête baissée : première expérience en 1950 dans la République fédérale d’Allemagne, puis à Bruxelles. En 1957, l’énarque bientôt trentenaire participe à la rédaction d’un texte fondateur de la Communauté européenne : le fameux traité de Rome. « Le seul texte international où il y ait le mot “idéal” », aimait-il à rappeler en plissant malicieusement les yeux. Au sein des institutions européennes, il œuvre également à organiser l'aide aux pays associés du tiersmonde. Durant ses rares temps libres, le bouillonnant fonctionnaire écrit. Publication d’un premier roman sous pseudonyme : Le bord des larmes. Succès fulgurant en librairie, mais l’auteur en reste là. Mordu de voile, le « jeune loup » s’aventure dans des traversées plus longues dès que son emploi du temps l’y autorise.

Ambassades et ministères Son charisme, ses talents et son impertinence se font remarquer en haut lieu. Première consécration en 1963 : le général de Gaulle le nomme ambassadeur à Nouakchott, en Mauritanie. Le voilà plus jeune diplomate français en poste. Retour à Paris en 1967 où il devient délégué interministériel à la télévision en couleur, à l’heure où la petite lucarne balbutie encore en noir et blanc. Sa carrière s’emballe. L’énarque multiplie les postes dans les ministères : secrétaire d'État aux Affaires étrangères en 1973, puis chargé de la Coopération ; l’année suivante, un poste de secrétaire d’État auprès du ministre de l’Agriculture et du Développement rural à l'Agriculture s’offre à lui, d’abord 16  COLS BLEUS  N° 2958  23 OCTOBRE 2010

En 1981, son ascension politique est néanmoins freinée. Une vague rose déferle en France. Audacieux, « monsieur le ministre » rebondit : à compter de 1982, il devient grand reporter pour le quotidien national Le Figaro ! Les mots deviennent ses armes. Erythrée, Cambodge, Afghanistan, Kurdistan, Somalie, ex-Yougoslavie, Liban ou mer de Chine, avec les boat people : ses reportages et sa vie lui inspirent ses livres et ses biographies.

Immortel et insatiable

dans le cabinet de Pierre Messmer puis auprès de Jacques Chirac. En 1976, il est nommé ambassadeur de France à Madrid. Torero d’occasion et proche du roi Juan Carlos, son Excellence joue un rôle très actif dans la transition démocratique. Retour l’année suivante à Paris comme secrétaire d'État auprès du ministre des Affaires étrangères. Brillant sur l’échiquier national, Jean-François Deniau ne s’est néanmoins encore jamais livré au verdict des urnes. Parachutage à Bourges, dans le Berry : fonceur, l’apparenté UDF livre une farouche bataille malgré un candidat communiste réputé indéboulonnable. Élu député du Cher lors des élections législatives de 1978, il devient rapidement président du conseil général du Cher puis ministre du Commerce extérieur et des Réformes.

En 1992, Jean François Deniau est élu à l’Académie française. Le voilà devenu « immortel » ! L’amoureux des océans suit le sillage d’illustres marins académiciens, officiers de Marine, comme Pierre Loti (élu en 1891) ou Claude Farrère (en 1935). La mer revient alors en force dans sa vie. En 1999, il est élu à l’Académie de Marine, en remplacement d’une figure de proue, tragiquement disparue en mer : Éric Tabarly. Insatiable malgré une santé fragile, il se met en tête de rassembler les hommes de plume que la mer passionne afin d’assurer un rayonnement maritime aux abonnés absents en France. Opiniâtre et enthousiaste, son idée germe en mai 2003 avec la fondation du groupe des Écrivains de Marine. L’académicien continue de fréquenter dès qu’il le peut le terrain. Visites, embarquements, comme sur la Jeanne d’Arc lors des opérations d’aide et d’assistance humanitaire après le tsunami en Asie en décembre 2004. Sur le pont d’envol du porte-hélicoptères comme dans la moiteur des bureaux de militaires indonésiens dépassés par l’ampleur de la catastrophe, il continuera coûte que coûte de prêcher la bonne parole, appuyé sur sa canne. En brillant orateur, il ne manquera pas, le soir, de captiver marins, journalistes et hôtes de marques en leur distillant habilement ses histoires, souvent dans les coulisses de l’Histoire. Jusqu’à son ultime souffle, Jean François Deniau a livré bataille. En combattant farouche et éternel.  STÉPHANE DUGAST

PAUL-ÉMILE VICTOR (1907-1995)

L’HOMME DES PÔLES Toute sa vie, Paul-Émile Victor s’est passionné pour les pôles. Ses nombreuses expéditions en Arctique comme en Antarctique, son savoir-faire reconnu de logisticien polaire, ses talents d’écrivain et de dessinateur, son sens inné de la communication, sa notoriété et son combat écologique avant-gardiste en font l’une des grandes figures de l’aventure du XXe siècle. avillon bleu-blanc-rouge en berne. Garde d’honneur d’une trentaine de marins, pompons rouges sur le crâne. Longue et plaintive sonnerie aux morts. Le dernier hommage rendu à celui « qui a été obligé d’interrompre (dé-fi-ni-ti-ve-ment) toutes ses activités le 7 mars 1995 à midi » – comme indiqué sur son faire-part de décès – est celui d’ordinaire réservé aux marins morts en mer. C’est depuis le Dumont d’Urville que la dépouille de Paul-Émile Victor, enveloppée dans un linceul immaculé, glisse pardessus bord pour s’enfoncer dans les eaux tièdes et paradisiaques du Pacifique. Vêtus de blanc selon la tradition polynésienne, colliers de fleurs ceints autour du cou, proches ou amis de Bora Bora ont respecté à la lettre les volontés du défunt. Grande figure de l’exploration polaire en France et dans le monde, Paul-Émile Victor part ainsi pour son voyage éternel.

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Enfance à Saint-Claude C’est près de Genève, en Suisse, que Paul Eugène Victor (pour l’état civil) naît le 28 juin 1907. Le jeune Paul passe son enfance à Saint-Claude, dans le Jura. Son père Éric Victor y dirige une fabrique de pipes en bruyère et de porte-plumes. Dans la cité jurassienne, Paul Victor poursuit des études appliquées tout en s’adonnant au scoutisme et à la lecture. L’adolescent rêve déjà de Grand Nord et d’îles polynésiennes. Baccalauréat math-élem-philo en poche, son père l’oriente vers des études scientifiques, malgré son goût prononcé pour les lettres. Après trois années d’étude à l’École centrale de Lyon, il réussit, en 1928, le concours d'entrée de l’École nationale de navigation maritime de Marseille. L’appel du large est pressant. Dans la foulée, il effectue son service militaire dans la

Marine nationale. C’est durant cette période que Paul Victor devient Paul-Émile Victor, suite à l’interprétation inattendue de l’initiale de son deuxième prénom par l’un de ses camarades ! Ces expériences de marin à terre ne l’épanouissent guère. La désillusion sur le métier est totale. Le quotidien routinier et la stricte discipline ne cadrent pas avec l’image de marin façonnée par ses lectures. Faute de réelles perspectives, l’enseigne de vaisseau de deuxième classe Victor revient dans sa région d’origine à la fin de son service militaire. Le jeune ingénieur intègre docilement l’usine familiale. Pourtant, cette vie ne cadre pas avec ses aspirations. La soif de découvertes et la promesse d’une vie plus exaltée sont pressantes. La décision est inéluctable : quitter

Lons-le-Saunier. Le fils Victor ne sera jamais le successeur de son père. À 26 ans, une nouvelle vie s’offre désormais à lui.

Charcot et le Pourquoi Pas ? Fraîchement débarqué dans la capitale, le jeune Jurassien trouve rapidement sa voie et décide de suivre des études d’ethnographie au musée de l’Homme du Trocadéro. Une opportunité en or va se présenter à lui : rencontrer Jean-Baptiste Charcot, chantre de l’exploration polaire française. Dès leur première rencontre, l’apprenti ethnologue saura se montrer convaincant. Enthousiaste et décidé, Paul-Émile Victor lui expose son projet d’étudier les Eskimos du Groenland oriental, découverts seulement 50 ans auparavant par l’homme blanc. Rapidement conquis, CharCOLS BLEUS  N° 2958  23 OCTOBRE 2010  17

PASSION

Marine

cot accepte d’embarquer le « phénomène » (selon ses dires). Le 25 août 1934, l’ethnologue et chef de mission Paul-Émile Victor débarque du navire polaire Pourquoi pas ?, accompagné de trois compagnons, dans le comptoir danois d’Ammassalik. L’immersion des quatre « Franski » (Français) dans la société eskimo est rapide. Pendant près d’un an, ils multiplient les visites, en traîneau à chiens ou en kayak, à la rencontre des 800 eskimos peuplant cette région sauvage. Sur ses carnets, le chef de mission poursuit méthodiquement son enquête ethnographique. Il note, écrit et dessine tout ce qui concerne cette civilisation entièrement dédiée au phoque, sa vie matérielle, sociétale et spirituelle.

La traversée du Groenland Envisageant de prolonger son séjour d’un an, PaulÉmile doit toutefois se résoudre à rentrer en France. Le virus du monde polaire est toutefois inoculé. Criblés de dettes à leur retour, les « quatre du Groenland » enchaînent dîners mondains et conférences devant le tout-Paris. Fin octobre 1935 paraît, en une de Paris-Soir, un grand reportage titré : « Douze mois sur la banquise ». La carrière d’explorateur médiatisée de Paul-Émile Victor est lancée. Son charisme et ses talents d’orateur, lors de ses premières conférences salle Pleyel à Paris, feront le reste. Le presque trentenaire décide néanmoins de repartir au Groenland pour une expédition audacieuse : traverser d’ouest en est l’immense calotte glaciaire du Groenland. Au menu de cette « Transgroenland 1936 » : 4 hommes, 33 chiens, 3 traîneaux, 1 500 kilos de matériel et 800 kilomètres à parcourir afin d’étudier le plus scientifiquement possible un univers inhabité parmi les plus hostiles de la planète. Revenu au « pays des hommes » après une intense expérience intérieure, Paul-Émile Victor (dit « Wittou » par ses amis eskimos) décide de prolonger son séjour au Groenland oriental. Installé à 250 kilomètres du village le plus proche, Wittou partage, auprès de sa compagne eskimo Doumidia, le quotidien précaire et authentique de sa famille d’adoption. L’ethnographe poursuit sa méticuleuse enquête ethnologique. Après 14 mois de vie « comme un Eskimo parmi les Eskimos », de multiples voyages en traîneaux, le scorbut, la faim et d’intenses moments de partage, Wittou quitte à regrets ses amis eskimos lors de la débâcle de la banquise. De retour en France en septembre 1937, il publie deux récits : Boréal et Banquise sont deux succès en librairie.

