Retranscription de l'entretien avec Mme Gremoit, professeur de SVT ...

mais celui qui est pas de gauche, c'est pas pour ça qu'il est (elle mime des guillemets). « pourri ». Et donc moi j'ai jamais considéré la dimension politique dans ...
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Cousin Pauline- Master 2 science politique APLN ingénierie de projet, métiers du sport.

Entretien réalisé avec XXXX, conseillère municipale à XXXXX , le 22 décembre 2007. L’enseignante a en charge la matière SVT au collège XXXX de Bruay-la-Buissière, classé en ZEP. Elle obtient un baccalauréat C et s’oriente dans son domaine de prédilection, les Sciences de la vie et de la terre. Ne se sentant pas de taille à intégrer l’école d’agriculture, elle se dirige vers l’enseignement et pour cela effectue la licence et la maîtrise avant de réussir le CAPES et d’intégrer l’IUFM. Cela fait aujourd’hui dix ans qu’elle enseigne. En plus de ses cours attitrés, elle donne des cours de SVT à des troisièmes de découverte professionnelle dans un lycée professionnel de la même ville ainsi qu’aux classes de troisième de découverte professionnelle du collège pour leur faire découvrir des métiers et des carrières. Elle rejoins le parti socialiste très tôt, après un concours de circonstance, qui la pousse à demander à Jacques Mellick un emploi saisonnier. Pour le remercier, elle décide de le voir et son fils lui conseille de se rendre à la section socialiste de sa commune. Elle y assiste aux premières réunions en 1995. Elle est élue pour la première fois en 2001, dans une commune de 2500 habitants, XXXX , qui fait partie de la communauté d’agglomération de l’Artois, Artois Comm qui regroupe 58 communes pour 210 000 habitants. Marc Toursel est maire de cette commune socialiste. Elle refuse, par inexpérience le poste de première adjointe, pas prête à cette époque à mettre sa carrière entre parenthèse. Elle se présente pour les prochaines échéances municipales sur une liste dissidente pour diverses raisons. Nous avons réalisé l’entretien dans sa salle de classe, au collège, et nous ne disposions que d’une heure.

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 Pour commencer pouvez-vous me dire comment vous êtes devenue enseignante ? Je pense que j’ai toujours voulu… plus ou moins, toujours faire ça. Moi j’ai fait un bac C à l’époque, donc ne sachant pas trop ce que je voulais faire au départ, j’ai bêtement fait ce dont

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j’avais envie, c’est à dire les SVT, et donc ça m’a laissée deux ans pour choisir ce que j’allais faire ensuite. J’ai compris très vite que j’étais pas de taille à faire l’école d’agriculture, euh, je sais plus comment elle s’appelle celle là, mais euh, donc en fait le choix a été vite fait, je suis partie en licence puis en maîtrise de SVT, puis le CAPES et je l’ai eu tout de suite et donc je suis rentrée dans l’éducation nationale et je m’en plaint pas du tout hein, parce que je, je me sens bien dans ce que je fais, donc voilà ça s’est fait assez naturellement. Je me suis pas posée de grandes questions, j’ai suivie mon chemin et j’en suis arrivée là.

 Est ce que vous avez des implications dans votre métier ? Bon ben ici cette année, moi j’ai les classes en SVT, donc je fais aussi des actions un peu particulières, j’interviens en classe de 3ème découverte professionnelle 6 heures. C ‘est une classe qui se fait au lycée professionnel du coin, donc ce sont des élèves qui ont été sortis du collège en fin de 4ème, pour diverses raisons, parce qu’ils en avaient marre du circuit scolaire classique, sauf que, en lycée professionnel ils n’ont pas de profs de SVT, et comme ils passent le brevet, ils ont besoin d’une note en SVT. Ca se passe très bien, je les aime beaucoup mes gamins. Puis à côté de ça j’interviens en 3 ème professionnelle 3 heures, ici dans l’établissement, et là par contre ce ne sont pas du tout des SVT, c’est la découverte des métiers, des carrières donc je fais ça avec 2 collègues, et là encore c’est pas des SVT et ça se passe plutôt bien je dois dire, euh… Jusqu’à maintenant j’ai décliné les invitations de mes collègues à participer au conseil d’administration de l’établissement pour la simple et bonne raison que je me sentais pas le temps de le faire. J’ai déjà fait partie du conseil d’administration dans le collège où je travaillais avant mais ce n’est plus le cas en ce moment, pour diverses raisons…

 Vous avez préféré orienter votre temps disponible pour les cours qui s’ajoutent… Ba euh… c’est pas ça, c’est…le conseil d’administration quand ça se passe bien , prend pas des heures tous les jours à un prof… C’est quelques réunions dans l’année mais c’est une heure, c’est pas écrasant, enfin le plus chiant c’est le conseil d’administration parce que ça dure 3 heures, mais ça se limite à ça en fait… Non, c’est aussi parce que comme j’avais pas mal de réunions à la mairie, et que moi je fais déjà le conseil d’administration du collège où les élèves de ma commune vont, ah j’ai dit non, je me fais pas les deux conseils d’administration, donc c’est plutôt ça en fait, mais bon, un de ces quatre matins, parce que ma collègue de SVT y va, donc elle me dira, bon c’est ton tour maintenant, et j’irai, puisque de toute façon ici, on doit être 40 ou 45 profs, il y a qu’une liste, et on se met d’accord, qui est qui y va cette année, ben moi , et voilà…

 Pour voir ensuite votre entrée concrète en politique, est ce que vous aviez des engagements politiques avant d’entrée à la mairie ? syndicaux, militants ?

