Douleur persistante chez les survivants de cancer

dysfonctionnel autonomique apparait fréquemment dans la NPIC avec la vincristine et le bortezomib [5]. Le pic d'incidence de la NPIC est influencé par à la fois l'agent chimique et la dose, et plus la dose cumulative est importante, plus la neurotoxicité est grande. L'arrêt des traitements anti-néoplasiques ne garantit pas la ...
394KB taille 32 téléchargements 527 vues
Douleur persistante chez les survivants de cancer: physiopathologie et options thérapeutiques La douleur chez les survivants de cancer est fréquente et peut provenir à la fois de la pathologie maligne sous-jacente et des traitements pris par le patient. Les formes prédominantes de douleur observées chez les survivants de cancer comprennent la douleur persistante post-chirurgicale (DPPC), la neuropathie périphérique induite par une chimiothérapie (NPIC), et la douleur associée à la toxicité de la radiothérapie (DTR). De plus, des causes moins fréquentes de douleur persistante peuvent être rencontrées, comme la neuropathie induite par la réaction du greffon contre l’hôte et l’arthralgie induite par les inhibiteurs de l’aromatase [37]. Il y a actuellement 14,5 millions de survivants d’un cancer (largement connus comme ceux vivants avec ou après un diagnostic de cancer) aux Etats Unis, et ce nombre est supposé augmenter à 19 millions en 2024. Au Royaume Uni, les 1,8 millions de survivants sont prévus pour atteindre 3 millions d’ici 2030 [34]. La détection précoce et l’amélioration des traitements ont permis d’améliorer significativement les taux de survie dans beaucoup de types différents de cancer. La démographie des survivants suit celle des cancers; 46% ont plus de 70 ans, et seulement 5% moins de 40 ans. Il existe des recommandations concernant les plans de soins aux survivants, comme le suivi tous les 3 ou 4 mois pendant 3 ans puis ensuite 2 fois par an. Ces conseils ont des implications formidables en terme d’attribution des ressources. Dans d’autres modèles de soins de santé il n’est pas toujours évident que les assurances couvrent ces dépenses, malgré une attention accrue et la prise de conscience qu’il existe une population de survivants présentant des symptômes significatifs qui compromettent la qualité de vie et les capacités des patients à contribuer à la société. Dans cet article, nous considérerons les causes les plus fréquemment rencontrées de douleurs persistantes chez les survivants de cancer, en donnant une vue d’ensemble de notre compréhension actuelle de leur physiopathologie, soulignant leurs caractéristiques cliniques, et finalement en fournissant un résumé global des options thérapeutiques disponibles.

Douleur post-chirurgicale persistante La chirurgie représente un traitement important du cancer avec un rôle allant du diagnostic au palliatif. Une douleur chronique se développant après chirurgie (Douleur persistante post-chirurgicale - DPPC) est une pathologie importante [33] contribuant à la charge symptomatique des survivants du cancer et affectant négativement leur qualité de vie. La douleur persistante post-chirurgicale reste mal définie, mais est largement reconnue comme une douleur durant plus de 2-3 mois après la chirurgie. Des recommandations publiées récemment ont tenté de réduire l’ambiguïté diagnostique liée à cette pathologie (Tableau 1)[46]. Cette pathologie est fréquente, avec des estimations de sa prévalence allant de 10 à 30% de tous les patients post-chirurgicaux. Les procédures à risque élevé comprennent la chirurgie du sein, la thoracotomie, la chirurgie cardiaque, l’amputation de membre, et la herniorraphie [11] (Tableau 2). Dans la population des