De la Marine à l’US Air Force 1939, la guerre éclate. Mobilisé dans la Marine, l’enseigne de vaisseau Victor est d’abord affecté à l’ambassade de France à Stockholm, en Suède. Adjoint de l’attaché naval, il devient agent de renseignement et officier de liaison pendant cette « drôle de guerre ». La débâcle et l’invasion allemande vont l’obliger à un retour en France rocambolesque : Moscou, Odessa, Istanbul, Athènes, Gibraltar, le Portugal, l’Espagne puis la France occupée. Les bruits des bottes allemandes et le climat ambivalent l’incitent à quitter la France. Fort de relations avec des politiques en place, il réussit à arracher du gouvernement de Vichy le financement d’une mission d’étude ethnographique en Amérique. 18  COLS BLEUS  N° 2958  23 OCTOBRE 2010

Le 28 octobre 1940, il quitte Marseille et débarque à Casablanca, au Maroc. Bloqué, faute de bateaux, il y séjourne jusqu’en décembre, avant d’embarquer pour la Martinique. Ayant enfin obtenu son visa grâce à ses relations, il débarque finalement à New York en juillet 1941 où il vit un temps en compagnie de l’écrivain et pilote Antoine de Saint-Exupéry. Tourmenté par le sort de ses compatriotes, il s’engage en juillet 1942 comme simple soldat dans l’US Air Force. Vichy French ou De Gaulle French ? Les autorités américaines tergiversent sur la réelle identité de leur nouvelle recrue. Son engagement et ses compétences polaires sont finalement reconnus. Nommé officier en juillet 1943, le lieutenant Victor devient instructeur terrain à l’École d’entraînement polaire avant d’entraîner les escadrilles de recherche et de sauvetage pour le Grand Nord et de diriger, à compter de mai 1944, une de ces escadrilles en mer de Béring. Après quatre années sous l’uniforme, le désormais promu capitaine a eu tout loisir d’étudier de près l’imposante et efficace logistique de l’armée américaine. Âgé de 39 ans, Paul-Émile Victor revient dans son pays en pleine reconstruction.

Les Expéditions polaires françaises Jouant la carte de la sensibilité nationale, Paul-Émile Victor réussit le tour de force d’engager la France exsangue d’après-guerre dans la voie des explorations polaires. Les Expéditions polaires françaises (EPF) sont nées. Les voyages vont alors se succéder : au Groenland d’abord, puis en Terre Adélie, 110 ans après le navigateur Dumont d'Urville. Parmi les 150 expéditions organisées par les EPF, PaulÉmile Victor en aura dirigé personnellement 17 en Terre Adélie et 14 au Groenland. En 1976, l’explorateur prend sa retraite et réalise son rêve d’adolescent en s’installant sur un îlot de Bora Bora, en Polynésie française. Jouissant de son énorme aura médiatique, il y reçoit le gotha planétaire : le président François Mitterrand lui rendra visite comme à un chef d’État. Politiques, journalistes, scientifiques ou artistes ne manquent pas de saluer « l’homme des pôles ». Depuis son paradis du Pacifique, le fin connaisseur des deux extrémités du globe continuera de communiquer avec le monde jusqu’à son dernier souffle. À 87 ans, au large de Bora Bora, tandis que sonne la trompette interprétant « Aux morts », l’homme qui a choisi d’être immergé – et non pas enterré – inscrit à jamais son nom dans la légende de l’aventure.  STÉPHANE DUGAST

Extrait de l’ouvrage « Dans les pas de Paul-Émile Victor, vers un réchauffement climatique ? », préface de Nicolas Hulot (Michel Lafon).

Poster à détacher

LE COMMANDO KIEFFER

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1 ENTRAÎNEMENT AU CAMP D’ACHNACARRY, (1942). 2 LE CC KIEFFER ET LE MARÉCHAL MONTGOMERY. 3 LE 6 JUIN 1944, VERS 7 H 50, LE COMMANDO N°4 PROGRESSE VERS OUISTRZHAM, QUI SERA CONQUISE VERS 11 H 30. 4 REMISE DU FANION AU CC KIEFFER PAR M. JACQUIOT, MINISTRE DE LA MARINE, LE 29 MAI 1945, DANS LA COUR D’HONNEUR DE L’HÔTEL DE LA MARINE. 5 PORTRAIT DU CC KIEFFER.

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Philippe Kieffer, la volonté d’un homme Philippe Kieffer est né en 1899 à Port-au-Prince (Haïti). Il est diplômé de hautes études commerciales et conseiller bancaire aux États-Unis quand la Seconde Guerre mondiale éclate. Dès septembre 1939, malgré son âge (40 ans), il décide de rejoindre la France. Après l’effondrement français et la débâcle, il gagne l’Angleterre et arrive à Londres le 19 juin 1940, où il s’engage dans les Forces navales françaises libres (FNFL). Incorporé comme matelot secrétaire et interprète, ses qualités personnelles – dont sa parfaite connaissance de l’anglais – lui permettent de devenir officier de réserve interprète et du chiffre. Préférant l’action et impressionné par les actions « coups de poing » et les raids des commandos britanniques, il persuade ses supérieurs de l’autoriser à former un corps composé de français volontaires. Puis, après plusieurs refus, Kieffer obtient l’adhésion des Britanniques, séduits par sa connaissance de la langue française et des côtes occupées. Il faut ensuite sélectionner des volontaires et les former. Autour d’un premier noyau, la formation élémentaire débute au camp de Camberley en janvier 1942. Les résultats étant jugés satisfaisants par le QG des Opérations combinées, la compagnie de Kieffer est « affectée à un commando britan-

nique pour instruction et emploi ». Les premiers fusiliers marins français se présentent le 28 avril 1942 au camp d’Achnacarry, dans le nord de l’Écosse, pour suivre le stage « commando ». En juin 1942, ils sont 27 à arborer le béret vert porté à l’anglaise. Dès juillet, ils intègrent le Commando N°10, une unité interalliée. Puis de nouveaux commandos arrivent, et mènent des raids de harcèlement sur les côtes de l’Europe occupée. Le 8 octobre 1943, le 1er bataillon de fusiliers marins commandos est créé et les commandos marine français continuent à prendre part à des raids jusqu’en mars 1944. Le 6 juin 1944, ils sont 177 commandos français à débarquer à Ouistreham lors de l’opération Overlord. Ensuite, quelques missions ont lieu jusqu'à la fin du conflit, notamment aux Pays-Bas. Philippe Kieffer est démobilisé en octobre 1946. Il entame alors une nouvelle carrière administrative au sein d’organisations internationales, dont l’Otan, jusqu’à son décès le 22 novembre 1962. Il est considéré comme le « père » des commandos marine français et c’est pourquoi le sixième commando, créé en 2008, porte son nom en hommage à son courage et sa détermination. COLS BLEUS  N° 2958  23 OCTOBRE 2010  19

COMMANDO KIEFFER MISE EN ŒUVRE D’UN MINI-DRONE

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LE COMMANDO EN DÉTAIL ORIGINE Le retour d’expérience des opérations menées par les commandos marine ces dernières années, les travaux de prospective opérationnelle de l’état-major de la force maritime des fusiliers marins et commandos (Forfusco), l’émergence de nouvelles menaces ont fait naître il y a quelques années le besoin de développer des capacités permettant d’améliorer notre réponse opérationnelle aux engagements à venir. Ces capacités concernent des domaines novateurs, périphériques aux savoirfaire du cœur de métier des commandos marine. C’est la raison d’être du commando Kieffer, crée le 6 juin 2008, qui apporte une plus-value capacitaire à la Forfusco, à la Marine et au commandement des opérations spéciales, comme une réponse supplémentaire à l’unique doctrine des forces spéciales : « faire autrement ».

COMPÉTENCES Pensée comme une unité de « commandement et d’appui opérationnel » comportant une cinquantaine de marins expérimentés et certifiés « commando », le commando Kieffer développe aujourd’hui des compétences dans les domaines suivants : • C3I : « Command-Control-CommunicationsIntelligence » (état-major tactique projetable de forces spéciales, avec capacités SIC haut débit interopérables) ; • mise en œuvre de mini drones et développement du volet Istar ; • guerre électronique tactique et action dans les champs immatériels ; • contre-minage et dépiègage de combat ; • cynotechnie de combat (pistage, intervention, recherche de caches d’armes et d’explosifs) ; • intervention en premier en milieu pollué (NRBC).

EFFECTIFS Fidèle à la démarche pionnière de sa figure fondatrice, le commando Kieffer a étendu son recrutement à toutes les spécialités de la Marine, la moitié de l’effectif étant issue d’autres spécialités que « fusilier marin ». Cette ouverture du métier de commando aux autres spécialités est à la fois un défi motivant et la promesse d’un enrichissement pour la Forfusco et la Marine. En ce sens, des appels d’offre de recrutement sont régulièrement émis pour le renouvellement des effectifs ou la satisfaction de besoins nouveaux.

ORGANISATION Organisé en cellules autonomes, le commando, installé à Lorient, est un réservoir de capacités spécifiques utilisées comme multiplicateurs d’effets au sein des dispositifs opérationnels de forces spéciales. Ses éléments opèrent soit de façon autonome, pour un emploi spécialisé, soit en renforcement d’un groupe de commandos. Pour en assurer la parfaite synergie, ils utilisent

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les mêmes procédures tactiques générales, les mêmes vecteurs que les commandos, participent aux mêmes formations (stages commando, TAP, nautique, plongée, etc.) et s’entraînent quotidiennement en commun.

MISSIONS • Missions de commandement tactique de dispositifs de forces spéciales d’ampleur, à terre ou embarqué, dans le cadre des opérations spéciales, des opérations aéromaritimes, des opérations amphibies (forces avancées), du contre-terrorisme maritime, dans un cadre national, interarmées ou interalliés.

