Dossier John McTiernan - VERSUS

d'un saut spectaculaire en moto avant de le descendre. ..... caractérisée par son camouflage technologique auquel Dutch oppose un camouflage organique (la.
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/12 Supplément spécial n° 12 / Novembre 2014

Dossier John McTiernan

Articles parus (pour les lire en ligne sur le blog de la revue, cliquez sur le titre de votre choix) : Introduction : Dream Hard Thomas Crown : power of love La féminité : où sont les femmes ? À la poursuite d’Octobre Rouge : la symphonie du langage Langues étrangères : parlez-vous le film d’action ? La musicalité : accords à corps Last Action Hero : décodeur et déconneur Le Treizième guerrier : le silence des guerriers Piège de cristal Trajectoires : grandes manœuvres Nomads : Land La dimension fantastique et mythologique de l’œuvre de McT : aux frontières de l’autre

Versus – supplément de novembre 2014, dossier spécial John McTiernan | Rédaction / administration : c/o Mix’Art Myrys, 12 rue Ferdinand Lassalle, 31200 Toulouse, France > courriel : redac@ revueversus.com courriel commandes d’anciens numéros & abonnements : [email protected] | Directeur de la publication : Nicolas Zugasti | Rédacteurs en Chef : Nicolas Zugasti, Éric Nuevo | rédaction (pour ce supplément) : Laurent Hellebé, Stéphane Ledien, Fabien Le Duigou, Jean-Charles Lemeunier, Éric Nuevo, Philippe Sartorelli, Fabrice Simon, Nicolas Zugasti | Conception graphique (couvertures et sommaire) : Le Créatif Volant | Photographie de la couverture : © Olivier Vigerie www.oliviervigerie.com | Promotion & relations de presse : Dominique Lalande de Dola Communications > courriel : dola@ dolacommunications.com | Tous droits réservés pour le titre, le logo & les textes | Ce supplément est un contenu numérique de la revue « VERSUS – Contrepoint de vue sur le cinéma » (ISSN 1771-1207). Tous deux sont édités par l’association à but non lucratif « VERSUS – Contrepoint de vue sur le cinéma » (loi 1901). Ce supplément gratuit rassemble au format *.pdf les articles consacrés à John McTiernan publiés sur le blog de la revue en septembre et en octobre 2014 | www.revueversus.com | www.facebook.com/RevueVersus | twitter.com/Revue_Versus

Dossier John Mc Tiernan – Introduction : Dream Hard Publié par versusmag25 septembre, 2014

(http://versusmag.files.wordpress.com/2014/09/mct.jpg) « Ce n’est pas un message qui intrigue le public. Ce n’est pas une grande interprétation qui a bouleversé le public. Ce n’était pas un roman très apprécié qui a captivé le public. Ce qui a ému le public, c’était le film pur. » « Dans un film de ce genre, c’est la caméra qui fait tout le travail. » Ces propos sont du maître britannique du suspens tirés du livre d’entretiens le plus célèbre entre Hitchcock et Truffaut. Si ces assertions concernent Psychose, elles peuvent aisément s’appliquer à l’ensemble de l’œuvre de John McTiernan. Un réalisateur qui officie comme Hitchcock dans un rôle avant tout d’artisan du divertissement, mais les deux se proposent d’élever le genre investi par une mise en scène précise entièrement vouée à la satisfaction immédiate du public tout en l’amenant vers une compréhension non plus explicative et discursive mais plus instinctive et sensorielle. Les mouvements de caméra, associations d’images et autres effets de montage ambitieux dénotent ainsi d’une éternelle volonté narrative plutôt que vainement ostentatoire. Maintes fois les faiseurs d’Hollywood ont tenté de reproduire la maestria de McTiernan sans jamais l’égaler. Et le manque de reconnaissance de son talent qui l’a frappé pendant des années (et perdure plus ou moins) demeure une incompréhensible abbération. Car un cinéaste autant travaillé par l’élaboration de spectacles populaires sophistiqués ne mérite pas de rester dans l’ombre. John McTiernan est un maître de la grammaire cinématographique, capable de redéfinir profondément le genre voire le médium. Pourtant, depuis ses débuts en 1986 avec Nomads, ce fut assez rarement en ces termes élogieux que l’on parla de lui. Comme si œuvrer dans le cinéma populaire était incompatible avec des velléités artistiques élaborées et devait frapper d’infâmie ou d’inanité les réalisateurs s’y adonnant. Même pour Spielberg qui bénéficie d’une aura inconnue de McT et dont l’emprise dans l’industrie hollywwodienne est incommensurable, on s’ébahit

généralement peu devant son incroyable talent de réalisateur (mais cela va changer grâce à l’initiative saugrenue de Soderbergh (http://extension765.com/sdr/18-raiders), non ?), préférant s’attarder sur se succès colossaux au box-office, quitte à le réduire à un habile conteur grand public, ce dernier terme manié avec toute la condescendance et le mépris requis par ses contempteurs pour qualifier un cinéma peu exigeant puisque faisant rêver la masse. Vieille antienne qui veut que la réussite soit suspecte et disqualifie d’office de la moindre volonté créatrice réfléchie. Des succès, McTiernan en aura connu, pas d’aussi grande envergure mais tout de même appréciables, du moins jusque A La poursuite d’Octobre Rouge. Après cela s’est quelque peu gâté, notamment avec le bide de Last Action Hero (cartoon live survatiminé) que le définitif Die Hard With A Vengeance n’effacera pas complètement. Sa carrière aura malheureusement été marquée par des rendez-vous manqués, entre évocation poétique (Medicine Man), chefs-d’œuvre charcuté (Le Treizième guerrier) ou incompris (Rollerball), romance d’une classe et d’une grâce étincelante (Thomas Crown) ou petit grand film retors (Basic).

(http://versusmag.files.wordpress.com/2014/09/mct-die-hard-3.jpg) Ce qui est véritablement dramatique avec McTiernan est qu’il soit autant déconsidéré alors même qu’il s’efforce de créer minutieusement un spectacle de qualité éminemment accessible. Et ce par le biais d’une mise en scène dont la limpidité n’a d’égale que le raffinement et entièrement dévolue au récit. Autrement dit, pas le genre à se regarder filmer. Génie incompris, réalisateur parfaitement sous-estimé (http://rafik.blog.toutlecine.com/2746/Un-realisateur-surestime-DieHard/) que l’on a tendance à réduire à sa propension à faire des films d’action bourrins et décérébrés. Alors qu’un peu d’attention ne laisse aucun doute sur ses qualités d’esthète, sa perpétuelle et mordante ironie ou ses talents de compositeur de l’image. A tel point que sa recherche d’une harmonie visuelle est intrinsèquement liée à son intérêt pour l’harmonie musicale. Cette musicalité picturale se retrouve et se développe également à travers une approche linguistique de l’esthétique, les langues et autres dialectes étant définis voire même approfondis par le langage cinématographique. Un metteur en scène d’images au pouvoir iconique démentiel au profit de héros dont il va mettre à l’épreuve la splendeur et le statu quo par un retour à un corps organique et une représentation non plus surhumaine ou supra humaine mais définitivement attachée aux valeurs véhiculées par l’homme de la rue, le populo, le prolétaire. Soit une observation anthropologique de l’évolution de l’homme d’action. Ce qui caractérise sans doute le mieux le cinéma de John McTiernan est sa préoccupation de limpidité, de simplicité, sa recherche du bon tempo. C’est ce qu’il exprime à Vincent Malausa pour le n°690 de juin 2013 des Cahiers du cinéma n°690 juin 2013 : « Il existe une règle stricte pour tout

film d’action : vous devez avoir une parfaite lisibilité de l’espace et comprendre la géographie du film. Il faut avoir l’impression d’y être. Le lieu est le centre du problème. Sans rapport au lieu, vous ne comprenez pas l’histoire. La vie n’est qu’une suite d’actions, si vous voyez quelqu’un courir sans savoir où il est, ni d’où il vient, ni où il va, vous ne comprenez rien. »

(http://versusmag.files.wordpress.com/2014/09/mct-last-action-hero.jpg) Six mois après sa sortie de prison suite aux remous de l’affaire Pellicano (http://www.lexpress.fr/culture/cinema/john-mctiernan-bientot-en-prison-les-dessous-de-laffaire_1233194.html), John McTiernan a fait l’objet d’un hommage appuyé lors du 40ème festival du cinéma américain de Deauville et dans la foulée par la Cinémathèque où une rétrospective lui a été consacrée. Chaque événement étant ponctué d’une masterclass que l’on ne manquera pas de relayer dès qu’elles auront été mises en ligne. On se réjouit d’un tel retour sur le devant de la scène, surtout qu’il est le prémisse d’un retour derrière la caméra pour Warbirds avec John Travolta. Plus de onze ans depuis son dernier film Basic en 2003, sans tourner la moindre image, soit onze de malheur pour McT qui n’aime rien tant que se retrouver sur un plateau. A la rédaction, nous adorons ce génie de la mise en scène. Depuis toujours. Les deux premiers numéros de la revue parus en 2002 se partageaient un dossier conséquent et le numéro 11 en 2007 profitait de la sortie de l’inepte Die Hard 4 pour revenir sur les épisodes de la saga Die Hard qu’il réalisa et l’icône McClane qu’il édifia. Et bien entendu, nous avons soutenus les efforts déployés par le collectif Free John McTiernan (http://blog.revueversus.com/2013/03/13/free-mctiernanor-die-hard/) durant ses ennuis judiciaires puis son incarcération. Afin de rester dans le sillage des différents hommages rendus à cet esthète et pour fêter son comeback, il était donc logique que nous lui consacrions un nouveau dossier qui se partagera entre analyses de séquences et approches thématiques. Nicolas Zugasti

Dossier John McTiernan – Thomas Crown : Power of love Publié par versusmag27 septembre, 2014

(http://versusmag.files.wordpress.com/2014/09/thomascrown_aff.jpg) Après l’expérience pour le moins compliquée et dépressive du Treizième Guerrier (http://louvreuse.net/Analyse/le-treizieme-guerrier.html) où McTiernan fut dépossédé du film par un Michael Crichton décidé à reprendre le contrôle de l’adaptation de son livre, il était important de retrouver un projet où sa liberté d’action ne saurait être entravée, où il retrouverait sa joie de tourner et dont le résultat puisse le satisfaire. Soit exactement l’inverse de ce qu’il a vécu avec Le Treizième Guerrier qui malgré le charcutage demeure une œuvre marquante et

remarquable à plus d’un titre. Le remake du film de Norman Jewison, L’Affaire Thomas Crown qui voyait en 1968 le couple Steve McQueen/Faye Dunaway enflammer l’écran, sera un parfait palliatif. Notamment parce qu’il se retrouvera une nouvelle fois, après A La Poursuite d’Octobre Rouge (http://louvreuse.net/Dossier/les-archives-mctiernan-a-la-poursuite-doctobrerouge.html), dans le giron de Franck Mancuso, dirigeant à l’époque de la Paramount et qui a toujours supporté le réalisateur quand il bossait pour lui. Le cinéaste, comme à son habitude, retravaillera le scénario afin de l’adapter à sa vision de l’histoire qu’il veut raconter, une romance sur fond d’enquête sur un vol d’œuvre d’art. Thématiquement plus léger, Thomas Crown n’en est pas moins d’une grande sophistication dans sa mise en scène. Chaque plan respire la classe absolue et ses images forment un ballet magnifique, s’accordant à merveille avec la musique de Bill Conti pour transporter l’audience. Ce film est l’un des rares pour lesquels McT se montre enthousiaste dans son ensemble. Avec son perfectionnisme coutumier, il trouve toujours à redire sur certaines scènes parmi ses autres réalisations. Toujours préoccupé par la musicalité des images qu’il a en tête, McT parvient ici à créer un formidable tempo où les plans semblent danser au rythme d’une musique jazzy aux sonorités tantôt ironiques, tantôt plus graves, imprégnant cette histoire d’amour d’une chorégraphie sensuelle. Et de danse il est question dans la séquence que nous allons examiner de plus près. Catherine Banning (René Russo), l’agent d’assurance chargé d’enquêter sur la disparition d’un tableau de Monnet, décide d’arrêter de tourner autour du pot et de confronter directement celui qu’elle soupçonne d’être l’auteur du vol, le multi milliardaire Thomas Crown (Pierce Brosnan). Et pour lequel son cœur chavire tant il représente un défi excitant. Elle le rejoint donc à une réception et va entamer avec lui une danse endiablée qui sous la caméra de McTiernan sera autant un grand moment de séduction qu’elle mettra en valeur la ténacité et le caractère insoumis voire même dominant de Catherine. Admirez.

Débutant de manière classique sur une musique non moins attendue pour ce genre de séquence, on remarque tout de même une modification importante dans les postures. Alors que Thomas Crown entame un pas en éloignant, le bras tendu, Catherine, le mouvement suivant devrait voir Crown ramener sa cavalière à lui en la faisant tournoyer sur elle-même et ainsi se retrouver positionné derrière elle, ses bras l’entourant. Or, c’est exactement le contraire qu’il advient ! Catherine reprend l’initiative et c’est elle qui l’attire pour l’emprisonner dans ses bras. Une manière subtile d’annoncer les intentions de Banning bien décidé à attraper le « voleur » et peut

être également sur le plan sentimental. C’est le coup d’envoi d’une lutte de position marquée par le changement de musique qui devient plus rythmée, renvoyant à des sonorités d’Amérique du sud plus caliente. Catherine a repris la main, elle continue à chauffer son partenaire par sa prestation et sa robe translucide, gardant l’avantage en maintenant Crown de dos devant elle. Et quand c’est elle qui se présente ainsi à lui, ce dernier entame la classique remontée de mains des hanches à la tête sauf que Catherine stoppe son action au niveau de ses épaules et d’un mouvement parfaitement synchrone avec le son de la musique rejette les bras entreprenants en arrière. N’y tenant plus, Crown la saisit et la retourne face à lui pour un plan de composition et d’échelle quasi similaires lorsqu’ils entamèrent leur sarabande, McT illustrant ainsi la reprise de contrôle de Crown.

(http://versusmag.files.wordpress.com/2014/09/thomascrown_the-dance-021.png) Début de la danse

(http://versusmag.files.wordpress.com/2014/09/thomascrown_the-dance-111.png) Do you want to dance, or, do you want to dance… Il lui demande alors s’il elle veut « danser » (continuer à jouer) ou « danser » (conclure et passer à une action plus charnelle), l’imperceptible changement de ton sur ce même mot faisant entendre les significations différentes. Et tandis que les deux se rapprochent pour enfin s’embrasser, les cuivres se sont tus et l’on entend plus que les percussions donnant une sonorité plus tribale, annonciateur d’une danse plus « bestiale » puisque l’on enchaînera avec leur scène d’amour dans le hall de la demeure de Crown.

le hall de la demeure de Crown. La précision de la mise en scène de McTiernan traduit ainsi parfaitement le tourbillon émotionnel qui va les emporter. Car au moment où se conclut leur séquence de danse par un baiser, la caméra adopte un point de vue en hauteur, se positionnant au-dessus d’eux afin de montrer la manière dont ils tournent dans le sens inverse des aiguilles d’une montre. Couplé aux figurants autour d’eux qui se trémoussent sur place et le motif circulaire au sol, on a vraiment l’impression de voir se former une spirale. D’autant que McTiernan va prolonger ce mouvement dès la scène suivante où nous sommes transportés grâce à un fondu enchaîné. On retrouve la caméra en hauteur observant Catherine au bas de l’escalier, le mouvement circulaire, cette fois de l’appareil, s’effectue toujours dans le même sens.

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(http://versusmag.files.wordpress.com/2014/09/thomascrown_the-dance-14.png) Un mouvement qui sera naturellement poursuivi par les personnages tournant nus puis imprimé par le déplacement de leurs ébats débuté au sol et « remontant » l’escalier pour passer de la gauche à la droite du cadre, soit toujours dans le sens inverse des aiguilles d’une montre.

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(http://versusmag.files.wordpress.com/2014/09/thomascrown_the-dance-19.png) McTiernan, c’est ça, parvenir à transformer une convention et un cliché en un instant de grâce formelle et une chorégraphie millimétrée afin d’exprimer visuellement une émotion, une sensation. Le véritable enjeu du film est l’amour que les deux personnages nourrissent l’un pour l’autre, la

confiance accordée à l’autre et savoir ce que chacun est prêt à abandonner pour le vivre pleinement. Et la douleur que le doute et le sentiment d’abandon peuvent causer. Le morceau de bravoure du métrage est bien évidemment la superbe séquence où Thomas Crown retourne dans le musée pour remettre à sa place la peinture qu’il avait subtilisé et au passage en prendre une autre, celle pour laquelle Catherine avait montré un grand intérêt. Plus qu’un tour de passe-passe au nez et à la barbe des policiers venus en masse pour l’alpaguer, cette dernière représentation est surtout l’occasion pour Crown de ravir définitivement le cœur de Catherine. Cette dernière est complètement sous le charme en regardant sur le moniteur vidéo le ballet auquel il s’adonne. Le policier interprété par Denis Leary (personnage référent du propre point de vue de McT sur cette histoire) ne sera d’ailleurs plus dupe et souhaitera à demi-mots bonne chance dans sa nouvelle vie à Catherine s’enfuyant rejoindre son amant.

Sauf qu’elle va subir de plein fouet l’ultime leçon prodiguée par Crown qui va la confronter durement aux sentiments qu’elle avait jusque là réfrénés. Et au passage, une petite leçon de mise en scène toute en simplicité et limpidité de McT. Après une course effrénée, elle arrive sur le ponton où attend un hélicoptère et un homme de dos dont la silhouette laisse à penser qu’il s’agit de Thomas Crown affublé du déguisement qu’il portait dans le musée. Un raccord dans l’axe focalisant le regard sur ce personnage.

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(http://versusmag.files.wordpress.com/2014/09/thomascrown_le-dc3a9part02.png) Mais en s’approchant, il se retourne et Catherine voit qu’il ne s’agit pas de Thomas Crown mais un de ses complices qui lui demande si elle est bien Catherine et lui tend la grande sacoche qu’il tenait.

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(http://versusmag.files.wordpress.com/2014/09/thomascrown_le-dc3a9part051.png) Des plans courts, qui s’enchaînent dans un découpage assez vif, montrant d’abord le désarroi de Catherine puis accentuant sa sensation de déboussolement. D’autant que la sacoche contient le dernier tableau volé que Crown avait assuré plus tôt dans le film qu’il volerait pour elle. Mais lui n’est pas là. Et la situation rend Catherine interdite, complètement sous le choc de cette absence. Le tableau appuie le sentiment de perte qui l’assaille puisqu’il montre une femme de dos face à une étendue d’eau où flotte un bateau vide.

