DP-2671 UQO Resp. programme & Dir dept.sen.

CANADA. PROVINCE DE QUÉBEC. No de dépôt : Date : Le 25 octobre 2017 ... Le Syndicat réclame le déclenchement du processus d'élection pour combler le .... candidat et une liste des professeurs habiles à voter étaient jointes à cet avis.
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TRIBUNAL D’ARBITRAGE

CANADA PROVINCE DE QUÉBEC No de dépôt : Date : Le 25 octobre 2017 ______________________________________________________________________ DEVANT L’ARBITRE : Me DENIS PROVENÇAL ______________________________________________________________________

SYNDICAT DES PROFESSEURES ET PROFESSEURS DE L’UNIVERSITÉ DU QUÉBEC EN OUTAOUAIS (SPUQO-CSN) -vsL’UNIVERSITÉ DU QUÉBEC EN OUTAOUAIS (UQO)

GRIEFS Article 1.09 – Directeur de département & 1.19 Responsable de programme(s) d’études de cycles supérieurs

______________________________________________________________________ SENTENCE ARBITRALE (Code du travail du Québec L.R.Q., c. C-27) ______________________________________________________________________

PAGE : 2

LE LITIGE

[1]

Les parties à la convention collective m’ont désigné pour agir à titre d’arbitre en

regard de deux griefs déposés par le Syndicat. Un premier grief a été déposé le 6 octobre 2015 mais amendé le 9 mars 2017 et, le deuxième, le 22 décembre 2016. Le premier grief réclame l’affichage pour désigner un professeur responsable des programmes PC et DESS en gestion des entreprises collectives en vertu de l’article 1.19 de la convention collective. Le grief amendé se lit comme suit :

«

AVIS DE GRIEF – AMENDÉ

FAITS : Au cours de l’été 2015 et lors de rencontres du comité de relations de travail du 30 juin 2015 et du 18 septembre 2015, nous avons appris que les programmes PC et DESS en gestion des entreprises collectives n’avaient pas fait l’objet d’un nouvel affichage pour désigner un professeur responsable de programme et que la responsabilité a été confiée au Doyen des études. Un responsable de programme est, selon la convention collective (clause 1.19), un professeur. La responsabilité d’un programme doit toujours incomber à un professeur conformément à l’article 5.3 du Règlement général no 1 de l’Université du Québec. CORRECTIFS Nous réclamons l’affichage immédiat de la direction de ces programmes; nous réclamons également que le professeur qui obtiendra cette responsabilité bénéficie de la prime et des dégrèvements rétroactivement au 1er mai 2015. Nous demandons à l’arbitre de déclarer que l’Université a contrevenu à la convention collective et au Règlement général no 1 de l’Université du Québec. Pour le SPUQ0 /s/ Louise Briand Louise Briand, Présidente

PAGE : 3 Syndicat des professeures et professeurs de l’Université du Québec en Outaouais 9 mars 2017 Date »

[2]

Le deuxième grief réclame l’annulation de la nomination du doyen de la gestion

académique au titre de directeur du département d’études langagières et le déclenchement du processus d’élection pour combler le poste de directeur de département d’études langagières selon l’article 1.09 de la convention collective. Le grief est rédigé comme suit :

«

AVIS DE GRIEF

FAITS La directrice du département d’études langagières a annoncé sa démission le 24 novembre 2016. Au lieu de déclencher le processus d’élection prévu à l’article 4.3 du Règlement concernant la nomination des directeurs de département, des directeurs de module et des responsables de programmes de cycles supérieurs, le Syndicat a appris par le biais d’un courriel du Doyen de la gestion académique daté du 2 décembre 2016, que ce dernier a été désigné « directeur par intérim du département des Études Langagières ». Lors d’une réunion du comité de relations de travail, le doyen de la gestion académique a déclaré que sa nomination reposait sur l’article 10 du Règlement lequel stipule : « Lorsque le processus de nomination est annulé, le vice-recteur à l’enseignement et à recherche peut demander à ce que le processus soit repris ou nommer un directeur de département, un directeur de module ou un responsable de programme de cycles supérieurs intérimaire pour une période n’excédant pas douze mois à moins que l’application du règlement relatif à la tutelle soit invoquée. » Or, le processus de nomination n’a pas été annulé puisqu’il n’a jamais été déclenché et il n’existe pas de « règlement relatif à la tutelle ». La nomination du doyen de la gestion académique est contraire à la clause 1.09 de la convention collective qui stipule qu’un directeur de département « désigne un professeur du département élu par et parmi ses pairs et nommé par le vicerecteur à l’enseignement et à la recherche pour un mandat de deux (2) ans, pour exécuter les tâches fixées par l’assemblée départementale. (…) »

PAGE : 4 CORRECTIFS Le Syndicat réclame l’annulation de la nomination du doyen de la gestion académique au titre de directeur du département d’études langagières. Le Syndicat réclame le déclenchement du processus d’élection pour combler le poste de directeur de département d’études langagières. Le Syndicat demande que le Syndicat soit dédommagé des frais d’arbitrage pour le préjudice subi face à une violation claire et délibérée de la convention collective. Pour le SPUQO /s/ Louise Briand Louise Briand, Présidente Syndicat des professeures et professeurs de l’Université du Québec en Outaouais 22 décembre 2016 Date »

LA PREUVE

La preuve du Syndicat

[3]

Mme Louise Briand est professeure à l’Université et présidente du Syndicat

depuis le mois de mai 2012. Mme Briand est membre du Conseil d’administration de l’Université depuis 2013. Elle a été également membre de la Commission des études dont le mandat s’est terminé à l’automne 2016.

[4]

Le grief déposé le 6 octobre 2015 et amendé le 9 mars 2017 vise les

Programmes courts (PC) et le Diplôme d’études supérieures spécialisées (DESS) en gestion des entreprises collectives. Il s’agit de deux programmes de 2ième cycle en économie sociale offerts aux étudiants qui s’intéressent à la gestion des organismes

PAGE : 5 sans but lucratif. Ces programmes sont rattachés au Département des sciences comptables. Mme Briand précise qu’en vertu de l’article 1.19 de la convention collective, c’est un professeur qui doit assumer la responsabilité d’un programme d’études de cycles supérieurs.

[5]

Mme Briand précise que lors des réunions du comité des relations de travail qui

ont eu lieu le 30 juin et le 18 septembre 2015, elle a soulevé le fait qu’il n’y avait pas eu d’affichage pour désigner un responsable pour les programmes PC et DESS en gestion des entreprises collectives. Mme Murielle Laberge, doyenne de la gestion académique, lui a répondu qu’Il y avait eu un avis d’élection le 6 mars 2015 et que le 13 février, soit la date de l’expiration pour porter sa candidature, aucun professeur ne s’était porté candidat. En conséquence, la responsabilité du programme a été confiée à M. Marc Landry, doyen des études, lequel est toujours en fonction au moment de l’audition de ce grief. Mme Briand précise que M. Landry est un cadre et n’a pas de charge d’enseignement. Le responsable du programme peut prendre des décisions qui peuvent être portées en appel et c’est le doyen des études qui entend l’appel.

[6]

En ce qui concerne le grief déposé le 22 décembre 2016, en vertu de l’article

1.09 de la convention collective, la direction d’un département doit être assumée par un professeur. Ce grief vise le Département des études langagières. La responsable de ce Département était la professeure Marie-Josée Goulet, laquelle a remis sa démission le 24 novembre 2016. Mme Briand soutient qu’il n’y a eu aucun appel de candidature et que la responsabilité de ce Département avait été confiée à M. Mario Lepage, doyen de la gestion académique qui en assume la direction depuis le mois de décembre 2016. M. Lepage fait partie du personnel cadre de l’Université.

[7]

Mme Briand soutient que si aucun candidat ne se présente aux postes visés par

les articles 1.09 et 1.19, il faut que l’Université entreprenne d’autres démarches pour

PAGE : 6 combler ces postes par des professeurs.

[8]

En contre-interrogatoire, Mme Briand admet que Mme Laberge occupe par

intérim la direction du département des sciences administratives et que le Syndicat n’avait pas déposé de grief. Toutefois, ce sujet avait été discuté lors des réunions du comité de relations de travail. Le 12 mai 2014, le Syndicat a signé une lettre d’entente avec l’Université en regard d’une vacance au module des sciences comptables afin que la direction de ce module soit assumée par un chargé de cours et non par un cadre.

La preuve de l’Université

[9]

M. Marc Landry occupe la fonction de doyen des études depuis le mois de

janvier 2013. Il gère les deux cycles des études supérieures et voit à tout ce qui a trait à la gestion des études comme la création de nouveaux cours et l’évaluation des cours. M. Landry précise que le responsable de programme d’études de cycles supérieurs a la responsabilité de son programme et du cheminement des étudiants. S’il y a lieu, le responsable de programme peut recommander des modifications au programme sous sa responsabilité.