• Participation aux opérations spéciales et aéromaritimes, sur tous les théâtres ouverts ou à venir, soit en renfort capacitaire d’un dispositif déployé, soit de façon autonome, dans ses domaines d’expertise. • Recherche, développement, veille technologique de matériels et procédures correspondants à ses capacités singulières, selon une logique de benchmarking étendue (interarmées, interadministrations, organismes civils, français et étrangers).

INFO

actus

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EXOCET 2010 : ENTRAÎNEMENT À LA LUTTE AU-DESSUS DE LA SURFACE Dans la continuité de Squale pour la lutte sous la mer, Exocet – « exercice de certification et d’évaluation tactique » en lutte au-dessus de la surface – est né du besoin de s’assurer de la maîtrise des savoir-faire tactiques du combat de haute intensité sur les bâtiments de surface. Les frégates Forbin et Cassard ont été les premiers candidats évalués dans le cadre d’Exocet 2010.1. 1 Les 18 et 19 septembre dernier, à l’issue des Journées du patrimoine, deux groupes de bateaux, les « Blue » et les « Red », se sont (fictivement) affrontés sous la bannière du Forbin pour les uns et celle du Cassard pour les autres dans le cadre de l’exercice Exocet 2010.1. Le groupe Blue (Forbin, Jean Bart, Montcalm, La Fayette) avait pour mission d’interdire l’espace aéromaritime aux approches de Toulon à leurs opposants du groupe Red (Cassard, Chevalier Paul, Jean de Vienne, Guépratte, EV Jacoubet et Meuse), dans un scénario de crise

avancée utilisant des moyens aériens conséquents. Trublions de ce contexte déjà tendu, l’Achéron et la Rapière simulaient des mother ships susceptibles de conduire des attaques asymétriques avec leurs embarcations.

Un processus d’évaluation en cinq étapes Au cours de ces entraînements avancés, les bâtiments sont évalués sur cinq étapes successives. Elles sont le passage indispensable pour mettre à l’épreuve des connaissances parfois estompées

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ou enfouies sous une expérience opérationnelle éloignée des tactiques du combat de haute intensité. - Étape 1 : évaluation des connaissances individuelles. Acte d’humilité par sa capacité de remise en cause, l’évaluation individuelle doit permettre d’identifier à tous les niveaux le chemin qu’il reste à parcourir pour réacquérir, hors cadre scolaire, les tactiques de la lutte au-dessus de la surface. Le questionnaire – qui touche les opérateurs des modules air, surface, armes – a aussi pour objectif de développer une culture « métier » de 1 LE FORBIN ET LA MARNE PENDANT UN RAVITAILLEMENT À LA MER. 2 LE GROUPE BLUE (FORBIN, JEAN BART, MONTCALM, LA FAYETTE) EN MANOEUVRE. 3 LE CHALAND DE DÉBARQUEMENT D’INFANTERIE ET DE CHARS (CDIC) RAPIÈRE. 4 LE BÂTIMENT BASE DE PLONGEURS DÉMINEURS (BBPD) ACHÉRON.

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lutte au-dessus de la surface dans l’environnement du groupe aéronaval. - Étape 2 : entraînement sur simulateur en bordée constituée (photos 5 et 6). Répétition d’actions planifiées en bordée constituée, l’entraînement sur simulateur permet de mécaniser la circulation de l’information au sein du central opérations dans un environnement multilutte. Toute la chaîne de commandement est alors impliquée dans des situations de temps de crise et de temps de guerre autant de fois que nécessaire pour corriger les défauts. - Étape 3 : panneaux tactiques (photo 7). Travail d’état-major par excellence, à travers l’application rigoureuse de la méthode de planification opérationnelle, le Forbin et le Cassard ont tour à tour exposé leur idée de manœuvre. Confrontées à l’esprit critique d’experts venus d’horizons multiples (Alfan, Alavia, CECMed, CIN), l’analyse du scénario et la cohérence de l’emploi des moyens ont du être étayées et commentées. La présentation d’une idée de manœuvre par l’état-major d’un bâtiment devant un

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groupe d’experts est une démarche novatrice nécessitant imagination, compétence et humilité ; elle permet à chacun d’exprimer ses idées et de les soumettre au crible de l’expérience de chaque spécialité et milieu. Elle est vraiment de nature à faire progresser nos savoir-faire tactiques. - Étape 4 : conduite de la force à la mer (photos 8 à 11). C’est l’exercice du commandement multilutte en temps de crise ainsi qu’en hostilité déclarée. Le Forbin et le Cassard ont assumé la charge à la tête de deux forces composées de quatre à six bâtiments de combat, avec le soutien d’avions de patrouille maritime, d’hélicoptères et d’avions de chasse pour des missions d’assaut mer ou d’interceptions. - Étape 5 : analyse tactique et retour d’expérience. Temps de l’analyse au regard des comptes-rendus des différentes parties, comparaison entre tactique envisagée et conduite effective de la force : cette phase permet de faire évoluer la doctrine et d’exploiter les moyens dans les meilleures conditions, au maximum de leurs possibilités technologiques.

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Quatre objectifs atteints Pour cet entraînement avancé, quatre objectifs étaient fixés et ont été atteints : - réfléchir et éprouver nos tactiques 8

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dans le domaine de la lutte au-dessus de la surface ; - permettre à des ASUWC (1) et AAWC (2) désignés d’exercer leurs responsabilités en bénéficiant d’une opportunité de commandement d’un Task Group conséquent ; - analyser les résultats obtenus, proposer des axes d’évolution de la doctrine et améliorer l’emploi des moyens ; - profiter de cet entraînement avancé pour attribuer des mentions particulières, dans l’esprit de la note sur le cursus des officiers de Marine, mais également favoriser la reconnaissance d’une expertise par l’attribution de mentions de commandants de lutte (ASUWC et AAWC). Exocet et Squale (son équivalent en lutte sous la mer) sont deux processus similaires et motivants : recherche de concomitance d’entraînement entre les autorités organiques, recherche d’occasions pour vérifier les savoirfaire pour tous les échelons, reconnaissance d’une expertise par l’attribution de mentions. Exocet et la sortie d’entraînement Gabian qui l’a précédé ont d’abord été un indicateur de la forte mobilisation des équipages pour garantir la disponibilité de leurs bâtiments. Exocet s’inscrit également dans une dynamique de recentrage vers « le cœur de métier » d’une marine hauturière qui entretient les savoir-faire fragiles du combat de haute intensité. Les tactiques employées, l’endurance nécessaire pour conduire ce type d’engagement et les savoir-faire associés doivent renforcer le socle utile aux équipages de nos bâtiments pour conduire les missions opérationnelles actuelles de contrôle maritime ou de lutte contre la piraterie et les trafics illicites.  CC CHASTANET

(1)Anti Surface Warfare Commander (commandant de lutte antisurface). (2)Advanced Amphibious Warfare Course (commandant de lutte sous la mer avancée). 10

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ESCADRON DE TRANSFORMATION RAFALE : DES MARINS AU CŒUR DE LA MUTUALISATION Le 6 octobre dernier, sur la base aérienne 113 de Saint-Dizier, a eu lieu, en présence du ministre de la Défense et des chefs d’état-major de la Marine et de l’armée de l’Air, la cérémonie d’inauguration de l’escadron de transformation Rafale 02-092 Aquitaine (ETR 02-092).

LE RAFALE MARINE SUR LA BASE AÉRIENNE DE SAINT-DIZIER.

1 Depuis le 1er septembre 2010, onze marins ont pris leurs marques en plein cœur de la Champagne : un officier, le capitaine de corvette Sébastien Martinot, affecté comme instructeur de transformation Rafale, et 10 officiers mariniers affectés à l’escadron de soutien technique aéronautique. Leur présence s’explique par un besoin de rationalisation des compétences et des formations. Ainsi, la mission principale de l’escadron de transformation Rafale (ETR) est de former en commun tous les pilotes et navigateurs système d’armes de Rafale de la Marine nationale et de l’armée de l’Air. Les deux armées mettant en œuvre des Rafale au système d’armes similaire, il était logique qu’un cursus commun soit mis en œuvre. L’ETR constitue la première réalisation concrète du comité d’orientation de l’aviation de chasse (Comorac), créé à l’été 2009, dont l’objectif est de rechercher des voies de rationalisation et de mutualisation dans tous les domaines qui intéressent la préparation opérationnelle.

68 missions en vol Outre sa vocation de transformation Rafale, l’ETR est également un centre

d’expertise permettant l’entraînement par simulateur, la standardisation de l’utilisation de l’avion, l’étude de nouvelles tactiques, l’analyse et la validation de concepts d’emploi. Le cursus s’articule autour d’une formation comprenant 68 missions en vol et 38 missions au simulateur, ceci durant les neuf premiers mois de la carrière sur Rafale des stagiaires.

L’escadron, qui compte actuellement 1 Rafale Marine, 1 cadre pilote instructeur et 10 techniciens, doit s’agrandir progressivement pour atteindre jusqu’à quatre avions et un nombre d’instructeurs et de techniciens adapté afin de supporter un flux d’une dizaine de stagiaires par an.  SM ANAËLLE BASLE

LE SIMULATEUR RAFALE DE LA BASE 113.

TROIS QUESTIONS À UN EXPERT CF SÉBASTIEN FABRE, CHEF DU PROJET RAFALE À L’ÉTAT-MAJOR DE LA MARINE 1 Quelle est la plus-value de l’ETR Ne perd-on pas le savoir-faire À terme, est-il envisagé que la pour la Marine ? « Marine » (pilotage en monoplace et Marine reçoive à son tour des personnels de l’armée de l’Air ? L’ETR va permettre de concentrer la techniques d’appontage) ? formation initiale des pilotes sur Non. Si la formation débute sur biplace, La flottille 12F accueille depuis des Rafale au sein d’une unité spéciali- une grande partie des vols réalisés par années des pilotes de l’armée de l’Air sée, gage d’une bonne standardisa- les stagiaires Marine sera effectuée sur en échange pour deux ans. Ces tion. En outre, l’emploi de Rafale les Rafale Marine mis en place à l’es- pilotes, qui possèdent déjà une solide biplace permet de simplifier la prise cadron de transformation Rafale. Cette expérience en escadron opérationen main de la machine et de mieux formation initiale constitue le socle de nel, sont formés aux techniques de comprendre son fonctionnement en ce que doit connaître tout pilote de l’appontage, du catapultage et du vol guidant le stagiaire par des échanges Rafale. La formation aux spécificités au-dessus de la mer. Inversement, directs avec son instructeur. Enfin, de l’emploi aéro-maritime du Rafale quelques pilotes de l’aéronavale sont lors de la mise au point de la forma- Marine (environnement porte-avions, insérés dans des escadrons et volent tion commune, nous nous sommes missions d’assauts mer…) se dérou- sur Mirage 2000. Ces échanges perrendu compte que, hormis quelques lera à l’issue du stage à Landivisiau, au mettent de mieux appréhender les exceptions, nos deux armées utili- sein du centre d’entraînement, d’ins- problématiques de milieu et sont de saient le Rafale d’une manière simi- truction et de préparation de missions bons vecteurs de la connaissance interarmées.  laire dans les missions de base. (CEIPM).