survivants de cancer, une douleur persistante peut aussi être rencontrée après d’autres procédures interventionnelles comme des biopsies et la mise en place de drain. Cliniquement, les DPPC possèdent beaucoup de caractéristiques et particularités de la douleur neuropathique, dont des modifications sensorielles associées au site chirurgical comme une hyperesthésie cutanée, un engourdissement ou des paresthésies, une douleur cicatricielle, ou une hypersensibilité et une allodynie [20]. Certaines formes de DPPC sont bien représentées en recherche fondamentale et clinique, comme la douleur persistante après chirurgie du sein ou la douleur de membre fantôme, mais d’autres aires, qui contribuent à un poids significatif dans la population des survivants, comprenant la DPPC après chirurgie de la tête et du cou et DPPC viscérale, sont cruellement sous-représentées dans la littérature. Physiopathologie Les mécanismes sous-jacents qui conduisent à la transition de la douleur aiguë post-chirurgicale à la DPPC n’ont pas été complètement définis mais reflètent les processus complexes qui apparaissent lorsque des tissus sont lésés. Des lésions des fibres sensitives qui innervent la peau, accompagnées par un glissement vers un profil inflammatoire au site chirurgical, résultent en une sensibilisation neuronale périphérique, et le barrage afférent provenant des signaux nociceptifs contribuent au développement d’une sensibilisation centrale. La neuroinflammation joue un rôle important dans l’induction et le maintien de cette plasticité neurone centrale [26], avec une infiltration de cellules immunitaires et une augmentation de l’activité des cellules gliales observées dans la corne dorsale de la moelle épinière après lésion tissulaire et nerveuse périphérique. Il a été suggéré que le remodelage des connections synaptiques neuronales dans la corne dorsale de la moelle épinière associé à un bourgeonnement neuronal pathologique entraine la formation de liens anormaux entre des fibres afférentes de différentes modalités (comme la nociception et le tact critique), l’amplification des signaux afférents, et des diminutions des messages inhibiteurs descendants [48]. Le bourgeonnement neuronal reste encore une question contesté devant son importance dans des états neuropathiques chez l’Homme. Facteurs de risque de développement d’une DPPC Malgré sa fréquence après certaines procédures, la majorité des patients qui bénéficient d’une chirurgie ne développent jamais de DPPC, impliquant que des facteurs prédisposants existent. Un certain nombre de facteurs de risque liés à la fois au patient et à la chirurgie ont été identifiés. Les facteurs chirurgicaux qui peuvent augmenter le risque de développer une DPPC comprennent des lésions tissulaires étendus, l’utilisation de drains chirurgicaux [40], le découpage et la traction prolongé sur des nerfs [29], et une durée de chirurgie supérieure à 3 heures. Une douleur aiguë au-delà des 3-4 premiers jours postopératoires augmente le risque de transition vers un état de douleur persistante, avec de multiples études démontrant qu’une douleur aiguë intense prédit précisément le développement d’une DPPC [40], comme la présence et l’intensité d’une douleur préopératoire [7]. Les facteurs liés au patient contribuent aussi au risque de développer une DPPC. L’âge et le sexe sont importants, avec les femmes jeunes à risque élevé de développer une douleur chronique [31]. La résilience psychologique est aussi fondamentale, avec le degré d’anxiété ou de dépression ou la propension au catastrophisme rendant les patients plus vulnérables pour développer une DPPC [4]. Des facteurs génétiques sont également supposés jouer un rôle. La capacité à stratifier le risque individuel des patients concernant le développement d’une DPPC pourrait permettre l’utilisation d’interventions ciblées préventives pour empêcher son développement, et des travaux sont en cours pour produire des outils d’évaluation validés pour des cohortes chirurgicales spécifiques [43].