(http://versusmag.files.wordpress.com/2014/09/thomascrown_le-dc3a9part061.png) Et ce n’est rien avec la manière dont McTiernan, en cinq plans, va accentuer encore plus cette émotion. Le premier montre en arrière plan Catherine regarder l’horizon, rappelant le tableau entraperçu peu avant, tandis que l’inconnu s’éloigne et emplit le premier plan. Puis on enchaîne avec un plan d’ensemble montrant cette scène mais plus éloigné et de l’autre côté de l’axe, de sorte que la caméra se trouve face à l’embarcadère, fixant une Catherine complètement figée. Le point de vue peut être interprété comme symbolisant celui de Crown. Puis nous avons droit à trois raccords dans l’axe nous éloignant de plus en plus de la scène observée, faisant disparaître Catherine de l’image, du moins difficilement distinguable vu la distance qui s’accroît, et découvrant alors l’environnement urbain et notamment des immeubles imposants.

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(http://versusmag.files.wordpress.com/2014/09/thomascrown_le-dc3a9part111.png) Ce staccato (technique instrumentale) visuel, est une figure stylistique récurrente chez McT, lui servant notamment à focaliser l’attention sur un élément auparavant indéfinissable (la menace du saboteur dans A La Poursuite d’Octobre Rouge par exemple). Traduisant en tout cas une émotion. Ici, ce mouvement saccadé vers l’arrière renvoie à celui utilisé dans Predator (http://louvreuse.net/Analyse/predator.html)lorsque après s’être préparé à son affrontement final avec la créature, Dutch émet un bruyant râle bestial. En l’intégrant dans cette jungle par un enchaînement de trois plans, il rendait compte visuellement de l’aboutissement de sa nécessaire évolution instinctive pour lutter d’égal à égal. Ici, le résultat est différent bien évidemment mais l’intention du cinéaste demeure la même, formuler à l’image la disparition de l’individu. McTiernan traduit visuellement à la fois la violence de ce choc émotionnel qui laisse Catherine esseulée et son absorption par la ville et donc son incapacité à s’extirper d’une vie sans affects. Dans Predator, Dutch regagnait en vitalité en parvenant à intégrer ce milieu hostile. Au contraire dans Thomas Crown, Catherine est engloutie par la minéralité de la cité. Mais en voyant l’alchimie qui s’est créée entre Brosnan et Russo, McTiernan ne voulait pas terminer par une fin amère mais faire en sorte que les deux tourtereaux se retrouvent. Alors qu’elle a embarqué dans l’avion l’emmenant loin de New-York, Catherine s’effondre, se laissant enfin aller à tristesse qui la submerge. C’est à ce moment là que Thomas Crown, assis derrière elle, révèle sa présence. Elle se précipite sur lui, remontée par ce qu’il lui a fait subir, pour

derrière elle, révèle sa présence. Elle se précipite sur lui, remontée par ce qu’il lui a fait subir, pour finir par l’embrasser passionnément.

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(http://versusmag.files.wordpress.com/2014/09/thomascrown_le-dc3a9part131.png) Vont suivre des plans qui rappelleront la façon dont elle a mené l’interrogatoire d’un des roumains responsable de la tentative de vol du tableau finalement dérobé par Crown. Elle tournait autour de lui, comme un prédateur autour de sa proie, pour venir se placer derrière lui et lui saisir d’une main le visage avec fermeté tout en lui susurrant à l’oreille des paroles incompréhensibles mais qui l’ont en tout cas convaincu de se mettre à table.

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(http://versusmag.files.wordpress.com/2014/09/thomascrown_le-dc3a9part17.png) Cette fois, face à Crown, les plans sont encore plus rapprochés, soulignant leur intimité. Elle prend d’une main le visage de son amour, avec tendresse et le prévient à voix basse de ne pas recommencer. Enfin, on termine sur un plan de sa bouche murmurant à son oreille les représailles qu’il encourt.

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(http://versusmag.files.wordpress.com/2014/09/thomascrown_le-dc3a9part15.png) L’alliance du langage parlé et corporel permet à McT d’exprimer à l’image que Catherine a repris une certaine contenance mais n’a pas pour autant abandonné son caractère bien trempé et teinté de domination. Une déesse parfaitement complémentaire et au goût du démiurge Thomas Crown. Nicolas Zugasti

THE THOMAS CROWN AFFAIR Réalisateur : John McTiernan Scénaristes : Alan Trustman, Leslie Dixon, Kurt Wimmer Production : Pierce Brosnan, Beau St-Clair, Roger Paradiso, Bruce Moriarty, Michael Tadross Photo : Tom Priestley Jr Montage : John Wright Bande originale : Bill Conti Origine : Etats-Unis Durée : 1h53 Sortie française : 22 septembre 1999

Dossier John McTiernan – la féminité : Où sont les femmes ? Publié par versusmag29 septembre, 2014

(http://versusmag.files.wordpress.com/2014/09/basic_connie-nielsen.png) A l’origine du renouveau du cinéma d’action hollywoodien, John McTiernan est réputé pour être un cinéaste purement « masculin ». Pourtant l’auteur de Predator ou de Die Hard (http://www.revueversus.com/diehard.html), pour ne citer qu’eux, est également un élégant portraitiste de femmes ainsi qu’un romantique à peine caché. La preuve avec des personnages ou situations issus de quelques uns de ces films, dont le dernier en date, le trop sous-estimé Basic (http://louvreuse.net/Dossier/les-archives-mctiernan-basic.html). Un groupe de Rangers, emmenés par un sergent sévère et implacable, sont portés disparus après un entraînement dans la jungle de Panama. Les deux seuls rescapés de ce qui apparaît comme un massacre sont alors interrogés par le capitaine Julia Osborne ainsi que par un agent de la DEA soupçonné de corruption. Dans la carrière cinématographique de John McTiernan, Basic survient juste après le catastrophique Rollerball (http://louvreuse.net/Dossier/les-archives-mctiernan-rollerball.html). Remake d’un film de Norman Jewison, ce dernier, charcuté par des producteurs sans vergogne, est sans aucun doute l’échec le plus cuisant du cinéaste. Retrouvant alors un total contrôle sur son œuvre, McT signe avec Basic un étonnant mille-feuilles filmique, un Rashomon déplacé dans une base militaire américaine, bien loin du simple long-métrage bourrin à multiples rebondissements que bon nombre de spectateurs y ont vu à l’époque. En effet, cette œuvre complexe et intelligente, qui bénéficie, comme toujours chez ce réalisateur, d’une mise en scène stylisée et inventive, cache sous ses aspects de pamphlet militaire, un incroyable portrait de femme. Car, si le film commence avec le point de vue d’un Travolta particulièrement musclé et burné, c’est incontestablement le personnage féminin interprété par Connie Nielsen qui va devenir le pivot de cet œuvre dense. D’ailleurs, si cette inversion des rôles se concrétise, au milieu du film, par une scène de baston, assez décalée, entre les deux inspecteurs et chorégraphiée comme une scène de danse sensuelle (renvoyant à la séquence de danse de Thomas Crown (http://blog.revueversus.com/2014/09/27/dossier-john-mctiernan-thomas-crown-power-oflove/) chorégraphiée, elle, comme un jeu de domination entre Catherine Banning et Crown), des signes annonciateurs apparaissent dès la première séquence. En effet celle-ci voit défiler des imagés décalées défilant sur le boléro de Ravel et où Nielsen parle des ouvriers morts durant la

imagés décalées défilant sur le boléro de Ravel et où Nielsen parle des ouvriers morts durant la construction du Canal de Panama. Et tout au long de ce film, son personnage, le capitaine Osborne, va n’avoir de cesse de se transcender pour garder son enquête et de dépasser , dans ce milieu ultra-machiste, les difficultés et les obstacles inhérents à son sexe pour devenir la figure principale de ce long-métrage à multiples lectures.

(http://versusmag.files.wordpress.com/2014/09/basic_capitaine-osborne.png) Femmes, je vous aime…. Pour ceux qui seraient étonné de la présence d’un tel caractère dans la filmographie, souvent décrite comme intégralement masculine, de McTiernan, un rapide survol de la carrière de ce génial réalisateur suffit à dissiper l’incompréhension. Prenons, par exemple, l’extraordinaire Predator (http://louvreuse.net/Dossier/les-archivesmctiernan-predator.html) qui révéla il y a presque trente ans, McT au monde entier. Dans ce chefd’œuvre sanglant et barbare, l’autre survivant avec le gouverneur « Dutch » Schwarzenegger, du massacre perpétré par le monstre venu de l’espace n’est autre qu’une jeune rebelle, personnage fort, au moins aussi intense que peut l’être l’alien ou Dutch. Dans Medecine Man, long-métrage écologique brillamment réalisé malgré des stéréotypes de narration, le personnage interprété par Lorraine Bracco ressort de l’aventure amazonienne au moins autant transformée par le médecin qu’elle est venue rencontrer que influençable au yeux de celui-ci. Et lorsque la femme n’est pas le personnage principal ou l’un des principaux, elle peut être à l’origine des actes perpétrées par le héros comme dans Le 13ème Guerrier où Antonio Banderas part en exil vivre l’aventure que l’on connaît uniquement parce qu’il est coupable du simple fait d’être amoureux d’une femme « interdite » ! Si la femme est une figure importante de l’univers cinématographique, rempli de testostérone, de John McTiernan c’est que ce dernier, sous ses aspects d’action man efficace et novateur est un romantique, ce dont témoignent, entre autres, deux films importants de cet auteur.

(http://versusmag.files.wordpress.com/2014/09/medicineman_lorraine-bracco.jpg) La main dans le sac Thomas Crown est , sous ses apparats de financier redouté, un cambrioleur solitaire. Il croise alors, suite à un de ses vols, Catherine, une enquêtrice engagée par les compagnies d’assurance. Une partie d’échec s’engage alors entre ses deux personnages en quête d’action et d’amour. Si ce film est le remake officiel de celui de Norman Jewison ( encore lui ! ), l’œuvre de McT rappelle pourtant plutôt La Main au collet tant son couple de stars s’approprie davantage le modèle hitchcockien que celui d’origine formé par Steve McQueen et Faye Dunamay. Savant mélange de suspense et de glamour, porté par une réalisation efficace et une histoire simple mais parfaitement limpide, Thomas Crown bénéficie d’un duo d’acteurs glamour et diablement érotique qui rappelle donc le cinéma hollywoodien des années 1950. En grand romantique qui ne s’ignore pas, McTiernan réussit dans cette œuvre bien loin d’être mineure, la parfaite alchimie entre le flegme britannique d’un Pierce Brosnan loin du rôle de James Bond qui l’a rendu célèbre, et le charme, la force mais également la fragilité et la finesse de Renée Russo, qui trouve enfin le rôle féminin qu’elle mérite. En effet, malgré la présence en temps que producteur de la méga star qu’était l’agent 007 de l’époque, McT semble, tout au long de son film, n’avoir d’yeux que pour sa vedette féminine, filmée comme une déesse grecque dès sa première apparition sur l’écran. Divertissement brillant, Thomas Crown est au final un opus d’un romantisme empreint de nostalgie embelli également par un magnifique portrait de femme.

(http://versusmag.files.wordpress.com/2014/09/thomas-crown_la-divine-catherinebanning.png) L’autre long-métrage à composante romantique du réalisateur, c’est bien évidemment Die hard ou Piège de cristal pour les non-anglophones. Action movie tenu par un rythme d’enfer et un suspense de tous les instants, Die Hard ne repose pourtant que sur une idée simple et usitée. Un homme ( Bruce Willis qui trouve la consécration après une carrière télévisuelle ) tel un Orphée moderne, va chercher à s’extirper de l’enfer, soit de toutes les embûches semées sur sa route ( en l’occurrence des terroristes prenant en otage le personnel d’une société japonaise ) pour tenter de reconquérir le cœur de sa belle Eurydice. Si en plus, on rajoute que l’action du film se déroule le soir de Noël, on voit incontestablement les éléments romantiques se mettre en place. Rassemblant alors les ingrédients idéals du cinéma d’action, reposant sur un soupçon continuel de romantisme, Die Hard synthétise alors l’essence de la filmographie de John McTiernan, soit un cinéma d’action essentiellement masculin mais où la femme est le pivot central voire essentiel. Fabrice Simon

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2 réflexions sur “Dossier John McTiernan – la féminité : Où sont les femmes ?”

Dossier John McTiernan – À la poursuite d’Octobre Rouge : la symphonie du langage Publié par versusmag1 octobre, 2014

(https://versusmag.files.wordpress.com/2014/10/hunt-for-the-red-october-photo.jpg) On élève souvent À la poursuite d’Octobre Rouge au rang de majestueux thriller politique, sans doute parce que le roman dont il est adapté est l’œuvre d’un auteur, Tom Clancy, que l’on cite régulièrement comme l’un des maîtres du genre. Mais ne définir ce film qu’à travers ce prisme – ou pire, celui, trop réducteur, de film d’action, ce qu’il n’est d’ailleurs pas le moins du monde – c’est passer à côté de l’essentiel. Car À la poursuite d’Octobre Rouge est avant tout une œuvre sur le langage et les liens multiples qu’il peut tresser, autant que les oppositions qu’il peut creuser. On se souvient de la manière, à la fois subtile et spectaculaire – ce n’est pas une contradiction – dont John McTiernan nous fait glisser du russe, parlé par l’équipage du sous-marin Octobre Rouge, à l’anglais, la langue du public auquel ce film est a priori destiné : tandis que l’officier politique du bord, Putin ( ! ), lit un extrait de la Bible (l’Apocalypse, pour être exact), un lent travelling s’approche de sa bouche, jusqu’à presque toucher ses lèvres ; et, d’un mot sur l’autre, voilà que nous avons franchi la distance idiomatique qui sépare les deux langues ; la caméra peut enfin reculer et reprendre sa place, comme si de rien n’était. La passerelle entre les cultures est peut-être aussi facile à édifier qu’un mouvement de caméra est aisé à construire (et, après tout, McTiernan réitérera cet exploit, d’une autre manière, dans Le 13e guerrier, en faisant apprendre la langue viking à son héros arabe à l’aide d’un ingénieux montage). Ou ne serait-ce pas un faux-semblant ? Ne serait-ce pas, en réalité, d’une difficulté éprouvante, une difficulté que la magie cinématographique nous rendrait invisible – au sens où le montage et le découpage sont des arts de l’invisibilité – mais qui n’en serait pas moins un obstacle majeur pour toute civilisation confrontée à une autre ?

(https://versusmag.files.wordpress.com/2014/10/octobrerouge_chgt-langue-travelingavant.png) On a sans doute trop rapidement oublié à quel moment précis ce franchissement s’opère sur les lèvres de Putin : à la seconde où il prononce le mot « Armageddon », qui s’avère être le même dans les deux idiomes. Armageddon (ou Megiddo) est le lieu où doit se dérouler, selon le Nouveau Testament, la bataille finale opposant le Bien au Mal. Pour peu que l’on porte une attention particulière au choix des mots, mais peut-être surtout, au choix du timing, il devient plus aisé de relier ce passage linguistique au contexte géopolitique de l’époque. L’action du film prend place en novembre 1984 (année de sortie du livre de Tom Clancy). La Guerre froide continue de geler les relations entre les États-Unis et l’Union soviétique, mais nous sommes à l’aube de changements importants. Les dix-huit mois d’Andropov à la tête du Parti communiste, à partir de 1982, ont permis d’amorcer une vague de réformes, certes encore timides – notamment au travers des procès anti-corruption et des modifications dans le fonctionnement du Parti. Tchernenko, à la suite du décès de son prédécesseur, a surfé sur l’air nouveau soufflé par Andropov. Au moment où l’Octobre Rouge, dans le récit, quitte sa base navale du nord de l’URSS, quelques mois seulement nous séparent de la nomination de Gorbatchev et du lancement de la perestroïka, cette vague de réformes sociales et économiques qui mènera tout droit, en 1990, à la chute du communisme. Rattrapé par l’histoire, À la poursuite d’Octobre Rouge a été tourné alors que la Guerre froide brûlait toujours, en 1989, mais n’est sorti sur les écrans que l’année suivante, alors que l’URSS s’était effondrée – en vertu de quoi les producteurs décidèrent, paraît-il, de rajouter l’avertissement contextuel qui ouvre le film, situant celui-ci en 1984, « avant l’arrivée au pouvoir de Gorbatchev ». Ce recadrage sied bien à McTiernan qui, en un plan, ce fameux mouvement de caméra à double sens, jusques et à partir des lèvres de Putin (dont la mort brutale prend désormais tout son sens, lui qui n’est que le reliquat d’un système voué à tomber), insuffle à son film un regard politique et historique : cet Armageddon qui relie le russe et l’anglais, c’est bien, symboliquement, la dernière bataille de la Guerre froide, l’ultime sang versé entre les deux blocs avant l’air du changement. C’est dit à la fois par l’image et par le langage ; mais on comprend mieux ainsi l’importance de ce dernier, ici comme dans toute l’œuvre du réalisateur.

(https://versusmag.files.wordpress.com/2014/10/octobrerouge_chgt-langue-arrc3aat.png) Film sur le langage, À la poursuite d’Octobre Rouge ? Il suffit, pour s’en convaincre, d’en avoir une vue d’ensemble. Quels sont les grands motifs qu’il met en branle ? Des commandants de bâtiments de guerre qui dictent leurs ordres avec le ton détaché que seul permet un sang froid absolu, c’est-à-dire lorsque le langage se suffit à lui-même sans qu’il lui soit nécessaire de s’empourprer de puissance ou de colère. L’autorité naît du calme de la prononciation d’un homme qui maîtrise parfaitement ses émotions, ce que le commandant Ramius, le Soviétique (Sean Connery), incarne avec superbe. Nous avons aussi ces sous-marins, à bord desquels le silence est une arme vitale : l’objet même de la navigation sous les eaux reste la discrétion ; les hommes se taisent pour mieux écouter les échos du sonar ; et par ailleurs, l’argument du film tourne précisément autour de cette quête du silence – cette « chenille », moyen de propulsion silencieux, dont l’Octobre Rouge est doté pour la première fois, et qui lui offre la possibilité de n’être pas entendu des autres bâtiments. Le mutisme n’a-t-il pas toujours été un moyen d’infiltrer l’ennemi, de l’attaquer par surprise, et de remporter ainsi des victoires ? À l’autre bord, nous trouvons Jack Ryan (Alec Baldwin), analyste de la CIA, auteur d’ouvrages sur la stratégie maritime, dont la parole est l’unique arme : opportunément, le background du personnage nous apprend qu’il a subi une grave blessure lors de sa formation de Marine, c’est-à-dire que le langage est devenu son outil privilégié suite à sa longue immobilité physique. Enfin, il y a l’argument géopolitique du film : l’ambiguïté et le danger puisent leurs racines dans l’incapacité des hommes à pouvoir communiquer avec un langage commun, ce qui n’implique nullement que cette incapacité s’explique par une différence de culture – autant Ryan et ses supérieurs militaires peinent à se comprendre (ceux-ci préféreraient volontiers camper sur leurs positions et estimer que la fuite d’Octobre Rouge est une menace, plutôt que d’écouter les paroles avisées du jeune analyste et de laisser une chance à Ramius de passer à l’Ouest), autant Ramius et Ryan, bien que parlant des jargons distincts, se situent sur la même longueur d’ondes. Cette proximité d’esprit, au-delà des préjugés culturels, annonce un rapprochement bienvenu entre les deux mondes que le Rideau de Fer a stupidement opposés des décennies durant. (Une autre aventure de Jack Ryan, La Somme de toutes les peurs, adaptée au cinéma avec Ben Affleck dans le rôle du jeune agent, joue aussi sur la connivence qui existe entre celui-ci et le président russe, alors qu’une menace de guerre nucléaire pèse sur les deux pays et que les va-t-en-guerre de chaque camp sont à deux doigts d’appuyer sur le mauvais bouton).

