La migration collective : la drosophile montre la voie

In this review, we detail the mechanisms regulating collective cell migration, which have been recently ..... like chez l'humain, auxquels différentes activités.
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SHERBROOKE

COMPLÉMENT REVUE

La migration collective : la drosophile montre la voie Collective cell migration: Drosophila paves the way Damien Ramel, Carl Laflamme, Gloria Assaker et Gregory Emery Université de Montréal Institut de Recherche en Immunologie et en Cancérologie Département de pathologie et biologie cellulaire

Correspondance : Grégory Emery Faculté de médecine, Université de Montréal Montréal, Québec, H3C 3J7 Canada Téléphone : 514 343 6111 ext. 0318 Courriel : [email protected]

Article reçu le : 15 mai 2012 Article accepté le : 30 septembre 2012

Vol.1 n°4

DAMIEN RAMEL

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Résumé La migration cellulaire est un des mécanismes clés du développement et de la dissémination métastatique, responsable de plus de 90 % des décès de patients atteints de cancer. De nombreuses évidences anatomo-pathologiques indiquent que la dissémination de nombreux cancers se fait via des migrations collectives. Cependant, ce type de migration est peu caractérisé comparativement à la migration de cellules uniques. Il devient donc essentiel de comprendre les modes de régulation de la migration collective pour pouvoir définir de nouvelles cibles thérapeutiques efficaces. La mouche drosophile se révèle être un allié aussi inattendu qu’efficace pour l’étude de ce type de migration. Dans cette revue, nous détaillerons les dernières avancées mécanistiques contrôlant la migration collective qui ont été mises à jour récemment grâce à la drosophile, ainsi que les grandes questions à répondre dans le but d’envisager un ciblage thérapeutique efficace de la formation des métastases. Summary Cell migration is a key mechanism for development and metastasis, responsible for more than 90% of cancer deaths. Several anatomo-pathological evidences indicate that the dissemination of many cancers occurs via collective cell migration. However this type of migration remains poorly understood because it is not much studied compared to single cell migration. It is therefore essential to understand the modes of regulation of collective migration to define new effective therapeutic targets. The fruit fly Drosophila is proving to be an unexpected, yet highly efficient tool for studying this type of migration. In this review, we detail the mechanisms regulating collective cell migration, which have been recently updated using Drosophila, as well as the key questions to consider an effective therapeutic targeting of metastasis formation.

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NUMÉRO UNIVERSITÉ DE

SHERBROOKE La migration collective

L

a migration cellulaire collective émerge

risation du cytosquelette d’actine et la polarité

comme un mécanisme majeur impliqué

cellulaire. Cependant, il existe des différences

dans différents processus physiolo-

fondamentales entre les deux types de migra-

giques et pathologiques, au cours du dévelop-

tion. En effet, migrer collectivement implique de

pement et lors de la formation de métastases

nouvelles contraintes auxquelles les cellules

[1]. Ainsi, elle intervient par exemple dans la

doivent répondre afin de conserver leurs adhé-

régénération des épithéliums, la croissance et

sions les unes aux autres et coordonner leurs

la ramification des vaisseaux sanguins lors de

mouvements pour migrer ensemble efficace-

l’angiogenèse ou lors de l’invasion des tissus

ment dans la bonne direction. Différentes stra-

par des cellules tumorales (Rhabdomyosar-

tégies permettent de répondre à ces nouvelles

comes, cancers colorectaux, carcinomes spino-

problématiques menant à l’existence de diffé-

cellulaires, cancer du sein, etc.) [2, 3]. L’étude

rents types de migration collective [4]. Plusieurs

de la migration collective est donc un enjeu

organismes modèles sont utilisés pour étudier

majeur pour la compréhension de mécanismes

la migration collective tels que le poisson zébré,

de morphogénèse, mais aussi pour la décou-

le xénope ou la Drosophile [4]. Cette dernière

verte de nouvelles cibles thérapeutiques dans

constitue un modèle de choix qui présente une

le traitement ou la prévention de la formation

série d’avantages pour l’étude de différents

des métastases.