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Non, non, des affinités, des affinités, ça se limitait à ça. Alors ça s’est fait très bêtement, euh… C’était 2 ou 3 ans après le bac, moi il fallait que je bosse pendant l’été pour payer mes études, j’avais la chance de pas travailler pendant mes cours, mais par contre mes deux ou trois mois de vacances y passaient. Et puis cette année là, contrairement aux deux autres années où ça c’était fait assez facilement, j’ai envoyé des courriers à droite à gauche, par tous les vents, et rien ne me revenait. Et alors au moment où je commençais à désespérer, je vois un bulletin donc Jacques Mellick à l’époque, qui arrive à la maison, où c’était écrit (elle prend une voie propre à la lecture d’un slogan ambitieux), nous socialistes, nous aidons les jeunes à de réaliser, enfin le grand verbiage habituel. Et alors je dis bon sang de bonsoir, il aide les jeunes à se réaliser, ça tombe juste. J’ai sorti un courrier, et je me souviens parfaitement de mon entrée de lettre, j’ai écrit M. Mellick, vous dites aider les jeunes prouvez le (rire), je suis étudiante, je cherche un emploi, et huit jours plus tard j’avais un emploi. Sauf que, entre temps on m’a dit, oui mais tu vois Mellick il est socialiste, j’avais de toute façon, enfin chez moi on était…il y avait pas de personnes cartées, mais que je sache mes parents n’ont jamais voté à droite. Donc on m’a dit oui mais tu sais Jacques Mellick t’as trouvée un emploi, il faudrait essayer d’aller le remercier. Bon, j’ai pris mon courage à deux mains, je suis allée à la permanence socialiste Béthunoise, je suis tombée sur Jacques Mellick junior, qui me dit oui mais vous étes Vendinoise, nous on est une grosse section ici, ce serait peut être mieux d’aller voir à ...ce qu’il s’y passe, c’est une petite section. Donc de ce fait, je suis allée voir le maire chez moi, qui m’a invitée aux premières réunions et donc j’ai fait ma première vraie rentrée en 1995 (elle hésite) je crois, lors du débat entre Lionel Jospin à l’époque et Chirac, le premier débat télévisé juste avant les élections. Et donc j’ai été à ma première réunion de section à ce moment là. ● Donc de fil en aiguille, pour un détail d’emploi saisonnier…(elle me coupe) Oui, oui et puis faut dire aussi que euh… (elle réfléchie) ● Oui il fallait quand même écrire la lettre, vous rendre à la section… Oui mais je suis capable, quand on me pousse un peu, je suis capable de faire…mais écrire à ces gens là ne me fais absolument pas peur. J’ai déjà écris un courrier à Henry Emmanuelli il y a quelques années, c’était un courrier typique de sa part, hein euh… Cher camarade tu sais que …. ( elle poursuit comme si elle redécouvrait une nouvelle fois la lettre) je dis comment ça le cher camarade non mais elle est bien bonne celle là. J’ai répondu cher Henry, mon cher camarade…et puis donc ouai ouai c’est le genre de truc qui m’embête pas, bon ici pour le collège, j’ai écrit dernièrement à Dominique Dupilet, donc président du conseil général. Ce sont des choses qui… les appeler, même les appeler, j’ai déjà appelé marie noelle Lineman à l’époque. Non ce sont des choses qui ne m’ont et me font pas du tout peur, et ça me fait d’autant moins peur que, à tort, le parti socialiste se considère comme extrêmement démocratique, officiellement tout le monde se tutoie et donc à partir de là, je ne vois pas pourquoi on me refuserait le droit de leur écrire. Donc voilà.. ● Et si, sans penser à cette lettre, est ce que vous pensez que vous vous seriez quand même investie, sans ce déclic ? Je pense que j’aurais fini par le faire, parce que à la maison, enfin j’étais étudiante à l’époque, je passais la semaine à Lille, mon père n’arrêtait pas de titiller, (elle prend une voix d’homme !) alors quand est ce que tu vas le voir…

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● On parlait politique à la maison… Et on continue à le faire, euh… mon père est très critique. Je pense honnêtement, enfin je suis pas avec eux quand ils votent mais je pense honnêtement que mon père vote à gauche, mais par contre euh, il tape sur tout ce qui bouge quoi… Il est très très critique et je suis un peu comme ça malheureusement, je dis malheureusement. Donc voilà, je pense que je suis suffisamment indépendante, il y a certaines décisions de la tête du parti que me révulse (son ton est très vif) ça m’empêche pas de voter à gauche mais il y a des choses qui chez moi ont beaucoup de mal à passer. Donc tôt ou tard, je pense que j’aurai fini par y aller. Mais ça a précipité un petit peu les choses. ● Et est ce que vous diriez que le métier d’enseignant est un atout pour entrer ou faire de la politique ? Je ne sais pas du tout… euh… ● Le monde enseignant est réputé pour sa disponibilité… Oui voilà, c’est un problème de temps, comme nous n’avons que 18 heures à faire, et que nos heures supplémentaires, puisqu’on doit quand même encore 39 heures à l’éducation nationale, les 21 heures restantes, même si on les fait, on les fait comme on veut et où on veut et…on s’organise comme on veut, et donc c’est un gros avantage quand on veut s’investir dans ces associations là , enfin on va dire association au sens large du terme. Moi si je veux être en réunion de 5h l’après midi à 22h le soir, et que je veux bosser après 22h, personne ne m’en empêche, c’est ça en fait et à ce niveau là on a une très très grande liberté. ● Est ce que tout le corps enseignant s’implique de la sorte ? De moins en moins je crois, c’est à dire que je pense qu’il y a encore quelques années les gens étaient très syndiqués, et ici on doit être je sais pas, à 20%, ce qui est encore énorme par rapport aux autres professions mais je pense que ça diminue… ● Comment l’expliquez vous ? Je pense qu’on est de plus en plus égoïste, y a de ça hein. Faut savoir aussi que l’éducation nationale est un métier de plus en plus féminisé, et que souvent le mari travaille, et que le mari en général, n’a pas une situation « minable » si je peux me permettre l’expression et que là encore je vais grossir le trait mais le salaire de la dame dans ce cas là deviens presque, je vais pas dire de l’argent de poche, mais un plus. Alors pourquoi se battre puisque de toute façon voilà quoi, c’est jamais qu’un plus. Faut quand même savoir que l’éducation national est quand même le corps de métier où il y a le plus fort endettement en France. Il paraît que nous sommes des gens qui vivons au dessus de nos moyens (sourire ironique), donc voilà je pense que c’est un problème de temps. Bon ici on est plusieurs à se lancer dans la course. Bon

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je pense pas qu’il y ait beaucoup d’élus ici dans le profs en sortant de mandat, par contre il y a deux ou trois collègues qui se lancent dans la course pour mars prochain. ● Et vous en parlez entre collègues ? Ben euh, ouai moi j’en ai parlé beaucoup parce que, pour diverses raisons, parce qu’on a eu des accrochages…et qu’il y a des gens qui m’ont posée des questions pour savoir comment ça se passait, sinon euh… (d’un ton presque relevant du secret, et hausse le ton) Moi je suis pas à me battre pour mes idées politiques, de toute façon, je suis absolument persuadée qu’une personne qui a une opinion qui diffère de la mienne, je n’arriverai pas à le faire changer d’avis, donc c’est pas la peine que je me fatigue… On peut en discuter, on en discutera de façon plus ou moins euh… méchante mais de toute façon j’arriverai pas à le faire changer d’avis donc… je vais pas me battre ça c’est évident… ● Et inversement est ce que les enseignants représentent une sorte de valeur qu’on recherche pour les listes ? Je ne suis pas sûre non plus. Là encore, on a une salle réputation, je suis pas convaincue. Sur la liste sur laquelle je me présente pour mars, je suis la seule. La fois dernière, j’étais la seule prof, mais il y avait le maire actuel, qui est un instituteur à la retraite et il y avait deux personnes qui étaient personnel technique de l’éducation nationale. Or sur cette liste ci, y a que moi. Donc je pense que l’éducation nationale et la politique, c’est un peu je t’aime moi non plus. C’est à dire que, on sait de quoi on parle mais d’un autre côté je pense qu’on a la réputation d’être des gens butés, et qui sont un peu fermés, probablement, donc je suis pas vraiment sûre qu’on nous recherche. Maintenant j’ai pas une grande expérience non plus du voisinage en fait. ● Avant de revenir plus précisément à l’exercice de vos fonctions d’élus, on va parler des changements qui ont touché l’enseignement. Qu’est ce que vous pouvez déplorer ou au contraire relever de positif dans les changements du monde enseignant par sa composition, son implication… ? Euh… je n’ai que dix ans d’ancienneté moi, il fait bien savoir. Je pense que, on est obligé par la force des choses à avoir une vision de plus en plus global de nos élèves, la famille, les frères, les sœurs et puis la situation financière aussi, et je pense franchement que ça ne fait pas de mal. Quand on a méconnaissance du problème dans une famille, en général ça se passe mal avec l’élève. Au bout d’un certain temps quand on sait ce qu’il se passe, on est mieux à même de comprendre pourquoi l’élève réagit de telle ou telle façon… ● Il faut être un peu psychologue… ? Voilà… Alors et de ce coup là je pense que honnêtement ça va mieux. Mais c’est à double tranchant car on est pas formé pour ça. Moi, l’IUFM quand j’en faisais partie, euh… on nous parlait pas de ce genre de chose. On apprend sur le tas. Alors il y a aussi le problème du manque d’effectifs question assistants sociaux dans les établissement scolaires. Ici on est en Z.E.P. Il y a une assistante sociale qui est ici a mi-temps et là où on a un soucis avec cette dame qui est d’ailleurs sympathique, c’est que, elle ne peut jamais rien nous dire. Comme nous n’avons pas prêté serment de garder le silence, on a beau lui dire mais à qui veux tu que je raconte ça…Elle me dit oui mais non, non, non. Alors là on coince…