(https://versusmag.files.wordpress.com/2014/10/octobre-rouge_fragile-ryan.jpg) Autrement dit, dans À la poursuite d’Octobre Rouge comme ailleurs chez McTiernan, le langage est ce qui caractérise l’homme – d’une part – et ce qui nous permet de pénétrer dans sa psyché – d’autre part – dans le but de comprendre ses motivations profondes. Les mots comptent plus que les batailles, les dialogues plus que les scènes d’action ; au demeurant, celles-ci se limitent à quelques chorégraphies sous-marines relativement brèves, dans un film où le metteur en scène jongle plus volontiers avec la tension induite par le rythme du montage, qu’avec des artifices pyrotechniques superflus. Ce que nous dit McTiernan, sans cesse, c’est qu’il faut écouter. La leçon est magistralement donnée par Jones, le radio du sous-marin américain Dallas, en chasse de l’Octobre Rouge, qui seul est capable de distinguer parmi les bruits de fond de l’océan ces sonorités artificielles qui révèlent la présence quasi-mutique de l’adversaire – face à tous ses contempteurs qui n’écoutent qu’en surface, si l’on peut dire.

(https://versusmag.files.wordpress.com/2014/10/octobre-rouge_c3a9coute.png) La séquence que nous avons choisie pour illustrer cette prédominance psychologique et dramaturgique du langage est située, approximativement, à la moitié du film. Le sous-marin Dallas vient de retrouver l’Octobre Rouge grâce aux talents de Jones. Borodin, le second de l’Octobre Rouge, rejoint Ramius dans sa cabine pour évoquer avec celui-ci le problème récent du sabotage d’une pièce de la « chenille ». La séquence, d’une durée de cinq minutes, se clôt sur la décision prise par Ramius de placer des hommes d’équipage aux endroits stratégiques du

bâtiment afin de prévenir tout nouvel incident.

(https://versusmag.files.wordpress.com/2014/10/octobre-rouge_conversation.png) La conversation entre Ramius et Borodin signale un moment d’apaisement dans la dramaturgie du film, avant que les événements ne s’accélèrent : quelques minutes plus tard, Ryan parvient à rejoindre le bord du Dallas et à communiquer avec le commandant adverse, amorçant la phase finale de défection des officiers soviétiques. À partir d’une menace évasive – celle d’un possible nouveau sabotage, et son corollaire, une potentielle réaction au sein d’un équipage qui a pris conscience de cette épée de Damoclès – McTiernan transforme la séquence en émouvante confession partagée. Alors qu’il tourne les talons pour quitter la cabine de son commandant, Borodin revient sur ses pas pour entretenir son supérieur et ami d’une question qui lui brûle les lèvres : « Pensez-vous qu’ils [les Américains] me laisseront m’installer dans le Montana ? » Le voilà qui déroule son rêve américain : une épouse plantureuse, un élevage de lapins, des hivers passés en Arizona, un pickup, et pourquoi pas un véhicule tout-terrain et une traversée du pays État par État – « Pas besoin de papiers ? » tient-il à s’assurer auprès de Ramius ; celui-ci, avec un sourire, confirme. Chez Borodin, le passage à l’Ouest est motivé par l’idéalisme d’une vision quasicinématographique du Nouveau monde, entre grands espaces ruraux (le Montana et l’Arizona sont parmi les États les plus sauvages) et liberté totale d’aller d’un endroit à l’autre. Il est remarquable que cette vision idéalisée s’oppose du tout au tout à l’esthétique d’un film dont le seul horizon, outre celui de l’océan sans limites, est celui des étroites coursives d’un bâtiment naval connu pour son extrême exiguïté, et dans lequel Borodin aura certainement passé une majeure partie de sa vie – et duquel, du reste, il ne sortira pas vivant, confinant le rêve à son état de potentialité. Remarquable, également, est cette négation subtile de l’élément marin dans le futur désiré par Borodin : le Montana montagneux et l’Arizona désertique ne possèdent aucune ouverture sur l’océan.

(https://versusmag.files.wordpress.com/2014/10/octobre-rouge_rc3aaves.png) Borodin interroge à son tour Ramius sur ses aspirations, une fois qu’ils seront « de l’autre côté ». Le fier commandant commence par affirmer qu’il n’a « pas de tels appétits ». Puis, la voix quelque peu rêveuse, il révèle sa nostalgie des calmes parties de pêche de son enfance et la lassitude qui le gagne après quarante années passées à mener, sur mer, une guerre « sans batailles, sans monuments, parsemée de pertes humaines ». Ainsi que son regret, ultime, de n’avoir pas été présent pour sa femme, décédée un an plus tôt. « J’en ai fait une veuve le jour où je l’ai épousée. » Il y a, chez cet homme, une présence écrasante du passé, et le besoin légitime de trouver un lieu où l’officier pourra, enfin, laisser place à l’homme libre, désireux d’aller à la rencontre de la mort en effectuant un dernier et salutaire retour vers le monde de l’enfance – les paisibles parties de pêche. Le fait qu’il se confesse à Borodin confirme ce que la scène d’ouverture du film (Ramius et Borodin au sommet de l’Octobre Rouge) laissait augurer : que celui-ci joue le rôle d’un fils par procuration, un fils-soldat plus qu’un camarade-officier, que la promiscuité du service – et des lieux – lui a fait adopter presque naturellement. La mise en scène les lie délicatement. Si Borodin est d’abord filmé en contre-plongée, lorsqu’il évoque les menaces de sabotage, dominant Ramius d’un corps qui s’impose physiquement dans la cabine étriquée, tous deux sont bientôt captés à même hauteur, à même échelle, quand l’échange devient intime – dès lors qu’il commence à dérouler son rêve américain, Borodin prend place sur le siège situé près de la couchette sur laquelle Ramius est allongé. La façon qu’a Ramius de jouer négligemment d’un doigt avec son alliance, peut faire référence aussi bien au souvenir de sa femme disparue qu’à la présence de ce fils de substitution qui l’accompagne dans cet ultime voyage.

(https://versusmag.files.wordpress.com/2014/10/octobre-rouge_mise-c3a0-niveau.png) Toutefois, c’est moins la cohérence des échelles de plans que le montage qui confère à cette séquence toute sa puissance évocatrice. McTiernan nous extraie régulièrement de cette conversation intimiste pour insérer des plans intrus, qu’il s’agisse de l’équipage de l’Octobre Rouge en pleine action ou des hommes à bord du Dallas. Parallélisme logique en vertu de la dramaturgie, puisque ces événements se déroulent en même temps : n’oublions pas que le Dallas suit de près l’Octobre Rouge, et que les matelots de celui-ci poursuivent leurs opérations malgré l’absence sur le pont de leur commandant. Mais cette alternance expose avant tout une dramaturgie différente, en pointillés : une dramaturgie humaine et psychologique qui passe par la souveraineté du langage. Au moment où Borodin pose sa question sur le Montana, et après un court plan sur Ramius qui le regarde, un insert nous montre Jones, le radio du Dallas, chaussé de ses écouteurs, qui retombe sur son siège avec un air concentré, comme si, à cet instant précis, il pouvait entendre la conversation entre les deux hommes. C’est aussi ce que la continuité sonore nous laisse à penser, car si la question de Borodin ne dépasse pas sonorement le cadre de la cabine, le silence de Ramius se prolonge par le silence de Jones – avant un retour à la cabine du commandant. Ce n’est donc pas le son des voix, mais bien le silence, qui relie ces deux espaces a priori opposés.

(https://versusmag.files.wordpress.com/2014/10/octobre-rouge_silence.png) Un peu plus tard, Borodin dit en plaisantant qu’il lui faudra deux femmes quand il vivra aux États-Unis. Alors, la caméra capte, au premier plan, l’inclinaison du verre de thé sur le bureau, indiquant la manœuvre effectuée par le sous-marin pour pivoter. Le mouvement de caméra suivant, à bord du Dallas, suit la courbe amorcée par l’inclinaison du verre, et glisse jusqu’à Jones qui perçoit le mouvement de l’Octobre Rouge – une manœuvre appelée « Ivan le Fou » qui consiste à tourner brusquement pour s’assurer qu’aucun bâtiment ennemi ne se cache derrière. Cette fois, c’est par le découpage et le montage que le lien est assuré. À d’autre moments, des inserts montrent le radio de l’Octobre Rouge qui met son casque, puis l’équipage du Dallas faisant silence en espérant que l’adversaire ne les entend pas.

(https://versusmag.files.wordpress.com/2014/10/octobre-rouge_alternance.png) Mais l’alternance de plans la plus importante, et la plus « parlante », est celle qui illustre le soliloque de Ramius sur ses quarante ans passés en mer. Tandis qu’il parle, McTiernan monte alternativement des images des deux sous-marins vus de l’extérieur, puis les ponts de chacun des bâtiments habité par les visages concentrés des membres d’équipage. Le réalisateur a subtilement instauré un moyen de reconnaître à quel sous-marin nous avons affaire : les matelots du Dallas regardent à gauche du cadre, ceux de l’Octobre Rouge sont tournés vers la droite. Et tout le monde semble écouter silencieusement – religieusement – non pas les échos de la chorégraphie des sousmarins, mais la confession de Ramius prononcée devant l’Éternel. Le discours d’un homme qui a choisi d’en finir avec une vie consacrée à une guerre inutile, vouée à un idéal de pacotille, alors qu’il a perdu l’essentiel de ce qui aurait dû la remplir. Le temps d’un court monologue, l’action suspend son vol et tout le monde s’arrête, les oreilles grandes ouvertes.

(https://versusmag.files.wordpress.com/2014/10/octobre-rouge_vis-c3a0-vis.png) Ce dialogue crépusculaire entre Ramius et Borodin en rappelle un autre : celui qui unit le capitaine Achab et le matelot Starbuck sur le pont du Péquod, à la veille de l’affrontement final contre Moby Dick, dans le roman de Herman Melville. Qu’on en juge plutôt : Ramius : « Je regrette les paisibles parties de pêche, comme lorsque j’étais enfant. Voilà 40 ans que je suis en mer,

« Je regrette les paisibles parties de pêche, comme lorsque j’étais enfant. Voilà 40 ans que je suis en mer, pour livrer une guerre. Une guerre sans batailles, sans monuments. Seulement des pertes humaines. J’en ai fait une veuve le jour où je l’ai épousée. Ma femme est morte tandis que j’étais en mer. » Achab (chapitre 132, « La symphonie ») : « C’est par un jour presque aussi doux que celui-ci que j’ai frappé ma première baleine, garçon harponneur de dix-huit ans ! Il y a quarante… quarante… quarante ans de ça !… de ça !… Quarante ans de continuelle chasse aux baleines ! Quarante ans de privations, de périls et d’orages ! Quarante ans sur la mer impitoyable. Pendant quarante années, Achab a déserté la terre paisible pour se battre contre les horreurs des abîmes… pendant quarante ans ! Oui, oui, Starbuck, de ces quarante ans, je n’en ai pas passé trois à terre. (…) … des océans entiers me séparant de cette jeune femme-enfant que j’ai épousée passé cinquante ans… et j’ai mis à la voile pour le cap Horn dès le lendemain, ne laissant qu’une empreinte de bête dans mon oreiller de mari… femme ? femme ?… plutôt la veuve d’un mari vivant. Oui, j’ai fait une veuve de cette pauvre fille en l’épousant, Starbuck ! » La concordance de la confession est étonnante. Ramius et Achab renvoient leur interlocuteur à une jeunesse disparue, et fondatrice de leur caractère, ainsi qu’à leur longue carrière en mer (concordance des durées : quarante ans chacun). Et tous deux évoquent, surtout, cette femme qu’ils ont fait veuve en l’épousant. À ceci près qu’Achab mourra avec Moby Dick, laissant effectivement une veuve derrière lui, tandis que c’est la femme de Ramius qui est décédée, et lui qui réchappera à la catastrophe pour finir sa vie en recollant, aux USA, aux joies de son enfance.

(https://versusmag.files.wordpress.com/2014/10/octobre-rouge_conclusion.png) La dernière séquence du film – si l’on exclut le plan final de Ryan endormi dans l’avion du retour – reproduit à l’inverse le premier plan, qui voyait Ramius chevaucher fièrement l’Octobre Rouge en compagnie de Borodin. Cette fois, c’est avec Ryan, cet autre fils spirituel, qu’il observe le paysage depuis le sommet du sous-marin. Absorbé par la terre en vue, cette terre libératrice, idéalisée (mais pas parce qu’elle est américaine : parce qu’elle est une terre de repos), Ramius cite Christophe Colomb : « Et la mer offrira à chacun de nouveaux espoirs, comme le sommeil apporte les rêves. » Cette citation, faussement attribuée au découvreur du Nouveau monde, est en réalité signée du scénariste Larry Ferguson (coauteur du script avec Donald Stewart). Elle renvoie, de nouveau, Ramius à ses deux amours : la mer et le rêve.

(https://versusmag.files.wordpress.com/2014/10/octobre-rouge_ryan-et-ramius.jpg) Ramius évoque alors les raisons qui l’ont poussé à faire défection – ce sous-marin a été fabriqué pour frapper en premier et mettre un coup d’arrêt terrible à la Guerre froide, ce qu’il ne pouvait, en substance pas laisser faire. Mais les véritables raisons se cachent ailleurs. Elles puisent leurs racines dans cette lassitude qu’il aura exprimé plus tôt, en tête à tête avec Borodin. Elles s’expliquent par ces concordances de caractère avec le capitaine Achab de Melville, et par la sensation de perte immédiate de la femme aimée. Enfin, elles se dissimulent dans l’espoir incarné par la capacité des peuples à communiquer plutôt qu’à s’enfermer dans un fatal mutisme. Ryan : « Quand tout cela se saura, ce sera un sacré désordre à Moscou. » Ramius : « Peut-être en sortira-t-il du bien ? Une petite révolution de temps à autres, c’est assez sain. » In fine, le film rattrape son contexte géopolitique : quelques mois plus tard Gorbatchev prendra le pouvoir et lancera la perestroïka. Et Ramius pourra profiter de ses paisibles parties de pêche en ayant toute conscience d’un monde qui change enfin, et qui file dans la direction de la voix du peuple. Eric Nuevo

THE HUNT FOR RED OCTOBER Réalisateur : John McTiernan Scénaristes : Larry Ferguson & Donald Stewart d’après le roman de Tom Clancy Production : Larry DeWay, Mace Neufeld, Jerry Sherlock

Dossier John McTiernan – Langues étrangères : parlez-vous le film d’action ? Publié par versusmag4 octobre, 2014

(http://versusmag.files.wordpress.com/2014/10/die-hard-with-a-vengeance.jpg) On ne s’intéresse pas vraiment à l’œuvre de McTiernan si l’on ne se penche pas sur l’utilisation que le réalisateur fait du langage parlé dans ses films. La valeur qu’accorde l’artiste à l’expression vocalisée sous toutes ses formes et dialectes, contribue en effet à forger le signifiant bien particulier de sa filmographie. Cinéaste d’action, McT n’en reste pas moins un homme de parole – dans tous les sens du terme. C’est d’ailleurs cette propension aux coups d’éclat verbaux qui l’a conduit derrière les barreaux : le parjure ne renvoie-t-il pas d’abord à un réflexe d’élocution ? Lui qui s’affirme comme « grande gueule » au sein du système hollywoodien (même maintenant qu’il est sorti de prison, il n’a pas la langue dans sa poche en ce qui concerne les institutions et le gouvernement américains), contribue en tout cas à donner une valeur clé au « parler » dans la fiction. Car la parole engagée et l’acte de communication revêtent dans tous ses films une dimension à la fois anthropologique et métonymique. Si l’action est moteur des histoires racontées, le verbe, surtout venu d’ailleurs, en est la courroie de transmission.

(http://versusmag.files.wordpress.com/2014/10/die-hard_hans-gruber.jpg) L’étranger, cet autre moi On le sait, McT n’aime rien de moins que les oppositions culturelles significatives de son goût, qu’on pourrait qualifier de dual, pour le 7e art européen d’un côté, et la fermeté et la rectitude

hollywoodiennes de l’autre (encore que cette dernière ne semble plus devoir le satisfaire – gageons qu’elle ne l’ait même jamais beaucoup amusé). Entre les deux, se trouve une certaine idée du classicisme, de la rigueur, de l’élégance et de la flamboyance, qu’ont su incarner de grands artistes de l’âge d’or, dont beaucoup venaient d’ailleurs du Vieux Continent. McTiernan est l’héritier de cette approche – l’on pourrait même dire de cette exploitation. On accorde beaucoup d’importance à la mise en scène millimétrée du cinéaste,à ses plans au cordeau, à l’agilité féline de ses mouvements de caméra et à la photogénie travaillée de ses protagonistes – qui mieux que lui a su en effet transcender, iconiser des acteurs qui, à la lumière de ses choix esthétiques et de caractérisation, ressortaient du cadre incroyablement magnifiés, grandis dans leur stature intradiégétique ? On s’attarde par contre moins souvent sur les langues étrangères qu’adoptent, par stratégie d’attaque, de repli ou de camouflage (on y reviendra), ses personnages principaux : il n’y a qu’à voir comment les « terroristes » du premier et du troisième Die Hard échangent entre eux en allemand quand leurs plans commencent à être sérieusement compromis par le « grain de sable » John McClane. Au-delà du duel entre le cowboy prolétaire issu de la middle-class et les bandits européens aux allures de dandys cruels (tous emmenés, ici par Alan Rickman, là par Jeremy Irons), c’est bien l’idée d’un retour à la langue originale, presque primale (d’ailleurs cris et vociférations dominent) dès que se fait ressentir l’urgence des situations – où se trouve aussi sollicitée l’adrénaline pure – qu’illustrent les effets linguistiques de Die Hard 1 (http://www.revueversus.com/diehard.html) et 3. Fait notable, les langues étrangères ne sont jamais sous-titrées chez McTiernan : effet d’immersion dans l’action, perdition sensorielle, perception parcellaire du discours et des enjeux, surtout dans de grands moments d’hostilité ou de tension. L’insertion dans le récit d’autres langues que l’anglais (c’est la raison pour laquelle ses films sont à voir en version originale) peut même confiner au brouillage narratif , voire au nonsens, comme le russe (déjà exploité dans À la poursuite d’Octobre rouge (http://blog.revueversus.com/2014/10/01/dossier-john-mctiernan-a-la-poursuite-doctobrerouge-la-symphonie-du-langage/)) dans le remake de Rollerball : à l’image de cette piste de course en forme de signe de l’infini, le verbiage du magnat joué par Jean Reno n’est plus qu’une interlocution en roue libre où se mélangent vocables, rires sarcastiques et hoquets de contentement d’un show business corrompu, « médiocrisé » jusqu’à la moelle.