[10]

Lorsqu’une vacance survient au poste de responsable de programme, l’article

14.15 des Règlements, directives, politiques et procédures du Régime des études de cycles supérieurs de l’Université prévoit que c’est le doyen des études qui assume les fonctions jusqu’à la nomination d’un autre responsable. M. Landry précise les remplacements de responsables de programme qu’il a assumés dans le passé : - 1er mai 2013 au 30 novembre 2013

Module travail social

- 1er janvier 2014 au 15 mai 2014

Module des sciences comptables

PAGE : 7 - 1er mai à ce jour

Programme court et DESS en gestions des entreprises collectives

[11]

- 1er octobre 2016 au 7 mars 2017

Modules des lettres

- 22 décembre à ce jour

Programme 2ième cycle en éducation

Le Syndicat n’a pas déposé de grief pour contester les remplacements des

responsables de programme sauf le grief déposé le 6 octobre 2015 et amendé le 9 mars 2017 qui vise les programmes PC et DESS.

[12]

Mme Sylvie de Grosbois occupe la fonction de vice-rectrice à l’enseignement et

la recherche (VRER). Dans le cadre de ses fonctions, Mme de Grosbois voit au développement de l’enseignement, de la recherche et des services à la collectivité. .

[13]

Le 15 avril 2013, le Conseil d’administration de l’Université adoptait une

résolution rendant conditionnelle l’offre des programmes de 2ième cycle en gestion des entreprises collectives à l’admission d’au moins 12 candidats au trimestre d’automne 2013. Cette condition n’a pas été rencontrée et, le 23 septembre 2013, le Conseil d’administration adoptait une autre résolution suspendant les admissions au programme court de 2ième cycle en gestion des entreprises collectives et au DESS en gestion des entreprises collectives à compter du trimestre d’hiver 2014. Ces résolutions n’ont pas pour effet de mettre fin aux programmes mais de permettre à l’Université d’étudier le pourquoi du manque d’intérêt des candidats pour ces programmes.

[14]

Le 23 février 2015 et le 29 février 2016, le Conseil d’administration de

l’Université adoptait des résolutions en regard des regroupements des programmes par unité. L’unité de gestion des programmes de 2ième cycle en gestion des entreprises

PAGE : 8 collectives a été rattachée au Département des sciences comptables. Il n’y avait pas de professeur responsable de ce programme et la responsabilité en a été confiée au doyen des études. Le dernier professeur responsable de ce programme a été Mme Louise Briand.

[15]

Le 6 février 2015, il y a eu un avis d’élection transmis par courriel aux

professeurs du Département de sciences comptables pour combler le poste de responsable du programme de 2ième cycle en gestion des entreprises collectives afin de remplacer Mme Briand. Aucun professeur n’a soumis sa candidature et, le 18 février 2015, les professeurs du Département de sciences comptables ont été avisés que la responsabilité de ce programme avait été confiée au doyen des études, M. Marc Landry.

[16]

Le 23 février 2016, un autre avis d’élection a été transmis par courriel aux

professeurs du Département des sciences comptables pour qu’ils désignent un responsable du programme de 2ième cycle en gestion des entreprises collectives. Aucun professeur ne s’est porté candidat et, en vertu de l’article 10 du Règlement concernant la nomination des directeurs de département, des directeurs de module et des responsables de programmes de cycle supérieurs, il revenait au VRER de décider que le processus d’élection soit repris ou désigner un responsable de programme intérimaire pour une période n’excédant pas 12 mois. Par la suite, il n’y a pas eu d’autres avis pour qu’une élection soit tenue pour désigner un responsable de ce programme et M. Landry occupait toujours la responsabilité du programme.

[17]

M. Mario Lepage est doyen de la gestion académique. Il a rendu témoignage sur

le grief portant sur le poste de directeur du Département d’études langagières déposé par le Syndicat le 22 décembre 2016. La professeure Mme Marie-Josée Goulet avait été nommée par intérim pour assurer le poste de directrice du Département d’études

PAGE : 9 langagières mais, le 25 novembre 2016, Mme Goulet remettait sa démission. Le 1er décembre 2016, la VRER, Mme de Grosbois, informait les professeurs du Département que M. Lepage agirait à titre d’administrateur délégué jusqu’à ce que le processus soit complété pour remplacer Mme Goulet.

[18]

Le 22 décembre 2016, les professeurs du Département d’études langagières ont

été avisés par courriel de la tenue d’une élection pour le poste de directeur du Département d’études langagières.

Une liste des professeurs pouvant se porter

candidat et une liste des professeurs habiles à voter étaient jointes à cet avis. Aucun professeur ne s’est porté candidat et M. Lepage a continué a assumé la direction de ce Département par intérim.

[19]

Le 14 février 2017, un avis d’élection par courriel a été transmis aux professeurs

du Département d’études langagières pour le poste de directeur du département. Mme Marie-Josée Goulet n’a pas obtenu la majorité requise et, le 7 mars, les professeurs du Département ont été avisés que le processus de nomination avait été annulé et qu’il revenait à la VRER de déterminer la suite à donner.

[20]

Le 26 février suivant, un courriel a été transmis aux professeurs pour les aviser

qu’aucun professeur n’avait soumis sa candidature pour le poste de directeur et, qu’en conséquence, il revenait au VRER de décider que le processus d’élection soit repris ou désigner un responsable de programme intérimaire pour une période n’excédant pas 12 mois.

[21]

Le 10 avril 2017, un troisième avis d’élection est transmis aux professeurs.

Aucun professeur ne s’est porté candidat et M. Lepage a continué à assumer les responsabilités de la direction du Département par intérim.

PAGE : 10

[22]

M. Lepage produit un tableau indiquant les moments ou sa prédécesseure au

poste de doyen de la gestion académique, Mme Murielle Laberge, a assumé l’intérim des directions de départements entre 2007 et 2015.

MURIELLE LABERGE DATE DE DÉBUT

DATE DE FIN

DÉPARTEMENT

Au cours hiver 2007

19 août 2007

Sciences administratives

1er janvier 2008

11 mars 2008

Idem

26 octobre 2011

10 novembre 2011

Idem

16 février 2015

30 avril 2015

Sciences de l’éducation

1er mai 2013

15 octobre 2013

Relations d’industrielles

19 août 2014

1er septembre 2014

Idem

20 septembre 2013

20 novembre 2013

Travail social

7 juillet 2009

25 octobre 2009

Sciences infirmières

6 janvier 2014

26 janvier 2014

Sciences comptables

8 septembre 2015

2 octobre 2015

Études langagières

7 janvier 2008

14 mars 2008

École multidisciplinaire de l’image

31 mai 2010

2 juillet 2010

Idem

11 septembre 2013

30 septembre 2013

Idem

[23]

Mme Briand affirme que le Syndicat n’a jamais été informé de ces fonctions

intérimaires occupées par Mme Laberge.

PAGE : 11

REPRÉSENTATIONS DES PARTIES

Argumentation du procureur du Syndicat

[24]

Selon le procureur, il est essentiel, aux fins de l’étude des présents griefs, de

prendre en compte la nature particulière de l’Université du Québec. Cette Université fait partie du réseau public et est fondée sur la gestion participative.

[25]

La composition du Conseil d’administration d’une université constituante comme

l’UQO démontre que, contrairement aux Universités à charte, c’est la gestion participative qui est la base de fonctionnement. Selon le procureur, lorsqu’il s’agit d’interpréter ou d’appliquer la convention collective, la notion de droit de gérance n’est pas pertinente.

[26]

Le procureur donne également l’exemple de la Commission des études prévues

à l’article 41 de la Loi sur l’Université du Québec. La tâche principale de cette Commission est de préparer les règlements internes relatifs à l’enseignement et à la recherche. Cette Commission peut aussi faire des recommandations au Conseil d’administration quant à la coordination de l’enseignement et de la recherche. C’est l’article 3 du Règlement général 1, Organisation et dispositions générales en matière d’enseignement et de recherche qui prévoit la composition. Même lorsque c’est le Conseil d’administration qui nomme les membres de cette Commission, 6 membres proviennent de la direction et 17 membres sont issus du corps professoral, des chargés de cours et des étudiants. L’article 5.3 de ce Règlement stipule également que ‘’Quelque soit la forme que prennent les unités pédagogiques et administratives, la direction d’un programme est toujours assumée par un membre du corps professoral’’. L’article 14.12 du Règlement des études de cycles supérieures énonce que le

PAGE : 12 responsable de programme désigne un professeur nommé pour exercer cette fonction.