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● Il n’y a pas de relais… Oui voilà. Elle est là, elle reçoit du monde tout le temps, des parents et des gamins. Alors moi je ne tiens pas à savoir que le gamin se fait taper dessus ou que le père est en dépression mais qu’elle me dise untel a un gros souci à la maison, donc faudrait peut être y aller doucement… et même cette information là on a quelque fois du mal à l’avoir… D’un côté on est pas assistants sociaux donc on veut pas se substituer à eux, et puis d’un autre côté on voudrait bien en savoir plus. ● Ici tout le monde fonctionne comme ça ? il y a une différence entre les « anciens » et les nouveaux entrants ? Ah oui, c’est sur oui… les anciens fonctionnent bien moins que ça… oui puis il y a aussi le fait que quand on arrive à dix ans de la retraite, si ça se passe bien avec les élèves c’est très bien, et puis on en fait pas plus et si ça se passe mal on fait rien en plus. Ce que je conçois assez aussi, de toute façon faut être honnête. En plus on a pas de véritable chef capable de nous remettre en place, notre chef n’a pas de pouvoir réel sur nous, un pouvoir d’organisation, et d’emmerdement maximum aussi (rire), il peut nous casser les pieds, mais bien. Mais à part ça, il n’a pas de pouvoir réel et donc on a pas d’objectifs de réussite comme dans une boîte où on nous dit il fait augmenter la production de tant de pour cent dans l’année, nous on travaille sur des gens, on sait pas ce qui va arriver, et donc comme on a pas beaucoup de rapports avec l’extérieur ni avec les entreprises ni avec les collègues, je pense que c’est un métier très très lourd à faire bouger. Donc je pense qu’on à quelques soucis à se faire dans l’éducation nationale.

● C’est à dire ? Et bien je pense que la solution justement elle est politique parce qu’on, on… la quantité de gens qui sont laxistes et qui ont, et/ou pas de travail, ont pris un poids démesuré dans les échéances électorales, et donc à partir de là, ce sont des gens à qui on ne peut rien demander par la force des choses car ce sont des gens qui sont complètement déboussolés parce que, parce qu’ils ne se lèvent plus le matin pour aller bosser, parce qu’ils veulent pas être embêtés avec leurs gamins… donc à cause ça les gamins s’enfoncent parce que justement à eux non plus on ne peut plus rien leur demander et voilà quoi… Il y a une perte de repères énorme… ● Est ce que l’école peut pallier ce manque de repères ? Dans une certaine mesure, mais moi je pense que rien ne remplacera l’éducation que peuvent donner les parents à un enfant et que si les parents sont eux même suffisamment déboussolés pour ne pas être capable de réagir et bien… on peut pas s’en sortir. Je pense que là il y a un réel problème, mais tout le temps qu’on ne permettra pas aux gens de retrouver une activité professionnelle descente, on s’en sortira pas. Tout le temps qu’on arrivera pas à descendre la quantité de chômeurs, on s’en sortira pas. C’est évident. Et je pense que ce problème ne peut se résoudre que par le travail.

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● Pour en terminer avec le corps enseignant, la gauche est elle toujours aussi prégnante ? En salle des profs ? de moins en moins. L’éducation nationale était un bastion de gauche, mais euh là , alors… on en a discuté l’année dernière pour les élections présidentielles, puisqu’il y a une collègue qui est visiblement de droite, euh… qui … enfin moi je suis arrivée en cours de conversation, et qui disait ce truc…euh… encore plus en salle des profs on a le droit d’être de gauche, et même de la gauche caviar comme on dit, mais par contre être de droite c’est complètement interdit. Elle le vivait assez mal, elle se sentait mis au banc de la société. Elle se disait qu’on à le droit de clamer haut et fort qu’on est de gauche mais on a pas le droit de clamer qu’on est de droite. Et donc je pense que c’est encore la cas plus ou moins, quand on parle en salle des profs, à entendre les gens, tout le monde va plus ou moins se dire de gauche, par contre je serais assez curieuse de savoir qui à voter à droite aux dernières élections. Et je pense qu’on serait surpris. Ca c’est une question qui revient régulièrement à la mairie… on me dit et alors chez toi en salle des profs ç ava donner quoi ? Je serais vraiment curieuse de savoir et je pense que il y a 30 ans, sur 50 profs il y aurait eu deux personne de droite. Aujourd’hui, oh… (elle réfléchit) il y en a bien 20… ● Mais on ne l’affiche pas clairement ? Ah non. On ne peut pas, parce que justement l’éducation nationale est de gauche et puis parce que quand on travaille dans un milieu relativement défavorisé comme Bruay, être de droite c’est être pour les patrons et donc c’est taper sur les gens qui n’ont pas d’argent et donc ce n’est pas possible. Je pense qu’il y a plus en plus de profs qui sont de droite. Ils disent pas qu’ils sont pro Ségolène Royal, c’est ne pas dire qu’on est Sarkosyste et puis quand même de pas être la personne de droite qu’on peut imaginer c’est euh… naviguer entre les deux on va dire. ● Bon on va passer à l’exercice au concret de votre rôle d’élu. Comment se passe l’articulation des deux fonctions ? Alors euh…il faut savoir qu’au niveau de l’emploi du temps, donc moi, j’ai essayé de ne pas travailler le mercredi matin pour pouvoir aller à la mairie. Elle ferme à 18h mais moi en finissant à 17h15 ici, ce n’est pas possible. Donc quand j’ai été élu, j’ai demandé à mon chef d’établissement pour ne pas travailler le mercredi matin. La réunion d’adjoint à lieu le mardi matin, et là il n’était pas question que je sois libérée le mardi matin. Le mercredi matin ça m’allait bien. Pour les réunion de commission et les conseils municipaux, c’est toujours en fin de journée, 18h30 ou 19h, là ça pose pas de problème. Dans le pire des cas, il arrive que je sois en réunion parents profs, donc là, je donne procuration à un adjoint souvent, donc ç ase passe comme ça. Au départ, quand on a été élu, le maire, sincèrement, envisagé de me nommer première adjointe parce qu’il voulait une femme et si possible jeune. Donc euh…le problème c’est que sans avoir aucune expérience de la vie municipale, être catapultée première adjointe…euh… j’y ai réfléchie quelques jours. On en a parlé dans son bureau à l’époque…

● C’était… C’était en 2001, enfin fin 2000 c’était juste avant les dernières élections, et puis après y avoir réfléchie quelque temps, je suis allée le voir et je lui ai dit écoute, je peux pas me lancer dans