(http://versusmag.files.wordpress.com/2014/10/13c3a8me-guerrier_ahmed-ibn-fahdlan.jpg) Le discours est un bouclier… et une épée

Plus encore que les physionomies (Predator comme Die Hard sont des histoires de choc des cultures physiques), la langue parlée par les protagonistes « mctiernaniens », surtout ceux que doit affronter – ou avec qui il doit composer – le héros, a valeur de caractérisant, quant elle ne joue pas un rôle de métonymie : car c’est toute une nationalité, un état d’esprit (y compris positif) et un rapport au monde que contient la langue d’un pays. Moyen de communication essentiel et constitutif de tout espace à conquérir ou, au choix, au sein duquel survivre (l’espagnol devient un important prisme de compréhension de l’ennemi – car la seule à avoir aperçu l’extraterrestre en action, c’est la guérilla Anna – pour les bérets verts de Predator, et Ahmed Ibn Fahdlan / Antonio Banderas apprend le viking par nécessité vitale dans Le 13e Guerrier), celle-ci peut devenir une posture politique (Marko Ramius / Sean Connery s’exprime en russe et en anglais, les deux faces d’une même visée politique : passer à l’Ouest dans À la poursuite d’Octobre rouge), un masque ou le véhicule d’une stratégie : de séduction (Catherine Banning / Rene Russo s’adresse avec suavité dans sa langue d’origine au voleur d’œuvres d’art venu d’Europe de l’Est dans Thomas Crown), d’attaque et surtout de riposte (Cf. l’allemand, teinté de panique et de colère, des terroristes dans les Die Hard, ou la réponse sarcastique de Ahmed aux Vikings qui pensaient que l’Arabe ne comprenait pas leurs conversations au coin du feu). Langues d’action, mais surtout, langues de réaction, donc.

(http://versusmag.files.wordpress.com/2014/10/thomas-crown_catherine-banning.jpg) Palais et claquements de langue Résumé à elle seule de l’approche linguistique du réalisateur, la scène du 13e Guerrier où Ahmed / Banderas apprend à parler le viking rien qu’en écoutant et en observant les mouvements de lèvres de ses compagnons de route nordiques un soir au coin du feu, vaut comme maître-étalon de la caractérisation – situation et adaptation à un environnement, hostile ou non – par le langage dans le cinéma de McTiernan ; plus encore si l’on considère comment, par des jump cuts audacieux, l’action director le plus doué de sa génération manipule l’ellipse langagière et identitaire : de plans rapprochés en zooms sur les bouches des uns et des autres, la langue viking envahit le cadre, puis le hors-cadre et finalement la perception du spectateur. Phénomène englobant de propagation et de délectation, la langue étrangère représente aussi le plaisir sensible qu’apporte le contact avec une culture différente ; d’où cette jouissance orale, pourrait-on dire, de Catherine / Russo dans Thomas Crown au moment où elle mène son premier interrogatoire : entre le délice d’un café ou d’un soda avalé d’une traite et le plaisir de parler la langue d’un des anciens pays du bloc de l’Est, c’est une saveur commune qui étreint le personnage – sensation tout droit venue du palais. Et quand la langue étrangère a atteint son point de non retour extatique, il ne reste plus au réalisateur qu’à s’interroger sur sa propre langue de narration, à jouer avec tous les signifiants du discours de ses personnages typiquement américains : où comment dans Basic, son dernier film à ce jour et grande pellicule volontairement bavarde devant l’Éternel – jusqu’au vertige conversationnel –, tous les protagonistes d’une base militaire étasunienne parviennent à

vertige conversationnel –, tous les protagonistes d’une base militaire étasunienne parviennent à faire porter à une seule et même histoire rapportée plusieurs vérités diamétralement opposées. Cinéma du phonème situé au cœur de l’action polyglotte, la filmographie de McTiernan est bel et bien un modèle de polysémie. Stéphane Ledien Occasionnellement, certains de vos visiteurs verront une publicité ici. Concernant ces publicités (http://wordpress.com/about-these-ads/) Dites m'en plus (http://wordpress.com/about-these-ads/) | Supprimer ce message

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Une réflexion sur “Dossier John McTiernan – Langues étrangères : parlez-vous le film d’action ?” 1. Dominique Lalande - Dola Communications dit : 5 octobre, 2014 à 2:26 Modifier Merci! Répondre

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Dossier John McTiernan – La musicalité : accords à corps Publié par versusmag7 octobre, 2014

(http://versusmag.files.wordpress.com/2014/10/octobre-rouge_ramius-le-maestro.jpg) « Attention. Qui que vous soyez, attention. Cette fréquence est exclusivement réservée aux urgences. Sans blague ! Et vous croyez que j’appelle pour commander une pizza ! » Si je devais résumer le cinéma de John McTiernan à une réplique, ou plutôt deux, j’opterais probablement pour celles-ci, tirées de Piège de cristal. Elles synthétisent en effet parfaitement la problématique sous-jacente à tous ses films sans exception depuis Nomads, à savoir un dialogue de sourd entre deux individus, deux partis, deux mondes totalement étrangers l’un à l’autre. Mondes qui non seulement ne parlent pas la même langue mais plus encore le même langage et qui devront en conséquence s’observer, s’écouter au-delà des mots (car le sens de ces derniers importe bien moins que la façon dont ils sont déclamés), épouser les mimiques de chacun pour pouvoir ainsi nouer un dialogue aux allures de confrontation tant physique qu’intellectuelle. Confrontation qui permettra soit de survivre (voire de fusionner comme l’atteste la scène finale de Nomads qui nous révèle un Jean Charles Pommier (Pierce Brosnan) devenu, au prix de sa vie, un de ces nomades qu’il traquait si farouchement), soit de vivre en harmonie (Marko Ramius (Sean Connery) et Jack Ryan (Alec Baldwin) discutant paisiblement lors des dernières minutes d’A la poursuite d’Octobre Rouge (http://blog.revueversus.com/2014/10/01/dossier-john-mctiernana-la-poursuite-doctobre-rouge-la-symphonie-du-langage/)) … ou presque, si l’on se réfère à ce que dit Catherine Banning (Rene Russo) à Thomas Crown (Brosnan), tout en l’embrassant, à la fin du film éponyme : « Je te préviens. Tu me refais un coup pareil, je te promets que je te pète les deux bras. ». Les films de McT sont donc comme un ballet auquel les personnages doivent s’adonner. Une danse des corps pour mieux assimiler la scène, l’univers de l’antagoniste. Mais aussi une danse de séduction car il ne s’agit pas seulement de se fondre dans une jungle, une tour ou un musée par exemple mais de les posséder et de les utiliser à l’insu de l’ennemi. Et ce, afin de l’approcher,

l’apprivoiser et détourner son regard pour mieux donner l’estocade finale.

(https://versusmag.files.wordpress.com/2014/10/thomas-crown_01.jpg) Et qui dit danse, dit musique. Rares sont les réalisateurs à savoir réellement jouer de l’interaction entre la musique (et les chansons) et les images d’un film. David Lynch ou Michael Mann, pour n’en citer que deux, sont de ceux-là. McT également. Mais à l’inverse de ses pairs, sa musicalité n’est ni émotionnelle, ni atmosphérique, mais donc chorégraphique. Elle est un mélange subtil et précis entre la musique et la voix d’un côté et le geste, celui des corps et celui de sa caméra, de l’autre. Cette idée d’un langage universel (car c’est de ça dont il s’agit en fin de compte) qui existerait au delà du parler et de ses limites apparaît dès le premier long métrage de McT, Nomads, qui se situe à Los Angeles. Dans cette mégapole où la plupart des individus sont des étrangers de souche, la langue de chacun diffère selon ses origines. Française pour Pommier et sa femme, américaine pour le docteur Flax (Lesley-Anne Down) et musicale (un rock typique des années 80 composé par Bill Conti et Ted Nugent) pour le peuple invisible et meurtrier de nomades hantant les rues de la ville. Ces derniers ne parlant jamais, cette musique est une véritable composante de leur mode de communication, l’autre étant le mouvement inhérent à leur condition et son corollaire, la danse. Ainsi, lorsque après de longues heures de filature, Pommier parvient enfin à les approcher de suffisamment près pour les photographier, un des membres féminins se met à danser de façon tout à la fois agressive et lascive pour lui et son objectif. Le contact est fait. Et si Pommier peut les voir, eux aussi peuvent vraiment le voir maintenant. Il n’est plus un habitant comme un autre, insignifiant, juste bon à satisfaire leurs pulsions. Il est un corps et un esprit qu’ils vont pouvoir posséder.

(http://versusmag.files.wordpress.com/2014/10/nomads_01.jpg)

(http://versusmag.files.wordpress.com/2014/10/nomads_02.jpg) Avec son film suivant, Predator, McT pousse ces considérations et expérimentations plus loin. L’ennemi étant une fois de plus invisible, se contenter d’écouter et d’observer, dans la même posture passive que Pommier, ne peut mener ici aussi qu’à la mort. Nombreux sont les plans, dans les deux premiers tiers du film, où le commando, l’oreille aux aguets, scrute la jungle (et la musique d’Alan Silvestri de se faire la voix mystérieuse, sourde et oppressante de cette dernière). Ce qui n’empêche nullement le massacre de chacun des membres. Car il s’agira, pour survivre, d’entrer dans le jeu ou plutôt dans la danse, de marcher dans les pas de l’autre et d’oser la confrontation. Ainsi, dans son troisième acte, à l’image du major Dutch Schaeffer (Arnold Schwarzenegger), le film se défait de tout le superficiel (le commando, les sous intrigues et les dialogues) pour dépasser son statut en ne gardant que l’image brute, la musique et cette idée de combat entre deux êtres. Et tout le ballet militaire chorégraphié auquel se livraient Dutch et ses hommes dans leur façon de se mouvoir, d’appréhender la jungle et de s’exprimer par signes (et que McT avait admirablement mis en scène à travers les mouvements fluides de sa caméra, les changements réguliers de point de focalisation au sein de mêmes plans et l’utilisation constante de la musique comme une chape sonore à la fois angoissante et martiale) d’être ramené lui aussi à sa plus simple expression, une danse tribale d’approche et de séduction via tout un jeu autour du mimétisme entre Dutch et l’extra-terrestre.

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(http://versusmag.files.wordpress.com/2014/10/predator_02.jpg) Et si Piège de cristal reprendra bien des éléments à Predator et transformera l’essai, c’est surtout A La Poursuite d’Octobre Rouge qui prolongera cette notion de danse à tout un long métrage. Le film tourne en effet autour (aussi bien au sens littéral que métaphorique) d’un sous-marin russe doté d’une propulsion révolutionnaire qui le rend quasiment invisible car silencieux, détourné par son capitaine pour d’obscures raisons. Nous retrouvons donc d’emblée, dans les prémices du scénario, cette idée d’un monde où l’œil ne servant strictement à rien car incapable de percevoir la réalité des choses, la seule façon de détecter la présence de l’autre réside essentiellement dans sa signature sonore voire musicale. Ainsi, lors d’une scène, une torpille est identifiée comme russe et non pas américaine au son qu’elle émet en frôlant l’Octobre Rouge. Mais c’est surtout la communion spirituelle et idéologique au-delà de la langue et de la culture et mise en scène via l’interaction entre l’image et la musique qui va se dégager du film et ce, dès son générique de début. Le superbe hymne composé pour l’occasion par Basil Poledouris rapproche immédiatement les deux personnages principaux que sont Ramius et Ryan à leur insu, chacun évoluant encore dans sa partie du monde. La musique unifie leurs scènes en rendant le montage plus fluide et apporte un double sens qu’elles n’auraient pas sans elle. A savoir que non seulement Ramius et Ryan vont être amené à se rencontrer donc mais qu’ils partagent déjà un même regard, une même philosophie sur la vie (au point que Ryan sera le seul a découvrir le but caché derrière les agissements de Ramius) puisqu’ils partagent le même hymne et non deux thèmes ou motifs différents.

(http://versusmag.files.wordpress.com/2014/10/octobre-rouge_01.png) Cette communion des esprits par l’image et la musique est reprise lors de la scène d’Yvan le fou (manœuvre russe consistant à faire tourner un sous-marin sur lui-même pour vérifier qu’il n’est pas suivi). Tandis que l’Octobre Rouge effectue lentement un tour complet, le Dallas (sous-marin américain) stoppe ses machines pour ne pas se faire repérer et se laisse glisser. Les deux vaisseaux semblent ainsi se déplacer l’un autour de l’autre comme dans une danse justement, tandis qu’à l’intérieur, Ramius et son second Vassili (Sam Neill) dissertent sur ce qu’ils attendent de l’Amérique. Par le rythme lent de la scène et de la musique, la suspension de temps qu’elles distillent, la fluidité des mouvements de caméra et du montage, les deux équipages semblent alors n’en faire plus qu’un et écouter les deux hommes. Tout le travail de McT tend donc à continuellement vouloir rapprocher russes et américains, à abolir les frontières géopolitiques et à faire des équipages de l’Octobre Rouge et du Dallas qu’un seul et même groupe ethnique. Ce qui adviendra lors de leur rencontre physique véritable, transformant la confrontation finale jusque là de mise dans les précédents films de McT en dialogue. Russes et américains sont alignés face à face comme lors d’un bal, chacun attendant que l’autre ouvre la danse, les lumières clignotantes de l’Octobre Rouge achevant l’illusion. Et c’est encore bien avant le langage le mimétisme qui va désamorcer la situation, Ryan faisant comprendre à l’un des membres de l’équipage russe en train de fumer qu’il aimerait lui aussi une cigarette et ce, même s’il ne fume pas. Il ne peut alors s’empêcher de tousser lors de sa première inhalation, ce qui a pour effet de faire sourire les russes. La glace est ainsi rompue et le dialogue peut alors commencer.

(http://versusmag.files.wordpress.com/2014/10/octobre-rouge_02.jpg) Medicine Man, que McT réalise peu après, participe également de ces mêmes deux principes de mise en scène. Ainsi, son générique de début est un chef d’œuvre d’introduction, une vraie leçon de cinéma, tout en mouvement, celui à la fois du docteur Rae Crane (Lorraine Braco) depuis un avion de ligne pour rejoindre le botaniste Robert Campbell (Sean Connery) au fin fond de la jungle amazonienne, et celui de la caméra qui la suit ou la devance. En à peine cinq minutes exemplaires que la musique tantôt allègre, tantôt dramatique, de Jerry Goldsmith se charge d’unir, McT décline sans en avoir l’air, au travers de plans subtils, tous les renseignements et les enjeux du film nécessaires à son bon déroulement (noms et statuts des personnages et de la compagnie qui emploie le docteur Crane, le but de sa mission, l’incongruité de sa présence en ces lieux, sa difficulté à rejoindre Campbell dans un endroit aussi éloigné via divers moyens de transport, le climat constamment changeant, la déforestation). Plus tard, une montée dans les arbres pour atteindre une fleur porteuse d’éléments pouvant amener à la guérison du cancer devient une danse amoureuse entre les deux personnages, flottant et glissant littéralement dans les airs sur un morceau romantique à souhait de Goldsmith tout en violons suaves (l’un des plus beaux qu’il ait jamais composé). Crane succombera d’ailleurs au charme de la situation et de l’homme et accordera à Campbell ce qu’il désire, un peu de temps : «Vous avez gagné. Je vous donne une semaine. ».

(http://versusmag.files.wordpress.com/2014/10/medicine-man_sous-le-charme.png) Les notions de fluidité, de chorégraphie et de danse interpellent donc plus que jamais McT, au point d’en avoir définitivement fait les éléments constitutifs centraux de son langage cinématographique. Une journée en enfer, dans sa comparaison avec le premier opus des mésaventures de John McClane, permet de mesurer tout ce chemin parcouru. Film faussement chaotique, une scène est particulièrement significative lorsqu’on la met en parallèle avec son équivalent dans Piège de cristal. Il s’agit de celle de l’ouverture des coffres. Le classicisme posé de la neuvième symphonie de Beethoven du premier opus est remplacé ici par la marche militaire « When Johnny Comes Marching Home » (précédemment utilisée dans le film de Stanley Kubrick, Docteur Folamour), réorchestré comme pour la neuvième par le grand Michael Kamen. Face au statisme, aux gestes mesurés, suaves et presque félins de Hans Gruber (Alan Rickman), c’est encore une fois une danse qui naît dans le brouhaha, la sueur, la violence et la mort que nous livre ici McT. Mais c’est avec Thomas Crown (http://blog.revueversus.com/2014/09/27/dossier-johnmctiernan-thomas-crown-power-of-love/) que cette conception chorégraphique de la mise en scène atteint son point culminant, véritable chef d’œuvre de maîtrise de la première à la dernière minute que l’on pourrait presque qualifier dans son approche de comédie musicale où les

minute que l’on pourrait presque qualifier dans son approche de comédie musicale où les protagonistes ne chanteraient pas. Si tout le film repose une fois encore sur l’interaction entre le mouvement des personnages et de la caméra et le son, les multiples accents des différents protagonistes et la musique, cette dernière dicte ici plus que jamais ces mouvements et l’action. Le générique annonce d’ailleurs une fois encore la couleur. La musique de Bill Conti avec ses notes interprétées au piano et son rythme enjoué, les lettres composant les noms des acteurs et les joutes verbales entre Crown et sa psychiatre (Faye Dunaway) se tournent autour et se mêlent comme lors d’une danse. Une danse de séduction autour des faux semblants qui annonce celle que vont effectuer les deux personnages principaux (Crown et Banning) mais aussi celle que Crown va jouer pour subtiliser un tableau (qui n’est pas forcément celui que l’on croit).