[27]

L’article 10 du Règlement concernant la nomination des directeurs de

département, des directeurs de module et des responsables des programmes de cycles supérieurs donne le pouvoir au VRER de désigner un directeur de département ou un responsable de programme intérimaires pour une période n’excédant pas 12 mois lorsque le processus de nomination est annulé. Toutefois, selon le procureur, le VRER doit désigner un membre du corps professoral. L’article 14.15 du Règlement des études de cycles supérieurs prévoit que lorsqu’une vacance survient au poste de responsable de programme, le doyen assume la fonction jusqu’à la nomination d’un autre responsable. Dans le cas de vacance prolongée, le VRER peut nommer un responsable de programme mais, selon le procureur, le vice-recteur ne peut nommer qu’un membre du corps professoral.

[28]

Le procureur souligne qu’en regard du grief déposé en vertu de l’article 1.19 de

la convention, la vacance du poste de responsable des programmes PC et DESS a débuté le 1er mai 2015 et le poste n’est toujours pas comblé par un professeur au 24 avril 2017.

[29]

En ce qui a trait au grief contestant la nomination du doyen de la gestion

académique pour combler le poste de directeur du Département d’études langagières suite à la démission de Mme Goulet, le 24 novembre 2016, l’Université devait déclencher le processus d’élection. En vertu de l’article 1.09 de la convention collective, c’est un professeur qui doit détenir cette fonction. En vertu de l’article 10 du Règlement concernant la nomination des directeurs de département, des directeurs de modules et responsables de programmes de cycles supérieurs, le VRER devait reprendre le processus électoral ou nommer un professeur comme directeur intérimaire pour une période n’excédant pas 12 mois.

PAGE : 13

[30]

Le tribunal d’arbitrage doit ordonner que ce soit des professeurs qui soient

désignés pour occuper la fonction de responsable des programmes PC et DESS en gestion des entreprises collectives et directeur du département d’études langagières.

Argumentation du procureur de l’Université

[31]

Le procureur plaide que le grief qui vise le département d’études langagières est

sans objet car l’élection du directeur de ce département n’a pas été annulée à la date du grief considérant qu’elle n’avait pas été déclenchée. Ce grief porte la date du 22 décembre 2016 et, le même jour, un avis d’élection pour le poste de directeur était transmis aux professeurs du Département d’études langagières. De plus, le processus électoral a été annulé le 7 mars 2016 et, en vertu de l’article 10 du Règlement concernant la nomination des directeurs de département, des directeurs de modules et responsables de programmes de cycles supérieurs, la nomination de M. Lepage est légitime.

[32]

Le procureur souligne que des élections ont été déclenchées à quatre reprises

sans qu’elles permettent d’élire et de nommer un professeur. En ce qui a trait à la demande du Syndicat que l’Université assume les frais d’arbitrage à titre de dommages, l’arbitre ne peut contrevenir à l’article 24.21 de la convention collective qui prévoit expressément que les frais d’arbitrage sont assumés à parts égales par les parties. Le libellé de l’article 1.09 de la convention ne permet pas non plus qu’un directeur soit nommé considérant que cet article précise que la personne doit être élue à ce poste.

[33]

Selon le procureur, les définitions contenues aux articles 1.09 et 1.19 de la

convention collective n’ont pas de valeur normative. Ces définitions ne déterminent pas

PAGE : 14 qui est responsable de programme, ni comment il est nommé, ni ses pouvoirs et ses responsabilités. Ces définitions n’empêchent d’aucune façon qu’un cadre occupe les fonctions prévues aux articles 1.09 et 1.19 de la convention. Bien entendu, le cadre ne peut prétendre avoir droit aux primes qui sont rattachées à ces fonctions et prévues à la convention collective.

[34]

Le procureur souligne que l’article 14.15 du Règlement des études de cycles

supérieurs prévoit qu’au cas de vacance de responsable de programme, le doyen assume la fonction jusqu’à la nomination d’un autre responsable. Dans le cas de vacance prolongée, le VRER peut nommer un responsable de programme par intérim. L’utilisation du terme peut à cet article ne comporte aucune obligation de désigner un professeur comme remplaçant intérimaire et le doyen peut continuer à occuper la fonction.

[35]

Le procureur invoque également la défense d’Estoppel à l’égard des griefs

soumis par le Syndicat. Les tableaux déposés par M. Landry et M. Lepage démontrent que les directions de départements et les responsables de programmes ont été assumés par intérim depuis plusieurs années par des cadres de l’Université et que le Syndicat n’a jamais contesté ces nominations.

[36]

L’Université ne peut non plus nommer par intérim des professeurs aux postes de

directeurs de Département ou responsable de programme qui ne sont pas issus du Département ou du programme. Il n’y a aucune disposition contenue dans la convention collective ou dans la réglementation qui obligerait l’Université à procéder de cette façon. L’Université était dans la situation où elle ne pouvait respecter la convention collective considérant qu’aucun professeur ne s’était porté candidat aux postes de responsable de programme ou de directeur de département sauf, dans ce dernier cas, où la candidate n’a pas obtenu la majorité requise.

PAGE : 15

MOTIFS ET DÉCISION

[37]

Il s’agit de déterminer si l’Université pouvait remplacer par des personnes cadres

les postes de directeur de département et de responsable de programme d’études de cycles supérieurs laissés vacants. Ces postes sont décrits à la convention collective :

« 1.09 Directeur de département Désigne un professeur de département élu par et parmi ses pairs et nommé par le vice-recteur à l’enseignement et à la recherche pour un mandat de deux (2) ans, pour exécuter les tâches fixées par l’assemblée départementale. Ce mandat est renouvelable deux (2) fois consécutivement. Le professeur occupant un tel poste ne perd aucun des droits rattachés à son statut de professeur. Il puise son autorité de l’assemblée départementale dont il est le représentant, dans les limites de sa juridiction, vis-à-vis de l’Université. Il doit veiller au sein du département à l’application des normes et échéances administratives et, à ce titre, il est l’interlocuteur officiel auprès du vice-recteur à l’enseignement et à la recherche sous réserve de dispositions contraires dans la convention collective.

1.19 Responsable de programme(s) d’études de cycles supérieurs Désigne un professeur nommé en conformité avec le Régime des études de cycles supérieurs pour exercer les tâches requises pour l’administration de programme(s) de cycles supérieurs et ce, pour un mandat de deux (2) ans. Ce mandat est renouvelable deux (2) fois consécutivement. Le professeur occupant un tel poste ne perd aucun des droits rattachés à son statut de professeur. Les limites de sa juridiction sont définies dans le Régime des études de cycles supérieurs. »

[38]

La notion de département est définie comme suit à la convention collective :

« 1.08 Département

PAGE : 16 Désigne une entité académique et administrative regroupant des professeurs, identifiés à une discipline, des disciplines regroupés ou à un champ d’études. »

L’environnement légal et règlementaire

[39]

Avant d’entreprendre l’étude des deux griefs, il est à propos de considérer le

mode de fonctionnement de l’Université du Québec et de ses constituantes afin de comprendre le rôle des personnes considérées comme cadres, les professeurs, étudiants et autres personnes désignées par le Gouvernement. Les dispositions de la convention collective ne peuvent s’interpréter ou s’appliquer sans prendre en compte l’environnement légal et règlementaire qui s’y rapporte. Toutefois, les parties ont pris le soin de préciser que l’Université ne peut adopter des règlements qui iraient à l’encontre de la convention collective :

« 2.04 L’Université convient qu’elle ne passera aucun règlement qui aurait pour effet d’annuler, de modifier ou de restreindre les articles de la présente convention collective. »

[40]

L’article 32 de la Loi sur l’Université du Québec1 prévoit la formation du Conseil

d’administration d’une université constituante :

« 32. Les droits et pouvoirs d’une université constituante sont exercés par un Conseil d’administration composé des personnes suivantes, qui en font partie au fur et à mesure de leur nomination : a) le recteur; b) deux personnes exerçant une fonction de direction à l’université constituante, dont au moins une personne exerçant une fonction de direction d’enseignement ou de direction de recherche, nommées par le gouvernement pour cinq ans et désignées par le Conseil d’administration, sur la recommandation du recteur; c) six personnes nommées par le gouvernement, sur la recommandation du

PAGE : 17 ministre, dont trois professeurs de l’université constituante, nommés pour trois ans et désignés par le corps professoral de cette université, deux étudiants de l’université constituante, nommés pour deux ans et désignés par les étudiants de cette université et un chargé de cours de cette université constituante nommé pour trois ans et désigné par les chargés de cours de cette université; d) une personne nommée pour trois ans par le gouvernement sur la recommandation du ministre, et choisie parmi les personnes proposées conjointement par les collèges d’enseignement général et professionnel de la région principalement desservie par l’université constituante; e) cinq personnes nommées pour trois ans par le gouvernement sur la recommandation du ministre, après consultation des groupes les plus représentatifs des milieux sociaux, culturels, des affaires et du travail; f) un diplômé de l’université constituante, nommé pour trois ans par le gouvernement sur la recommandation du ministre, après consultation des associations de diplômés de cette université constituante ou, s’il n’existe pas de telles associations, après consultation de l’université constituante concernée. … 41. Sous réserve des règlements généraux adoptés en vertu du paragraphe f de l’article 19, le Conseil d’administration constitue une Commission d’étude dont la tâche principale est de préparer les règlements internes relatifs à l’enseignement et à la recherche. Ces règlements doivent être soumis à l’approbation du Conseil d’administration. La Commission des études peut aussi faire au Conseil d’administration des recommandations quant à la coordination de l’enseignement et de la recherche. Jusqu’à ce que la Commission des études ait été constituée après la création d’une université constituante, le Conseil d’administration exerce ses pouvoirs. »