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« L’ETR 02-092 VA DEVENIR LA RÉFÉRENCE » CC MARTINOT, PILOTE INSTRUCTEUR Commandant, vous êtes l’unique instructeur Marine de l’ETR 02-092, comment se passe votre « intégration » au sein de l’armée de l’Air ? Un chef de patrouille n’est pas perdu à Saint-Dizier ! Je suis le chef des opérations. Je m’occupe donc de l’activité de l’escadron et des dossiers principaux en coordination avec les différentes cellules : escadrilles, instruction/standardisation, simulateur, tactique. Parallèlement à ces activités, j’ai réalisé ma transformation comme moniteur sur les Rafale biplaces de l’armée de l’Air pour compléter mon expérience pédagogique acquise sur monoplace dans la Marine en flottille. L’ETR 02-092 a donc pour objectif la formation commune

des pilotes de la Marine et de l’armée de l’Air sur Rafale. Quel en est l’intérêt ? L’ETR 02-092 va devenir la « référence » en termes de transformation initiale et de standardisation, et permettra également aux pilotes de recentrer leur activité sur l’entraînement tactique et la préparation aux missions spécifiques. Avez-vous déjà un retour d’expérience des premiers cursus ? Pour l’instant, le niveau des quatre premiers stagiaires (deux « Marine » et deux « Air ») qui ont débuté ce cursus correspond à nos attentes. Les prochains cursus seront régulièrement mis à jour pour s’adapter aux besoins si nécessaire.

LE FANION DE L’ESCADRON DE TRANSFORMATION RAFALE 02-092 AQUITAINE.

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YM URANUS CHRONIQUE D’UN SAUVETAGE La préfecture maritime de l’Atlantique et la base navale de Brest ont joué un rôle primordial dans la fin heureuse de la fortune de mer du chimiquier YM Uranus. 1 Mardi 12 octobre, 16 h. Le YM Uranus, navire de transport de produits chimiques battant pavillon maltais, quitte éventré l’épi 4 du port militaire de Brest. Le RPC Taunoa et deux remorqueurs civils tirent à petite vitesse les 119 mètres de ferraille déformée vers le quai de réparation n°1 du port de commerce de Brest. La genèse de cette image insolite au sein de la base navale remonte quatre jours plus tôt… Le vendredi 8 octobre, par une nuit noire sans lune, peu après 5 h, un choc terrible retentit à bord du YM Uranus. Un bruit de tôle froissée. Les vitres de la passerelle explosent, la mer envahit tout, même les caissons les plus élevés du château. Mayday par ASN ; treize marins se sanglent dans le canot qui s’éjecte du navire en perdition. Immédiatement, deux hélicoptères, le Dauphin et le Caracal, décollent de la BAN de Lanvéoc. La FASM Primauguet se déroute pour porter assistance aux naufragés et l’Abeille Bourbon quitte à pleine vitesse son poste de garde de l’anse de Bertheaume. La situation est préoccupante : l’abordage entre le petit chimiquier – rempli de 6 000 tonnes d’un solvant particulièrement inflammable et explosif – et l’immense vraquier panaméen Hanjin Rizhao peut entraîner des conséquences graves pour les hommes, l’environnement, les bâtiments et leurs cargaisons.

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1 AU PETIT MATIN, LE YM URANUS À L’ARRIVÉE DES SECOURS. 2 LE CHIMIQUIER EST ÉVENTRÉ, LA MER ENVAHIT LE PONT. 3 LES 13 MARINS SONT HÉLITREUILLÉS. 4 L’ARRIVÉE DES MARINS DU YM URANUS SUR LA BAN DE LANVÉOC. 5 LE YM URANUS EST REMORQUÉ PAR L’ABEILLE BOURBON. 6 ARRIVÉE DU YM URANUS DANS LE PORT DE BREST.

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Cellule de crise

de la préfecture maritime de l’Atlantique est armée. Les téléphones commencent à sonner : la presse vient déjà aux nouvelles. Priorité aux hommes. À 7 h 10, ils sont hélitreuillés pour être déposés sur la base de Lanvéoc. Bien qu’en état de choc, l’un d’eux tient à repartir avec l’équipe d’évaluation et d’intervention (EEI) pour tenter de sauver la cargaison et le bâtiment. Sur zone, le Dauphin se sert du Primauguet comme base de repli. Il effectue plusieurs vols pour détecter une éventuelle pollution. Le Ceppol (centre d’expertises pratiques antipollution) est en alerte. Il renseigne sur la nature du produit – du Pygas, additif dans la fabrication de l’essence sans plomb – et sa dangerosité. Depuis le Dauphin, rien de visible : la double coque compartimentée a joué son office. Les caissons du solvant et des hydrocarbures de propulsion sont sains. Le navire flotte mais concède une gîte de plus de 20 degrés. Après une évaluation rapide des dégâts, le préfet maritime ordonne la prise de la remorque. Et c’est à petite vitesse que le convoi aborde Brest dans la nuit du samedi 9, vers 1 h 45. Pour cette cargaison encombrante, pas de place dans le port de commerce de Brest qui n’est pas habilité à la traiter. Il ne reste donc que le port militaire, habitué à la manipulation de matériaux dangereux. C’est donc à l’épi 4 que le YM Uranus trouve refuge.

Brèche de 5 m sur 8

Le Cross Corsen prend immédiatement la coordination des opérations de sauvetage. Le préfet maritime est alerté ainsi que le centre opérationnel de la fonction garde-côtes – dont c’est la première opération. La cellule de crise 5

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Le reste relève des relations commerciales entre la société des Abeilles, un armateur, le propriétaire de la cargaison et les assureurs. Après une plongée, on détecte une brèche de cinq mètres sur huit. Une partie des caissons bâbord est noyée. Très vite, la décision de transborder le solvant sur un autre bâtiment est prise. Le malheureux navire est redressé par ballastage pour faciliter l’opération. Elle se déroule sans difficulté mais sous la plus grande vigilance des marins-pompiers de la base navale de Brest et à l’intérieur d’un périmètre de sécurité rigoureux. Une fois les soutes vides, le YM Uranus peut quitter le port militaire, qui retrouve ainsi sa routine opérationnelle quotidienne.  CHRISTIAN BONNEAU

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JACK LANG À BORD DE LA FRÉGATE DE GRASSE

1 Le 9 octobre, M. Jack Lang s'est rendu à bord de la frégate De Grasse, en escale à Mombasa. Récemment nommé conseiller spécial du secrétaire général des Nations unies pour les questions juridiques liées à la piraterie, Jack Lang était venu rencontrer les marins du De Grasse et l’état-major de la force européenne de lutte contre la piraterie, commandée par le contreamiral Philippe Coindreau (EU NAVFOR). En présence également du contre-amiral Sinan Ertugrul (Marine turque),

commandant de la TF 151 (Coalition Maritime Forces), M. Lang s’est entretenu avec l’état-major de la TF 465 afin d’évoquer les questions juridiques liées à la piraterie. Les marins d’Atalanta ont fait part au conseiller spécial de l’ONU des défis que représente cette opération, et tout particulièrement de l’ampleur du problème et de la zone concernée par la piraterie. Le CA Philippe Coindreau a, quant à lui, fait part de la difficulté lorsque les pirates présumés sont interceptés, de s’assurer de poursuites judiciaires à leur encontre. Jack Lang rencontre actuellement l'ensemble des acteurs régionaux et internationaux avec pour objectif de proposer au secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-Moon, des solutions concrètes au traitement juridique de la piraterie au large de la Somalie. Quelque temps avant sa nomination, un rapport du secrétaire général de l’ONU avait évoqué sept options, dont la possible création, à terme, d’un tribunal international spécial pour la piraterie en Somalie. 

LA FRÉGATE FORBIN ADMISE AU SERVICE ACTIF 1 La frégate de défense aérienne Forbin a été admise au service actif le 13 octobre dernier. Une étape essentielle de la vie du bâtiment, qui peut désormais mener des missions opérationnelles. La frégate Forbin est le fruit du programme naval franco-italien Horizon, qui prévoyait la construction de deux frégates de nouvelle génération, initiant ainsi le renouvellement de la composante de défense aérienne de la flotte. Le Forbin et le Chevalier Paul (réceptionné par la Marine en décembre 2009) ont remplacé les frégates lancemissiles Suffren (désarmée en 2001) et Duquesne (désarmée en 2007).

Le Forbin a pour mission la défense aérienne. Son système d’armes antiaérien principal lui permet de faire face aux menaces des missiles les plus récents et de réagir aux attaques aériennes d’importance, notamment grâce à ses missiles Aster à silos verticaux. Sa discrétion électromagnétique comme sa capacité d’alerte et de leurrage en font un bâtiment de combat adapté aux situations d’hostilités intenses comme aux zones de crise. Il peut assurer la protection d'une force (aéronavale ou amphibie, voire civile) contre les menaces aériennes (missiles antinavires supersoniques, notamment). Il peut exercer le commandement et la coordination des opérations aériennes menées à partir de la mer, y compris celles mettant en œuvre des aéronefs étrangers. Ses capacités dans les autres domaines de lutte lui permettent également de remplir des missions de nature très diverse : sécurisation d'une zone maritime, contrôle du trafic commercial, évacuation de ressortissants… 

CHRONIQUE

dupersonnel

HOMMAGE AUX MOUSSES : ILS ONT DIT… Bons mots du récent ouvrage La gloire des mousses, de Christophe Penot et Michel Bellion, à paraître aux éditions Cristel.