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un truc comme ça quoi… Je ne savais pas ce que c’était qu’un conseil municipal.. être première adjointe comme ça, ça voulait dire participer à Artois comm, allé au SIVOM et tous ces machins là. Alors c’est là qu’il me dit, oui alors d’autant plus il aurait fallu que tu prenne un temps partiel… Attends, attends ma carrière j’en fait quoi, et puis l’argent j’en fait quoi aussi. Moi je peux pas vivre avec un temps partiel et puis avec , même avec une subvention… Alors je me suis défaussée parce que je me sentais pas capable d’assumer la chose et donc à partir de là, moi par contre je me suis investie dans la commission concernant les écoles, évidemment, et d’ailleurs l’adjoint qui s’en occupe vient régulièrement me voir, et me demande ce que j’en pense, parce que moi j’ai… bon chez nous on a pas de collège, le collège c’est la ville d’à côté, mais on a à gérer les écoles, mais y a des choses pour lesquelles on vient me voir et me demander chez vous ça se passe comment ? et là je donne mon avis, non là tu peux pas faire ça, là tu devrais faire ça… c’est tout. Donc voilà, il est bien évident… ● Vous pesez dans la balance et vous êtes écoutée, vous êtes la seule … Bien sur, à ce niveau là c’est normal alors c’est pour ça aussi que l’adjoint est censé faire partie du conseil d’administration du collège où on envoie nos élèves, et que neuf fois sur dix elle me refile le bébé parce que elle me dit tu comprends quand la principale me dit bon alors DGA cette année de tant d’heurs, elle dit moi, je ne sais pas de quoi elle parle. Alors neuf fois sur dix c’est moi qui y vais, et de temps en temps elle se montre quand même. Et pareil, le collège a encore ce qu’on appelle un syndicat de gestion chez nous, pour rembourser les emprunts à la création du collège il y a 33 ans, un syndicat de gestion donc un syndicat géré par les communes qui envoyaient leurs élèves chez eux, a été crée. On est arrivé à la fin des emprunts et on s’est posé sérieusement la question, si oui ou non le syndicat de gestion allait poursuivre cette activité. On a décidé de continuer alors que les emprunts étaient remboursés, parce que les communes financent du matériel, donc pareil c’est les communes qui achètent le matériel pour les collèges chez nous. A l’entrée en 6 ème, 5ème, 4ème, 3ème on leur fournit les cahiers les crayons… Le syndicat de gestion a décider de fournir le matériel mais il n’est pas fournit aux gens qui arrivent, euh qui sont en dehors des communes, d’accord. Alors c’est pareil, tous les ans on leur fournit un rétroprojecteur, un lecteur DVD. Alors là encore moi je vais aux réunions du syndicat de gestion en question, et alors le, le … le syndicat envoie aux chefs d’établissements, une lettre leur disant bon ben voilà est ce que vous auriez besoin de matériel, et donc le chef d’établissement envoie une liste de matériel et alors là, la première à qui on parle c’est… qu’est ce que t’en pense ? Alors moi je regarde et je dis par exemple écoute ça moi je vois pas à quoi ça sert…bon voilà là encore on m’écoute plus que les autres même si les autres sont adjoints, parce que quand on parle collège, je sais de quoi je parle…

● Et est ce que ce poids que vous avez obtenue sur les questions scolaires se répercute sur d’autres domaines ? Est ce que vous êtes plus écoutée ailleurs ? Je crois pas… C’est à dire que moi je suis la seule femme à faire partie des commissions des travaux et de l’urbanisme. La première fois je suis arrivée, j’ai dit oh la vache, c’était marrant on doit être quatorze ou quinze et je suis la seule. Alors là j’en prend pour mon grade… Mais quelque fois je suis, à ce niveau là, bon il est clair que quand on parle des tuyauteries, pour l’évacuation de l’eau, qu’est ce que tu veux que je dise ! Par contre, j’ai une autre vision des choses, de temps en temps quand on parle voiries, je dis et le machin là… Ah oui tiens on avait pas pensé à ça…

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● On vous accorde une crédibilité… Oui mais je pense pas que ce soit le fait d’être enseignante à ce niveau là, c’est euh… plus le fait d’être une femme par rapport aux hommes…. ● Et être écoutée, c’est facile quand on est une femme ? Non, non… Ben c’est à dire que là où j’ai un avantage, contrairement à certains autres, c’est qu’on est vingt trois au conseil municipal, et que sur les vingt trois on était douze socialistes, donc on était en minorité. Tous les autres sont des sympathisants socialistes. On était donc une liste divers gauche, (au passage je lui demande si elle est cartée) oui oui je suis cartée moi. Et donc les douze en question, on se connaissait bien puisqu’on se voyait en réunion de section et donc quand je suis arrivée là, les autres ne se connaissait pas toujours, et ne faisait pas partie du clan socialiste… même si on est pas vraiment un clan… en plus moi j’étais la plus jeune, alors ça m’a jouée quelques tours d’ailleurs, par exemple, au premier conseil municipal qui consiste à élire le maire et les adjoints, autant dire qu’il y a plein de monde ce jour là et ce jour là qui tient les urnes, le plus jeune et le plus vieux. Et le plus jeune c’est qui, c’est moi et alors ça on m’explique ça un quart d’heure avant la réunion alors là, ah ah ah ah … Alors le monsieur qui est le plus vieux, qui vient de décéder en début de semaine, on l’a enterré hier… on me dit, tu le laisses pas parler hein sinon demain on y est encore… Ah bon…alors c’est moi qui ai pris les choses en main et puis c’est devenu un peu un jeu…j’étais la plus jeune du conseil municipal. Et le deuxième conseil on vote le budget , et je ne fais pas partie de la commission du budget, et là je dis écoute marc, marc c’est le maire, M. le maire je comprend rien, expliquez moi rapidement je comprend rien. Et alors là, drame de lez majesté, on m’attrape à la sortie du conseil et on me dit, tu te rends pas compte tu as mis l’autorité du maire à mal… moi j’ai fait ça ? tu poses des questions avant ou après mais pas pendant. Ah mais pourquoi ? Et bien c’est comme ça tu te rends pas compte, on ne peut pas poser ce genre de questions à un maire socialiste. J’en ai entendu parler pendant des semaines… et le conseil municipal suivant, c’était de nouveau modification du budget, et alors là on demande qui est pour, tout le monde lève la main et moi je…j’avais pas le droit de poser de question…mais je dis ben je comprends rien, j’insiste lourdement, alors que tout le monde avait le doigt levé…(rire) alors là gros soupir des adjoints qui me disent, allé vas y pose ta question parce que là tu nous emmerdes là ! Après avoir fait ça une fois ou deux , ils ont compris que s’ils voulaient que je vote et que je la boucle, ils avaient intérêt à répondre parce que de toute façon j’allais embêter le monde. Donc je suis un peu aussi la mouche du coche, quand il y a quelque chose qui me plait pas, parfois ça traîne un peu et puis ça finit pas sortir… voilà, mais bon il faut savoir aussi que là depuis un an, l’ambiance se dégrade au conseil municipal. Autant on était très soudé au début… ● C’est l’approche des échéances… Bien sur… parce que monsieur le maire nous a joué quelques méchants tours… C’est pas du tout un problème de gestion, sa gestion est rigoureuse, c’est un problème d’attitudes et de comportements envers certaines personnes du conseil… Donc voilà, il s’avère que chez nous il y aura deux listes socialistes, menées par des socialistes… Alors c’est assez curieux car normalement, la liste socialiste doit être validée par la section, or le maire ne vient plus en réunion de section, il paye sa cotisation mais ne vient plus. Et donc la section soutient la liste dissidente mais le parti ne désavouera jamais un maire socialiste…donc c’est un peu curieux.