[41]

Le Règlement général 1 – Organisation et dispositions générales en matière

d’enseignement et de recherches décrit les postes de direction d’enseignement et de recherche :

« 1. POSTES DE DIRECTION D’ENSEIGNEMENT ET DE RECHERCHE Les postes de direction d’enseignement et de recherche dans les établissements sont les suivants :

PAGE : 18 - rectrice ou recteur; directrice générale ou directeur général; - vice-rectrice ou vice-recteur à l’enseignement et à la recherche, ou directrice ou directeur de l’enseignement et de la recherche, ou directrice ou directeur scientifique, ou l’équivalent; - doyenne ou doyen du premier cycle ou l’équivalent; - doyenne ou doyen des études de cycles supérieurs et de la recherche ou l’équivalent; - tout autre poste de direction défini aux fins des présentes comme poste de direction d’enseignement et de recherche, par le Conseil d’administration sur recommandation de la Commission des études ou de la Commission de la recherche. (…) 2.4 Le corps professoral désigne l’ensemble des personnes engagées à titre de professeure ou professeur par le Conseil d’administration (ou par le comité exécutif, si un règlement interne le prévoit) comprenant celles qui occupent des postes de direction d’enseignement ou de recherche à l’exception des personnes qui occupent les postes visés à l’article 1. »

[42]

L’article 3 de ce règlement décrit la composition de la Commission des études :

« 3. COMMISSION DES ÉTUDES OU DE LA RECHERCHE 3.1 Composition 3.1.1 dans les universités constituantes, la Commission des études se compose, selon l’une ou l’autre des compositions ci-après décrites, des membres suivants : A1. Siégeant d’office : - la rectrice ou le recteur; - jusqu’à un maximum de quatre (4) personnes occupant un poste de direction, dont la vice-rectrice, le vice-recteur à l’enseignement et à la recherche ou l’équivalent; 2. Nommés par le Conseil d’administration :

PAGE : 19 - jusqu’à un maximum de sept (7) membres du corps professoral; - jusqu’à un maximum de sept (7) étudiantes ou étudiants réguliers au sens des règlements généraux; - jusqu’à un maximum de trois (3) chargés de cours. Le mandat des personnes mentionnées en 2e ci-dessus est de deux (2) ans, renouvelable consécutivement une seule fois. Ces personnes sont désignées par leurs pairs, selon les règlements de l’établissement. Elles continuent de faire partie de la Commission jusqu’à la nomination de leurs successeurs nonobstant la fin de leur mandat, pourvu qu’elles conservent la qualité requise. OU B1. Siégeant d’office - la rectrice ou le recteur; - trois (3) personnes occupant un poste de direction, dont la vice-rectrice, le vicerecteur, les vice-rectrices, les vice-recteurs responsables de la formation et de la recherche; 2. Nommés par le Conseil d’administration : - un nombre égal de membres du corps professoral et d’étudiantes ou d’étudiants réguliers au sens des règlements généraux; - trois (3) chargées ou chargés de cours; - deux (2) employées ou employés de soutien. Le mandat des personnes mentionnées en 2e ci-dessus est de trois (3) ans, renouvelable consécutivement une seule fois. Ces personnes sont désignées par leurs pairs, selon les règlements de l’établissement. Elles continuent de faire partie de la Commission jusqu’à la nomination de leurs successeurs nonobstant la fin de leur mandat, pourvu qu’elles conservent la qualité requise. (…) »

[43]

Les pouvoirs et responsabilités de la Commission des études ou de la recherche

sont définis à l’article 4 :

PAGE : 20

« 4.1 La Commission des études ou de la recherche, qui relève du Conseil d’administration, est l’organisme responsable de l’enseignement et de la recherche dans les établissements du réseau. La Commission doit exercer les pouvoirs qui lui sont attribués en vertu du présent règlement et notamment : - recommander l’octroi de grades et diplômes; - assurer la qualité de la formation des étudiantes et étudiants, qui constitue la préoccupation première de ses réflexions et de ses décisions; - mettre en œuvre la Politique des études de premier cycle et la Politique des études de cycles supérieurs qui inspirent le développement des programmes et de la recherche, l’encadrement des étudiants, les modalités pédagogiques, les pratiques d’évaluation et le recrutement et la promotion des membres du corps professoral. 4.2 La Commission prépare et soumet à l’approbation du Conseil d’administration les règlements internes relatifs à l’enseignement et à la recherche, notamment ceux qui régissent les domaines suivants; 1. les modes de regroupement des membres du corps professoral, les modes d’organisation et de fonctionnement des unités pédagogiques et administratives responsables des programmes d’études, de l’enseignement et de la recherche ainsi que leur mode de création, d’abolition, de fusion, de division et de tutelle; 2. les modes d’élaboration, d’évaluation, de modification et de suppression des programmes d’études; 3. les règles, procédures et critères régissant l’admission, l’inscription, l’évaluation et la diplomation des étudiantes et étudiants; 4. sa régie interne et celle des sous-Commissions et comités qu’elle constitue. »

[44]

L’article 5 du règlement traite des unités pédagogiques et administratives :

« 5.1 Le Conseil d’administration, sur recommandation de la Commission des études ou de la recherche, détermine les structures les plus appropriées pour le regroupement des membres du corps professoral, pour la gestion des programmes et pour l’encadrement des étudiantes et étudiants. 5.2

Le Conseil d’administration détermine ainsi le mandat et les responsabilités

PAGE : 21 des unités pédagogiques et administratives qu’il identifie pour assumer les missions d’enseignement, de recherche et de service à la collectivité. 5.3 Quelque soit la forme que prennent les unités pédagogiques et administratives, la direction d’un programme est toujours assumée par un membre du corps professoral. » (Je souligne)

[45]

En vertu de l’article 2.4 du Règlement Général 1, le corps professoral de

l’Université comprend les personnes engagées à titre de professeur par le Conseil d’administration

mais,

aussi,

celles

qui

occupent

des

postes

de

direction

d’enseignement ou de recherche à l’exception des postes énumérés à l’article 1 de ce règlement tels recteur, vice-recteur et doyen de premier cycle ou de cycles supérieurs. Il existe également un Règlement concernant la nomination des directeurs de département, des directeurs de module et des responsables des programmes de cycles supérieurs. Je reproduis les articles pertinents de ce Règlement aux fins du présent litige :

« 3. Éligibilité aux postes de directeur de département, directeur de module ou de responsable de programmes de cycles supérieurs Tous les professeurs réguliers du département désigné sont éligibles à un poste de directeur de département, directeur de module ou de responsable de programmes de cycles supérieurs à moins que, à un moment pendant la durée du mandat sollicité, ils ne soient en perfectionnement, en sabbatique, en congé sans solde ou en congé à traitement différé. Les professeurs suppléants, invités ou sous octroi sont éligibles dans la mesure où leur contrat d’embauche à l’UQO couvre l’ensemble de la période du mandant. … 4, Déclenchement du processus de nomination 4.1 Moment du déclenchement Le processus menant à la nomination se déroule normalement durant les trois mois qui précèdent la fin du mandat du directeur de département, du directeur de module ou du responsable de programmes de cycles supérieurs en

PAGE : 22 fonction. … 4.3 Démission Lorsqu’un directeur de département, un directeur de module ou un responsable de programmes de cycles supérieurs démissionne ou, dans le cas de vacance du poste pour toute autre cause, le déclenchement du processus de nomination a lieu : - dans les vingt (20) jours ouvrables qui précèdent la date pour laquelle la démission est annoncée; - dans les vingt (20) jours ouvrables qui suivent la date de démission ou de vacance, si cette dernière est subite. … 5. Mise en candidature (…) 5.3 Si le président d’élection ne reçoit aucune candidature dans les délais prévus, le processus de nomination est annulé. … 10. Processus de nomination annulé Lorsque le processus de nomination est annulé, le vice-recteur à l’enseignement et à la recherche peut demander à ce que le processus soit repris ou nommer un directeur de département, un directeur de module ou un responsable de programme de cycles supérieurs intérimaire pour une période n’excédant pas douze mois à mois de l’application du règlement relatif à la tutelle soit invoquée. (…) »

[46]

Je crois aussi utile de reproduire les dispositions suivantes du Règlement des

études de premier cycle et du Règlement des études de cycles supérieurs :

« RÉGIME DES ÉTUDES DE PREMIER CYCLE 2.4.3. Lorsqu’une vacance survient au poste de directeur de module, la direction