(http://versusmag.files.wordpress.com/2014/10/thomas-crown_02.jpg) Par son caractère léger, élégant, sophistiqué et en même temps alerte et espiègle, ce thème principal personnifie à merveille le personnage même de Crown, riche célibataire désabusé que la vie et les gens ennuient et pour qui tout n’est que jeu. Mais une fois le générique passé, à l’image de Crown qui sait cacher son jeu et n’est jamais celui que l’on croit, la musique opère alors un virage à 180°, ne cessant de changer de tempo et de style et de ralentir, accélérer ou suspendre l’action avec maestria au gré des péripéties que rencontrent trois braqueurs pour s’introduire dans le Metropolitan Museum de New York en pleine journée, tandis qu’il y a foule. Cette tentative de vol s’achèvera sur un retournement de situation et la chanson de Nina Simone « Sinnerman » dont l’étonnante instrumentation combinant à la fois le jazz et le flamenco (piano, guitares électriques, claquements de pieds et de mains) a su influencer et guider Conti tout au long du film. Mais cette chanson n’intervient pas de façon maladroite et abrupte après la composition de Conti mais de façon pensée, suite au signal d’incendie que déclenche le gardien en chef du musée et qui rompt ainsi la continuité sonore (une façon ingénieuse de faire et que beaucoup de réalisateurs américains sont encore incapables, alignant les morceaux musicaux et les chansons sans cohésion aucune).

(http://versusmag.files.wordpress.com/2014/10/thomas-crown_03.jpg) La seconde scène d’intrusion dans le musée, qui intervient à la fin, utilisera à nouveau la chanson mais de façon plus complète et parfaite, chaque image, chaque sens derrière l’image étant dictés par les circonvolutions de la voix de Nina Simone jusque dans la révélation finale de la supercherie. Ce n’est pas pour rien qu’au moment de commencer la scène, Crown fait un tour sur lui-même, sachant qu’il est filmé et lance un « Attention, la partie commence. ». La chanson débute alors et il convient ici d’en écouter attentivement les paroles. Elles retranscrivent un dialogue de sourd, celui d’un pêcheur qui s’adresse à Dieu et que Dieu envoie au Diable. Et Crown (et McT avec lui qui, à l’image de son personnage, se jouait du système hollywoodien en le minant de l’intérieur, livrant des films aux allures de blockbusters d’une rare intelligence) de tout envoyer au diable et non au Diable, s’amusant de la crédulité des gens qui les entourent.

(http://versusmag.files.wordpress.com/2014/10/thomas-crown_04.jpg) Le film s’achève sur Crown et Banning enfin unis s’envolant vers d’autres cieux. Tout commence et se finit souvent dans un avion, un hélicoptère voire un aéroport chez McT. Pourquoi ? Peut-être parce que ses personnages sont des êtres sans cesse en transit, géographiquement mais surtout émotionnellement. Et qu’au dessus des eaux, sans repère, sans appartenance, sans cette identité que la société impose, mais toujours dans la mouvance, ils peuvent se laisser aller à révéler leur vrai moi, leurs peurs les plus secrètes même et se retrouver enfin heureux et libres. Le statisme signifiant la mort chez McT, aller de l’avant, toujours, est la seule solution pour survivre. Philippe Sartorelli

Dossier John McTiernan – Last Action Hero : décodeur et déconneur Publié par versusmag9 octobre, 2014

(https://versusmag.files.wordpress.com/2014/10/last-action-hero_aff.jpg) En 1993, époque où sort Last Action Hero, John McTiernan a 32 ans. Il a déjà aligné deux gros succès au box-office, Predator et Die Hard (http://www.revueversus.com/diehard.html) (Piège de cristal), suivis de deux films interprétés par Sean Connery, The Hunt for Red October (http://blog.revueversus.com/2014/10/01/dossier-john-mctiernan-a-la-poursuite-doctobrerouge-la-symphonie-du-langage/) (À la poursuite d’Octobre Rouge) et Medicine Man. Autant

rouge-la-symphonie-du-langage/) (À la poursuite d’Octobre Rouge) et Medicine Man. Autant dire qu’il est un cinéaste comblé que l’on prend au sérieux. Comme il a déjà travaillé avec Arnold Schwarzenegger et qu’il se sent à l’aise dans le film d’action, McTiernan décide de décortiquer ce qu’est le genre, de le décoder, de le démonter et le remonter devant les yeux ébahis des spectateurs. Bref, d’en donner tout à la fois une vision décalée qui prend beaucoup de recul et d’être à fond dedans. Le principe est simple. Depuis qu’il existe, le cinéma fait rêver les spectateurs qui se verraient bien, suivant leur âge et leur sexe, ferrailler avec les vedettes des films de pirates, accompagner les cowboys dans leurs longues chevauchées, enquêter avec les détectives ou partir au bras de la star à la fin du film. On se souvient que Buster Keaton, projectionniste de son état dans Sherlock Junior (1924), s’endort pendant son boulot et parvient à conquérir le cœur de sa bien-aimée en traversant l’écran pour résoudre l’énigme qui occupe les protagonistes du film et, surtout, prendre de l’assurance face à elle lorsqu’il reviendra à la réalité. Beaucoup plus tard, ce sont les interprètes de Purple Rose of Cairo (1985, La rose pourpre du Caire) qui, à leur, tour, traversent l’écran pour venir s’égayer dans le monde réel. Au début de Last Action Hero, nous faisons connaissance avec le jeune Danny (Austin O’Brien), qui passe tout son temps libre à voir les films de son idole, Jack Slater (Schwarzenegger). Le gentil et vieux projectionniste, qui regrette l’époque prestigieuse où les salles étaient pleines, propose au jeune garçon une avant-première privée du dernier film de Slater (Jack Slater IV, tout un programme) et lui donne un ticket de cinéma que, dans son jeune temps, le magicien Harry Houdini lui avait offert. Évidemment, la magie opère et le gamin se retrouve dans la bagnole de Slater poursuivie par les méchants. Le décor est planté et McT additionne les poncifs du cinéma d’action : une star musclée, un décor traditionnel (combien de courses folles se sont-elles déroulées le long de la L.A. River ?) et une poursuite.

(https://versusmag.files.wordpress.com/2014/10/danny.jpg) En un plan subjectif, le garçon traverse la salle new-yorkaise pour passer dans le film hollywoodien. Il est assis en train de déguster son pop-corn quand le billet magique de Houdini commence à briller dans la poche de sa chemise. Un bâton de dynamite roule dans l’allée principale du cinéma. Affolé, Danny se précipite vers l’écran et… Le plan suivant montre un ciel typiquement californien, bleu et constellé de palmiers. Le gamin est allongé sur le siège arrière de la voiture de Jack Slater et, à partir de là, McTiernan va procéder à un véritable jeu de massacre

la voiture de Jack Slater et, à partir de là, McTiernan va procéder à un véritable jeu de massacre des lieux-dits du film d’action. À commencer par le caractère imperturbable du héros. Poursuivi par une féroce horde de méchants, il se retrouve avec un gniard sur le siège arrière et n’est pas plus étonné que cela. Ne parlons pas des cascades phénoménales, des explosions nucléaires, de l’immortalité du héros qui essuie une fusillade à côté de laquelle l’ensemble des combats de la guerre de 14 ressemble au résultat d’un pétard mouillé.

(https://versusmag.files.wordpress.com/2014/10/last-action-hero_action-impossible.png) Dans cette surenchère explosive, le cinéaste se moque de ce qu’il connaît parfaitement. N’a-t-il pas lui-même tiré sur les mêmes ficelles, usé et abusé lui aussi d’un héros cabotin, toujours le bon mot à la bouche, imperturbable devant le sort qui s’acharne contre lui ? Car l’ironie de Last Action Hero est déjà bien présente dans Die Hard et John McClane qui, dans l’opus 3 de la série, se résout enfin à téléphoner à la femme qu’il aime mais dont il est séparé, n’a finalement rien à envier à Jack Slater. Lui, c’est son ex qui le harcèle au téléphone. Prêt à la parade, il a enregistré une série de « Hum ! Hum ! Oui ! » sur une bande magnétique qu’il fait défiler contre le combiné. Truffaut expliquait en substance qu’une œuvre cinématographique ne peut se pratiquer qu’à trois : le cinéaste, le film et le public. McTiernan va plus loin en intégrant le public dans le film. Le public devient acteur. Ce n’est bien sûr pas la première fois qu’une telle mise en abyme se produit à l’écran – on peut penser également au fameux Angoisse de Bigas Luna. Ici, par un effet Vache qui Rit, le plaisir va désormais se pratiquer à quatre : le cinéaste, le film, le spectateur dans le film et le vrai public.

(https://versusmag.files.wordpress.com/2014/10/schwarz-flingue.jpg) Comme les grands auteurs classiques qui décrétaient que le premier plan d’un film devait contenir l’essentiel de son propos, McTiernan pose lui aussi les bases de sa comédie d’entrée de jeu : un film d’action pure faisant la balance avec un recul humoristique salutaire. L’ouverture de Last Action Hero est digne d’un polar syndiqué : une rue américaine la nuit, des voitures de police garées dans tous les sens et gyrophares allumés, un immeuble avec un cadavre qui tombe du toit… Jusque là, tout irait normalement dans le meilleur des mondes filmés possibles si ce n’était l’apparition d’un lieutenant de police hurlant (Frank McRae), un peu décalé par rapport à ce récit bien huilé. Puis arrive Jack Slater, caricature du flic marginal qui n’en fait qu’à sa tête. La caméra démarre sur ses tiags, remonte au ceinturon et finit sur le visage de Schwarzenegger. Occasion pour le lieutenant de hurler de plus belle, comme si lui aussi découvrait avec le spectateur que les tiags et le ceinturon menaient à Slater. Comment ne pas penser au traitement du corps de Stallone dans la bande-annonce de First Blood II (1985, Rambo II), avec les gros plans sur les muscles, les bottes en train d’être lacées, le bandana… ?

(https://versusmag.files.wordpress.com/2014/10/last-action-hero_pied-slater.png) La suite du récit va ainsi être émaillée d’une série de clins d’œil, plus ou moins appuyés. En entrant dans le commissariat (où un fonctionnaire vient chercher la voiture du policier comme

entrant dans le commissariat (où un fonctionnaire vient chercher la voiture du policier comme dans un palace de Las Vegas), Slater et Danny croisent Sharon Stone puis Robert Patrick, le méchant robot de Terminator 2. Danny a à peine le temps de se retourner que Slater l’entraîne déjà à l’intérieur où un curieux rituel, à peine démarqué d’une séquence vue maintes et maintes fois dans les polars, associe deux flics pour être partenaires sur une enquête. On voit ainsi un rabbin, un personnage de dessin animé, un gros vraiment très gros, etc. Dans cette foule bigarrée autant qu’agitée, on aperçoit également une très jolie fliquette toute de cuir vêtue, en short et gros flingue au poignet, tenant en joue un malfrat. Slater revoit un vieux copain ? Il est incarné par F. Murray Abraham, rendu célèbre à l’époque par son rôle de Salieri dans Amadeus (1984) de Milos Forman. Danny prévient Slater : « Méfie-toi de lui, il a tué Mozart ». Les gags en ce sens sont innombrables. Danny ne cesse de répéter que, « Holly Cow ! », il est « in a movie », ce qui agace passablement Slater. Pour convaincre le personnage joué par Schwarzenegger que l’acteur Schwarzenegger existe, Danny entraîne Slater dans un vidéo-club, s’approche du rayon SF, voit une affiche du Terminator de Cameron. La caméra remonte : le film est interprété par Stallone ! Et Slater d’en rajouter : « Ah oui ! Il est formidable dans ce rôle ! » Le gamin demande alors à Slater de se questionner : par quel effet du hasard toutes les filles qui circulent dans ce magasin sont-elles aussi belles ? « Tu ne comprends pas qu’on est dans un film ? », insiste le gamin. Et Slater a cette réponse parfaite : « Non ! On est juste en Californie ! »

(https://versusmag.files.wordpress.com/2014/10/terminator-2-_-le-jugement-dernierposter_402472_28711.jpg)

(https://versusmag.files.wordpress.com/2014/10/terminator.jpg) Slater, qui ne sait pas prononcer le nom de Schwarzenegger, fait mine de partir avant de lancer : « I’ll be back ! » Puis, en regardant Danny : « Tu ne t’attendais pas à celle-là, hein ? » Ce gag aura vraiment marqué Schwarzenegger qui s’en sert encore dans les derniers Expendables. Pour parfaire ce parcours ironique, McTiernan va même imaginer Slater dans le rôle du « 1st Action Hero » : Hamlet. Sous-entendu : oui, il y a vraiment quelque chose de pourri dans le royaume hollywoodien qui serait capable, sérieusement, de recycler Shakespeare tellement les studios sont (déjà) en manque de scénarios originaux.

(https://versusmag.files.wordpress.com/2014/10/hamlet.jpg) Dans la deuxième partie du film, McT inverse la situation : ce n’est plus un gamin réel qui s’introduit dans une fiction mais des personnages de fiction qui pénètrent par effraction dans le monde réel. Slater s’aperçoit que faire des cascades fait mal, de même que fracasser une vitre. Et quand il est en présence de l’acteur qui joue son rôle, c’est-à-dire lorsque Slater se retrouve face à Schwarzenegger, le grand Arnold s’amuse à se décrire comme un véritable crétin que sa femme ne cesse de remettre en place. McTiernan va plus loin en mélangeant les genres. Les intellectuels ont tendance à faire la fine bouche devant un film d’action alors, en pleine poursuite agrémentée de coups de flingues, le cinéaste vient débusquer un personnage du Septième sceau de Bergman et voilà l’Éventreur (incarné par Tom Noonan) du Jack Slater III faire plan commun avec la Mort (Ian McKellen) bergmanienne. Formidable réalisateur de films d’action, John McTiernan montre qu’il n’est pas dupe et qu’il sait où sont les limites du genre. Prenons l’une des premières séquences du film, après l’ouverture. Danny, qui a séché l’école pour aller voir pour la énième fois Jack Slater III, rentre chez lui, où il vit avec sa mère qui est veuve. Elle le gronde à peine de n’avoir pas été en cours et part travailler de nuit en lui recommandant bien de verrouiller l’appartement. Mais Danny se laisse surprendre par un cambrioleur qui pénètre chez lui. L’ambiance est glauque, plutôt sordide et, après cette entrée en matière du genre sinistre, McTiernan va se dépêcher de sortir son petit personnage de sa vie pas tellement marrante pour le plonger là où Mia Farrow est si bien, elle qui dans La rose pourpre du Caire n’a pas non plus une existence rose : dans un film. Il n’y a guère que là, au sein de l’action, calé dans un 35 mm, que l’on peut se sentir confortablement bien. Et oublier tout le reste. Jean-Charles Lemeunier

Dossier John McTiernan – Le Treizième guerrier : Le silence des guerriers Publié par versusmag13 octobre, 2014

(https://versusmag.files.wordpress.com/2014/10/le-13eme-guerrier-affiche.jpg) Oui, John McTiernan n’a pas eu le final cut sur Le 13ème guerrier (http://louvreuse.net/Analyse/le-treizieme-guerrier.html), viré de la salle de montage par Michael Crichton, coproducteur du film et auteur du livre dont est il est tiré. Oui, nous ne visionnerons sans doute jamais cet hypothétique director’s cut, fantasme de fans, qui ne verra jamais le jour tant McT semble avoir définitivement tourné la page même s’il n’a pu nous livrer sa

vision personnelle du métrage. Oui, c’est donc avec frustration que l’on découvrit en salles en 1999 ce film maudit, qui précipite le réalisateur dans un déclin (du point de vue commercial, s’entend, car Rollerball (http://louvreuse.net/Dossier/les-archives-mctiernan-rollerball.html)et Basic (http://louvreuse.net/Dossier/les-archives-mctiernan-basic.html) restent de grands moments de cinéma) au vu des faibles entrées réalisées par le film. Et pourtant, cette adaptation du roman Le Royaume de Rothgar – inspiré par les aventures de l’ambassadeur Ibn Fadlân au Vème siècle – est sans doute l’un des métrages les plus flamboyants et fascinants de John McTiernan. On aurait même envie de crier au chef d’œuvre, si le réalisateur n’avait pas été aussi entravé dans son travail de metteur en scène. John McTiernan est l’un des plus grands formalistes du cinéma américain (mais il est évidemment bien plus que cela) ; inutile de revenir en détail sur ses qualités de mise en scène, de gestion de l’espace, de sa capacité à iconiser ses personnages via cadres et mouvements de caméra, etc. Nombre de séquences de ses films pourraient (devraient ?) être enseignées dans les écoles de cinéma. Dommage que le réalisateur reste encore cantonné par certains au statut de simple cinéaste de films d’action. La séquence qui nous intéresse ici n’est pas la plus magistrale d’un point de vue cinématographique ; ni la plus fondamentale dans l’intrigue du film ; ni la plus intense dans ses enjeux émotionnels. On peut lui préférer celle de l’attaque nocturne du village viking par l’armée wendol. Ou la scène qui décrit les rares survivants des treize guerriers s’aventurant dans l’antre de leurs ennemis à la fin du métrage. Ici, la séquence semble a priori anodine, peu spectaculaire, une simple scène de transition dans l’intrigue. Or il n’en est rien. L’analyse de cette séquence permet au contraire de montrer à quel point McT apporte un soin particulier à ces « petites » scènes qui, mises bout à bout, contribuent à faire un grand film. Et Le 13ème guerrier est un grand film, assurément.

(https://versusmag.files.wordpress.com/2014/10/image-1-drakkar.jpg) Séquence très courte (à peine quatre minutes) intervenant après le premier tiers du métrage, elle n’en demeure par moins essentielle à de nombreux points de vue. Il s’agit tout d’abord de la première réelle scène d’action du film, donc forcément celle qui va déterminer pour le spectateur la crédibilité ou non de la suite du métrage. Par ailleurs, il s’agit de la première confrontation entre les treize guerriers et leurs ennemis, les Wendols donc. Ce premier contact entre les deux camps doit notamment faire apparaître les Wendols comme une menace réelle pour nos valeureux héros ;

doit notamment faire apparaître les Wendols comme une menace réelle pour nos valeureux héros ; la mission des guerriers vikings se doit d’être difficile, dangereuse, et imprévisible, alors même qu’il s’agit de guerriers impressionnants de force et de charisme – en premier lieu leur roi, Buliwyf, incarné par Vladimir Kulich. McTiernan parvient à créer une tension palpable dans le premier acte de cette séquence (l’attente de l’attaque), conscient que nos héros doivent apparaître comme prudents et lucides quant au péril qui les attend. Impossible de ne pas corréler cette séquence aux mots utilisés plus tard par Herger (Dennis Storhoi) lors de son combat contre le Viking Angus (plus jeune et plus robuste que lui) après la « querelle de chantier » entre les deux hommes : il est nécessaire d’apprendre à juger ce que l’on ne voit pas, et de craindre ce que l’on ne sait pas. Une attitude de sage méfiance de la part des héros, d’autant plus que les Wendols sont empreints d’une aura mystique et surnaturelle laissant penser qu’ils ne sont pas vraiment humains. Enfin, cette séquence doit aboutir à la disparition de certains des guerriers. Pas seulement pour souligner la dangerosité des assaillants ennemis, mais aussi dans une logique de simplification narrative : avec treize personnages principaux, l’intrigue se complexifie et le spectateur peut éprouver quelques difficultés à s’y retrouver – voire à s’identifier aux protagonistes. Il est donc grand temps de faire mourir certains des guerriers volontaires pour cette noble mais difficile mission !