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● Pour parler des réseaux qui s’agrègent autour de vous, est il facilité par votre métier ou s’est il étoffé au fil de l’exercice du mandat ? Ben c’est à dire que là, ça m’aide au niveau du collège. Comme la région et le département sont socialistes et que j’ai donc moi des rapports avec des socialistes dans ma commune, des socialistes qui ont été relativement présent, qui n’ont jamais tenus de rôles au niveau du département, de rôles officiels au niveau du département mais il y a deux personnes dont un qui ne fait plus parti de la section et qui connais tous le monde donc je sais qu’on a eu quelques soucis aussi bien dans mon ancien collège qu’ici, qu’est ce que je faisais ben j’allais voir la section et je leur disais « a ton avis qu’est ce que je dois faire » et on me disait « tiens téléphone la » donc ça ça ma facilité les choses…l’inverse c’est pas tout a fait vrai c’est a dire que le collège….pardon la municipalité n’a pas besoin du collège par contre le collège a parfois eu besoin non pas de la municipalité mais des relations socialistes que je pouvais avoir. ● Et c’est un atout pour vous ? Bah ça a parfois débloqué des situations mais alors….est ce que le mot atout euh … c’est le mot atout qui m’embête un petit peu. Je suis pas sur que ce soit un atout mais par contre ça a pu arranger, faciliter les choses. ● Et le réseau au niveau de la municipalité, est ce qu’il a su grandir, est ce que vous le mobilisé souvent ? Euh il est… , le réseau est absolument énorme parce que notre maire est le président d’Artois comm, donc voilà…, donc euh là encore l’année dernière pour la DP3 on voulait aller visiter le centre de tri a Ruitz, le centre de tri d’Artois comm et « t’es idiote ou quoi , pourquoi t’es pas venu me voir c’est moi qui suis en charge je t’aurais arrangé l’affaire » « ah bah ouai j’y ais pas pensé » donc voilà il s’avère que notre commune ne fait que 2500 habitants mais euh….y a du beau linge qui viens chez nous de temps en temps enfin quand on dit beau linge c’est des socialistes c’est a dire que le maire de Bethune viens régulièrement ,on a vu Marie Noelle Leniman à l’époque qui avait son QG de campagne chez nous présenté au législative donc…à ce niveau c’est un peu particulier ● Et cette dimension elle vient du maire ? Non elle vient pas du maire mais de la direction de la section qui n’a jamais connu de fonction plus haute que premier adjoint car il n’a jamais voulu être maire ce monsieur mais il connaissait tout le monde et alors actuellement aussi l’homme fort entre guillemets c’est le mari de la secrétaire de section qui lui encore était représentant au conseil économique et social a Lille qui a fait parti de tous un tas de commission a Paris et donc a partir de la…c’est deux messieurs la connaissaient absolument tout le monde hein… il me faisait rire pas ce monsieur la mais l’autre dont je te parlais juste avant parce qu’il me disais « moi j’ai tutoyé tout le monde » c’est un monsieur qui a 70 ans maintenant mais il dit « moi j’ai tutoyé tout le monde de Rocard a Jospin en passant par Martine Aubry et pis il dit le seul que ,alors Beregovoy pareil, il dit le seul que je n’ais jamais réussi a tutoyer c’est François. Alors il dit ça « ah non François on ne le tutoyé pas ,sinon tout le monde tutoie tout le mode »

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Et j’avais aussi une question, maintenant avec le recul est ce que tu dirais oui au projet d’adjoint ? Je suis en train de me poser la question sérieusement je ne sais pas du tout toujours pour les mêmes raisons a cause d’un problème de temps.

● Et sinon au niveau des compétences ? Niveau compétence ouai si j’avais un peu plus de temps je le ferais. Alors ici on est en pleine préparation de la campagne euh….on n’a toujours pas décidé qui sera maire et qui sera adjoint euh…. Donc je sent venir gros comme une maison le moment ou on me posera la question. Y a des jours ou je me dis « allez allez allez je vais le faire » et pis y a des jours ou je rentre chez moi je suis crevée.... Mais au niveau compétence je me sent tout a fais capable de le faire, par contre niveau disponibilité euh…parce que je suis pas prête a mettre en veilleuse ma profession, ma carrière et assumer le rôle d’adjoint donc euh…. ● Sans jamais perdre de vue la municipalité C’est à dire c’est un des problèmes qui se pose chez nous a la municipalité en ce moment c’est que au départ les adjoints c’était nos potes et là sur les deux dernières années qui viennent de s’écouler ce sont de moins en moins nos amis et de plus en plus nos supérieurs. Or moi je suis désolé mais ces gens la je ne leur dois rien et j’accepte de moins en moins cette façon condescendante qu’ils ont de nous traiter euh même si c’est clair que tous les conseillers ne sont pas sur le même plan parce que y a un ou deux conseillers qui clairement nous ont dit « bon ben moi je viens la parce que vous avez besoin de quelqu’un mais faut pas compter sur moi » alors que moi j’ai toujours été la et j’ai de plus en plus de mal a accepter cette façon qu’on a de nous donner des ordres donc voilà….parce que j’estime que dans une municipalité de 2500 habitants y a pas de quoi attraper la grosse tête… ● C’est une histoire de…. (elle me coupe pour répondre) Ah c’est une histoire de… au début c’est assez marrant quoi on était les deux jeunes avec le gars qui a 3 ans de plus que moi et qui dit… le gars mettait jamais de cravate, et le maire est toujours cravaté mais il allait faire cours en costume cravate. Alors au départ c’est « Frédéric, où est ta cravate ? », alors il répond (elle prend un accent du nord) « ah ba j’sais pas, m’femme elle me l’a pas donnée ! » (rire), et puis il se tournait vers moi et il disait « ben, Cécile non plus elle a pas de cravate et tu lui dit rien à elle ? »… Alors son mot c’était, la première décision du maire quand je serai élu c’est « la cravate est interdite ». Donc tu vois ça se passait comme ça, or c’est devenu de moins en moins sympathique… Moi j’ai assisté y a deux ans à un truc, et j’ai dit non mais je rêve là ou quoi… un instituteur à la retraite et un facteur à la retraite qui expliquait à un technicien de carrière comment démonter un radiateur… Là je me dis mais où est la caméra là, on est filmé ? Parce que moi en tant que prof comment veux tu que j’explique à un technicien comment faire son boulot… Et c’est de

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plus en plus souvent… C’est pas un problème de gestion mais un problème d’image… Et que passer cinq ans supplémentaires dans cette ambiance là et ben je suis pas d’accord.