PAGE : 23 est assumée par le doyen. En cas de vacance prolongée, le vice-recteur à l’enseignement et à la recherche peut nommer un directeur par intérim. RÈGLEMENT DES ÉTUDES DES CYCLES SUPÉRIEURS SECTION II – MISE EN ŒUVRE DES PROGRAMMES Responsable de programme 14.12 Le responsable de programme désigne un professeur nommé pour exercer les tâches requises pour l’administration d’un programme d’études de cycles supérieurs. Mandat du responsable de programme 14.13 Le responsable de programme d’études de cycles supérieurs a pour mandat d’exercer les tâches requises à l’égard des étudiants et à l’égard du programme. Il doit veiller à l’application des normes et échéances administratives en ce qui concerne le programme. (…). Nomination d’un responsable de programme 14.14 Le responsable de programme d’études de cycles supérieurs est un professeur nommé par le vice-recteur à l’enseignement et à la recherche suite à une élection par et parmi les professeurs d’un département désigné. Les élections se tiennent en conformité avec le Règlement concernant la nomination des directeurs de départements, directeurs de modules et des responsables de programmes de cycles supérieurs. Le Conseil d’administration, sur recommandation de la Commission des études, détermine l’appariement des postes de responsable aux différents départements, et ce, aux fins du processus de nomination. Vacance au poste de responsable de programme 14.15 Lorsqu’une vacance survient au poste de responsable de programme, le doyen assume la fonction jusqu’à la nomination d’un autre responsable de programme. En cas de vacance prolongée, le vice-recteur à l’enseignement à la recherche peut nommer un responsable de programme par intérim. »

[47]

L’article 10.04 de la convention reconnaît que les professeurs peuvent être

appelés à remplir des activités de direction :

PAGE : 24

« 10.04 La composante « administration pédagogique » comprend entre autres les activités occasionnelles ou courantes de direction ou de participation exercée par des professeurs et requises pour le bon fonctionnement à l’Université, à savoir : Activités de direction 1) directeur de département; 2) directeur de module; 3) responsable de programme(s) d’études de cycles supérieurs; 4) toute autre activité de direction reconnue comme telle par l’Université. Activités de participation 1) participation aux organismes internes de l’Université tels que : - Conseil d’administration; - Comité exécutif; - Commission des études, ses sous-Commissions et ses comités; (…) »

[48]

Le mode de gestion de l’Université du Québec et de ses constituantes a ce

caractère particulier en ce qu’il ne repose pas uniquement entre les mains de cadres ou de gestionnaires professionnels. Une lecture de la composition du Conseil d’administration d’une université constituante telle que décrite à l’article 32 de la Loi sur l’Université du Québec démontre que le corps professoral, les étudiants et les chargés de cours sont impliqués dans les prises de décisions et l’orientation de l’Université. Au moins un professeur exerçant des fonctions de direction d’enseignement ou de recherche, tels que prévus à l’article 2.4 du Règlement général 1, fait parti du Conseil d’administration.

PAGE : 25

[49]

En vertu de l’article 41 de la Loi sur l’Université du Québec, le Conseil

d’administration doit constituer une Commission des études dont la tâche principale est de préparer les règlements internes relatifs à l’enseignement et à la recherche qu’elle lui soumettra pour approbation. Cette Commission peut également faire au Conseil d’administration des recommandations quant à la coordination de l’enseignement et de la recherche.

[50]

Quelque soit la composition de la Commission des études ou de la recherche

retenue selon l’article 3.1 A ou B du Règlement Général 1, il demeure que les cadres y siègent en minorité. Par exemple, selon l’article 3.1 A, le recteur siège d’office et quatre personnes occupent un poste de direction dont le VRER. Ainsi, les professeurs occupant des fonctions de direction, selon l’article 2.4 de ce règlement, peuvent en faire partie. Aussi, sept membres du corps professoral, sept étudiants et un maximum de trois chargés de cours en font partie.

[51]

Les pouvoirs et responsabilités de cette Commission sont prévus à l’article 4 du

Règlement Général 1. Entres autres responsabilités, la Commission doit assurer la qualité de la formation des étudiants qui doit constituer sa préoccupation première de ses réflexions et décisions. Elle propose également au Conseil d’administration les modes de regroupements du corps professoral, le mode d’organisation des unités pédagogiques et administratives responsables des programmes d’études, leur mode de création ou d’abolition.

[52]

Je considère que cette mise en contexte des structures organisationnelles et

décisionnelles de l’Université est importante, comprendre essentielle, en regard de l’étude des griefs qui me sont soumis. Le processus de nomination ou de remplacement en cas de vacance du directeur de département et de responsable de programme ainsi

PAGE : 26 que leur rôle sont prévus aux règlements de l’Université et les articles 1.09 et 1.19 de la convention collective ne peuvent être interprétés ou appliqués sans prendre en compte tout le contexte règlementaire qui s’y rapporte.

[53]

L’étude

de

cette

réglementation

démontre

également

que

le

modèle

d’administration des universités constituantes de l’Université du Québec est fondé sur la gestion participative, comme l’a plaidé le procureur du Syndicat. Les personnes non cadres prennent une place importante sinon majoritaire aux différents paliers décisionnels de la structure universitaire et on ne peut qualifier leur présence à ces instances d’un simple rôle de figuration.

[54]

De plus, il faut également prendre en compte que la convention collective et la

réglementation permettent aux professeurs qui détiennent les postes de directeur de département et responsable de programme d’occuper des fonctions de direction tout en conservant leur statut de syndiqué.

Le grief portant sur le poste de responsable de programme – Article 1.19 de la convention collective

[55]

L’article 1.19 de la convention prévoit que le responsable de programme est

nommé en conformité avec le Régime des études de cycles supérieurs. L’article 14.14 du Règlement des études de cycles supérieurs prévoit que le responsable de programme est nommé par le VRER suite à une élection à être tenue parmi les professeurs du département désigné, en l’occurrence dans le présent grief, par les professeurs du département des sciences comptables.

[56]

L’article 14.15 du Règlement prévoit que lorsqu’une vacance survient au poste

PAGE : 27 de responsable de programme, le doyen en assume la fonction jusqu’à la nomination d’un autre responsable et, en cas de vacance prolongée, le VRER peut nommer un responsable de programme par intérim. L’article 10 du Règlement concernant la nomination des directeurs de département, directeurs de module et des responsables de programmes de cycles supérieurs prévoit que cette nomination ne peut excéder une période de 12 mois à moins que le règlement relatif à la tutelle ne soit invoqué, ce qui n’est pas la situation dans la présente affaire.

[57]

Le 6 février 2015, un avis d’élection pour le poste de responsable de programme ième

de 2

cycle en gestion des entreprises collectives était transmis aux professeurs du

Département de sciences comptables. Aucun professeur ne s’était porté candidat et, le 18 février, le président d’élection, M. Yann Bonenfant-Thomas, informait les professeurs du Département que ‘’De ce fait, la responsabilité de ce programme sera assumée par le doyen des études, M. Marc Landry’’. Un autre avis d’élection a été transmis aux professeurs du Département de sciences comptables le 23 février 2016 mais, de nouveau, aucun professeur ne s’est porté candidat. Le 1er mars suivant, le président d’élection transmettait un courriel à Mme de Grosbois qu’il revenait au VRER de décider de la suite à donner au processus de nomination, tel que prévu à l’article 10 du Règlement concernant la nomination des directeurs de département, directeurs de module et des responsables de programmes de cycles supérieurs. Le doyen des études, M. Landry, est toujours responsable du programme.

[58]

En ce qui regarde le responsable de programme, la réglementation prévoit qu’il

est nommé par le VRER suite à une élection tenue selon le Règlement concernant la nomination des directeurs de département, directeurs de module et des responsables de programmes de cycles supérieurs. S’il n’y a pas de candidat qui s’y présente, l’article 5.3 de ce règlement prévoit que le processus de nomination est annulé et l’article 10 prévoit les alternatives possibles à cette annulation. Le VRER n’a que deux choix, il

PAGE : 28 peut demander à ce que le processus soit repris ou il peut nommer un responsable de département intérimaire pour une période n’excédant pas 12 mois.

[59]

Le 18 février, malgré les termes utilisés à son courriel, le président d’élection a

annulé le processus d’annulation déclenché par l’avis d’élection du 6 février et nommé le doyen aux études responsable du programme visé par l’élection. À mon avis, cette décision n’est pas conforme à la réglementation.