Neuropathie périphérique induite par une chimiothérapie La neurotoxicité chimiothérapeutique représente une cause majeure de douleur et un fardeau de symptômes chez les survivants de cancer. Alors qu’il peut affecter n’importe quelle partie du système nerveux, la neuropathie périphérique sensitive (NPIC) est la plus fréquente, avec une prévalence de 68% 1 mois après et 60% 3 mois après une chimiothérapie [42]. Le développement d’une NPIC est influencée par plusieurs facteurs, dont la présence de co-morbidités (comme des lésions nerveuses préexistantes), le choix de l’agent chimiothérapeutique, et la dose cumulée [38]. De nombreux agents antinéoplasiques sont neurotoxiques, et les effets de la NPIC sont suffisamment intenses pour entrainer un ajustement de la dose ou la nécessité de l’arrêt du traitement, résultant en un traitement potentiellement sous-optimal. Physiopathologie Le mécanisme physiopathologique sous-jacent des NPIC est complexe et reste relativement peu compris. La NPIC est la plupart du temps de nature sensitive, avec à la fois des fibres sensitives affectées de petit et de gros calibres; l’atteinte de fibres motrices est plus rare et souvent infra-clinique. Les neurones possèdent des systèmes de transport axonal antérograde et rétrograde pour transporter des substrats et métabolites, et la rupture de ce système rend les neurones vulnérables à des lésions [35]. Des agents chimiothérapeutiques interfèrent avec le fonctionnement neuronal par l’intermédiaire d’un certain nombre de mécanismes spécifiques de l’agent. L’interruption de la trame de microtubules facilitant le transport axonal réduit l’alimentation périphérique en nutriment et conduit à une dysfonction nerveuse. Elle est causée par les taxanes et les alcaloïdes de la pervenche. La NPIC se manifeste comme un « dépérissement » neuronal causé par la dégénérescence Wallérienne des segments nerveux distaux, plus fragiles en raison de leur distance par rapport au corps cellulaire neuronal, expliquant la nature « longueurdépendante » de la neuropathie. Pour les fibres A� et C innervant la peau, le dépérissement diminue la densité des fibres non myélinisées, et les fibres restantes ont une morphologie et un fonctionnement anormaux. Ces changements bruts peuvent simplement être la voie finale commune et pas nécessairement contribuer aux mécanismes entrainant une douleur. D’autres théories pour expliquer la douleur comprennent la mitotoxicité (rupture de l’alimentation en énergie du neurone: la « théorie de la mitotoxicité périphérique »), le déclenchement de mécanismes immunologiques, et la sensibilisation de neurones par l’intermédiaire de changements dans le fonctionnement de canaux ioniques [16]. Des anomalies structurelles et fonctionnelles dans la mitochondrie sont fortement associées aux neuropathies douloureuses [18]. La mitotoxicité est observée dans la NPIC secondaire aux produits à base de platine, au paclitaxel, et au bortezomib. Des interactions neuroimmunitaires apparaissent lorsque le corps neuronal et les cellules gliales présentes dans le ganglion de la racine dorsale (en dehors de la barrière hémato-méningée) sont exposées à des niveaux élevés d’agents antinéoplasiques. L’activation de macrophages et un dysfonctionnement des cellules gliales peuvent apparaitre, conduisant à une signalisation cellulaire anormale et à des modifications dans l’expression de médiateurs associés à la fois à la mort cellulaire et à la douleur. Ces médiateurs comprennent le facteur de croissance des nerfs (NGF), le facteur alpha de nécrose des tumeurs (TNF-�), des interleukines IL-1�, IL-6, et IL-8, et l’activation de gênes pro-apoptotiques. Les changements structurels observés dans les neurones sensitifs axonopathiques sont amplifiés par des altérations de la fonction, de la distribution, et de la quantité de canaux ioniques. Des diminutions de niveaux d’énergie neuronale dues à une dysfonction mitochondriale a pour conséquence une dépolarisation membranaire et une décharge neuronale spontanée. Des agents chimiothérapeutiques particuliers peuvent