types de migrations collectives in vivo. En ef-

Une migration peut être considérée

fet, au cours du développement de la mouche,

comme collective lorsque des cellules migrent

des migrations collectives ont lieu sous forme

ensemble, en établissant des contacts entre

de petits groupes de cellules épithéliales polari-

elles [4]. Comme pour la migration de cellules

sées ou sous forme de feuillets de cellules épi-

uniques, la migration collective met en jeu des

théliales. Les principaux systèmes de migration

mécanismes de régulation contrôlant la polymé-

collective chez la Drosophile comprennent la

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SHERBROOKE migration des cellules formant le mésoderme

liales durant la morphogenèse de la trachée et

durant la gastrulation, la migration des feuillets

la migration des cellules de bordure (CB) durant

épithéliaux latéraux durant la fermeture dorsale

l’ovogenèse [5] (Figure 1).

de l’embryon, la migration des cellules épithéA. Fermeture dorsale de l’embyron

B. Morphogenèse de la trachée

Branche dorsale

Cellules épithéliales

Tronc dorsal

C. Cellules de bordure (chambre d’oeuf stade 10) Noyau de l’ovocyte

Cellules polaires

Groupe de cellules de bordure (Début de migration)

Cellules folliculaires Cellules nouricières Ovocyte

Figure 1. Différents exemples de migration collective dans la drosophile A. La fermeture dorsale de l’embryon met en jeu des feuillets de cellules épithéliales. Les cellules se déplacent collectivement des deux côtés de l’embryon. Ce type de migration utilise des changements de la forme cellulaire par élongation accompagnés d’extensions de protrusions. Les cellules en arrière du front de migration induisent la migration de cellules du front de migration. B. La morphogénèse de la trachée s’effectue par une migration branchée sur un tronc préexistant. Cette migration nécessite d’importantes modifications de la morphologie cellulaire à travers le remodelage des jonctions intercellulaires par des mouvements d’intercalation. C. La migration des cellules CB s’effectue sous forme d’un groupe de cellules épithéliales avec une méthode de type mésenchymateux au front de migration (voir section modèle de la migration des CB). Vol.1 n°4

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NUMÉRO UNIVERSITÉ DE

SHERBROOKE Le modèle des cellules de bordure Un des modèles de migration collective les plus

la migration dorsale, est basée sur un compor-

étudiés est le système des CB dans la chambre

tement dynamique collectif des cellules ou cha-

d’œuf de Drosophile [6]. Lors du stade 8 de

cune des cellules du groupe peut prendre la tête

l’ovogenèse de la Drosophile, un groupe de 8

de la migration [9]. Après avoir atteint l’ovocyte,

cellules folliculaires antérieures appelées cel-

ces cellules changent de direction et migrent

lules de bordure, se détache de la monocouche

dorsalement pour s’arrêter finalement au niveau

de l’épithélium folliculaire en réponse à la cyto-

du noyau de l’ovocyte. Cette migration en deux

kine Unpaired (Upd) sécrétée par les cellules

étapes nécessite environ 6 heures. La direction-

polaires (Figure 1). Upd active la voie JAK/

nalité du mouvement est déterminée par deux

STAT dans les CB, ce qui permet la formation et

récepteurs à activité tyrosine kinase (RTK), en

l’émission de protrusions et leur détachement de

réponse aux ligands sécrétés par l’ovocyte [10].