(https://versusmag.files.wordpress.com/2014/10/13c3a8meguerrier_rc3a9union.jpg) Plus fondamentalement, cette séquence constitue une étape charnière dans l’intégration d’Ahmed Ibn Fahdlan dans le groupe de guerriers vikings qu’il accompagne. Le diplomate arabe n’est pas encore très intime avec ses camarades, qui se moquent encore de lui. Fait remarquable, après ladite séquence, les Vikings continueront à railler cet étranger si différent d’eux, mais ils riront désormais ensemble, avec lui et non contre lui (voir la scène où Ahmed Ibn Fahdlan transforme une épée viking en « poignard » et se fait gentiment chambrer par l’un des Vikings qui voudrait la même arme pour sa fille). Si la séquence illustre donc le début de l’acceptation d’Ahmed Ibn Fahdlan comme membre à part entière du groupe, c’est également parce que, de diplomate embarqué dans une aventure qui le dépasse, le personnage interprété par Antonio Banderas devient sinon un guerrier du moins un combattant estimable et digne de confiance. Parler de fait d’armes glorieux serait largement exagéré à ce moment du récit (il ne blesse mortellement qu’un seul ennemi durant le combat et se fait rapidement assommé), mais Ahmed Ibn Fahdlan révèle certaines qualités que ni ses pairs ni le spectateur ne lui soupçonnaient. Des qualités qui seront pleinement visibles lors des combats qui suivront et qui feront du combattant arabe un guerrier aussi efficace et courageux que ses compagnons de lutte.

(https://versusmag.files.wordpress.com/2014/10/13emeguerrier_endormis.jpg) Lors du premier acte, les héros sont endormis, en cercle, les uns à côté des autres. Une harmonie et une symétrie rompues par le réveil en sursaut d’Ahmed Ibn Fahdlan, qui constate que ses compagnons font, eux, semblant de dormir. Les mouvements de caméra – lents et précis – passent des visages des Vikings à leurs mains empoignant leurs armes. Si l’ambiance est calme et sereine, la tension n’en est pas moins présente parmi les guerriers. Ces plans sur les protagonistes à l’intérieur de la pièce sont entrecoupés de regards sur l’extérieur : de légers travelings de haut en bas, se concluant par des décrochages plus rapides sur le côté (droite ou gauche), manifestent la tentative des héros de déceler les mouvements ennemis à travers les interstices des murs. Une tentative vaine. Ce n’est que lorsque les Wendols pénétreront violemment dans la pièce que la menace sera enfin visible pour nos treize guerriers. Changement de ton lors du deuxième acte : les mouvements de caméra sont plus rapides ; les cuts plus nombreux ; la caméra se positionne au cœur de l’action, renforçant le côté immersif de la scène (remember le premier Die Hard (http://www.revueversus.com/diehard.html) que l’on cite souvent comme le précurseur de cette mise en scène hautement immersive). La grande lisibilité des scènes d’action réussit paradoxalement à transmettre l’atmosphère de confusion et de chaos qui règne dans la pièce. Le spectateur ne sait pas toujours qui meurt parmi les Vikings. La stratégie initiale choisie – créer un cercle et se battre dos à dos – est rapidement battue en brèche tant les assaillants désorganisent les héros. Des assaillants qui sont toujours sans identité, McTiernan choisissant de ne jamais cadrer les visages des Wendols mais préférant se concentrer sur leurs attaques et sur les conséquences de celles-ci – quelques têtes arrachées très explicites et cadrées en plan serré agrémenteront d’ailleurs ce deuxième acte. Par ce procédé de mise en scène classique, le réalisateur cherche à préserver le caractère mystérieux et inquiétant de la tribu barbare. L’heure n’est pas encore à la divulgation de leur identité réelle, à la monstration de cet ennemi redoutable. Les Wendols restent à ce moment de l’intrigue une menace latente et imperceptible, inconnue et donc terrifiante.

(https://versusmag.files.wordpress.com/2014/10/image-2-brume.jpg) La caméra s’apaise lors du troisième et dernier acte, après le départ des Wendols. La mise en scène redevient plus calme et posée, McT s’attarde en gros plans et plans moyens sur les visages perplexes et anxieux de ses personnages, terrifiés par l’absence de cadavres ennemis malgré les coups mortels qu’ils leur ont portés. Ce premier combat semble être sans réel vainqueur, et pourtant il signe la première défaite des treize guerriers dans leur mission : ils n’ont pas réussi à prendre l’ascendant psychologique sur leur adversaire, et cette bataille a même au contraire renforcé leurs antagonistes – leur caractère surnaturel et magique s’affermit dans l’esprit des combattants vikings, même s’ils observent que leurs étranges ennemis saignent, et sont donc mortels.

(https://versusmag.files.wordpress.com/2014/10/image-3-feu.jpg) Il faudra attendre la deuxième attaque – plus massive et plus longue – pour que nos héros comprennent que les wendols ne sont que des hommes. Malgré les pertes importantes subies dans cette nouvelle bataille, il s’agit d’une étape supplémentaire dans la connaissance de l’ennemi et donc vers la victoire, qui nécessitera d’aller affronter l’adversaire sur son territoire, et non plus de résister en défendant la « cité ». La découverte progressive par les guerriers de la nature et de l’identité des wendols – si importante pour la victoire finale – illustre à merveille ces quelques

mots de Sun Tzu dans L’Art de la guerre : « connais ton ennemi et connais-toi toi-même ; eussiez-vous cent guerres à soutenir, cent fois vous serez victorieux ». Fabien Le Duigou Le trailer original quand le film était encore baptisé Eaters Of The Dead et donc avant que Crichton s’en mêle :

THE THIRTEENTH WARRIOR Réalisateur : John McTiernan Scénario : Micahel Crichton, William Wisher, Warren Lewis Production : Lou Arkoff, Michael Crichton, John McTiernan, Andrew G. Vajna Photo : Peter Menzies Jr Montage : John Wright Bande originale : Jerry Goldsmith Origine : Etats-Unis Durée : 1h42 Sortie française : 18 août 1999 Occasionnellement, certains de vos visiteurs verront une publicité ici. Concernant ces publicités (http://wordpress.com/about-these-ads/) Dites m'en plus (http://wordpress.com/about-these-ads/) | Supprimer ce message

Publié dans: McTiernanTagué: 7e Art, acte, action, adaptation, Antonio Banderas, arabe, Basic, bataille, caméra, chaos, cinéma, défaite, Dennis Storhoi, Die Hard, director's cut, ennemi, Fabien Le Duigou, final cut, Guerriers, harmonie, Ibn Fadlan, identité, immersion, inconnu, intégration, John McTiernan, L'Art de la guerre, Le 13ème guerrier, Le Royaume de Rothgar, McT, menace, Michael Crichton, revue versus, Rollerball, séquence, Sun Tzu, surnaturel, tension, traveling, Versus, versusmag, Viking, Vikings, Vladimir Kulich, WendollPermalienUn commentaire

Une réflexion sur “Dossier John McTiernan – Le Treizième guerrier : Le silence des guerriers”

DIE HARD / PIÈGE DE CRISTAL John McTiernan (1988)

Véritable parangon du divertissement de qualité, qui ne prend donc pas le spectateur pour un simple bouffeur de pop-corn, la saga Die Hard sʼest peu à peu imposée comme le mètre-étalon du cinéma dʼaction. Comment expliquer son succès, sa reconnaissance publique comme critique ? Le 4ème épisode, sorti pendant l'été 2007, a eu beau tenter dʼappliquer les mêmes recettes, lʼessence de la saga sʼest volatilisée. Voilà une bonne occasion de revenir aux sources du mythe et dʼen explorer les fondements. Die Hard premier du nom est fondamental car sous ses airs de série B friquée, il a, depuis sa sortie en 1988, redéfini les standards du film d'action yankee. Dès lors, toute la production sera évaluée à l'aune du chef-dʼœuvre séminal de McTiernan. Alors inconnu du grand public, cʼest dans le giron du producteur Joel Silver que John McTiernan aura lʼoccasion de sʼexprimer. Les projets de Silver sont avant tout caractérisés par les 3 G : Glamour, Gros budget et Grosses explosions ! Mais aussi par l'indéfectible instinct de ce mogul qui parvient souvent à associer avec bonheur diverses sensibilités. Ainsi se retrouve rassemblée une équipe pour le moins hétéroclite : Steven E. De Souza (screenplay), Jan de Bont (directeur de la photo et transfuge de chez Verhoeven), l'étoile montante Bruce Willis, et Alan Rickman (acteur de théâtre avant tout). Mais cette conjugaison de talents ne vaudrait rien sans le génie de McTiernan qui a transcendé ce script, disons-le, de série Z. Plus que dans Predator, ce film contient en germe ce qui définira toute la filmographie de McT. Attirance pour les héros solitaires contraints de s'adapter à un environnement inconnu et hostile, jeu sur la communication (difficulté linguistique, limitation des moyens techniques), mise à l'épreuve physique, forte caractérisation des personnages, nécessité d'un retour à un comportement bestial. Mais c'est bien sa mise en scène qui retient l'attention. Sous ses airs de gros bourrin, McTiernan se révèle un esthète toujours attentif à la composition des cadres, au rythme et d'un classicisme absolus caractérisés par une grammaire cinématographique des plus concises (le sens des images est préservé malgré une éventuelle absence de dialogues). Mieux, il est un véritable chantre de mouvements de caméra alors inédits outre-Atlantique et utilisés dans le cinéma européen depuis des décennies. Mais surtout, le réalisateur n'a pas son pareil pour dépeindre la topographie d'un lieu (jungle végétale ou urbaine, tour high-tech) en quelques plans tout en énonçant clairement les enjeux narratifs. Voir la séquence où McClane pénètre dans la tour Nakatomi. Son parcours, aboutissant à la fête organisée à l'étage où travaille son épouse, permet de présenter rapidement et simplement les protagonistes et préfigure également le chemin qu'emprunteront les «terroristes». Entre guillemets car McT le malicieux a choisi de désamorcer toute violence politique (donc réaliste) inhérente à ce statut, faisant d'eux, in fine, de simples voleurs. D'ailleurs tout le film baigne dans une certaine ironie – des propos tenus par les bad-guys aux attitudes caricaturales des agents fédéraux Johnson, en passant par le contre-emploi de Willis évoluant habituellement dans un registre comique – qui nous convainc que nous sommes en présence d'un pur divertissement mais bien loin d'être simpliste. La bande à Hans fait peut être sourire mais pas rire. L'exécution plutôt sèche et violente de Takagi atteste quʼelle demeure dangereuse et impitoyable.

Confronté à un nouveau type de menace, John McClane trouvera son salut dans la verticalité, utilisant les possibilités offertes par la tour. Son exploration sera balisée de multiples repères visuels (le plus notable étant le poster d'une charmante demoiselle très peu vêtue !) qui permettront au spectateur de constamment se situer. À tel point, qu'après visionnage, il sera presque capable de dessiner les plans des différents étages. La connaissance de l'agencement des lieux sera donc déterminante, tout comme l'action du flic noir à l'allure débonnaire qui sera le seul soutien de notre cow-boy solitaire et surtout son seul lien avec l'extérieur. Leurs scènes communes sont par ailleurs exemplaires de la maîtrise de l'espace de McTiernan. Bien que tournées à plusieurs mois d'intervalle, le placement précis de chacun dans le cadre et le montage donnent l'illusion de la proximité et de la réciprocité. Leurs conversations se déroulent comme s'ils étaient face à face. Les voilà unis par delà le cadre, par delà le temps. De même certains champs/contre-champs sont avantageusement remplacés par des travellings latéraux, liant un peu plus chaque protagoniste. Un procédé rappelant les décadrages propres aux reportages pris sur le vif et qui renforce l'immersion dans la fiction. Cette façon de filmer caméra à l'épaule sera d'ailleurs largement employée et amplifiée dans le troisième épisode. Au-delà d'un simple actioner ultra jouissif, le film se permet quelques digressions sur la doctrine alors en vigueur dans ces glorieuses eighties. À l'époque, certains studios hollywoodiens étaient confrontés à la prise d'intérêt plutôt agressive de compagnies japonaises. L'explosion de la tour Nakatomi est à ce titre lourde de signification. Alors que les années 70 étaient définies par le doute envers les institutions (watergate oblige), les années 80 sont celles où les minorités se voient méprisées. Une trahison des élites symbolisée par le personnage d'Ellis, prêt à «vendre» McClane pour s'en sortir. Et le sort qui lui est réservé, une balle dans la tête, traduit assez bien la position (certes radicale, ici) de McTiernan. L'autre trait de génie du film est d'être parvenu à renverser le rapport de force entre les preneurs d'otages et l'électron libre McClane. Une fois qu'ils ont pris possession des lieux, le seul danger, envisagé et envisageable, viendra de l'extérieur. Or, ils ne sont pas du tout préparés à affronter une menace interne et encore moins le boogeyman McClane ! Et oui, ce brave John s'apparente clairement à ces tueurs faisant le bonheur des slashers. Disparaissant et apparaissant au gré du montage, c'est lorsqu'il se retrouve dans le même cadre que ses adversaires qu'il devient mortel. À la seule différence, qu'au lieu d'utiliser les interstices aménagés par le hors-champ, ses déplacements s'effectuent à travers des conduites d'aération et autres cages d'ascenseurs. Ensuite, il demeure menaçant parce que non identifié. Un des enjeux majeurs sera pour lui de rester invisible, impossible à circonscrire, anonyme. Enfin, John McClane figure le chaos, le retour de l'organique dans une société aseptisée. Il sue, râle de douleur, saigne. Bientôt, c'est toute la tour (donc le film) qui se retrouve maculée de son empreinte (autant celle de McTiernan que celle de son alter égo filmique). Le film s'assume complètement en tant que divertissement haut de gamme et montre un réel respect pour son public en refusant tout second degré ou cynisme. Il n'en reste pas moins qu'il est imprégné d'une constante ironie confinant à une certaine joie de vivre. L'hymne à la joie rythmant le film et finissant par retentir dans toute sa splendeur lors de l'ouverture du coffre, en demeure la parfaite illustration. Et puis, John McTiernan saura rester humble alors que ce chef-d'œuvre de virtuosité et d'inventivité aura traumatisé bon nombre de réalisateurs américains qui s'y mesureront. Par ses angles de caméra inédits, l'utilisation de travellings coulants et de la steadycam, un montage fluide, le souci du détail, Die Hard a réinventé les codes esthétiques usuels des blockbusters. Soit filmer l'action autrement. Une étiquette forcément réductrice puisque le succès de ce film, devenu modèle à reproduire, se définit aussi et avant tout par sa capacité à démythifier les héros monolithiques peuplant habituellement ce genre de fictions et son caractère réflexif, à la fois sur le genre et l'œuvre de McTiernan. Die Hard pouvant s'envisager comme un reflet inversé de Predator, où déjà un groupe d'hommes était décimé par une entité indéfinie. McClane jouant ici le rôle de l'«alien» et ce, à double titre, puisqu'il est à la fois étranger à la doctrine en vigueur et au lieu d'action. Mais au-delà dʼun aspect «fun» et décomplexé, McTiernan parvient malgré tout à

Mais au-delà dʼun aspect «fun» et décomplexé, McTiernan parvient malgré tout à parsemer le film de considérations sociales et politiques. Une critique à peine déguisée du libéralisme sauvage et surtout une mise en valeur de «l'homme de la rue», parfaitement personnifié par le flic new-yorkais, John McClane. Attachement aux cols bleus qui atteindra son paroxysme dans Die hard with a vengeance – Une Journée en enfer. Nicolas Zugasti

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Dossier John McTiernan – trajectoires : grandes manœuvres Publié par versusmag17 octobre, 2014

(https://versusmag.files.wordpress.com/2014/10/die-hard-3_simon-stop.png) La préoccupation majeure du héros mctiernanien est d’ouvrir son horizon (physique et/ou inellectuel) à l’issue d’un parcours initiatique plus ou moins chaotique, trouver une porte de sortie à son enfermement. Les versants masculins des archétypes que McTiernan met en scène agissent ainsi radicalement sur le milieu dans lequel ils sont plongés contre leur gré, en redéfinissant les contours et les lignes de force afin d’y survivre. Les personnages féminins font face à une transformation plus subtile puisqu’elles évoluent afin d’intégrer le monde de leur prétendant non pas en se soumettant à de nouvelles règles (les rapports amoureux se muent en rapport de force, exacerbés entre jeu de séduction et de domination) mais en acceptant de nouvelles conditions correspondant à leur ouverture d’esprit élargie par l’aventure vécue. Seule la docteur Flax fait office d’exception car dans Nomads (http://blog.revueversus.com/2014/10/15/dossier-john-mctiernan-nomadsland/) elle se voit parasitée par l’esprit de Pommier et ne doit son salut qu’en quittant l’état de Californie. Il n’y a pas d’harmonie possible dès lors que l’âme de l’anthropologue est finalement possédée par les créatures fantastiques le poursuivant. Pour la docteur Crane dans Medicine Man, Catherine Banning dans Thomas Crown (http://blog.revueversus.com/2014/09/27/dossier-john-mctiernan-thomas-crown-power-oflove/), la capitaine Osborne dans Basic et dans une moindre mesure Aurora dans Rollerball, tout se joue sur les efforts qu’elles produisent pour changer leur mode de pensée et de vie. En tout cas, il demeure un enjeu primordial, les héros mctiernanien, quelquesoit leur genre cinématographique ou de nature, éprouvent leur limites afin de tracer de nouvelles trajectoires dans le monde immense et clos auquel ils sont confrontés.