«

Atteindre aux plus hautes responsabilités du commandement ? C’est l’objectif que j’assigne aux mousses. Ou, pour le dire autrement, c’est un ordre !

»

AMIRAL PIERRE-FRANÇOIS FORISSIER

«

Comment deviendront-ils des conquérants ? En travaillant, en apprenant, en progressant, en s’investissant, en se donnant ! Quand je dis à nos jeunes : « Vous êtes les conquérants du XXIe siècle », je fais écho, en quelque sorte, au « N’ayez pas peur ! » de Jean-Paul II ou au « Go West ! » de la conquête américaine. GÉNÉRAL D’ARMÉE GEORGELIN

«

Toutes les marches seront difficiles. Il n’existe ni recette, ni miracle, ni même de déterminisme. L’unique règle, c’est le travail ! C’est se dépasser soimême pour qu’aucun rêve ne soit interdit. Moi, je n’ai mis aucune limite à mes rêves.

»

VICE-AMIRAL D’ESCADRE OLIVIER LAJOUS

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»

IGeSA UN SÉJOUR GRATUIT POUR LES BLESSÉS EN OPÉRATIONS EXTÉRIEURES de places réservées dans ses établissements. Le lieu et la date du séjour seront choisis librement par le blessé.

Valable depuis 2008

PHOTO D’EXERCICE.

1 Un protocole d’accord visant à octroyer un séjour gratuit aux blessés en opérations extérieures (Opex), a été signé le 9 juin 2010 par le contrôleur général des armées Jacques Roudière, directeur des ressources humaines du ministère de la Défense, et Isabelle Danesi, directrice par intérim de l’Institution de gestion sociale des armées (IGeSA). Ce protocole s’inscrit dans le dispositif de soutien social au profit des militaires blessés en opérations, prévu par la directive ministérielle relative à l’ac-

tion sociale du 29 août 2006. Il figure également dans le contrat d’objectifs et de moyens 2009-2014, conclu le 26 juin 2009 entre le ministère de la Défense et l’IGeSA, dont l’un des axes est de « permettre aux blessés en service commandé, qu’ils soient civils ou militaires, ainsi qu’à leurs conjoints et à leurs enfants, de bénéficier gratuitement d’un séjour de repos d’une semaine dans un établissement IGeSA ». L’objectif de ce dispositif est d’apporter un témoignage de reconnaissance du ministère de la Défense à ses agents

gravement blessés dans l’exercice de leurs fonctions en Opex. Ceux-ci, une fois leur état médical consolidé, auront la possibilité de séjourner gratuitement (hors frais de transport et de déplacement), une semaine et en famille, dans l’un des établissements gérés par l’IGeSA situés en Métropole, en Corse ou dans un département d’Outremer, en pension complète, demi-pension ou location. Dans ce but, l’IGeSA accueillera les personnels revenant d’Opex à des conditions de réservation préférentielles grâce à un quota

MOBILITÉ PROFESSIONNELLE NOUVEAU DISPOSITIF 1 Le décret 2010-1109 du 21 septembre 2010 – pris en application de l’article 43 de la loi n°2009-972 du 3 août 2009, relative à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique – constitue une grande avancée dans la politique de mobilité professionnelle voulue par les pouvoirs publics. Il est ainsi désormais possible pour un fonctionnaire, un agent non titulaire de droit public, un ouvrier de l’État ou un militaire exerçant une activité confiée par contrat à un organisme de droit privé ou à une filiale d’une société nationale, d’être mis à sa disposition. Une fois prononcée, après l’accord écrit de l’agent, la mise à disposi-

tion dure le temps que dure le contrat lui-même. L’échéance peut être anticipée, sous conditions prévues dans une convention, sur demande de l’État voire de l’agent lui-même. Ce dernier est réemployé par l’État à l’issue de la mise à disposition, dans des conditions qui varient en fonction de son statut et des circonstances de cessation de la mise à disposition. Pour les agents sous contrat, civils et militaires, la durée de la mise à disposition ne peut excéder celle de la période d’engagement restant à courir. Cependant, la convention passée entre l’État et l’organisme d’accueil permet de proposer à ces agents, à l’issue du

contrat de service, un contrat régi par le code du travail. Cette convention, approuvée par écrit par l’agent, précise la nature des activités qui lui sont confiées ainsi que ses conditions d’emploi dans le respect des dispositions légales qui s’appliquent à chaque catégorie. L’État continue d’assurer sa gestion et son administration : rémunération, évaluation (au vu d’une appréciation établie contradictoirement entre l’organisme d’accueil et l’agent), pouvoir disciplinaire. Les agents concernés bénéficieront d’un dispositif d’information complet afin de les accompagner et de s’assurer de leurs intentions de volontariat. 

Les intéressés pourront bénéficier de ce dispositif, après accord du commandement, en adressant à l’IGeSA le bulletin d’inscription en établissements de vacances IGeSA, auquel sera jointe la demande de séjour gratuit, remplie et signée par le chef de corps. Un « mode d’emploi du séjour gratuit au profit des blessés Opex » accompagne le formulaire de demande de séjour et renseigne le bénéficiaire sur les modalités de son séjour et sa mise en œuvre. Ce protocole d’accord s’applique rétroactivement à compter du 1er janvier 2008. Vous pouvez consulter et télécharger les documents relatifs à ce séjour gratuit sur le site SGA (1), Rubrique « Vie pratique / IGeSA » : - Protocole d’accord relatif à l’octroi d’un séjour gratuit aux blessés en opérations extérieures (Opex) ; - Mode d’emploi du séjour gratuit au profit des blessés en opérations extérieures (Opex) ; - Formulaire de demande de séjour gratuit dans un établissement de vacances IGeSA au bénéfice d’un blessé en opérations extérieures (Opex).  (1) www.sga.defense.gouv.fr

TOURNÉE DES PORTS DU DPMM 1 Le VAE Olivier Lajous, directeur du personnel militaire de la Marine et sous-chef d’état-major ressources humaines, sera en tournée des ports du 17 novembre au 16 décembre 2010 : • Les 17 et 18 novembre à Brest • Les 2 et 3 décembre à Toulon • Le 6 décembre à Paris • Le 13 décembre à Cherbourg • Le 16 décembre à Lorient.

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dans nos ports

LORIENT : DAVID HALLYDAY ALLUME LE FEU CHEZ SAINT-MANDRIER : LES FUSILIERS MARINS ! FIN DE FORMATION POUR 40 MOUSSES L es 6 et 7 octobre, la Force maritime des fusiliers marins et commandos (Forfusco) a reçu deux visiteurs de marque : David Hallyday et Cyril Viguier, producteur et ancien directeur des programmes à France Télévisions. À cette occasion, ils ont découvert les capacités commandos à travers un exercice d’exfiltration organisé de nuit sur l’îlot Saint-Michel, dans la rade de Lorient. Le lendemain était consacré à une visite des installations de la base des fusiliers marins et commandos, ainsi qu’aux parcours utilisés pour les diverses formations. Une présentation du musée de l’école des fusiliers marins, commentée par l’officier traditions, figurait aussi au programme. La visite s’est achevée dans les bâtiments du commando de Penfentenyo où les deux invités ont pu

s’entretenir avec les hommes qui, la veille, avaient préparé les démonstrations dynamiques. Ces échanges spontanés ont montré l’intérêt des deux « fusiliers marins commandos » d’un jour pour les divers sujets abordés.  EV1 THIERRY MAGUET

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TOULON : JACQUES PERRIN DANS LA PEAU D’UN MARIN… rojection de son film, embarquement à bord de bâtiments de la Marine et exposition de ses futurs projets : tel était le programme du réalisateur Jacques Perrin sur les bords de la rade de Toulon. Arrivé jeudi 30 septembre en fin de journée, le réalisateur a à peine eu le temps de poser ses valises avant d’inaugurer sa visite par la présentation du film Océans en marge du Festival international du film maritime, d’exploration et d’environnement (FIFMEE) au cinéma Pathé Liberté – festival dont la Marine est partenaire. À l’issue de la séance, Jacques Perrin s’est prêté, avec son équipe, au jeu des questions-réponses pour les 300 spectateurs présents. Il n’a pas oublié de remercier la Marine nationale : « Certaines scènes n’auraient pas pu être tournées sans l’aide de la Marine, qui a mis à notre disposition des bâtiments et du matériel. Cette expérience fut très enrichissante, je la renouvellerais avec plaisir… ». La soirée s’est terminée à bord du Jean Bart où Jacques Per-

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e 1er octobre s’est déroulée au Centre d’instruction naval (CIN) de Saint-Mandrier la cérémonie de remise des brevets d’équipage des mousses en « formation élémentaire métier ». Après un an passé au CIN de Brest, 25 matelots ont suivi à Saint-Mandrier la formation élémentaire machine (FEM Mach) et 15 autres la formation d’opérateur navigation système de combat (FEM OPSNAV). Le commandant du CIN, le CV Jean-François Pelliard, leur a remis leur « passeport pour la mer » avant qu'ils ne rejoignent, dès la semaine suivante, leur toute première affectation : le matelot Séverine Bottet, major du cours opérateur navigation, devait rallier le Chevalier Paul et le matelot Lauriane Modaine, major du cours machine, la frégate Montcalm. Dans son discours, le CV Pelliard a souligné que les mousses sont attendus avec impatience à bord des bâtiments. Ils y seront des membres à part entière de l’équipage et chacun aura son rôle à tenir pour la réussite de la mission. Il leur a également rappelé que leur affectation embarquée est la juste récompense de leur investissement personnel depuis un an. Certains d’entre eux reviendront au CIN de SaintMandrier d'ici deux à six ans pour suivre un cours de brevet d'aptitude technique et devenir officiers mariniers. 

rin et son équipe ont été reçus par le commandant et son équipage. L’escale toulonnaise s’est prolongée, à la demande du réalisateur, par la visite d’un SNA. Pour clôturer son passage à Toulon, Jacques Perrin s’est rendu sur le Chevalier Paul. Cette ultime rencontre lui a permis d’évoquer ses nombreux projets, notamment ceux pour lesquels il fera probablement appel à la Marine.  GUILLAUME CAZANAVE

LV ANNE ROBERT

LORIENT : UNE SORTIE INHABITUELLE POUR LE TIGRE endredi 24 septembre 2010, 8 h, port de pêche de Lorient. Une scène inhabituelle s’est déroulée sous les yeux des marins du bâtiment école Tigre. En effet, à la suite d’une grave avarie nécessitant l’échange standard du moteur de propulsion tribord, le Tigre s’est retrouvé sanglé et suspendu au portique roulant de 650 tonnes du port de pêche de Lorient Keroman. L’opération, qui a duré à peine deux heures,

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a consisté à sortir le bâtiment de l’eau et à le poser sur une ligne de tins à proximité du bunker « cathédrale » qui l’a vu naître il y a 27 ans. Il aura fallu une dizaine de jours pour effectuer une brèche, échanger le moteur tribord grâce à une manutention délicate de pitons en pitons, et refermer la brèche. Après la mise à l’eau, des essais de bon fonctionnement et un stage Meco, le Tigre devrait reprendre son cycle de corvettes. 