l’épithélium [7]. Le groupe de cellules effectue

De nombreuses études et cribles génétiques

ensuite une migration postérieure à travers les

ont permis de déterminer quelles sont les voies

cellules nourricières, en direction de l’ovocyte,

de signalisation impliquées dans ce modèle

qu’il atteint au stade 10 de l’ovogenèse. Pour

et plus récemment, la mise au point de tech-

ce faire, les CB utilisent la molécule d’adhésion

niques d’imagerie in vivo a permis de mieux

E-Cadhérine pour adhérer aux cellules nourri-

comprendre les paramètres dynamiques de

cières [8]. Il a été démontré que la migration des

cette migration [11]. Ainsi, des voies majeures

CB s’effectue en deux phases distinctes, utili-

déjà connues comme altérées dans les proces-

sant des mécanismes différents. La première

sus métastatiques chez les mammifères ont été

phase, qui correspond à la migration postérieure

identifiées comme régulant la migration des CB.

précoce, dépend d’un comportement cellulaire

Par exemple, l’hypoxie, connue pour son rôle

polarisé. Cependant, la deuxième phase, qui

actif dans le développement des tumeurs, a été

correspond à la migration postérieure tardive et

identifiée comme un régulateur de la migration

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des CB [12]. Ces cribles ont également permis

pour l’étude de la migration collective. Dans

de découvrir de nouveaux acteurs importants

cette revue, nous allons discuter des principales

conservés dans l’évolution, tels que le gène

voies régulatrices de la migration collective élu-

codant pour la protéine Psidin, qui s’est avéré

cidées grâce à l’étude des CB. En particulier,

être un acteur important dans la régulation de

nous détaillerons le rôle des récepteurs de gui-

la dynamique de l’actine dans les cellules épi-

dage, des petites GTPases et de l’endocytose

théliales mammaires [13]. Ces données dé-

qui émergent comme des acteurs majeurs de

montrent que les CB constituent un outil idéal

ce type de migration.

La régulation Les RTK

L’orientation des CB durant leur migration diri-

D’autre part, le récepteur EGFR possède un rôle

gée est assurée par deux voies de signalisation

largement redondant à celui de PVR dans cette

portant sur le récepteur PVR (Platelet-derived

migration, puisque les CB peuvent s’orienter en

growth factor receptor (PDGFR) and Vascular

utilisant soit PVR ou EGFR. De plus, la surex-

endothelial growth factor receptor (VEGFR)

pression séparée de chacun des trois ligands

receptor Related) et le récepteur EGFR (Epi-

du récepteur EGFR : spitz (spi), vein (vn), et

dermal Growth Factor Receptor) [14, 15]. La

gurken (grk) bloque la migration des CB, et le

migration de ces cellules vers l’ovocyte est gui-

phénotype le plus fort est obtenu avec spitz. Au

dée essentiellement par un gradient du ligand

moment où les CB atteignent l’ovocyte, EGFR

de PVR : PVF1 (PDGF/VEGF- like factor 1) qui

est davantage impliqué dans l’orientation des

est exprimé dans les cellules germinales, et re-

cellules, et ceci en guidant la migration dor-

trouvé à des niveaux élevés dans l’ovocyte. Il a

sale en réponse à son ligand Grk sécrété par

été démontré que l’expression ectopique de ce

l’ovocyte [14]. Paradoxalement, une autre étude

ligand entraîne une réorientation des CB [16].

a démontré que Grk et Vn, contrairement aux deux

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autres ligands d’EGFR : Spi et Keren (Krn), sont

lule unique polarisée en réponse à un gradient

incapables de rediriger la migration des CB in

chimiotactique. Quel serait alors l’avantage

vivo. Cette étude conclut ainsi que seuls Spi

d’un tel comportement ? L’hypothèse actuelle

et Krn fonctionnent, probablement avec PVF1,

est que la concentration de récepteurs actifs

pour guider les CB à travers la chambre d’œuf

dans la cellule qui mène la migration permettrait

[17].