[60]

Tout d’abord, il revenait au VRER de prendre la décision en vertu de l’article 10

du Règlement concernant la nomination des directeurs de département, directeurs de module et des responsables de programmes de cycles supérieurs, soit de reprendre le processus ou de procéder à une nomination intérimaire. À son courriel du 18 février, le président d’élection a agi comme s’il s’agissait d’une vacance à un poste de responsable selon l’article 14.15 du Règlement des études de cycles supérieurs et non de l’annulation du processus de nomination. L’article 10 du règlement précité est clair et donne la marche à suivre lorsqu’aucun candidat ne se présente à une élection d’un poste de responsable de programme. Même en considérant que cette situation pouvait être considérée comme une vacance au poste de responsable de programme, l’article 14.15 permet au doyen d’assumer les fonctions jusqu’à la désignation d’un autre professeur selon le règlement qui régit le processus de nomination et, en cas de vacance prolongée, le VRER peut le nommer. La preuve démontre que c’est depuis le 18 février 2015 que le doyen aux études, M. Landry, s’est vu confier la responsabilité de ce programme selon le courriel du président d’élection.

[61]

Je considère également que le doyen des études, M. Landry, ne pouvait être

désigné pour assumer les responsabilités des programmes PC et DESS pour une période prolongée et, dans les faits, pour un temps indéterminé. À défaut de reprendre le processus de nomination, l’article 10 du Règlement concernant la nomination des

PAGE : 29 directeurs de département, directeurs de module et des responsables de programmes de cycles supérieurs donne le pouvoir au VRER du nommer un responsable de programme intérimaire pour une période n’excédant pas 12 mois. Le VRER ne pouvait désigner qu’un professeur du département concerné pour assumer cette fonction intérimaire.

[62]

L’article 1.19 de la convention collective définit le responsable de programme et

le professeur ainsi désigné exerce des activités de direction selon l’article 10.04 de cette même convention. L’article 14.12 du Règlement des études de cycles supérieurs stipule que le responsable de programme désigne un professeur. L’article 5.3 du Règlement Général 1 prévoit que ‘’Quelque soit la forme que prennent les unités pédagogiques et administratives, la direction d’un programme est toujours assumée par un membre du corps professoral’’. La seule exception qui est prévue pour qu’un cadre occupe cette fonction est lorsqu’il se produit une vacance à ce poste tel que le prévoit l’article 14.15 du Règlement des études des cycles supérieurs.

[63]

De plus, permettre à un cadre d’assumer l’intérim des responsabilités de

responsable de programme a pour effet de porter atteinte à l’équilibre de l’exercice des pouvoirs accordés aux différentes instances de l’Université. Par exemple, le doyen qui occupe un poste de direction pourrait siéger à ce titre au Conseil d’administration et à la Commission des études et à titre également de responsable du programme qu’il assume par intérim. Même si, par exemple, le doyen s’abstenait de participer à la Commission des études, il demeurerait néanmoins une sous-représentation au niveau des membres non-cadres de cette Commission.

[64]

La preuve administrée par les parties ne me permet pas de conclure qu’il était

impossible pour le VRER de nommer un professeur pour assumer l’intérim pour une période de 12 mois dans le poste de responsable de programme visé par le grief.

PAGE : 30 L’Université ne pouvait nommer le doyen Landry dès le 18 février 2015 pour assumer les responsabilités de responsable de programme et encore moins pour une période indéterminée.

[65]

L’article 14.15 du Règlement des études des cycles supérieurs prévoit que le

VRER peut nommer un responsable de programme par intérim. Le terme peut accorde une discrétion au VRER s’il considère que la situation se prête à une nomination intérimaire d’un responsable de programme mais c’est un professeur qui doit être nommé.

Le grief portant sur le poste de directeur du département – Article 1.09 de la convention collective

[66]

Ce grief vise le Département des études langagières. Le 24 novembre 2016, la

directrice de ce département, Mme Marie-Josée Goulet, remettait sa démission. Le Syndicat prétend que le processus de mise en candidature n’a pas été déclenché et que c’est le doyen de la gestion académique, M. Lepage, qui en a assumé la direction du département depuis le mois de décembre 2016. Je souligne que le grief a été déposé par le Syndicat le 22 décembre 2016.

[67]

Le 1er décembre 2016, la VRER, Mme de Grosbois, informait les professeurs du

Département des études langagières de la démission de Mme Goulet et que ‘’Le décanat de la gestion académique organisera sous peu l’appel à candidatures en vue de pourvoir le poste de direction de département. Jusqu’à ce que ce processus soit complété, M. Lepage, doyen de la gestion académique, agira à titre d’administrateur délégué ‘’.

PAGE : 31

[68]

Des avis d’élection au poste de directeur du Département d’études langagières

ont été transmis aux professeurs concernés le 22 décembre 2016, soit la même journée que le dépôt du grief, le 14 février ainsi que le 10 avril 2017. Aucun professeur ne s’est porté candidat à ces élections et M. Lepage a continué à assumer les fonctions de la direction du Département d’études langagières.

[69]

L’article 1.19 de la convention définit le poste de directeur de département. Il doit

être élu par ses pairs et nommé par le VRER. Il est considéré comme l’interlocuteur officiel auprès du VRER. C’est le Règlement concernant la nomination des directeurs de département, des directeurs de module et des responsables des cycles supérieurs qui prévoit le mode de nomination d’un directeur de département. L’article 5.3 de ce règlement prévoit que si le président d’élection ne reçoit aucune candidature suite à un avis d’élection, le processus de nomination est annulé. Lorsque le processus de nomination est annulé, l’article 10 de ce même règlement stipule qu’il revient au VRER de décider de reprendre le processus ou de désigner un directeur de département intérimaire pour une période n’excédant pas 12 mois.

[70]

Contrairement à l’article 14.15 du Règlement des études des cycles supérieurs,

le Règlement concernant la nomination des directeurs de département, des directeurs de module et des responsables des cycles supérieurs ne prévoit pas la possibilité pour le VRER de désigner le doyen pour assumer la fonction de direction du département jusqu’à la nomination d’un directeur. Je souligne également que l’article 2.4.3 du Régime des études de premier cycle prévoit que lorsqu’une vacance survient au poste de directeur de module, la direction est assumée par le doyen et, en cas de vacance prolongée, le VRER peut nommer un directeur par intérim. Il faut donc conclure que lorsque le Conseil d’administration de l’Université a adopté le Règlement concernant la nomination des directeurs de département, des directeurs de module et des

PAGE : 32 responsables des cycles supérieurs, c’est en toute connaissance de cause qu’il a exclu la possibilité pour un doyen ou une autre personne cadre d’assumer la fonction de directeur de département en cas de vacance puisqu’il a prévu cette éventualité pour le poste de responsable de programme et de directeur de module.

[71]

Le poste de directeur de département doit être assumé par un professeur. Non

seulement les articles 1.09 et 10.04 de la convention le prévoient mais également une lecture de la réglementation ne peut conduire à d’autres conclusions. L’article 3 du Règlement concernant la nomination des directeurs de département, des directeurs de module et des responsables des cycles supérieurs restreint l’éligibilité au poste de directeur de département qu’aux seuls professeurs réguliers.

[72]

Je n’ai retrouvé dans la réglementation aucune possibilité pour le doyen ou un

cadre d’assumer, même pour une courte période, la fonction de directeur de département lorsque le processus de nomination est annulé selon l’article 10 du Règlement concernant la nomination des directeurs de département, des directeurs de module et des responsables des cycles supérieurs. Considérant que le processus de nomination a échoué à trois reprises, en vertu du règlement précité, le VRER devait désigner un professeur du département concerné pour occuper le poste de directeur de département pour une période n’excédant pas 12 mois. Pour les mêmes motifs que j’ai exprimés en regard du rôle de responsable de programme, je considère que le fait qu’une personne cadre occupe les fonctions de directeur de département brise l’équilibre de l’exercice des pouvoirs au niveau des différentes instances universitaires. L’Université, comme employeur, ne peut tout simplement invoquer ses droits de gérance pour ne pas respecter l’article 10 du Règlement des études des cycles supérieurs, le Règlement concernant la nomination des directeurs de département, des directeurs de module et des responsables des cycles supérieurs.

PAGE : 33

La défense d’Estoppel invoquée par l’Université

[73]

Tant pour le grief visant le responsable de programme que pour celui du

directeur de département, l’Université invoque comme moyen de défense l’application de l’Estoppel. L’Université a déposé en preuve des tableaux qui démontreraient que pour les responsables de programmes, le doyen Landry a assumé des remplacements à cinq occasions du 1er mai 2013 au jour de l’audition de la présente affaire. En ce qui concerne les directeurs de départements, le doyen de la gestion académique, M. Lepage, et sa prédécesseure auraient, à 13 occasions, assumé l’intérim de la direction des départements entre 2007 et 2015. Je souligne que l’Université n’a produit aucun témoin pour expliquer le contexte dans lequel se sont produits ces remplacements. Mme Briand a affirmé que le Syndicat n’était pas informé de ces situations.