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dans nos ports

OCTOBRE 1915 : LA MARINE AU SECOURS DE 4 100 ARMÉNIENS ls sont l’honneur de notre Marine nationale. Il y a 95 ans, ces amiraux et ces marins ont accomplis l’une des premières missions humanitaires de l’histoire ». Par ces

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mots, M. Hubert Falco, secrétaire d’État à la Défense et aux Anciens combattants, a souhaité honorer la mémoire des amiraux et marins qui ont permis en 1915, durant la Première

Guerre mondiale, de sauver 4 100 arméniens au large de la Syrie. Vendredi 15 octobre, la communauté arménienne, en présence de l’ambassadeur d’Arménie en France, s’était réunie sur le parvis de la préfecture maritime de Toulon pour se souvenir des marins des navires Guichen, Desaix, Amiral Charner et la Foudre, et de leurs commandants, les amiraux Dartige du Fournet et Darrieus, qui ont mené cette opération de sauvetage. Outre le souvenir de ces marins sauveteurs, la cérémonie a aussi permis à la communauté arménienne de remettre une plaque commémorative à la Marine nationale.  LV INGRID PARROT ET CHARLOTTE BERGER

BREST : PRÉSENTATION AU DRAPEAU AU CIN DE BREST a mer s’est faite belle et le ciel lumineux pour les élèves du CIN de Brest, ce samedi 9 octobre, jour de présentation aux drapeaux de l’École de maistrance et de la deuxième promotion de l’École des mousses. La scène se déroule devant les commandants des bateaux et fait la joie des familles. Seule présence inhabituelle, celle du chimiquier YM Uranus ! Frappé par un abordage devant Ouessant, le malheureux bateau donne de la bande à l’abri du port militaire. La musique vient des équipages des sous-marins, et le parrain de cette promotion est Érik Orsenna, de l’Académie française, Écrivain de Marine, car la mer est aussi une manière de partager. « Puissiez-vous avoir assez de bonheur pour vous rendre agréable, assez d’embûches pour vous rendre plus fort, assez de chagrin pour vous garder humain, assez d’espoir pour vous rendre heureux ; les gens heureux sont ceux qui profitent de tout ce qui vient sur leur chemin, ceux qui acceptent l’incertitude comme source de vie. » La conclusion du vice-amiral d’escadre Olivier Lajous, sous-chef d’état-major, directeur du personnel, vient exprimer ce que chacun ressent depuis ce matin. Le stress et, peut-être, l’émotion font tomber les plus émus devant les cadres et les familles. Aussitôt, les rangs se reforment et les victimes reprennent pied pour le vin d’honneur. « Il n’y a pas de maillon faible dans la Marine », vient de souligner le VAE Lajous : ce qui n’est en rien une menace, mais un espoir. Un élève qui perd pied est aussitôt entouré pour retrouver le niveau nécessaire. Dans les familles, on voit plus que de la fierté, on entend déjà, en tout début d’année, la confiance des parents dans une Marine bien nationale, toute à son rôle social. « Marin » sera-t-il le métier de ces jeunes, leur carrière, leur profession ? C’est pour l’instant un nouveau départ dans la vie, parfois une sorte de sauvetage. La réou-

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verture de l’École des Mousses permettra sans doute des recrutements éclairés, elle est surtout une chance de plus pour commander sa vie.

Histoires de mousses

1 LE VICE-AMIRAL D’ESCADRE LAJOUS, DIRECTEUR DU PERSONNEL MILITAIRE DE LA MARINE, PASSE EN REVUE LA NOUVELLE PROMOTION. 2 LE FANION DE L’ÉCOLE DE MOUSSES. 3 ÉRIK ORSENNA, PARRAIN DE LA NOUVELLE PROMOTION, SIGNE LE LIVRE D’OR.

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Le mot « mousse » viendrait de l’espagnol « mozzo » (« tête rasée »), peut-être en référence à l’usage de couper ras les cheveux du jeune embarqué. En pratique, les mousses se rencontraient surtout à la pêche. Les rôles d’équipage montrent qu’ils étaient souvent protégés comme fils ou frères d’autres marins à bord. Les deux nouvelles promotions ont reçu les noms du « sous-marin Curie », pour l’École de maistrance et du « quartier-maître Jules Saffray » pour les mousses. Désormais, les noms des promotions de mousses seront choisis parmi les matelots et quartiers-maîtres. C’est à bord de la corvette Mimosa que Jules Saffray s’était distingué, jusqu’au torpillage mortel de son bateau, à l’aurore du 9 juin 1942 à 4 h 10. Quant au sous-marin Curie, il a livré 12 combats et coulé trois navires ennemis.  CC(R) ÉRIC LEBEC

COLS BLEUS  N° 2958  23 OCTOBRE 2010  33

Histoire

Passage de l’équateur : point à la Ligne ! Franchir l’équateur fait partie d’un rituel immuable dans la Marine. Cette cérémonie a laissé des souvenirs impérissables à des générations de marins embarqués, tout en laissant perplexe plus d’un terrien. Si les us et coutumes des gens de mer se vivent et, à coup sûr, se racontent difficilement, ce rite est cependant chargé de symboles... « Tremblez, néophytes ! » C’est par cette formule prononcée d’une voix gutturale que démarre la cérémonie du passage de la Ligne, autrement dit le passage de l’équateur. Une épreuve redoutée par plus d’un marin novice, baptisé « néophyte » à l’occasion. Imposée par les « chevaliers » (ayant déjà passé la Ligne une fois) et les « dignitaires» (ayant franchi la Ligne à plus d’une reprise), une succession d’épreuves attend donc les néophytes ayant préalablement reçu leur convocation par un facteur. Par le passé, ce préambule à la Ligne était d’ailleurs souvent une épreuve gratinée. Le jour J et à l’heure H, c’est plage avant que sont rassemblés les néophytes, que l’on arrose copieusement à l’aide de lances à incendie ! Il est aussi d’usage de confier une gaffe au plus jeune des néophytes et de l’envoyer tout à l’avant afin qu’il tente d’attraper la Ligne lorsqu’il la verra !

Neptune et Amphitrite

Quant au cérémonial, il démarre quand Neptune et son épouse Amphitrite débarquent : suivent l’archevêque de la Ligne, flanqué de deux astronomes munis de grossières imitations des instruments servant à faire le point, et un notaire (ou commissaire) chargé de faire l’appel à l’aide d’un rôle d’équipage dans lequel sont consignés les noms des néophytes. Notons que c’est au cours du XVIIIe siècle que Neptune et Amphitrite, divinités de l’Antiquité, ont succédé au « Bonhomme » (symbolisant la Ligne) et à son épouse. La mythologie était alors très en vogue. Cet attrait pour le monde de l’Antiquité sera d’ailleurs plus tard source de confusion. Les « hostilités » démarrent plage avant par une ode flamboyante du dieu des mers : « Moi, Neptune, qui suscite les tempêtes et commande les flots, je vous souhaite la bienvenue, ô fiers navigateurs ! Vous ayant aperçus dans la flamboyante ondée du majestueux Phoebus, Mercure, rapide messager, m’annonce l’audacieuse intrusion de votre nef aux confins de mon royaume et la fidèle 34  COLS BLEUS  N° 2958  23 OCTOBRE 2010

Iris m’informe que vous êtes l’équipage de la … et que vous venez de France ! Soyez mes hôtes d’un jour. » Les néophytes (baptisés «infâmes néos») doivent ensuite écouter les sacrements de l’évêque et les

punitions infligées par un juge. Autant de «bons mots » qui attisent les fureurs de Neptune : « Salut à vous, monsieur le commandant, vous qui avez la lourde tâche d’être responsable de tant d’âmes. Mais que vois-je ? Quel est cet infâme

Histoire troupeau que vous transportez là, commandant ? Quelle honte de voir ces néophytes arrogants me gâcher ma journée ! Abject ! Des néophytes qui osent souiller ces lieux sacrés. »

Baptême à fond de cale

C’est alors que débarque une horde de « sauvages ». Les épreuves initiatiques infligées aux « infâmes néos », régulièrement arrosés plage avant, vont ainsi s’enchaîner : d’abord la visite médicale des « infirmiers », puis l’épreuve de rasage des « barbiers » et le pétrissage des « boulangers». Après un passage dans la farine et dans différentes mixtures, vient le serment du baptême. L’eau tient une place prépondérante dans cette cérémonie. Comme dans la religion, l’eau comporte des vertus purificatrices. Son absence fait également cruellement défaut à certains moments : la coupure d’eau douce à bord rend ainsi impossible la toilette des néophytes maculés de farine et de graisse ! Originellement, le baptême consistait en une immersion à fond de cale avant de se pratiquer, de manière plus civilisée, dans une piscine dévolue à cet effet. Toutes ces « agapes » se clôturaient jadis «dans un combat général dont les pompes à incendie, les seaux, les bailles constituent la formidable artillerie, et dont la mer fournit les munitions. Quelques heures après, le pont est lavé et séché, l’équipage dégrimé et le service ordinaire reprend son cours », comme l’écrivait Jules Lecomte dans son Dictionnaire pittoresque de Marine paru en 1835. Barbouillage, rasage, immersion et aspersion, la symbolique des serments est prégnante durant cette cérémonie. Spécialiste de sémantique maritime, le Peintre de la Marine Michel Bez est formel : « La Ligne s’apparente aux rites d’initiation des sociétés primitives dans lesquels les principes sont identiques : mourir pour renaître dans une vie nouvelle en tant qu’adulte, chef ou membre d’une société secrète ».