(https://versusmag.files.wordpress.com/2014/10/die-hard-3_mcclane.jpg) Huit clos Que ce soit une jungle touffue comme dans Predator ou Medicine Man, ou bien de métal et urbaine comme dans les deux volets de Die Hard mis en scène par McTiernan, ou encore les eaux internationales d’A La poursuite d’Octobre Rouge (http://blog.revueversus.com/2014/10/01/dossier-john-mctiernan-a-la-poursuite-doctobrerouge-la-symphonie-du-langage/), l’espace des protagonistes est défini, dominé, par des antagonistes divers (invisibles, indéfinis ou avançant masqué) dont le héros mctiernanien ne pourra se défaire qu’au prix d’exploits physiques incroyables pour détourner les voies tracées. Ceci étant valable aussi bien pour les codes du film d’action que pour la topographie imposée. Un enfermement que McT symbolise fréquemment à l’écran par l’emploi de la figure du 8 ayant la particularité de représenter à l’horizontale le signe de l’infini. C’est particulièrement visible dans Basic lorsque au moment de décéder suite à un empoisonnement le soldat Kendall dessine avec son sang cette figure spécifique dans la paume de main de la capitaine Osborne.

(https://versusmag.files.wordpress.com/2014/10/basic_infini.png)

(https://versusmag.files.wordpress.com/2014/10/basic_huit.png) Ce qui apparaît comme le signe de l’infini, illustrant dans le récit le cloisonnement et la reproduction de comportement inhérent au milieu militaire, et ici la base, dans lequel ils évoluent. En tournant sa main doigt vers le haut, l’infini se transforme en huit, représentatif de la Section Eight à laquelle appartient Tom Hardy. Un chiffre apparaissant enfin dans un énorme ballon représentant une boule de billard suspendu au dessus de l’entrée du repaire de la mystérieuse section, tel une enseigne, un emblème.

(https://versusmag.files.wordpress.com/2014/10/basic_section-height.png) Une boule de billard particulière que l’on retrouve dans Last Action Hero (http://blog.revueversus.com/2014/10/09/dossier-john-mctiernan-last-action-hero-decodeur-etdeconneur/) en tant qu’un œil de verre du tueur Bénédict. Pas de section 8 ici mais le passage du monde fictionnel de Jack Slater à celui réel de Danny Madigan formalisant un espace immense figurativement refermé.

(https://versusmag.files.wordpress.com/2014/10/last-action-hero_petit-huit.png) Ce n’est pas toujours représenté de manière si imagé mais peut être la finalité de mouvements adoptés par les personnages. Ainsi, dans A La poursuite d’Octobre Rouge, les deux manœuvres dites « Ivan le fou »initiées par le sous-marin russe sont réalisées une première fois par babord puis la seconde fois par tribord (comme deviné par Jack Ryan au moment de convaincre le commandant de l’U.S.S Dallas du bien fondé de sa théorie). A plusieurs séquences d’intervalles se dessine ainsi mentalement et intuitivement deux boucles entremêlées que l’on peut rapporter à la forme d’un huit. Par ses multiples tactiques, le commandant de l’Octobre Rouge, Marko Ramius, tente de s’extraire de l’espace idéologique et délétère de la Mère Russie.

(https://versusmag.files.wordpress.com/2014/10/octobre-rouge_ramius.jpg) Une double boucle liée que l’on retrouve dans la forme de la piste de Rollerball sur laquelle patinent Jonthan Cross et ses équipiers, symbole de l’emprise du magnat Alexis Petrovich (Jean Reno) sur eux ainsi que de la canalisation de la population.

(https://versusmag.files.wordpress.com/2014/10/rollerball_circuit.png)

(https://versusmag.files.wordpress.com/2014/10/rollerball_circuit-2.png) Enfin, dans le premier Die Hard (http://www.revueversus.com/diehard.html), c’est la forme du parvis de la tour Nakatomi qui interpelle, illustrant l’encerclement et le cloisonnement opérés par la bande à Gruber et que John McClane va s’échiner à déjouer.

(https://versusmag.files.wordpress.com/2014/10/die-hard-_-grand-huit.png)

(https://versusmag.files.wordpress.com/2014/10/die-hard-_-grand-huit.png) Au-delà d’une lutte territoriale primordiale, Piège de Cristal (http://www.revueversus.com/diehard.html) se distingue par la volonté de redéfinir l’espace subtilisé, de se le réapproprier en dessinant de nouvelles voies. Où résister à la domination à l’œuvre revient à tracer littéralement sa propre route. Un nouveau paradigme que McTiernan va porter à son paroxysme avec Die Hard With a Vengeance et Rollerball où McClane et Jonathan Cross vont redoubler d’efforts pour tenter de renverser le maître des lieux. Débordements La prise de possession de la tour dans Piège de Cristal par Gruber et ses acolytes se fera au pas de charge, une Panzerdivision qui renverse tout sur son passage pour boucler tous les accès de l’immeuble. A contrario, son frère Simon et sa troupe opèrent de manière moins échevelée. Faut dire qu’ils ont tout leur temps étant donné que le plan assez génial de Simon pour éloigner les forces de l’ordre de la banque fédérale a parfaitement fonctionné. Ils ne badinent pas pour autant, investissant l’établissement avec rythme au son de When Johnny Comes Marching Home et maîtrise impressionnante des évènements (neutralisation des gardes, du directeur, des ultimes gardiens des réserves d’or), mais la conduite de l’assaut par frère Gruber traduit son appétence pour le jeu.

(https://versusmag.files.wordpress.com/2014/10/die-hard-3_prise-possession-11.png) Il domine avec aisance l’espace urbain horizontal, étant parvenu à envoyer les flics aux quatre coins de la ville tandis que McClane et Zeus s’épuisent à résoudre des énigmes retorses. Visuellement, l’encerclement puis la pénétration dans la banque s’illustrent par des mouvements de caméra amples, posés tandis que la course effrénée de nos deux héros est enregistrée par une caméra prises de soubresauts. L’ordre contre le chaos. Pour tenter de reprendre la main tout en suivant les règles imposées par Gruber, McClane va devoir compenser le retard inévitable d’un timing trop serré par sa connaissance de l’espace investi afin de créer des brèches salvatrices. Cela commence par la course en taxi pour rejoindre une cabine téléphonique en un point bien précis en faisant intervenir une ambulance pour leur ouvrir le chemin puis en coupant carrément par central Park.

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(https://versusmag.files.wordpress.com/2014/10/die-hard-3_le-parc.png) Et au lieu de continuer immuablement par la route, McClane prend un raccourci en sautant sur une rame de métro après avoir soulevé une grille dans la rue. Pour contrecarrer l’horizontalité démentielle, il faut en passer par une certaine verticalité. D’abord en profondeur.

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(https://versusmag.files.wordpress.com/2014/10/die-hard-3_mc3a9tro-2.png) Puis dans une certaine hauteur lorsque pour échapper au tunnel se remplissant d’eau, McClane doit passer par un conduit d’évacuation.

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(https://versusmag.files.wordpress.com/2014/10/die-hard-3_conduite-eau-2.png) Décidé à jouer son rôle de grain de sable jusqu’au bout, McClane réussit à débusquer Simon

Décidé à jouer son rôle de grain de sable jusqu’au bout, McClane réussit à débusquer Simon Gruber sur un cargo en partance. Mais pour l’y rejoindre, impossible d’utiliser une approche conventionnelle, il va falloir en passer par l’usage d’un câble sur lequel McClane et Zeus vont se suspendre pour atterrir presque sans encombres sur le pont.

(https://versusmag.files.wordpress.com/2014/10/die-hard-3_filin.png) Au final, cela ne fonctionnera pas comme attendu puisque les partenaires échoueront à contrecarrer la parfaite planification de Simon. Néanmoins, leurs actions sur l’espace de jeu leur aura permis rester au contact et dangereusement se rapprocher, et surtout de survivre. S’extraire de l’arène Dans ces conditions, le parcours de Jonathan Cross dans Rollerball est exemplaire et remarquablement significatif. Dès le début du film, avant tout dialogue, plus que comme un amateur de sensations extrêmes il nous est présenté comme un individu au comportement transgressif, utilisant les voies existantes pour créer d’autres lignes de conduite avec sa planche à roulettes d’un genre particulier puisqu’il y est couché sur le dos.

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(https://versusmag.files.wordpress.com/2014/10/rollerball_course.png) Malgré tous ses efforts, il n’est pas libre même s’il n’est pas arrêté par la police. Les flics le connaissent et savent où il réside, campant devant sa porte pour l’alpaguer. Il est contraint de rester en retrait dans une ruelle adjacente ou le cadrage du plan exprime implacablement son enfermement (mur s’étendant à perte de vue, grille couvrant une partie du côté droit de l’écran, Jonathan prostré au sol).

(https://versusmag.files.wordpress.com/2014/10/rollerball_enfermc3a9.png) Seule porte de sortie, rejoindre les rangs de l’équipe de Rollerball où évolue son pote Marcus Riley. Mais plus encore qu’avant, l’emprisonnement se fait durement sentir car il donne l’illusion de liberté. Tout est sous contrôle d’Alexi Petrovich, des caméras de retransmissions au réseau télé en passant par le bar où l’équipe se détend après les rencontres ou la population à qui il donne des jeux pour lui faire oublier son quotidien révoltant et donc réfréner ses envies d’en finir avec ce régime. L’action du film se déroule au Kazakstan mais la critique acide de la société du spectacle livrée par McT laisse peu de doutes quant à son universalisme. Et pire que tout, il semble que même l’environnement à l’extérieur de la cité soit soumis à Pétrovich. Lors de la fuite nocturne de Riley et Cross, McTiernan filme en infra-rouge donnant à voir des images inédites induisant un sentiment unique. Au-delà du procédé employant une nouvelle forme visuelle, ces images verdâtres hyper sensibles à la lumière amènent un étonnant inconfort car ce point de vue particulier induit que absolument toute la séquence est vue d’un regard extérieur les observant

particulier induit que absolument toute la séquence est vue d’un regard extérieur les observant dans la nuit obscure.

(https://versusmag.files.wordpress.com/2014/10/rollerball_nocturne.png) Il n’y a vraiment aucune échappatoire et même à l’air libre l’emprise de Petrovich se fait ressentir. Ce dernier ne tardera pas d’ailleurs à intervenir exportant même en ces lieux dénués de caméras de télé son sens du show car il voudra observer si Riley parvient à rejoindre l’autre côté du pont d’un saut spectaculaire en moto avant de le descendre. Il faudra plus que des envolées incroyables à Cross s’il veut parvenir à se libérer.

(https://versusmag.files.wordpress.com/2014/10/rollerball_envolc3a9e.png) Cela passera par une extraction de cette piste offerte à la consommation des plus bas instincts mais également par une prise de conscience que tout va mal et est trafiqué hors du contexte du jeu. L’action d’Aurora sera à ce titre décisive puisqu’elle servira de guide à Jonathan afin de lui ouvrir les yeux sur les problèmes structurels et politiques qui l’entourent. Mais échapper à sa condition n’est pas aisé comme l’expérimente dans le final un des co-équipier de Cross qui se juche au sommet d’une des parois de la piste afin d’encourager la foule à agir et stopper les débordements sanglants. Il est rapidement repris et exécuté par les forces de l’ordre.

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(https://versusmag.files.wordpress.com/2014/10/rollerball_repris.png) Une action de trop qui fera gronder le public qui commence à scander le nom de Jonathan. L’icône de ce sport ultra-violent est ainsi une idole et ce n’est que dans cette condition d’adoration, de reconnaissance de la population qui voit en sa personne le hérault qui les portera au soulèvement qu’il pourra agir pour en terminer définitivement avec Petrovich et sa clique. Après avoir saisi le fameux boulet chromé, il entamera quelques tours de piste pour prendre de la vitesse et finir en bout de course par briser l’écran qui le sépare de leur maître.

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(https://versusmag.files.wordpress.com/2014/10/rollerball_briser-lc3a9cran-3.png) Il pénètre de force dans son antre pour en finir une bonne fois pour toute. Jonathan sera parvenu au bout de son parcours physique et psychologique et cela se traduit à l’écran par cette ultime trajectoire prenant la tangente de la piste circulaire en forme de 8 qui les condamnait métaphoriquement jusque là à errer dans un simulacre de libre-arbitre.

métaphoriquement jusque là à errer dans un simulacre de libre-arbitre. Même charcuté au montage et dégraissé des vingts minutes de révolte des esclaves envisagées par McTiernan, Rollerball demeure une puissante charge subversive et point d’orgue des tentatives de ses héros pour créer leurs propres voies et reprendre le contrôle. Nicolas Zugasti

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Dossier John McTiernan – Nomads : Land Publié par versusmag15 octobre, 2014

(https://versusmag.files.wordpress.com/2014/10/nomads_aff.jpg) Il existe deux manières, au moins, de voir Nomads, premier film de monsieur McT. A savoir celle du spectateur d’environ 15-20 ans lors de la sortie du film en 1986, dont la culture cinématographique restait encore à dégrossir. Et celle de la réflexion rétroactive, qui a sa pertinence évidente et ses pièges entendus. Contentons-nous de la première. Il y a bientôt trente ans, Nomads s’inscrivait tout à fait dans son époque et ne pouvait qu’attirer l’œil du cinéphile ou cinéphage plus ou moins en herbe (souvent libanaise, pour être connecté à l’actualité d’alors), notamment parce que sur l’affiche l’acteur principal, qui tenait une torche, semblait brandir soit un sabre laser, soit un néon, comme Luc Besson sur une photo dans un

semblait brandir soit un sabre laser, soit un néon, comme Luc Besson sur une photo dans un article sur Subway paru dans Starfix. Que l’acteur principal se nommasse Pierce Brosnan n’avait aucun impact, Remington Steele, le jeune spectateur en avait un peu rien à secouer. Non, l’affiche (du stakhanoviste Landi), les quelques photos qui circulaient, les rares articles concernant le film, tout cela intriguait. Et l’actrice principale, Lesley-Anne Down, n’avait pas l’air désagréable à regarder. Mais surtout peut-être, les réflexes de cinéphage montaient en puissance : nous étions vigilants, attentifs, à ce qui dénotait, à ce qui n’était pas du cinéma consensuel, à ce qui n’était pas du cinéma façon grand-papa. Et les premiers ou seconds longs-métrages de gugusses inconnus ou peu s’en fallait étaient dans le viseur. Le bisseux qui avait torché Piranhas II, les tueurs volants en 1982 (1) se fendait du fabuleux Terminator deux ans plus tard. Les frangins Coen marquaient d’entrée un touch down en 1985 avec un polar tordu remarquablement emballé, Sang pour sang. Une certaine Kathryn Bigelow, que nous ne connaissions ni Dave ni de mes dents, allait bientôt (fin 1988) nous les scier avec Aux Frontières de l’aube, dont la BO était signée Tangerine Dream, l’une des raisons pour lesquelles nous étions « fans » de films comme Le Solitaire (Michael Mann, 1981), Risky Business (1984) et La Forteresse noire (1984)… Sans compter que la bougresse débauchait pour ce film de vampires atypique une partie du casting du monstrueux Aliens de 1986, à savoir Lance Henriksen, Bill Paxton et Jenette Goldstein (on sait depuis la fascination de l’actrice pour James Cameron). En 1986, un certain Robert Harmon réactivait le road-movie avec Hitcher, le défunt Festival d’Avoriaz présentait des petites perles comme Link et Re-Animator… Bref, ça n’arrêtait pas. Jeter un œil à Nomads relevait du bon sens.

(https://versusmag.files.wordpress.com/2014/10/nomads_011.jpg) Après l’avoir vu sur grand écran (pour les chanceux) ou/et en K7 vidéo, il était évident que nous tenions là un client intéressant, comme disent les poulets. Si cette première œuvre avait ses maladresses (comme d’alors très clichés envolées hard-rock FM lors de certaines apparitions du « gang »), elle se révélait assez fascinante. Ni sanglant, ni speed, ce thriller fantastique, puisque c’était cela, assumait une atmosphère aussi cauchemardesque que cotonneuse et ne cherchait pas à résoudre tous ses mystères, ce qui en faisait derechef un film plus exigeant que la moyenne, pour ne pas dire plus adulte. Son intrigue, que nous ne ferons pas l’affront de vous rappeler, en faisait un héritier lointain du thriller écolo des années 70 et surtout de l’également atmosphérique (quoique plus gore) et remarquable Wolfen, réalisé par Michael Wadleigh, sorti dans le pays en 1982. Les deux films y confrontait une urbanité tentaculaire et frigide aux « souvenirs » d’un autre temps, celui des amérindiens et des loups dans Wolfen, celui des nomades et des communautés

parias dans Nomads. Confrontée à sa mauvaise conscience, les Etats-Unis y étaient malmenés via ses protagonistes, considérés soit comme des témoins impuissants soit comme des proies malgré leur ouverture d’esprit, tournée vers les autres (dans Nomads, un anthropologue et une médecin).

(https://versusmag.files.wordpress.com/2014/10/nomads_021.jpg) Bien qu’étasunien, Nomads évoquait également un pan du cinéma australien, qui était depuis une dizaine d’années l’un des plus intéressants au monde puisque avaient à cette époque été diffusés (parfois uniquement en festivals ou directement en K7 vidéo) Patrick, Mad Max, Money Movers, Harlequin, Backclash, Le Survivant d’un monde parallèle, L’Année de tous les dangers, Les Traqués de l’an 2000 (ce Turkey Shoot était un vilain petit canard, d’accord), Razorback, Fortress, l’école de tous les dangers… Difficile de ne pas trouver des affinités formelles et/ou thématiques avec La Dernière vague (Peter Weir, 1977) et avec Long Week-end (Colin Eggleston, 1978). A la fois noir et romantique (c’est très compatible), cette première œuvre, qui a plutôt bien vieilli malgré un évident ancrage eighties qu’il est simpliste de lui reprocher (le film est des années 80), dénotait une notable maîtrise formelle, certaines scènes restant même bien ancrées dans les mémoires, telle celle du malaise de l’héroïne dans un couloir d’hôpital, telle celle sur la terrasse d’un gratte-ciel lorsque Pommier/Brosnan dégoupille en balançant un « biker » par-dessus la rambarde de sécurité. Enfin, rétrospectivement, il est net que la quasi-intégralité des thèmes et tics de monsieur McTiernan figurait dans ce galop d’essai. Il y annonçait même sa fascination comme son mépris pour une ville comme Los Angeles, sans alors cibler les tares du Système Hollywoodien. Laurent Hellebé (1) La plupart des dates qui suivent sont celle de l’année de sortie en France Nomads est ressorti en DVD depuis le 1er septembre 2014 chez Pathé.