[74]

Dans l’affaire Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier,

section locale 1653 et Téléglobe Canada ULC2, l’arbitre Nathalie Faucher décrivait ainsi le moyen de l’Estoppel :

« [35] L’estoppel s’apparente à une fin de non recevoir et constitue une règle d’équité entre les parties. Ainsi, la partie qui, de son propre fait, par sa conduite, ses paroles et même son silence induit l’autre partie à croire qu’une disposition de la convention collective ne sera pas appliquée ou le sera d’une façon spécifique et qui, ultérieurement, réclame une toute autre application causant ainsi un préjudice à la partie qui s’est fiée aux représentations initiales, pourra se voir opposer une défense d’estoppel. Il existe également d’autres formes d’estoppel comme nous le verrons ultérieurement. […] [38] Le type d’estoppel invoqué par le syndicat est normalement utilisé lorsque le droit réclamé par le grief repose sur une pratique passée. Ce type d’estoppel est l'une des modalités de la fin de non-recevoir par laquelle une

PAGE : 34 partie est fondée à s'objecter à un changement dans la conduite de son cocontractant. Cependant, l’estoppel peut aussi prendre d’autres formes, dont celle de l’estoppel par représentation. Ce type d’estoppel a été défini de la façon suivante par l’arbitre Claude H. Foisy dans l’affaire C.I.P. Dans une affaire Syndicat canadien des travailleurs du papier, section locale 2995 et C.I.P. inc., division forestière de Maniwaki, grief Bruno Lauzon, décision du 13 mars 1989 du soussigné, j'ai eu l'occasion de traiter de l'application de la doctrine de l'estoppel ou de fin de nonrecevoir. Dans cette décision, aux pages 4 et 5, je disais ce qui suit: «Il y a plusieurs types d'estoppel et celui qui nous intéresse est celui qui touche les représentations faites à une partie ou qui découlent de la conduite d'une partie, ce qui peut inclure également le silence de la partie qui a fait la représentation. L'estoppel par représentation peut s'énoncer de la façon suivante. Une partie qui a fait des représentations à une autre partie en regard d'un droit qu'elle possède ne peut demander l'application stricte de son droit si par son comportement ou ses représentations, elle a fait croire à l'autre partie que l'application stricte de ses droits ne serait pas recherchée et que l'application stricte desdits droits jouerait maintenant au détriment de la partie qui s'est fiée auxdites représentations pour s'engager. En d'autres termes, il ne serait pas équitable qu'une partie possédant certains droits représente à l'autre partie qu'elle n'entend pas exercer ses droits ou qu'elle laisse entendre à l'autre partie que l'interprétation d'une clause est à tel effet pour ensuite, une fois que l'autre partie se soit commise irrémédiablement, rechercher une interprétation différente. En fait, cette doctrine de Common Law est essentiellement une doctrine d'équité et de "fair play".»

[75]

L’arbitre Jean-Louis Dubé, dans l’affaire Syndicat des employés d’hôpitaux de

Ville-Marie (CSN) et Centre de santé Ste-Famille de Ville Marie3, s’est livré à une étude complète de l’application de la théorie de l’Estoppel. Je reproduis les extraits suivants :

« On peut mettre en échec l’application d’un texte clair d’une convention collective par une défense de fin de non-recevoir. C’est exactement ce qu’a fait la Cour suprême du Canada dans l’affaire Banque nationale du Canada et Dame Soucisse. Elle n’a pas appliqué des textes clairs d’un contrat de cautionnement et du Code civil du Bas-Canada parce que la preuve avait révélé que l’intimée pouvait bénéficier d’une fin de non-recevoir. (…) Donc, dans le cadre d’un arbitrage de grief, il apparaît très clair, selon la doctrine et la jurisprudence, qu’une partie bénéficie d’une fin de non-

PAGE : 35 recevoir si l’autre partie lui a donné l’assurance, par un écrit, par ses déclarations ou par son comportement, que dans l’avenir elle ne s’en rapporterait pas à l’application d’un texte mais adopterait plutôt telle conduite ou encore accepterait la pratique de l’autre partie. (…) La fin de non-recevoir, comme le souligne la décision précitée de la Cour suprême du Canada, se base, entre autres, sur le principe que les conventions doivent être exécutées de bonne foi. Une telle institution est nécessaire. Autrement il y aurait un écart inacceptable entre d’une part la règle de droit et d’autre part l’équité, la justice. Ne pas accepter un tel moyen de droit serait une autorisation donnée aux parties de se tendre des pièges dans l’administration et l’application de leur convention collective. Dans une affaire de Consolidated Bathurst inc. et Syndicat national des travailleurs des pâtes et papier de Port Alfred [32], l’arbitre traduit les propos d’un arbitre canadien qui disait qu’on n’a pas «le droit de laisser quelqu’un s’installer sur une branche d’arbre pour ensuite être en mesure de la lui couper». (…) » (je souligne)

[76]

Également, comme le mentionnait l’auteure Louise Verschelden dans son

ouvrage La preuve et la procédure en arbitrage de grief4, l’ignorance ne peut constituer un acquiescement :

« « L'ignorance ne peut constituer un acquiescement. La renonciation à l'application d'un droit doit être suffisamment explicite pour qu'il y ait lieu à une véritable "promesse" de continuer de renoncer aux droits prévus à la convention dans le futur. (...) »

[77]

Dans la présente affaire, je suis d’avis que l’Université ne peut invoquer

l’Estoppel pour faire échec aux griefs du Syndicat. Ce n’est pas l’ignorance du Syndicat de l’assumation par un cadre des responsabilités de responsable de programme ou directeur de département pour certaines périodes plus ou moins longues dans le passé qui me conduit à cette conclusion mais le fait que la fin de non-recevoir invoquée par l’Université ne repose pas sur la convention collective mais, plutôt, sur la

PAGE : 36 réglementation adoptée par le Conseil d’administration.

[78]

Le fondement de l’application de l’Estoppel repose sur le comportement d’une

des parties à la convention collective en regard d’un droit qui lui est reconnu dans le texte. Toutefois, les représentations qu’elle a pu faire à l’égard de l’autre partie ou son comportement en regard du ou des droits qui lui sont reconnus dans la convention collective font en sorte qu’elle n’en a jamais exigé l’application. Ainsi, ce moyen peut être invoqué par les parties au contrat, en l’occurrence l’Employeur et le Syndicat.

[79]

Les postes de responsable de programme et de directeur de département sont

définis dans la convention collective. Ce sont des postes de direction mais leurs titulaires continuent à faire partie de l’unité de négociation. Leurs pouvoirs et devoirs ainsi que leur participation aux différentes instances universitaires sont prévus aux différents règlements adoptés par le Conseil d’administration de l’Université. Leur mode de nomination et de remplacement en cas de vacance relève également de la réglementation entérinée par le Conseil d’administration.

[80]

Le Syndicat n’est pas membre du Conseil d’administration. Le seul lien du

Syndicat avec le Conseil d’administration est que ce dernier, en vertu de l’article 2.04 de la convention, ne peut adopter de règlements qui aurait pour effet d’annuler, de modifier ou de restreindre la portée de la convention collective. Même si des membres du corps professoral, exerçant ou non des activités de direction, peuvent faire partie du Conseil d’administration ou de d’autres organismes qui lui sont subordonnés tel la Commission des études, il n’en demeure pas moins que le Syndicat ne peut être considéré comme une partie à ceux-ci.

[81]

En conséquence, je suis d’avis que l’Estoppel ne peut être invoqué qu’entre les

PAGE : 37 parties à un contrat. L’Université, en sa qualité d’Employeur, ne peut plaider que le Syndicat a renoncé à l’application de la réglementation adoptée par les différentes instances universitaires et, plus particulièrement, en ce qui concerne les responsables de programmes et les directeurs de département. Lorsque le Conseil d’administration de l’Université adopte des règlements, ils doivent être respectés et appliqués et, tant le Syndicat que l’Université en sa qualité d’Employeur et partie à une convention collective, ne peuvent s’y soustraire, sous réserve de l’article 2.04, ou prétendre à l’application d’une théorie comme la pratique passée ou l’Estoppel pour les rendre inapplicables à leur égard.

L’impossibilité pour l’Université de respecter la convention collective

[82]

Subsidiairement, l’Université plaide qu’elle ne pouvait respecter les dispositions

de la convention collective en regard des postes visés par les griefs et, en conséquence, elle était justifiée de désigner les doyens Landry et Lepage pour occuper les postes en litige. Ce n’est pas uniquement les dispositions de la convention collective que l’Université en sa qualité d’Employeur n’a pas respectées, mais également les règlements de l’institution qui prévoit le mode de nomination du responsable de programme et du directeur de département.

[83]

Je suis conscient que les professeurs ne se bousculent pas au portillon pour

occuper les fonctions de responsable de programme ou de directeur de département. Toutefois, sans me prononcer sur la recevabilité d’un tel argument, il aurait été nécessaire pour le considérer que l’Université démontre que malgré que le VRER ait désigné des professeurs pour occuper les postes de responsable de programme ou de directeur de département comme le prévoit la réglementation en cas d’annulation du processus de nomination, aucun professeur n’a accepté la charge.