Certificat de passage

Concernant la cérémonie des marins, chaque nouveau dignitaire reçoit à son issue un certificat de passage, preuve de sa participation à ce rite qui, dans la Marine, s’est adouci au fil des années, lois sur le bizutage et féminisation obligent. Ainsi purifiés, voilà les « infâmes néos » devenus dorénavant des dignitaires de la Ligne. Célébré avec une débauche de costumes et de mises en scènes soigneusement préparés, le passage de la Ligne est une cérémonie profane et parodique, teintée d’esprit carnavalesque. Si, originellement, cette cérémonie avait lieu au passage de certains endroits réputés dangereux, c’est le passage de l’équateur qui s’est transmis jusqu’à nous. Quant aux origines de ce rite, nombreux sont ceux, perspicaces, à y avoir décelé

un lien de parenté avec l’Antiquité tant les références lorgnent vers cette période de l’Histoire. Pourtant, la Ligne est une cérémonie plus moderne. Le latiniste objectera en citant d’évidentes analogies avec les Saturnales, ces fêtes de l’antiquité romaine accompagnées de grandes réjouissances et célébrées en l’honneur du dieu Saturne, au cours desquelles les esclaves jouissaient d’une apparente liberté. Il aura en partie raison, tant la hiérarchie est également bousculée lors du passage de la Ligne. Quant aux historiens maritimes, ils datent précisément les origines de ce rite : les journaux de navigation attestent que cette pratique était en vogue dès le XVIe siècle dans les marines des pays de langues scandinave, anglo-saxonne ou latine. Ainsi, dans sa Relation du voyage de la mer du Sud publié en 1716, l’ingénieur militaire, également explorateur, botaniste, navigateur et cartographe du Roi Amédée François Frézier (1682-1773), écrit à ce propos que ce « baptême est en usage parmi toutes les nations ».

Dans le « pot au noir »

Cérémonie primitivement religieuse devenue burlesque, la Ligne s’est d’emblée avérée utile pour le commandement. Car c’est un prétexte à varier l’uniformité des jours de mer, surtout à l’approche de l’équateur et de son « pot au noir », comme l’atteste Eugène Pacini dans son ouvrage La Marine publié en 1844 : «Pendant les longs jours qui s’écoulent sous ce brûlant climat, les marins ont, pour se distraire, la pêche du requin avide qui abonde dans ces parages ; puis, au passage de l’équateur, on célèbre à bord la fête de la Ligne, véritable Saturnale dont les préparatifs occupent longtemps à l’avance les loisirs des matelots ». Au cours du XIXe siècle, cette cérémonie marquant le franchissement de l’équateur – et des tropiques au temps de la marine à voile – s’étendra au franchissement de la ligne du cercle polaire, progrès des explorations maritimes obligent ! En France, un dénommé Jules Sébastien César Dumont d’Urville, découvreur de la

Terre Adélie, n’y serait d’ailleurs pas étranger. Pratiquée à bord des bateaux de la Marine nationale et de la marine marchande, la cérémonie de la Ligne s’est même étendue un temps à la navigation aérienne, notamment à bord des unités d’Air France à compter de l’aprèsguerre.

Napoléon refuse la Ligne

Dans l’histoire maritime, un refus de passer la Ligne est demeuré emblématique : le passager était illustre, il s’agissait de Napoléon, embarqué sur le Northumberland, un bâtiment britannique de 600 tonnes, à destination de l’île de Sainte-Hélène. Le jour de la cérémonie, l’exempereur des Français, redevenu après sa seconde abdication le général Bonaparte (ce qu’il sera toujours resté pour les Britanniques), resta toute la journée enfermé dans sa cabine, refusant les supplications de Neptune. Beau joueur, le contre-amiral George Cockburn déclara que « le général Bonaparte a déjà passé la Ligne ! ». Un mensonge diplomatique qui évitera tout incident. « L’empereur fut donc scrupuleusement respecté pendant cette Saturnale qui, d’ordinaire, ne respectait jamais rien», confiera a posteriori Emmanuel de Las Cases, l’un de ses proches devenu son secrétaire particulier et son confident, avant de préciser cependant à propos de son mentor qu’« ayant appris l’usage et le ménagement dont on usait à son égard, il ordonna qu’on distribuât cent napoléons au grotesque Neptune et à sa bande, ce à quoi l’amiral s’opposa, autant par prudence que par politesse ». De son côté, le général Charles de Montholon, un autre compagnon d’exil, affirmera que «l’Empereur fit donner cinq cents napoléons à Neptune. Cette manière de faire connaissance fut le signal d’un hourra étourdissant de joie et de cris “Vive Napoléon !”» Cent napoléons légués à des sujets de sa Majesté ? Cinq cents napoléons ? Qu’importe ! L’honneur du général-empereur est demeuré sauf. Point… à la Ligne ! Stéphane Dugast COLS BLEUS  N° 2958  23 OCTOBRE 2010  35

ÊTRE

combatif

MONACO RAID : LES MARINS DU BMP SUR LE PODIUM 1 Deux équipes de marins ont participé au Monaco Raid Interarmées qui a eu lieu du 7 au 9 octobre 2010 en principauté de Monaco. Cette compétition sportive de haut niveau s’adresse à des militaires venant d’Angleterre, de Suisse, d’Italie, de Turquie, de Monaco et de France. « Une aventure humaine et conviviale autour d’un événement sportif qui s’inscrit dans l’air du temps et met en exergue des valeurs de la communauté militaire : esprit d’aventure, raid, endurance, travail en équipe, solidarité et camaraderie », soulignent les organisateurs de l’événement. Les 15 équipes, composées chacunes de trois hommes et une femme, se sont affrontées dans quatre épreuves nautiques de navigation, une épreuve de natation (1 000 mètres dans la baie de Monaco), une épreuve de kayak biplace (11 km) ainsi que 25 km de course en relais dans les rues de la Principauté. Des épreuves très techniques, au départ de Monaco et le long des côtes méditerranéennes, et excluant la vitesse pure au profit de la gestion du temps (ou du carburant) et du respect des consignes. Le départ de l’une d’elles a été donné par SAS le Prince Albert II de Monaco,

36  COLS BLEUS  N° 2958  23 OCTOBRE 2010

de retour de l’exposition universelle de Shanghai. Au terme de la compétition, l’équipe du bataillon des marins-pompiers de Marseille (BMP) a terminé troisième, suivie de près par l’équipe de la Marine nationale (quatrième). L’équipe de Monaco s’est imposée à domicile. 

E N

B R E F

SM LE BRETON, ESPOIR DE LA VOILE FRANÇAISE

Le second maître Thomas Le Breton, de la section haut niveau de la défense voile (SHNDV) de l’École navale, s’est distingué en prenant la 5e place du très relevé championnat du monde de Finn à San Francisco en septembre. En effet, il a réussi, dans un vent soutenu (20 nœuds en moyenne), à se classer dans le top 10, ce qui constitue une excellente performance. Face à des concurrents athlétiques, frôlant les 105 kg ou les deux mètres (parfois les deux !), Thomas Le Breton a su tirer profit de ses connaissances techniques et de sa maîtrise du bateau. Ce grand espoir français de la voile a pour objectif de se qualifier aux Jeux olympiques de Londres 2012.

ESPACE

lecteurs

COUPS DE CŒUR… COUPS DE COLÈRE ! Cette nouvelle rubrique est la vôtre ! Vous avez été quelques-uns à nous écrire. Merci à tous. De vos courriers et mails, nous avons extrait ces quelques remarques ou suggestions que nous avons trouvées pertinentes. Pour des raisons de place, nous les avons sensiblement réduites pour n’en retenir que les points importants. Que ceux dont les courriers ne sont pas reproduits ici ne nous en veuillent pas, nous ne pouvons tout publier, mais nous les avons lus avec attention et nous en tiendrons compte.



« Actuellement en Allemagne, et ayant accès aux magazines allemands semblables à Cols Bleus, je voudrais vous signaler que des rubriques régulières, telles que la présentation de marines étrangères ou de bateaux emblématiques (type le « bateau du mois ») ainsi que la sortie de livres, DVD ou CD en rapport avec le monde militaire, sont très appréciées outre-Rhin. Je pense que de telles rubriques seraient susceptibles d’intéresser un très grand nombre de lecteurs. » Un élève EFENA 2006. Vos suggestions rejoignent des pistes de rubriques sur lesquelles nous travaillons, car elles nous sont souvent demandées, notamment la présentation de marines étrangères et de bateaux emblématiques. Par ailleurs, la rubrique du CV(R) Prézelin sur les nouveaux bâtiments de guerre reprendra dans quelques semaines sous une forme nouvelle. Quant à la rubrique sur les nouveaux livres, DVD ou CD liés à la mer, elle verra le jour très prochainement. 



« Ma première remarque concerne le nom de l’opération et la francisation d’Atalanta en Atalante (Cols Bleus n° 2955). Nous sommes les seuls, sur les 27 États membres, à nationaliser le baptême de l’opération… ce qui, incidemment, la rend difficilement trouvable sur Internet, où Atalante



renvoie à une héroïne grecque. Par ailleurs, il semble que ce dossier aurait été une bonne occasion, au moment où l’on va opérer le transfert de l’Emia à Abu Dhabi, de mentionner explicitement le rôle d’Alindien. » Un officier d’active. L’auteur du dossier, affecté à l’état-major de l’opération, avait utilisé la version francisée. Nous n’avions pas voulu changer sa formulation. La remarque est cependant pertinente et nous en tiendrons compte dans l’avenir. Par ailleurs, nous prévoyons d’évoquer prochainement le transfert de l’Emia Alindien et un dossier devrait lui être consacré en début d’année prochaine. 

« Cols Bleus fait partie du patrimoine de la Marine. La rédaction du magazine devrait donc veiller au respect de cet autre élément du patrimoine qu’est le vocabulaire maritime. Ainsi, dans le dernier numéro (2958) on peut lire que le « drapeau » du Jules Verne a été rentré. » Un CA (2S). La rédaction fait très humblement son mea culpa. L’erreur avait échappé à tous les (re)lecteurs. Il s’agissait bien évidemment du pavillon. Nous remercions ce lecteur, comme beaucoup d’autres d’ailleurs, pour la lecture particulièrement attentive de notre magazine. 