affecter directement des canaux ioniques spécifiques. Par exemple, le paclitaxel sensibilise le récepteur TRPV4 (transient receptor potential vanilloid 4) résultant en une nociception intensifiée [1]. La présence de niveaux augmentés d’espèces réactives de l’oxygène (marqueurs du stress oxydatif cellulaire) et de NGF dans les fibres C contribue à l’expression accrue de thermorécepteurs TRPV1 [41]. Caractéristiques cliniques En tant que neuropathie surtout sensitive, la NPIC se présente avec des signes et symptômes en lien avec la rupture de la fonction sensitive, dont la paresthésie, l’engourdissement, l’altération de la sensation vibratoire, thermique et proprioceptive; des dysesthésies; et une douleur neuropathique [45]. Les symptômes sensitifs sont dépendants de la longueur, commençant par les doigts et les orteils et progressant ensuite de façon proximale, conduisant à un aspect caractéristique symétrique en « gant et chaussette » [47]. La dysfonctionnel autonomique apparait fréquemment dans la NPIC avec la vincristine et le bortezomib [5]. Le pic d’incidence de la NPIC est influencé par à la fois l’agent chimique et la dose, et plus la dose cumulative est importante, plus la neurotoxicité est grande. L’arrêt des traitements anti-néoplasiques ne garantit pas la résolution des symptômes, et un effet « coasting » est également observé, où les symptômes de neuropathie progressent ou même débutent après la fin du traitement [8]. L’effet « coasting » est rencontré avec plusieurs médicaments, dont le bortezomib. Les caractéristiques clés des NPIC fréquemment rencontrées sont détaillées dans le Tableau 3. Diagnostic L’examen clinique chez des patients avec une NPIC précoce peut s’avérer sans particularité, puisque les modifications des seuils de sensibilité périphérique peuvent être trop subtils pour être détectées par des tests grossiers de la fonction neurologique. Des examens plus ciblés peuvent identifier des anomalies de la discrimination (toucher), de la sensibilité vibratoire, et de la proprioception de manière symétrique [38]. Une aréflexie peut apparaitre, indiquant la présence d’une NPIC plus avancée [21], et une hypotension posturale peut suggérer une implication du système nerveux autonome. Des questionnaires spécifiques des NPIC, validés, peuvent être utilisés pour aider dans la démarche diagnostique [27]. Des tests sensitifs quantitatifs (TSQ) permettent l’identification du type de fibre impliquée [19], et la perte des fibres nerveuses intraépidermiques peut être quantifié par des biopsies de peau pour identifier une neuropathie des petites fibres [30] même si ces tests sont d’une utilité douteuse en pratique clinique.

Douleur associée à une toxicité par radiation Depuis plus d’une centaine d’année, les radiations ionisantes sont un pilier du traitement du cancer soit comme traitement de première intention ou comme adjuvant à la chirurgie ou la chimiothérapie. A peu près 50% des patients d’oncologie reçoivent un certain type de radiothérapie au cours de leur traitement. Les effets secondaires associés à la radiothérapie peuvent être classés comme aiguës ou retardés, ces derniers apparaissant 90 jours après le traitement et durant potentiellement plusieurs années. En raison de son recyclage cellulaire rapide, la muqueuse gastrique est particulièrement susceptible aux lésions induites par les radiations, ce qui peut entrainer des nausées, des vomissements et une diarrhée. Le développement d’une toxicité intestinale tardive après radiothérapie des régions pelviennes, abdominales, et lombaires entraine fréquemment une douleur chronique. Chez les patients qui reçoivent une radiothérapie pour cancer du pelvis, une douleur abdominale chronique est retrouvée chez approximativement 10-15% des cas, ce qui conduit souvent à des réductions marquées de la qualité de vie des survivants. Une toxicité tardive aux radiations peut également prendre la forme de lésion nerveuse, l’archétype étant la neuropathie du plexus

brachial (NPB), qui apparait après radiothérapie sur des cibles proches du plexus brachial [9]. La majorité des symptômes de NPB sont présents sur l’extrémité supérieur ipsilatérale et comprennent une faiblesse musculaire, des paresthésies, de l’oedème, et fréquemment une douleur. Les lésions nerveuses induites par les radiations apparaissent secondairement à un processus de fibrose intra- et extra-neurale due aux espèces réactives de l’oxygène et à des médiateurs pro-inflammatoires. Cette fibrogénèse entraine une démyélinisation, des lésions axonales, et une ischémie nerveuse en lien avec des interruptions micro vasculaires [13]. Les lésions neuronales induites par les radiations sont caractérisées à la fois par leur hétérogénéité et le début variable, qui peuvent apparaitre une décennie après la radiothérapie initiale [27]. L’apparition d’une NPB est influencée par la dose reçue - plus la dose est forte, plus le début est rapide- ainsi que par l’âge des patients (les symptômes se développent plus rapidement chez les patients les plus jeunes). De plus, il existe des variations considérables de la symptomatologie des NPB, avec certains patients qui décrivent des perturbations sensitives et une douleur minime et d’autres qui développent une douleur neuropathique intense avec peu d’autres symptômes sensitifs.