● Est que la dimension politique est vraiment présente dans votre activité au concret ? Dans les politiques scolaires par exemple ? Non, non, c’est ça aussi qui pose problème parce que moi je… bon il s’avère que je suis cartée, et pour une commune dans le Pas-de-Calais, il vaut mieux être de gauche que de droite. C’est clair, mais j’ai jamais considéré mon activité à la mairie comme ça, c’est à dire tout ce qui est à gauche est bien et tout ce qui n’est pas socialiste doit être écrasé… Or pour le maire c’est de plus en plus comme ça. Pour moi, dans une commune de 2500 habitants, on fait du mieux possible, et le gars qui est de gauche et qui est d’accord avec toi et ben c’est bien, mais celui qui est pas de gauche, c’est pas pour ça qu’il est (elle mime des guillemets) « pourri ». Et donc moi j’ai jamais considéré la dimension politique dans le fonctionnement de la mairie au jour le jour… C’est ça aussi qui nous gène un peu, c’est qu’on a l’impression que le but n’est plus de faire du mieux possible c’est d’écraser son adversaire politique. C’est ça qui nous gène. ● C’est un peu la raison de la deuxième liste ? Oui, oui complètement. Jusqu’à maintenant, je te disais sur vingt trois on devait être douze socialiste, euh, onze non socialiste, c’était pas grave, y avait des gens qui avait une vie associative très riche et qui n’était pas socialiste et puis ça posait pas de problème a priori sauf que ça en pause de plus en plus… alors il est clair néanmoins que cette liste a été élue sans opposition, bon y avait une deuxième liste à l’époque mais cette deuxième liste est passée à la trappe, donc on a tous été élu et donc y avait pas d’opposition franche. On est pas dans une proportionnelle où on a, je sais pas moi, 57% d’une liste et 43% d’opposants qui va voter non à tout ce que le maire va proposer. Nous y a quasiment jamais eu d’opposition, y a eu des gens qui ont voté la neutralité qui se sont abstenus. Il y a eu une ou deux oppositions mais c’était des détails on va dire. ● Bon et bien, vu l’heure on va terminer là dessus… Elle me donne son adresse mail. En me raccompagnant à la porte de sa salle de classe, elle me confiera avoir beaucoup de doute quant à sa réélection. Elle endosse une position très affectée et quand je lui demande d’où lui viennent ses doutes, elle me répond naturellement que le poids de maire sortant est de tradition très important. Changeant d’attitude pour se montrer plus ferme, elle m’explique ensuite pourquoi elle a accepté de faire partie de la liste dissidente, bien qu’elle avait déjà évoqué des explications. Là il s’agit d’une explication plus personnelle. Le maire lui a laissé deux jours pour savoir si elle se présentait de nouveau à ses côtés. L’ambiance n’étant pas au beau fixe, comme elle nous expliquait pendant l’entretien, le ton et la façon de faire du maire n’ont pas arrangés les choses. Ne répondant pas, elle fut convoquée face aux maires et deux adjoints, qui lui ont montré qu’elle devait faire un choix rapide, sous pression… alors que d’autres membres de l’équipe municipale disposait de plusieurs mois pour se prononcer.

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Jugeant cette convocation trop vigoureusement menée par ces interlocuteurs, notre conseillère après deux jours de réflexion, s’est de nouveau présentée devant la maire, et avant même de parler et de lui dire qu’elle rejoignait l’autre liste, ce dernier lui a signifié que le choix n’était plus ouvert. C’est ainsi que sa conviction s’est trouvée confortée pour rejoindre la liste dissidente.

Analyse de l’entretien

Au cours de cet entretien, nous découvrons une personne motivée, dynamique, et très au fait de ce qu'il se passe autour d'elle. J’ai eu l’occasion de l’observer plusieurs fois à la fin des cours, et autant dire qu’en classe, cette enseignante sait se faire respecter. Cette jeune femme est une enseignante motivée, qui loin de subir, s’implique dans son travail et au delà de ses compétences propres. En effet, elle donne des cours dans un lycée professionnel à des élèves de troisième professionnelle qui ont choisi de quitter le système scolaire classique, mais qui ont besoin de cours de SVT en prévision du brevet. Elle donne aussi des cours, moins formels à des classes de troisième professionnelle du collège, pour leur faire découvrir les métiers et les carrières envisageables. Ce n’est pas sans fierté qu’elle me décline ces activités pourraient on dire « parallèles », et qu’elle affiche clairement une affection pour « ses gamins » comme elle les appelle. Elle se présente également comme une enseignante « ouverte », au fait des problèmes que rencontrent ses élèves, dans leur environnement familial, et qui sait qu’elle ne peut faire sans tenir compte de ces contextes pour exercer son métier. A ce propos, elle déplore un manque de communication au sein de l’équipe pédagogique qui souffre d’un manque d’effectif. Pourtant placé en ZEP, le collège ne dispose d’une assistante sociale qu’à mitemps. Celle ci se refuse de communiquer aux enseignants, des diagnostics familiaux qui pourraient aider les professeurs dans les relations qu’ils entretiennent avec l’élève concerné. Pourtant selon notre enquêtée, il est crucial et ce de manière contrainte par l’évolution actuelle de la société, à « avoir une vision de plus en plus globale de nos élèves, la famille, le frère, la sœur, et la situation financière aussi ». Elle poursuit : « quand on a méconnaissance du problème dans une famille, en général ça se passe mal avec l’élève […] quand on sait ce qu’il se passe, on est mieux à même de comprendre pourquoi l’élève réagit de telle façon… ». Se mettre dans la peau d’un psychologue, n’est pas donné à tout le monde, et ce d’autant plus, me dit-elle, ils ne sont pas formés à cela sur les bancs de l’IUFM. Elle remarquera à ce propos, que les anciens enseignants ne fonctionnent pas tous comme cela, pour différentes raisons, comme l’approche de la retraite par exemple. Selon elle, cela tient aussi au fait qu’ils n’ont pas de véritable chef capable de les « remettre en place » ni de réels objectifs de réussite en terme de productivité chiffrable. Là où dans l’exercice concret de sa fonction d’élu, la politique semble ne pas être prépondérante (nous le verrons), notre enquêtée pense ici que le problème est réellement politique. Elle évoque pour se faire, le problème de manque de repères dont souffrent les enfants, et ce du fait de la situation de leurs parents, eux même déboussolés, sans emplois… pour qui l’éducation des enfants est devenue par la force des choses un investissement relégué à la marge des soucis. Cela se ressent sur l’attitude des enfants « qui s’enfoncent parce que

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justement à eux non plus on ne peut plus rien leur demander ». Selon elle, en réponse à mon questionnement, l’école ne peut suffire à pallier ce manque de repères. Elle pense que rien ne remplacera l’éducation que les parents peuvent donner à leurs enfants, et rajoutent que « si les parents sont eux mêmes suffisamment déboussolés pour ne pas être capable de réagir et bien, on ne peut pas s’en sortir ». L’école peut apporter des solutions, mais son action ne sera pas efficace si la famille n’endosse pas son rôle. Pour retrouver des repères, il faut selon elle avoir un emploi et tant que tant que le nombre de chômeurs ne baissera pas, les problèmes persisteront.