« Il y a quelques mois, la couverture et le sommaire de Cols Bleus étaient reproduits sur le site de la Marine. Je ne retrouve plus ces éléments depuis la refonte graphique. » Un EV de réserve. Le site Internet de la Marine a été profondément remanié lui aussi et des éléments ne sont pas encore en ligne. Cette situation est temporaire et, dans un proche avenir, nous envisageons de mettre en ligne la totalité du magazine. 

« Il existe de nombreux sites Internet traitant de la Marine, rédigés par d’anciens marins, des maquettistes, des associations, sans compter les sites officiels. Cols Bleus pourrait mettre régulièrement un site à l’honneur, en précisant son statut, son contenu, sa fréquentation et l’adresse mail du webmaster. Ces sites renferment souvent des trésors méconnus, et Cols Bleus pourrait jouer un rôle fédérateur. » Un réserviste de la Marine. Il est souvent difficile d’avoir un avis précis et objectif sur des sites trop « confidentiels » . Néanmoins, votre idée est excellente et nous vous présenterons ceux qui nous semblent les plus pertinents. 

PERMUTATIONS GECOLL SM Bat Gecoll (Motel) affecté GSBdD Brest antenne du Poulmic (adjoint gérant mess officiers de l’École navale à Lanvéoc) recherche permutation sur Toulon. Contact au 06 32 03 59 83 (laissez un message). SM Bat Gecoll (Cuisi) affecté SVR Toulon (terre), recherche permutation sur Brest embarqué, de préférence sur petites unités mais étudie toutes propositions. Contact au 06 88 64 40 91. QM1 Bat Gecoll (Commis) affecté Brest terre (GSBdD) recherche place Brest embarqué (FASM ou autre). Ne pas hésiter à me contacter pour plus d’informations au 06 82 47 67 87 (après 16 h).

MANEU QM1 Bat Maneu affecté Marseille terre, cherche permutation Toulon embarqué, étudie toutes propositions. Contact au 06 66 02 66 28 ou 06 67 21 56 69 (laissez un message). MARPO MOT Marpo, affecté Ile Longue, cherche permutation Nîmes-Garons, Hyères ou Toulon (terre ou embarqué). Contact : [email protected].



N’hésitez pas à nous écrire : [email protected] Ou Sirpa Marine, rédaction de Cols Bleus, 2 rue Royale, 75008 Paris

MOPONT QMF Mopont affecté Toulon service marins portuaires (SMP) à terre. Brigadier d’engins cherche permutation rapidement sur Cherbourg, indifférent, ou Brest terre. Si intéressé, me contacter au 06 66 78 73 00.

ANNONCES CLASSÉES ÉDITIONS

Les Éditions Thélès recherchent de nouveaux auteurs. Envoyer vos manuscrits à notre comité de lecture à l’adresse suivante : 11 rue Martel – 75010 Paris. Renseignements au 01 40 20 09 10. Recevez notre catalogue et des informations sur nos ouvrages (récits militaires, expériences vécues, mémoires, romans, poésie) sur simple demande aux Éditions Thélès. Contrats participatifs. www.theles.fr EMPLOI

Normandie, Caen, propriété 2,5 ha, Ouistreham. Recherche pour contrat à l’année un retraité marine pour entretien jardin, tontes, travaux divers. Possibilité emploi épouse pour ménage à l’heure. Contact au 06 08 77 62 25. COLS BLEUS  N° 2958  23 OCTOBRE 2010  37

TEMPS

livre COLS BLEUS N°2958 23 OCTOBRE 2010 Un coureur des mers, un écrivain diplomate, un explorateur des pôles : trois personnalités très différentes mais un point commun, la mer comme horizon. Éric Tabarly, Jean-François Deniau, Paul-Émile Victor : trois marins d’exception, dont l’expérience maritime a été déterminante dans leur personnalité et leur destin. Cols Bleus propose de redécouvrir ces trois personnalités remarquables. Exocet : entraînement au combat de haute intensité pour les frégates Forbin et Cassard. Mutualisation : des marins au cœur de la Champagne ! Le ministre de la Défense inaugure l’escadron de transformation Rafale à Saint-Dizier. Passage de la Ligne : Stéphane Dugast évoque les origines de ce moment clef dans la vie des marins. COUVERTURE : GALATÉE FILMS

Marins en guerre : de glorieux anciens Juin 1940, fin de la « Drôle de guerre » et débâcle de l'armée française, considérée comme une des plus puissantes du monde... Retranchées derrière la ligne Maginot, les forces françaises s’écroulent face au déferlement de l’armée du IIIe Reich. Après la campagne de Norvège, c’est l’évacuation in extremis de la poche de Dunkerque : durant ces heures tragiques, la Marine est déjà en première ligne. Plus tard, en juillet 1940, des volontaires venus de l’île de Sein, de Normandie et d’ailleurs rejoignent de Gaulle, dissident d’alors. L’épopée de la France Libre va dès lors s’écrire aussi avec les marins : libération de Saint-Pierre-etMiquelon, perte de navires en Atlantique ou destin tragique du sous-marin Surcouf. C’est sous la forme de 23 récits que l’écrivain Michel Giard raconte le destin de ces « marins en guerre » héroïques. Historien, conférencier, chroniqueur à la radio, l’auteur du récent Les Mousses (paru aux éditions du Télégramme) nous offre cette fois une série de témoignages hauts en couleur, riches

en rebondissements, parfois dramatiques. Ne se cantonnant pas à la Seconde Guerre mondiale, l’auteur étend ses investigations aux conflits en Indochine et en Algérie. « Ce livre est l’occasion de découvrir des facettes méconnues de notre histoire contemporaine, une histoire dont on ne conserve en tête que les grandes têtes de chapitre sans appréhender la réalité quotidienne des plus modestes combattants », précise l’éditeur Pascal Galodé, qui se taille désormais une place de choix dans le rayonnage des ouvrages maritimes. Le lecteur y verra, quant à lui, l’opportunité de se plonger dans des récits restituant avec force et émotion les destins de marins héroïques. Tout au long des 330 pages de cet ouvrage souffle un parfum d’aventure, forcément inspirant… STÉPHANE DUGAST

PRENDRE PIED, TENIR OU MOURIR ! MARINS EN GUERRE, DE MICHEL GIARD, 330 PAGES, 20 EUROS (PASCAL GALODÉ ÉDITEUR, COLLECTION « LES MARITIMES »).

CRÉDITS PHOTOS ET ILLUSTRATIONS APERCU PAGES 4-5 : MN/PIERRE-FRANÇOIS WATRAS

PASSION MARINE PAGES 8-9 : (HAUT) MN, (DE GAUCHE À DROITE) GALATÉE FILMS/STÉPHANE DUGAST/FRANCIS GIACOBETTI-FONDS PAUL-ÉMILE VICTOR PAGES 10-11 : CRISTEL ÉDITIONS PAGES 12-13 : GALATÉE FILMS PAGE 14 : SYLVIE DAVID-RIVÉRIEULX/GALATÉE FILMS/SYLVIE DAVID-RIVÉRIEULX PAGES 15-16 : STÉPHANE DUGAST PAGES 17-18 : FONDS PAUL-ÉMILE VICTOR PAGES 19-20-21-22 : MN INFO ACTUS PAGES 24-25 : MN PAGES 26-27 : MN/ANAËLLE BASLE PAGE 28 : MN/PIERRE-FRANÇOIS WATRAS, MN/MAËL PRIGENT PAGE 29 : MN

CHRONIQUE DU PERSONNEL PAGE 30 : MN PAGE 31 : MN/HERVÉ ALLAIRE DANS NOS PORTS PAGE 32 : MN/LAËTITIA RAPUZZI, MN/JOËL TRINTAFYLLIDES, MN/SERGE CHARMOILLAUX, MN/THIERRY MAGUET PAGE 33 : MN/PHILIPPE SOLA HISTOIRE PAGES 34-35 : R97 – DES HOMMES À TERRE, DE BERNARD GIRAUDEAU (+) ET CHRISTIAN CAILLEAUX (CASTERMAN)

ÊTRE COMBATIF PAGE 36 : MN TEMPS LIBRE PAGE 38 : DR

Erratum Crédit photo page 38 du Cols Bleus n°2957, lire Musée des Pays de Seine-et-Marne.

bimensuel DE LA MARINE NATIONALE

RÉDACTION : 2, rue Royale – 75008 Paris  Tél. : 01 42 92 17 17 – Télécopie : 01 42 92 17 01  E-mail : [email protected] – Internet : www.defense.gouv.fr/marine  Directeur de la rédaction : CF Jérôme Baroë  Rédacteur en chef adjoint : LV Clémence Viel  Secrétaire : SM Anaëlle Basle  Rédacteurs et journalistes : LV Charlotte Berger, EV1 Grégoire Chaumeil, Stéphane Dugast  Infographie : Serge Millot  Directeur de la publication : Hugues du Plessis d’Argentré, capitaine de vaisseau commandant le service d’information et de relations publiques de la Marine  Abonnements : 01 49 60 52 44  Publicité, petites annonces : ECPAD, pôle commercial – 2 à 8, route du Fort, 94205 Ivry-sur-Seine Cedex – Thierry Lepsch – Tél. : 01 49 60 58 56 – Télécopie : 01 49 60 59 92  Conception-réalisation : Idé Édition, 33, rue des Jeûneurs, 75002 Paris – Direction artistique : André Haillotte – Secrétaire de rédaction : Christophe Bajot – Rédacteurs graphiques : Bruno Bernardet, Virginie Gervais, Nathalie Pilant, Laurent Villemont  Photogravure : Beauclair – 15, avenue Bernard-Palissy, 92210 Saint-Cloud  Imprimerie : Quebecor – 6, route de la Ferté-sous-Jouarre, 77440 Mary-sur-Marne  Les manuscrits ne sont pas rendus, les photos sont retournées sur demande. Pour la reproduction des articles, quel que soit le support, consulter la rédaction  Commission paritaire n° 0211 B 05692/28/02/2011  ISBN : 00 10 18 34  Dépôt légal : à parution  38  COLS BLEUS  N° 2958  23 OCTOBRE 2010