PAGE : 38

[84]

Je rejette donc ce moyen invoqué par l’Université.

Les remèdes demandés par les griefs

Le grief visant le responsable de programme – article 1.19 de la convention

[85]

Le grief original déposé le 6 octobre 2015 ainsi que le grief amendé le 9 mars

2017 réclament l’affichage du poste de responsable de programme et que le professeur qui obtiendra cette responsabilité bénéficie de la prime et des dégrèvements rétroactivement au 1er mai 2015.

[86]

Le Syndicat ne réclame pas l’annulation de la nomination le 18 février 2015 par

le président d’élection du doyen des études pour assumer les responsabilités des programmes PC et DESS en gestion des entreprises collectives mais l’affichage du poste. Le Syndicat n’a pas non plus jugé utile d’amender son grief considérant que le doyen des études assumait les fonctions de responsable de programme pour un temps qui pouvait être considéré comme une vacance prolongée et demander l’annulation de la nomination du doyen des études, du moins à compter du 1er mars 2015, et requérir du VRER qu’il désigne un professeur pour agir par intérim pour une période de 12 mois. Je ne peux donc faire droit à la demande de rétroactivité des bénéfices rattachés à la fonction de responsable de département pour le professeur qui assumera cette fonction.

[87]

En conséquence, je ne peux qu’ordonner à l’Université qu’elle reprenne le

processus de nomination du poste de responsable des programmes PC et DESS dans les 30 jours de la présente décision. Considérant qu’il s’agit d’une vacance prolongée

PAGE : 39 pour ce poste, en cas d’annulation du processus de nomination faute de candidats ou autre raison, le VRER devra désigner un professeur du Département des sciences comptables pour occuper cette fonction conformément à l’article 14.15 du Règlement des études des cycles supérieures.

Le grief visant la direction du Département d’études langagières – article 1.09 de la convention

[88]

Le Syndicat réclame l’annulation de la nomination du doyen de la gestion

académique comme directeur du Département des études langagières et le déclenchement du processus d’élection pour ce poste.

[89]

Le grief du Syndicat allègue qu’au lieu de déclencher le processus de nomination

du directeur du Département d’études langagières, l’Université a plutôt nommé le doyen de la gestion académique directeur par intérim pour ce poste. La preuve démontre que l’Université à nommé le doyen de la gestion académique le 1er décembre 2016 mais que le processus de nomination du directeur de ce département a été déclenché le 22 décembre suivant et il a été annulé faute de candidats et repris le 14 février et le 10 avril 2017 sans qu’il soit possible de désigner un directeur.

[90]

Comme je l’ai mentionné ci-haut, la réglementation n’autorise pas de désigner un

doyen pour assumer les fonctions de directeur de département et ce, même pour une période intérimaire. Il est possible qu’il y ait un vide à combler dans la réglementation mais les droits de gérance de l’Université à titre d’employeur ne lui permettent pas de se substituer au Conseil d’administration. En conséquence, je fais droit à la demande du Syndicat d’annuler la nomination du doyen de la gestion académique à titre de directeur du Département d’études langagières le 1er décembre 2016. L’Université devra, dans les 30 jours de la présente décision, déclencher le processus de

PAGE : 40 nomination pour le poste de directeur de Département d’études langagières et, si le processus est annulé pour faute de candidats ou pour toute autre raison, le VRER devra nommer un professeur à ce poste pour une période intérimaire n’excédant pas 12 mois, tel que le prévoit l’article du 10 Règlement concernant la nomination des directeurs de département, des directeurs de module et des responsables des cycles supérieurs.

[91]

Les parties ainsi que l’Université en tant qu’institution devraient revoir les règles

et modalités régissant les postes de responsable de programme et de directeur de département. La convention collective permet au Syndicat que ses membres participent à des postes de direction mais, de toute évidence, il y a absence d’intérêt de la part des professeurs. Les modalités en cas de vacance du poste de directeur de département devraient être également revues. C’est une fonction importante, pour ne pas dire capitale, dans le fonctionnement académique universitaire.

La demande du Syndicat que l’Université supporte les frais d’arbitrage

[92]

Le grief du Syndicat, déposé le 22 décembre 2016 et qui porte sur le poste de

directeur du Département d’études langagières, demande que le tribunal d’arbitrage ordonne à l’Université de dédommager le Syndicat des frais d’arbitrage pour le préjudice subi face à une violation claire et délibérée de la convention collective. L’article 24.21 de la convention dispose du paiement des honoraires et frais de l’arbitre :

« 24.21 Chacune des parties paie la moitié des honoraires et dépenses de l’arbitre. Cependant, dans les griefs relevant de sanctions disciplinaires et dans tous les cas où l’Université a le fardeau de la preuve, la partie perdante assumera la totalité des honoraires et dépenses de l’arbitre. Si la décision est mitigée (i.e.

PAGE : 41 accueille le grief, mais en partie seulement), l’arbitre doit indiquer quel pourcentage de ses honoraires et dépenses sera payé par chaque partie. »

[93]

Dans la présente affaire, c’est le premier alinéa de cet article qui s’applique

puisque le fardeau de la preuve repose sur le Syndicat en regard des deux griefs qu’il a déposés. La preuve soumise par le Syndicat en regard du grief déposé le 22 décembre 2016 ne contient aucun élément me permettant de conclure à une violation claire et délibérée par l’Université des dispositions de la convention collective. Il n’y a aucune preuve qu’il existe des précédents où un tribunal d’arbitrage se serait prononcé sur le droit des parties en regard des questions soulevées par le grief. Je souligne également que le grief soutient qu’au lieu de déclencher le processus d’élection du directeur de département, l’Université a nommé le doyen de la gestion académique. Or, malgré la nomination du doyen de la gestion académique pour exercer la fonction du directeur de département, c’est à trois reprises, à compter du 22 décembre, date du dépôt du grief, que l’Université a mis en branle le processus de nomination.

[94]

De plus, les deux griefs qui m’ont été soumis ont exigé une étude sérieuse et

approfondie non seulement des dispositions de la convention collective mais, surtout, de la réglementation en regard du processus de nomination des postes de responsable de programme et de directeur de département. Je suis loin de conclure que la solution aux questions soulevées par ces griefs était évidente à la face même des textes applicables.

[95]

Le Syndicat prétend que c’est de façon délibérée que l’Université a contrevenu

aux dispositions de la convention collective et/ou des règlements. En vertu de l’article 2805 du Code civil du Québec, la bonne foi se présume et il revient à la partie qui prétend que son cocontractant a failli à cette obligation de le démontrer. La preuve administrée par les parties ne me permet pas de parvenir à cette conclusion. En

PAGE : 42 conséquence, je ne fais pas droit à la demande du Syndicat.

DISPOSITIF

POUR LES RAISONS QUI PRÉCÈDENT, après avoir étudié la preuve, la jurisprudence et les autorités soumises par les parties, soupesé les arguments des procureurs et sur le tout délibéré, le tribunal :

ACCUEILLE le grief déposé le 6 octobre 2015 et amendé le 9 mars 2017 et ordonne à l’Université, dans les 30 jours de la présente décision, de reprendre le processus de nomination du responsable des programmes PC et DESS et, en cas d’annulation du processus de nomination faute de candidats ou pour toute autre raison, que le VRER nomme un professeur du Département des sciences comptables pour occuper cette fonction pour une période n’excédent pas 12 mois. Le professeur ainsi nommé ou désigné par le VRER n’aura pas droit à la prime et au dégrèvement tel que réclamé au grief;

ACCUEILLE le grief déposé le 22 décembre 2016 et annule la nomination en date du 1er décembre 2016 du doyen de la gestion académique dans les fonctions de directeur du Département des études langagières et ordonne à l’Université de déclencher le processus de nomination du poste de directeur de ce Département dans les 30 jours de la présente décision et, en cas d’annulation du processus de nomination faute de candidats ou pour toute autre raison, que le VRER nomme un professeur directeur de ce Département pour une période n’excédant pas 12 mois;

REJETTE la demande du Syndicat que l’Université assume les honoraires et frais

PAGE : 43 d’arbitrage.

Procureur du Syndicat

Me Alain Brouillard (CSN)

Procureur de l'Employeur Me Pierre-Alexandre Boucher (Bélanger Sauvé)

Date d’audience : 24 avril 2017 Notes et autorités et précisions : Pour le Syndicat – le 19 mai et le 14 octobre 2017 Pour l’Université – le 19 mai et le 13 octobre 2017

SA/329-11-17 (s) Me Denis Provençal, arbitre

1

L.R.Q., chapitre U-1. D.T.E. 2008T-827. Références dans le texte omises. 3 Décision en date du 22 juin 2000 aux pages 24, 28 et 29. Références dans le texte omises. 4 Éditions Wilson et Lafleur, 1994, à la page 66. 2