Traitement de la douleur chez les survivants de cancer Les options thérapeutiques pour prendre en charge les survivants de cancer sont limitées à la fois par la pauvreté des agents analgésiques efficaces et par les défis posés par cette population unique de patients. Lorsqu’un plan de gestion de la douleur est élaboré, la réflexion devrait idéalement prendre en compte le phénotype de la douleur actuelle, le diagnostic du cancer sous-jacent et les traitements oncologiques, la présence de co-morbidités importantes comme une détérioration de la fonction rénale, et l’état physiologique du patient. Les options non pharmacologiques peuvent aussi être prises en compte dans une approche multifactorielle du traitement qui reconnait et tente de remédier aux aspects psychosociaux de la douleur chronique. Une approche commune pour prendre en charge les survivants de cancer peut être envisagée initialement. En premier lieu, une histoire et un examen complets doivent être recueillis, en se focalisant sur les points abordés plus haut, avec une attention pour les aspects psychosociaux concernant l’état douloureux du patient : par quoi est-elle causée, les ramifications de la douleur sur le bien-être du patient, et l’impact sur les interactions sociales du patient. Une approche multidisciplinaire en équipe devrait être adoptée, et la mise en oeuvre du plan de prise en charge devrait impliquer le patient, l’oncologue, et le médecin de soins primaires. Une réévaluation régulière de la douleur et autres conséquences comme l’amélioration de l’état fonctionnel et la qualité de vie en général devraient exister, et les praticiens devraient avoir constamment à l’esprit le risque de récidive du cancer. Une approche personnalisée, focalisée sur le patient pour la prise en charge de la douleur pré-existe depuis longtemps avant la vogue actuelle pour une « médecine individualisée », mais elle est d’une importance particulière pour les survivants de cancer. Des données émergentes indiquent que l’identification des mécanismes sous-jacents de la douleur peut aider à la prise en charge pharmacologique [14], même si la valeur de cette approche est actuellement discutable [24]. Une réflexion importante pour cette population est que la rémission ou la guérison d’un cancer les déplacent dans un segment démographique indissociable des patients douloureux chroniques dans une population non cancéreuse. Ainsi, l’utilisation d’opioïdes chez ces survivants de cancer lève vraisemblablement les mêmes réserves et problèmes qui posent problèmes aux praticiens traitant la douleur chronique non cancéreuse. Traitement de la douleur chronique post-chirurgicale