Dossier John McTiernan – dimension fantastique : aux frontières de l’autre Publié par versusmag26 octobre, 2014

(https://versusmag.files.wordpress.com/2014/10/predator_aff.jpg) « Il y a peut être vingt secondes dans Piège De Cristal où je suis parvenu à une image qui ait l’intensité du rêve« . John McTiernan, interview donnée pour le numéro 64 de Starfix (septembre 1988) Un credo que le cinéaste s’est pourtant attaché à développer dans tous ses films. En effet, le caractère onirique, fantastique et même mythologique de certaines images et séquences n’imprègne pas seulement ses œuvres les plus ouvertement liées au genre comme Nomads (http://blog.revueversus.com/2014/10/15/dossier-john-mctiernan-nomads-land/) , Predator (http://louvreuse.net/Dossier/les-archives-mctiernan-predator.html) ou Last Action Hero (http://blog.revueversus.com/2014/10/09/dossier-john-mctiernan-last-action-hero-decodeur-etdeconneur/) mais également au sein de ses films les plus éloignés de ce registre tels Rollerball (http://blog.revueversus.com/2014/10/17/dossier-john-mctiernan-trajectoires-grandesmanoeuvres/), Basic (http://blog.revueversus.com/2014/09/29/dossier-john-mctiernan-lafeminite-ou-sont-les-femmes/), Die Hard (http://www.revueversus.com/diehard.html) ou A la poursuite d’Octobre Rouge (http://blog.revueversus.com/2014/10/01/dossier-john-mctiernana-la-poursuite-doctobre-rouge-la-symphonie-du-langage/). Cela se traduit de diverses manières à l’écran mais avec à chaque fois la volonté de servir le récit, de formaliser un point de vue particulier afin de densifier la narration. Ainsi, on retrouve disséminées quelques images éparses venant en contre-champ du héros qui vont former un étonnant contraste, soulignant le fait qu’il est étranger au monde qu’il s’en va arpenter et dont il a presque la sensation de vivre un rêve éveillé. Le plan où arrivé au milieu de la fête de noël organisée au trentième étage de la tour Nakatomi, il observe une scène presque irréelle montrant trois personnes discutant au milieu de végétation et derrière un voile d’eau d’une fontaine au premier plan. Le tout dans la lumière tamisée du couchant renforçant la sensation de détachement.

(https://versusmag.files.wordpress.com/2014/10/mct-fantastique-_die-hard-une-vision-hors-dutemps.png) Que ce soit lors de l’arrivée en limousine ou lors de la discussion dans le bureau de la femme de McClane, la lumière orangée du crépuscule offre un contrepoint apaisé avec la violence qui se déchaînera plus tard, rendant ce lieu cauchemardesque. On est souvent plongé dans le registre du conte dans le film, par l’ouverture du coffre rythmé par la 9ème symphonie, sorte de « Sésame ouvre toi », mélomane ; par la prise en charge du récit par Théo lors de l’assaut mené par les forces de police pour pénétrer dans la tour et qui utilise des termes de ce registre (il était une fois, chevalier, etc), soit une véritable attaque de château fort que les « terroristes » mettront en déroute à coup de lance roquette qui dans le programme de la scène pourra être assimilé au souffle d’un dragon ; la pluie finale des titres convoités par Gruber et sa bande qui retombent comme de la neige. Dans A la poursuite d’Octobre Rouge on retrouve également cette volonté de dépayser totalement le protagoniste principal. Ainsi, lorsque Jack Ryan doit quitter son rassurant envirronnement bureaucratique pour entrer en action sur le terrain, son arrivée sera soulignée par une apparition fantastique. Débarquant sur un chantier d’assemblage de sous-marin pour consulter un expert afin d’en savoir plus sur l’Octobre Rouge, il fait face à une carcasse enveloppée de fumée, une image saisissante donnant l’impression d’une confrontation avec un monstre mythique sortant de la brume (un Léviathan). Plan métonymique de ce qu’il devra accomplir (repérer l’Octobre Rouge) pour rencontrer Marko Ramius.

(https://versusmag.files.wordpress.com/2014/10/octobrerouge_sous-marin-dans-la-brume.png) Une image est encore plus marquée et marquante dans Le Treizième guerrier (http://louvreuse.net/Analyse/le-treizieme-guerrier.html) lorsque Ibn Ahmed Fadlhan et les vikings de Bulywif voient émerger de l’horizon brumeux ce qu’il semble être un serpent de feu, peut être un dragon. Seule une plus fine observation, une objectivation du regard, permettra finalement de révéler qu’il s’agit en fait d’une colonne de Wendols à cheval portant des torches.

(https://versusmag.files.wordpress.com/2014/10/13emeguerrier_dragon-de-feu.jpg) Invisibles La démystification de ce qui menace la peuplade viking sera au coeur du récit. La lumière du lettré arabe pénétrant l’obscurantisme barbare. Mais l’influence se fera également dans l’autre sens puisque Fadlan s’éveillera aux subtilités des coutumes e comportements de ces hommes d’armes. Le film est à la limite de l’héroïc-fantasy avec cette tribu Wendol qui semble invincible (les corps des assaillants touchés lors du premier affrontement (http://blog.revueversus.com/2014/10/13/dossier-john-mctiernan-le-13eme-guerrier-le-silencedes-guerriers/) ont disparu) et qui parvient à se fondre dans l’environnement minéral de cette lointaine contrée. Le salut pour le héros proviendra de sa capacité à se fondre dans le décor, Predator (http://louvreuse.net/Analyse/predator.html) est particulièrement exemplaire de ce point de vue là, notamment par le biais du staccato, les trois raccords dans l’axe montés en jump-cut, débutant sur Dutch brandissant une torche et poussant un cri bestial et finissant en plan large où l’on ne distingue quasiment plus l’humain de la végétation qui l’entoure. Une créature d’ailleurs caractérisée par son camouflage technologique auquel Dutch oppose un camouflage organique (la boue dont il est recouvert).

(https://versusmag.files.wordpress.com/2014/10/predator_invisibilitc3a9.png) L’invisibilité de l’antagoniste est ainsi une constante dans l’oeuvre de McT. Des Wendols donc qui semblent surgir de nulle part aux sous-marins dont on ne peut déterminer la présence qu’aux sons qu’ils émettent ou au bruit particulier de leurs torpilles en passant par la voix de Simon Gruber dictant ses volontés. McTiernan détourne ce paradigme d’un danger tapit dans l’ombre avec Die Hard. En effet, afin d’agir efficacement à la libération des otages, John McClane doit rester inconnu de Gruber et sa bande le plus longtemps possible, impossible à circonscrire, anonyme, en tout cas demeurer irrepérable en empruntant coursives, cages d’ascenseurs et autres voies annexes à celle contrôlées par les bad-guys. Il demeure menaçant pour eux parce que non identifié (McClane est quasiment une figure de croquemitaine de slasher par moments). Et puis, rien de plus dramatique et impressionnant qu’une silhouette fugitive dont on ne peut deviner les intentions. Comme lorsque Danny Madigan, au moment de sortir de l’appartement miteux qu’il partage avec sa mère pour se rendre à l’avant-première spéciale et nocturne de Jack Slater IV, voit dans l’embrasure d ela porte le mouvement fugace d’un individu dans l’obscurité du palier. Ce dernier se précipitera dans l’ouverture et plaquera le garçon face au mur afin de lui voler du fric. On ne verra que tardivement le visage de l’agresseur, McT cadrant essentiellement le visage du gamin où se lisent ses réactions, renforçant le sentiment d’effroi confronté à un ennemi sans visage.

(https://versusmag.files.wordpress.com/2014/10/last-action-hero_menace-invisible.png) Masques et seuil Autre motif imprimant une sensation fantastique, les masques. Dans Rollerball, Jonathan Cross a été sévèrement bastonné sur la piste et le sang qui a coulé sur son visage lui fait arborer une espèce de masque de la mort rouge tandis qu’il se relève pour en finir avec le système.

(https://versusmag.files.wordpress.com/2014/10/rollerball_le-masque-de-la-mort-rouge.png) Dans Basic, le capitaine Osborne en poursuivant Tom Hardy dans les ruelles de Panama traverse une sarabande festive où les masques auxquels elle fait face la renvoie aux apparences trompeuses de toute l’enquête.

(https://versusmag.files.wordpress.com/2014/10/basic_masque.png) C’est peu après qu’elle parviendra devant l’entrée où s’est engouffrée celui qu’elle poursuit et qui symbolise un seuil à franchir pour atteindre la vérité.

(https://versusmag.files.wordpress.com/2014/10/basic_seuil-vers-vc3a9ritc3a9.png) En le passant, elle fait face à son gardien aveugle, reflet de sa propre cécité dans l’affaire.

(https://versusmag.files.wordpress.com/2014/10/basic_gardien-reprc3a9sentation-c3a9tat.png) Autre seuil dans Medicine Man, la rencontre avec le professeur Campbell qui se fait au moment de la découverte par Crane d’un attroupement indigène en pleine forêt autour d’un feu, dans une sorte de célébration paganiste.

(https://versusmag.files.wordpress.com/2014/10/medicineman_cc3a9rc3a9moniepaganisme.png)

Le seuil est clairement marqué dans Last Action Hero par le passage entre la salle de cinéma et la fiction permit par le ticket magique de Houdini.

(https://versusmag.files.wordpress.com/2014/10/last-action-hero_seuil.png) Dans Die Hard With a Vengeance, McClane franchit les portes du fourgon de police l’ayant conduit dans le quartier de Harlem pour débarquer dans le monde réglé par ce que Simon says.

(https://versusmag.files.wordpress.com/2014/10/die-hard-3_franchissement-seuil.png) Le duel final de Predator se déroule dans la jungle obscure une fois traversé le seuil, une fois passé le pont formalisé par un immense arbre renversé enjambant le précipice et sur lequel l’indien s’offre en sacrifice.

(https://versusmag.files.wordpress.com/2014/10/predator_seuil.png) L’intensité onirique recherchée par McTiernan survient donc par différents moyens et c’est sans doute dans Medicine Man, film qui mérite d’être réévalué, qu’elle s’exprime le plus amplement. On passe ainsi du rêve au cauchemar en quelques scènes. Alors que le docteur Crane découvre avec émerveillement la forêt d’émeraude où vit Campbell (dans une séquence où le duo s’envole dans les airs grâce à un ensemble de cordes et poulies auxquels ils sont arnachés), elle assiste horrifiée dans le final à la destruction du rêve de Campbell dans une scène filmée de son point de vue où elle voit le professeur pénétrer en territoire ennemi (avec un dangereux enfermement figuré par les camions encadrant au premier plan la silhouette de Campbell en arrière plan). Puis ce dernier se fait molester par les responsables du chantier de déforestation.

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(https://versusmag.files.wordpress.com/2014/10/medicine-man_onirisme-vision-de-cauchemar4.png)

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(https://versusmag.files.wordpress.com/2014/10/medicine-man_onirisme-vision-de-cauchemar6.png) Une séquence où les dialogues sont inaudibles, couverts par le bruit des machines, renforçant l’irréalité cauchemardesque de la scène qui se conclut par un terrible incendie ravageant la forêt et notamment l’endroit où vivait le peuple indigène dont Campbell était devenu le sorcier. Une image terrible de dévastation où tout est calciné, dans une sorte d’enfer sur Terre, emplit alors l’écran. Ces conséquences physiques reflètent alors l’état moral et psychologique des personnages.

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(https://versusmag.files.wordpress.com/2014/10/medicine-man_onirisme-vision-de-cauchemar8.png) Une image de désolation qui rappelle celle venant conclure Predator où l’on retrouve Dutch débout au milieu des décombres, à peine discernable dans la fumée. Une vision à la texture onirique d’où émerge le survivant de l’explosion achevant sa transformation en une figure mythologique.

(https://versusmag.files.wordpress.com/2014/10/predator_onirisme.png) Car au final, Predator raconte rien moins que la confrontation de Dutch, un Thésée moderne, avec le Minotaure. Le duel entre Dutch et le Predator au cœur de la jungle, au cœur du labyrinthe que la créature hantait jusque là, voit l’humain renverser la situation en attirant l’E.T sur un espace aménagé, se réappropriant une partie du terrain de chasse. Pour le combattre d’égal à égal, cela nécessite de sinon régresser du moins retrouver un comportement plus primitif, instinctif. Séquence entière se déroule sans parole et McT fait preuve d’une spacialisation exemplaire (avec le feu issue de la flèche explosive comme point de repère), construisant un spectaculaire et intense combat de Titans. Mythologie La volonté de frayer avec des récits mythologique infuse l’oeuvre de McT de diverses manières. Premièrement, par diverses images remarquablement évocatrices comme le puissant Dutch recouvert de boue faisant penser à un Golem, le cheval de Troie dans la stratégie de Thomas Crown pour voler une toile dans un musée ou des noms qui renvoient explicitement aux récits mythiques (Zeus dans Die Hard 3, le professeur Campbell dans Medicine Man qui partage le

même patronyme que le célèbre mythologue Joseph Campbell, le roi Buliwyf dont le nom renvoie à la légende nordique de Béowulf).

(https://versusmag.files.wordpress.com/2014/10/thomas-crown_cheval-troie.png) Visuellement, McTiernan met en valeur ses personnages en créant une espèce d’aura en utilisant les reflets générés par des sources de lumière provenant de derrière eux. Un effet qui créé à la fois un aspect onirique et met en valeur les personnages pour accentuer leur dimension iconique. Mais peut également avoir une fonction ironique, les frères Gruber sont ainsi montrés dans toute leur splendeur de génies du mal et toute leur suffisance de vulgaire voleur explose.

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(https://versusmag.files.wordpress.com/2014/10/die-hard-3_aura-simon.png) L’ultime étape de la dimension fantastique instauré par McTiernan est la construction mythologique de personnages pour en faire des dieux et que le réalisateur va s’ingénier à confronter au réel dans une mise à l’épreuve ultime. C’est particulièrement prégnant dans Thomas Crown (http://blog.revueversus.com/2014/09/27/dossier-john-mctiernan-thomascrown-power-of-love/) où Catherine Banning et le personnage titre sont clairement dépeints comme des dieux perdus au milieu des hommes. De par sa beauté et ses malheurs en amour, Thomas Crown est un Apollon mais il est également présenté en introduction comme Chronos. Une success on de plans partant de la stratosphère pour se rapprocher de la Terre et se focaliser sur la montre du milliardaire induisent l’idée que le monde est synchronisé à son action.

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(https://versusmag.files.wordpress.com/2014/10/thomas-crown_cronos4.png) Peu après, sa visite au musée, on le retrouve arrivant dans le gratte-ciel siège de son enreprise. Il y est mis en valeur par un traveling arrière en contre-plongée, magnifiant sa stature et accentuant sa domination sur l’espace. Ce qu’entérine le plan où, regardant par la fenêtre de son immense bureau perché au sommet du gratte-ciel siège de sa société (sa tour d’ivoire ? Sa forteresse de

bureau perché au sommet du gratte-ciel siège de sa société (sa tour d’ivoire ? Sa forteresse de solitude ?) le reflet de son visage en surimpression semble imprégner le panorama de la ville.

(https://versusmag.files.wordpress.com/2014/10/thomas-crown_godomine.png) Quant à Catherine Banning, son arrivée dans le récit advient lorsque les flics déboulent dans le musée après le vol d’une toile de Monet. Le jeu des éclairages, des lens flare et la découverte de sa présence par une caméra remontant de son pied à son visage magnifient son allure, sa posture. Véritable Aphrodite faisant chavirer les coeurs.

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(https://versusmag.files.wordpress.com/2014/10/thomas-crown_et-enfin-le-visage-que-le-lensflare-rend-irrc3a9el.png) On découvre cette déesse incarnée par les yeux de l’inspecteur McCann, référent du spectateur qui comme lui sera absolument fasciné par ces deux êtres aux préoccupations intimes, des divinités

comme lui sera absolument fasciné par ces deux êtres aux préoccupations intimes, des divinités jouant à se défier, se séduire et s’aimer. McT use également de ces correspondances mythologiques pour parvenir à une désacralisation des icônes que le cinéma a créé. Comme le destin du personnage de Jack Slater qui va durement se confronter à la réalité ou cette séquence voyant McClane et Zeus craignant qu’une bombe explose plongent au sol à la stupéfaction des passants. Simon Gruber maîtrise parfaitement les évènements et alors que l’on entendait seulement sa voix donnant ses indications et ses ordres, sa première apparition le voit dominer complètement la situation depuis son poste d’observation le situant au-dessus de la plèbe, tel un Dieu du chaos admirant son oeuvre.

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(https://versusmag.files.wordpress.com/2014/10/die-hard-3_domination.png) Mais ses plans seront sans cesse perturbé par un éternel grain de sable, un emmerdeur, par le représentant de ses hommes qu’il aime manipuler, John McClane le héraut prolétaire. Finalement, celui qui personnifiera le mieux ce parcours tortueux d’idole chutant de son piédestal pour renaître en tant que guide et mener la révolte des sans-grades si chers à McT est Jonathan Cross le héros de Rollerball. Prenant conscience du voile sur la réalité que représente sa starification, il va s’attacher à dépasser sa condition de jouet marketing de contrôle des masses pour renverser le pouvoir de Petrovich et acquérir véritablement une stature héroïque. Voire prophétique comme peut le suggérer le geste empreint d’admiration et de reconnaissance que fait de la main une jeune fille alors que le peuple reprend violemment les choses en main.

(https://versusmag.files.wordpress.com/2014/10/rollerball_jonaton-sanctific3a9.png) Mais le plan le plus poignant demeurera celui de Bulywif entrant dans la légende en passant le seuil ultime de la mort.

(https://versusmag.files.wordpress.com/2014/10/13emeguerrier_mort-dun-roi.jpg) Un personnage qui figure à merveille la conception profonde de McT, soit un héros au destin traversé d’élans épique et mythique qui sera un trait d’union entre l’intellectuel et l’homme d’action, entre la réalité et le mythe. Nicolas Zugasti

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Publié dans: McTiernanTagué: A la poursuite d'Octobre Rouge, abstraction, affiche, Aphrodite, Apollon, aura, Basic, Beowulf, brouillard, Buliwyf, Bulywif, Campbell, chronique, chroniques, Chronos, cinéphile, cinéphiles, cinéphilie, cine, Conte, critique, demi-dieux, Diane, Die Hard, Die Hard 3, Die Hard with a vengeance, dieux, dragon de feu, DVD, film, films, fumée, heroic-fantasy, invisibilité, Jack Ryan, John McTiernan, jungle, Last Action Hero, Mars, Medicine Man, movie, movies, Nomads, onirisme, Piège de cristal, Predator, rêve, revue versus, revueversus.com, Rollerball, séance, séances, sensitif, Seuil, sorties, sorties ciné, Starfix, Thomas Crown, Treizième Guerrier, Une Journée en enfer, Versus, webzine, Wendols, zinePermalienPoster un commentaire Créez un site Web ou un blog gratuitement sur WordPress.com. Thème Columnist.

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/12 Supplément spécial n° 12 / Novembre 2014

Dossier John McTiernan