Je découvre également une femme au caractère bien tranché. Nous le verrons, si le collège est un univers plutôt féminin, la municipalité lui offre un cadre masculin dans lequel elle a dut faire ses armes. Enfin, son attitude tout au long de l’entretien témoigne de son implication. Elle vit se qu’elle raconte, se retrouvant presque à chuchoter quand elle déplorera les dérives de l’équipe municipale, mais se montrant capable d’hausser les voix entre éclats de rire et gestes théâtraux pour relater un fait précis qui lui est arrivée. L'entretien s'est bien déroulé, et au fur et à mesure de son avancement, surtout quand nous avons parlé de politique, je me prenais au jeu et il pouvait parfois s’apparenter à un débat. J'ai multiplié les maladresses dans mes relances, ou dans la formulation des questions, au début de l'entretien ou je n'étais pas très à l'aise, mais elles m’ont cependant quelque fois permis d'apprendre des choses intéressantes. Je regrette aussi, après avoir retranscrit, le fait de ne pas avoir posé certaines questions à certains moments, pour creuser un détail qui aurait pu être crucial. Dans le cas de cette personne, il ne semble pas que le métier d’enseignant se soit présenté comme un atout crucial à sa prise de fonction élective. Tout d’abord, Il s’agit de rencontres fortuites qui n’ont fait que guider l’expression d’ « affinités » qu’on peut dégager d’un contexte familial. Il est possible ici d’envisager le poids de la socialisation primaire, qui est pour Annick Percheron « un fond de carte » à partir duquel se construisent les orientations et définitions du monde politique. Au sein de la famille se joue la transmission de la connaissance politique, ainsi que celle des préférences politiques. C’est ici que nous nous apercevons que nous manquons d’informations pour développer ce point. Il aurait été intéressant de la questionner davantage sur le comportement de ses parents, s’ils affichaient des positions aguerries ou plutôt effacées. Nous savons tout de même qu’une place était accordée à la politique, place qui existe toujours aujourd’hui. Nous savons aussi que son père, de gauche, est très critique. Positionnement qu’elle avoue clairement hériter de lui, lorsqu’elle s’analyse comme « suffisamment indépendante » pour ensuite me faire part du fait qu’il y a certaines décisions de la tête du parti qui la révulse. C’est aussi la famille qui l’a poussée à franchir la porte de la section socialiste. En effet, suite à un tract de Jacques Mellick annonçant que les socialistes aidaient les jeunes à se réaliser, elle décide d’écrire une lettre à ce dernier. Ce souvenir est vraiment structurant pour notre enquêtée, et cela se perçoit clairement, tant elle met de vigueur dans ses explications. Elle dit se souvenir encore « parfaitement de son entrée de lettre », dans laquelle elle invite le destinataire à tenir ses engagements en l’aidant à se réaliser. Suite à cela, ses parents l’invitent plusieurs fois à remercier M. Mellick de lui avoir trouvé un travail saisonnier. Ce n’était cependant pas quelque chose de naturel pour notre future élue, qui avoue avoir du prendre son courage à

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deux mains pour franchir les portes de la permanence socialiste de Béthune. Les membres de cette dernière l’invitent ensuite à se rapprocher de la section de sa commune, Vendin-lezBéthune. Le maire l’a invitée aux premières réunions. C’est donc en 1995 qu’elle fait son entrée réelle dans la section socialiste, au moment du débat entre Lionel Jospin et Jacques Chirac à l’occasion de l’élection présidentielle. Nous pouvons ajouter pour illustrer ceci que face à ces transmissions familiales, les individus ne sont pas uniquement agis. Ce sont des acteurs dans le sens où ils ne récoltent pas passivement les fruits de la transmission. Ils sélectionnent ce qu’ils gardent, et cela est susceptible d’évoluer au cours de la vie, au contact des conjoints, collègues, amis…C’est la socialisation secondaire. Cela est très clairement identifiable. Cette socialisation secondaire est constituée de tout ce dont C. Grébaut va se nourrir pour continuer son chemin. Par exemple, nous constatons au fil de son récit, lorsque je lui demande si entre collègues, il existe des débats d’ordre politique, et bien qu’étant de gauche, elle me répond : « moi je ne suis pas prête à me battre pour mes idées politiques, de toute façon je suis absolument persuadée qu’une personne qui a une opinion qui diffère de la mienne, je n’arriverai pas à la faire changer d’avis… ». Mais cela n’empêche pas d’avoir des discutions parfois « musclées » avec des collègues. Ses propos se révèlent cohérents tout au long de l’entretien. Ainsi, lorsque nous abordons l’exercice de son mandat, elle me confie que l’ambiance au sein de la municipalité s’est dégradée. A cette occasion, je constate dans la lignée de ce que nous venons de remarquer, que ses positions politiques n’aveuglent pas son travail, comme le témoigne ce passage : -« bon il s’avère que je suis cartée, et pour une commune dans le Pas-de-Calais, il vaut mieux être de gauche que de droite. C’est clair, mais j’ai jamais considéré mon activité à la mairie comme ça, c’est à dire tout ce qui est à gauche est bien et tout ce qui n’est pas socialiste doit être écrasé… Or pour le maire c’est de plus en plus comme ça. Pour moi, dans une commune de 2500 habitants, on fait du mieux possible, et le gars qui est de gauche et qui est d’accord avec toi et ben c’est bien, mais celui qui est pas de gauche, c’est pas pour ça qu’il est (elle mime des guillemets) « pourri ». Et donc moi j’ai jamais considéré la dimension politique dans le fonctionnement de la mairie au jour le jour… C’est ça aussi qui nous gène un peu, c’est qu’on a l’impression que le but n’est plus de faire du mieux possible c’est d’écraser son adversaire politique ». Au delà des considérations politiques, être élu dans une petite commune, c’est « faire du mieux possible » et cela amène à gommer le jeu du clivage politique et des considérations politiques. Christian Le Bart oriente une grande partie de son livre sur ce sujet en traitant de l’apolitisme, de la proximité à l’efficacité managériale. La proximité et la compétence technique vont de paire avec la neutralité partisane. Ici, si c’est l’impression que nous donne les dire de notre enquêtée, ce n’est visiblement pas le rôle qu’endosse le maire.

Nous pouvons constater ici, que même si ses positions politiques lui laissent une ouverture dans l’exercice de ses fonctions, elle opte cependant pour une attitude logique quant à ses croyances. Ainsi, face à un maire qui selon elle, a plus d’intérêt à marquer le jeu du clivage gauche-droite qu’à essayer de faire « du mieux possible », elle se démarque et opte pour rejoindre la liste dissidente. Cette attitude découle parfaitement de tout ce qu’elle a pu nous confier. Si son métier n’a pas selon elle eu d’impact marquant sur son engagement politique au