La DCPO représente un défi thérapeutique et a forgé un intérêt concernant le potentiel de stratégies préventives et de traitements combinés. L’analgésie pré-emptive et protectrice (utilisant des médicaments comme les gabapentinoïdes ou antidépresseurs) a été étudiée dans la prévention de la DCPO, et même si il n'a pas été possible de montrer de bénéfice concluant, elle pourrait réduire certaines douleurs neuropathies, quoique au prix d’effets adverses accrus tels qu’une sédation postopératoire [10,36]. De la même manière, l’utilisation d’une infiltration d’anesthésie locale et d’anesthésie régionale, comme des blocs paravertébraux, peuvent être d’une certaine utilité. Cette possibilité est soulignée par quelques revues systématiques réalisées dans ce domaine (la plupart des publications discutent les preuves concernant les facteurs de risque ou sont de structure narrative)[3,25]. De plus, l’utilisation d’interventions psychologiques et de l’éducation à la douleur durant la période péri-opératoire peuvent aussi être bénéfiques. Au vue de l’insuffisance des traitements spécifiques pour la DCPO, l’approche pragmatique (si la douleur neuropathique est confirmée) est d’adopter les recommandations existantes pour le traitement de la douleur neuropathique, comme les recommandations du NeuPSIG (Neuropathic Pain Special Interest Group - NdT)[17]. Traitement de la DNIC Les DNIC ont des preuves limitées de traitement efficace pour des médicaments administrés soit par voie topique soit par voie systémique. Dans une étude randomisée contrôlée (ERC), la seule ERC à montrer une efficacité d’un traitement pour les DNIC, la duloxétine diminuait l’intensité de la douleur chez les patients avec une DNIC, même si la diminution n’était que de 1 point sur l’échelle d’évaluation numérique de 0 à 10 [4]. Malgré la pauvreté des preuves, les recommandations récemment publiées de la Société Américaine d’Oncologie Clinique, étant donné l’efficacité démontrée de ces médicaments dans d’autres pathologies neuropathiques douloureuses, proposent qu’une étude sur l’amitriptyline ou la gabapentine puisse être réalisée pour les DNIC [22]. Cette recommandation rassemble toutes les preuves expérimentales cliniques disponibles et constitue la base de cette rubrique, puisqu’aucune méta-analyse formelle n’a été publiée. Les préparations topiques sont aussi utilisées en pratique clinique pour traiter les DNIC, fréquemment hors AMM. La crème de capsaïcine à 0,025%, les patchs de capsaïcine à 8%, ou les patchs de lidocaïne à 5% ont montré une efficacité dans un éventail d’autres neuropathies périphériques [2], même si comme cela est souligné plus haut, il existe des preuves minimes pour leur utilisation dans les DNIC. Un autre médicament topique, la crème de menthol, a montré une certaine efficacité pour la DNIC [15], et malgré le manque de preuves avec des ERC et le fait que sa puissance optimale demande à être étudiée, les effets secondaires mineurs en font une option thérapeutique populaire autant chez les patients que chez les praticiens. Les approches non-pharmacologiques sont aussi préconisées pour le traitement des autres éléments d’une DNIC, comme l’intérêt porté aux aspects psychosociaux et la rencontre d’un ergothérapeute pour ajuster et aider à l’assistance dans les activités de tous les jours. Traitement de la douleur induite par les radiations Peu de travaux ont été réalisés pour établir l’approche thérapeutique optimale dans les plexopathies nerveuses induites par les radiations, et encore une fois, l’adoption des recommandations pour la prise en charge d’une douleur neuropathique fournit au moins une trame pour un traitement. Une douleur abdominale viscérale associée à une toxicité tardive des radiations représente aussi un défi à contrôler puisque la douleur est souvent couplée à des perturbations physiologiques et fonctionnelles significatives, et les antalgiques (comme les morphiniques) peuvent aggraver cette dysfonction. Le traitement est aussi freiné par le manque de compréhension et de reconnaissance parmi les professionnels de santé. La prise en charge devrait se focaliser non seulement sur le contrôle de la douleur mais aussi sur l’optimisation du fonctionnement viscéral (qui peut à son tour aussi améliorer la douleur), idéalement dans des centres spécialisés. Avec autant de

faiblesses des preuves pour guider la prise en charge, une approche pragmatique et rationnelle multidisciplinaire incluant l’utilisation de médications « d’épargne morphinique » devrait être adoptée [12]. Il est clair que la douleur chez les survivants de cancer représente un paysage clinique complexe aux options thérapeutiques restreintes. Dans cette situation, l’adoption d’approches de prise en charge de haute qualité, proposées par des spécialistes de la douleur, a été considérée comme prioritaire à la fois par les patients d’oncologie et les cliniciens [39]. Les survivants du cancer: la légion perdue En 2005, l’Institut de Médecine et le Conseil National pour la Recherche de l’Académie Nationale (aux Etats Unis - NdT) a publié un document [23] intitulé « Du patient cancéreux au survivant du cancer: perdu en route », dont le but était de: « éveiller l’attention sur les conséquences médicales, fonctionnelles, et psychosociales du cancer et de son traitement. Définir des soins de qualité pour les survivants du cancer et identifier des stratégies pour y arriver. Améliorer la qualité de vie des survivants d’un cancer grâce à des politiques pour assurer leur accès aux services psychosociaux, à des pratiques d’emploi équitable, ainsi que des assurances santé ». Une approche similaire a été débutée au Royaume Uni avec le lancement en 2007 de l’Initiative Nationale pour les Survivants du Cancer. Toutefois, ce n’est que récemment que des conseils ont été édictés exposant des preuves et un cout-efficacité pour des plans d’action concernant la population des survivants [32]. Malgré d’admirables efforts de ces institutions savantes, un gouffre entre les conseils et la mise en oeuvre persiste indubitablement. Références Voir l’article en anglais sur le site de l’IASP