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sein de la municipalité, et on l’a vérifié sociologiquement, ce sont des prédispositions et des rencontres qui conjuguées, l’ont amenée là où elle est aujourd’hui. Mais à la marge de cela, elle remarque quand même que l’organisation particulière du temps de travail des enseignants rend possible cet engagement, de surcroît facilité par la souplesse des changements d’horaires. Elle nous explique qu’au delà de ses 18 heures de cours, elle organise comme elle le souhaite ses heures supplémentaires ce qui facilite la présence aux réunions. Aussi, elle souligne la souplesse de l’organisation par le fait qu’elle ait pu être libérée le mercredi matin pour pouvoir participer aux réunions des conseillers. Nous remarquons à ce propos que si l’organisation du corps enseignant a facilité l’accès au mandat électif, c’est quand même son métier qui prime à l’heure actuelle. Elle a en effet refusé le poste de première adjointe, qui lui aurait demander un mi-temps, entraînant par conséquent un mi-temps en tant que professeur. Sa vélocité assoit ses paroles : elle ne se sentait pas capable à l’heure actuelle de mettre entre parenthèse sa carrière, tant au niveau de l’implication qu’elle manifeste envers les élèves, qu’au niveau financier. Cumulé à un sentiment d’incapacité et d’incompétence elle repousse le poste de première adjointe, mais endosse celui de conseillère. Si son implication est bornée temporairement pour les raisons que nous venons d’évoquer, elle déplore la distanciation de ses collègues pour ces domaines. Elle se lance alors dans une tentative d’explications, où on pourrait y apercevoir quelques sentiers sociologiques. En caractérisant, elle nous explique ceci : « Faut savoir aussi que l’éducation nationale est un métier de plus en plus féminisé, et que souvent le mari travaille, et que le mari en général, n’a pas une situation « minable » si je peux me permettre l’expression et que là encore je vais grossir le trait mais le salaire de la dame dans ce cas là deviens presque, je vais pas dire de l’argent de poche, mais un plus. Alors pourquoi se battre puisque de toute façon voilà quoi, c’est jamais qu’un plus ». Il semblerait d’ailleurs que notre enquêtée soit célibataire. Ajoutons que contrairement à la réputation des enseignants d’être un vivier de gauche, elle pense qu’entre « l’éducation nationale et la politique, c’est un peu « je t’aime moi non plus », d’un côté on sait de quoi on parle mais d’un autre côté on à la réputation d’être buté ». D’ailleurs, selon elle, le monde enseignant change, et ce sans généraliser puisqu’elle prend appui sur le collège où elle travaille. Elle a remarqué, en assistant à une conversation la chose suivante, qu’on pourra d’ailleurs analyser comme le reflet du sentiment qui habite la société civile, où les gens de gauche l’affiche clairement comme une fierté et où les gens de droite affiche plutôt un pragmatisme à toute épreuve : « en salle des profs on a le droit d’être de gauche, et même de la gauche caviar comme on dit, mais par contre être de droite c’est complètement interdit. Elle le vivait assez mal (en parlant d’une collègue), elle se sentait mis au banc de la société. Elle se disait qu’on à le droit de clamer haut et fort qu’on est de gauche mais on a pas le droit de clamer qu’on est de droite. Et donc je pense que c’est encore la cas plus ou moins, quand on parle en salle des profs, à entendre les gens, tout le monde va plus ou moins se dire de gauche, par contre je serais assez curieuse de savoir qui a voté à droite aux dernières élections. Et je pense qu’on serait surpris. Ca c’est une question qui revient régulièrement à la mairie… on me dit et alors chez toi en salle des profs ça va donner quoi ? ». La fin de la citation nous permet une transition pour aborder l’articulation des deux fonctions. Elle nous parle tout d’abord de l’articulation formelle, c’est à dire en termes d’emploi du temps, thème que nous avons déjà abordé plus haut. Ensuite, l’articulation en terme plus informelle va être abordée. En effet, elle nous confie que l’adjointe est censée faire partie du conseil d’administration, mais que neuf fois sur dix c’est elle qui y va. Notre

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enquêtée est légitimée à parler des questions scolaires puisqu’elle est la personne la plus proche de ces questions. Elle est questionnée en amont des décisions. Par exemple, elle nous explique que la commune fait partie d’un syndicat de gestion qui avait été créé à la base pour la construction du collège où se rendent les enfants de la commune. Une fois les emprunts remboursés, le syndicat est demeuré actif, et continue à s’impliquer dans la vie du collège en finançant du matériel. L’enseignante est alors l’interlocutrice privilégiée dans ce domaine, et apte à juger des investissements du syndicat. Si le métier d’enseignant n’a pas constitué un atout pour elle, il semble être cependant un poids certain dans sa légitimation en tant qu’élue. A ce moment là de l’entretien, il semblait opportun de savoir dans quelle mesure cette légitimé transparaissait sur d’autres domaines d’actions. La réponse fut négative mais, de façon détournée, nous a amené sur un autre terrain, celui du genre. En effet, quand je l’ai interrogée sur le poids qu’elle avait pu obtenir dans d’autres domaines, elle a abordé le fait d’être une femme dans un univers d’hommes. Cela l’a amenée à décrire la façon dont elle s’est affirmée durant son mandat. Ceci est intéressant, car à l’heure où certains décrivent la professionnalisation du pouvoir locale, entre légitimité traditionnelle de l’intégration territoriale et la légitimité managériale soudée autour des décisions et des compétences (Christian Le Bart, Les maires. Sociologie d’un rôle) nous voyons ici comment se passe la vie municipale à petite échelle. L’exemple de notre interlocutrice est flagrant. Nous ne parlons pas ici de compétence purement technique. Nous parlons ici d’expériences, de construction d’une compétence acquise dur le terrain. Cela fait échos à ce que nous avons développé plus haut, sur la façon dont elle endossait le rôle, à savoir, de manière dépolitisée, en faisant « du mieux possible » dans un travail qui se fait « au jour le jour ». Ainsi, et c’est son cas, elle a du s’imposer, cumulant le fait d’être jeune, d’être une femme et d’être novice. Elle a su transgresser les règles du possible, au risque de se faire reprendre parfois, pour imposer une façon de travailler, sa façon de travailler. De ses débuts hasardeux, elle a su apprendre et investir son rôle. Elle est d’ailleurs la seule femme à faire partie de la commission des travaux et de l’urbanisme. Si elle avoue bien volontiers essuyer quelques déboires dans cet univers masculin, elle remarque cependant que sa présence peut être bénéfique en terme d’approche de la réalité, et elle a su apporter matière à réflexion au sein de la commission et développer sa légitimité. Celle ci peut s’avérer utile en terme de réseaux. Alors que ma question était destinée à comprendre comment la constitution de son réseau de connaissance pouvait être facilitée par son métier, c’est une réponse inverse qui me revient. En effet, selon elle, son réseau l’aide davantage au niveau du collège. Par exemple, elle m’explique que la région et le département sont socialistes et qu’elle entretient des rapports avec des personnes socialistes par le biais de la commune, des personnes qui ont eux même beaucoup de relations et d’influences (en effet, le maire de sa commune, marc Toursel est le président de la communauté d’agglomération Artois comm). Elle poursuit par un exemple : « on a eu quelques soucis aussi bien dans mon ancien collège qu’ici, alors qu’est ce que je faisais ben j’allais voir la section et je leur disais « à ton avis qu’est ce que je dois faire » et on me disait « tiens téléphone là » donc ça ça m’a facilitée les choses…l’inverse c’est pas tout a fait vrai c’est a dire que le collège….pardon la municipalité, n’a pas besoin du collège par contre le collège a parfois eu besoin non pas de la municipalité mais des relations socialistes que je pouvais avoir ». Je tente ensuite de comprendre si cela s’avère être un atout, mais le mot atout semble la gêner. Elle ne considère pas cela en terme positif pour elle même mais pour la situation qu’elle a pu débloquer.

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Nous pouvons donc conclure sur le fait que pour notre enquêtée, le métier d’enseignant facilite l’exercice de ses fonctions de conseillère par la liberté organisationnelle qu’il offre. S’il elle se sentait incompétente pour endosser le rôle de première adjointe, son expérience de conseillère et les réseaux constitués, l’ont permis de s’affirmer et se légitimer, dans un univers où elle cumulait plusieurs éléments qu’il était indispensable de transformer en atout. Aujourd’hui elle avoue réfléchir quant à l’éventualité de pouvoir accepter cette responsabilité, si l’issu des élections lui est favorable. Ce qui ressort de cet entretien c’est qu’elle n’associe pas exclusivement son statut de conseillère avec ses positions politiques. Elle est de gauche, mais cela se ressent plus sur de grandes idées, de grands principes, alors qu’au sein de la municipalité, cela semble plus être un travail de terrain dépolitisé. Il n’y a pas de vrai concordance entre son métier et ses fonctions à la mairie. Si elle est légitimée pour les questions scolaires, le fait d’être enseignante ne lui semble pas être un atout. Inversement, elle a su mettre à profit les réseaux constitués grâce son mandat électif au bénéfice du collège où elle travaille. Il existe un lien entre les deux fonctions qu’elle exerce, mais il n’est pas aussi prégnant que nous aurions pu l’imaginer, et il semble que le cadre d’une petite commune ne soit pas l’environnement (par ses caractéristiques) propice à son développement.

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