Tableau 1 Critères diagnostiques proposés pour la douleur postopératoire persistante La douleur se développe après une procédure chirurgicale ou augmente en intensité après une procédure chirurgicale.

La douleur devrait être présente depuis au moins 36 mois et affecter significativement la qualité de vie

La douleur est soit une poursuite d’une douleur aiguë postopératoire ou se développe après une période asymptomatique.

La douleur est localisée soit dans le champ de la chirurgie, projetée sur le territoire d’innervation, ou référée sur un dermatome (après chirurgie sur des tissus somatiques ou viscéraux profonds)

Les autres causes de la douleur devraient avoir été exclues, comme une infection ou la poursuite de la malignité dans la chirurgie du cancer. Source: adapté de [46].

Tableau 2 Variations d’incidence de la douleur postopératoire persistante (DPOP) en fonction du type de chirurgie Type de chirurgie

Incidence de la DPOP

Incidence de la DPOP intense

Chirurgie du sein

>50%

10-15%

Thoracotomie

30-50%

3-16%

Amputation de membre

30-85%

5-10%

Herniorraphie

20-60%

10-25%

Chirurgie cardiaque

30-55%

5-10%

Source: adaptée de [11].

Tableau 3 Caractéristiques clés de la neuropathie périphérique induite par une chimiothérapie entrainée par divers agents chimiothérapeutiques Agent chimiothérapeutique

Classe du Caractéristiques médicament

Mécanisme supposé

Début (coasting)

Cisplatine Carboplatine

Platinum

Douleur, engourdissement, paresthésie, perte des réflexes distaux

↑ TRPV1, TRPA, et TRPM8; activation de P38 MAPK et ERK 1/2; effets sur récepteurs NMDA; mitotoxicité

A partir de 1 80% de mois, pic à rétablissement 3 mois (++) avec l’arrêt de la chimiothérapie

Oxaliplatine

Platinum

Neuropathie sensorielle; 80% paresthésie aiguës induites par le froid

↑ TRPV1, TRPA, et TRPM8; activation de P38 MAPK et ERK 1/2; ↓ canaux K+ membranaires, TREK1, et TRAK; effets sur récepteurs NMDA; mitotoxicité

Début brutal, 2-3 jours

Rétablissement médian en 3 mois

Paclitaxel Docetaxel

Taxane

Neuropathie sensorielle; myopathie/spasmes musculaires; perte de la proprioception

Rupture des microtubules; neurotoxicité au niveau du ganglion de la racine dorsale

Quelques départs après la 1ère dose, >50% après la 2nde dose (+)

75% ont une certaine amélioration à 6 mois

Bortezomib

Inhibiteur du protéasome

Neuropathie sensorielle douloureuse, neuropathie autonomique

Activation des capsages mitochondriales; démyélinisation

En fonction de la dose et cumulatif; la plupart après le 2nd cycle (+)

60-70% se résolvent 3 mois après l’arrêt

Thalidomide

Immunomodulateur

Neuropathie sensorielle, crampes musculaires

Non élucidé

Fonction de la dose quotidienne, pas cumulatif

Mauvais rétablissement de la neuropathie observée

Vincristine

Alcaloïde de la pervenche

Neuropathie sensorielle, membres inférieurs > supérieurs, neuropathie autosomique, crampes musculaires

Changements dans les Dans les 3 flux calciques cellulaires mois (+) et mitochondriaux; effets sur les récepteurs NMDA; rupture des microtubules; activation des capsages mitochondriales

Source: adaptée de [6].

Durée

70% de guérison à 2 ans