d’hyper- sensibiliser cette cellule, et de désensi-

Un aspect intéressant de la régulation des

biliser les autres cellules du groupe. Ainsi, seule

RTKs durant la migration des CB est la locali-

la cellule de tête serait sensible au gradient du

sation de leur activité. En effet, les RTKs actifs

ligand permettant une migration plus efficace,

sont fortement polarisés à l’avant des CB [18,

au contraire de la migration de cellules uniques,

19] (Figure 2). La cellule qui mène la migration

où les cellules sont davantage sensibles aux

présente le plus haut taux de récepteurs actifs

fluctuations de concentration du gradient qui

au sein de son front de migration, alors que les

pourraient faire dévier leur route.

autres cellules diminuent leur niveau d’activité

On ne connaît pas assez les cascades de

des RTKs. La conséquence cellulaire directe de

signalisation et les événements cellulaires

cette signalisation par les RTKs est la formation

qui surviennent en aval des récepteurs RTKs

d’une longue extension cellulaire par une seule

dans ce système. Cependant, un évènement

cellule du groupe de CB. Le groupe de cellules

central en aval de la signalisation des RTKs est

se comporte ainsi exactement comme une cel-

l’activation de la petite GTPase Rac1.

Rac et le cytosquelette

Les GTPases de la famille Rho (Rac1, Cdc42

oncogenèse est bien documenté notamment au

et Rho1) sont des régulateurs majeurs de la

niveau de leur implication dans la dissémination

migration cellulaire via leurs effets sur le cytos-

et les processus métastatiques. Comme toutes

quelette d’actine et de tubuline [20]. Leur rôle en

les petites GTPases, elles oscillent entre un état

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SHERBROOKE inactif, lié au GDP (Guanosine diphosphate), et

Mbc (Myoblast city, l’orthologue de DOCK180).

un état actif, lié au GTP (Guanosine triphos-

En effet, Mbc et son partenaire Elmo (Engulf-

phate), dans lequel elles vont pouvoir médier

ment and Cell Motility) sont nécessaires pour la

leurs effets sur le cytosquelette notamment par

première phase de la migration où l’orientation

la liaison d’effecteurs. Les protéines GEF (Gua-

de la migration dépend de la localisation cellu-

nine Exchange Factor) sont responsables de

laire de la signalisation au sein de la cellule de

l’échange du GDP avec le GTP et contrôlent

front [9]. Mbc est une GEF connue de Rac dans

ainsi l’activation des petites GTPases. L’inacti-

d’autres modèles [23] et pourrait être également

vation se fait par l’hydrolyse du GTP en GDP,

impliquée dans l’activation de Rac1 dans le mo-

à l’aide de protéines GAP (GTPase Activating

dèle des CB, bien qu’il n’existe aucune évidence

Protein). Il existe un nombre considérable de

directe à ce jour. Il existe de nombreuses GEF

données sur la régulation et le rôle de ces GT-

et GAP capable de réguler Rac1 et identifier les-

Pases dans les systèmes de migration simple,

quelles sont impliquées dans ce processus est

cependant jusque récemment leur mode de

un axe de recherche important actuellement.

fonctionnement lors de la migration collective était méconnu.

L’expression des formes dominante négative (DN) ou constitutivement active (CA) de

Le modèle de migration des CB a permis

Rac1 entraîne des défauts de migrations sé-

de compléter cette lacune. En effet, bien que

vères, indiquant que son activité doit être pré-

l’implication de Rac dans les CB soit connue

cisément contrôlée de façon spatio-temporelle.

depuis près de 20 ans [21], ce n’est que très

En effet, l’étude de la distribution de l’activité de

récemment qu’il a été montré que Rac1 est la

Rac1 par FRET [24] (Fluorescence Resonance

GTPase nécessaire pour la formation de protru-

Energy Transfert) in vivo, a démontré que son

sions lors de la migration collective [22]. Le mé-

activité est restreinte au front de migration de

canisme d’activation de Rac1 reste encore in-

la cellule qui mène la migration [22] (Figure 2).

connu. Un des candidats pour ce rôle est la GEF

Cette polarisation de l’activité de Rac1 est dé-

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Cellules de bordures

Front de migration

Cellules Polaires

Direction de la migration

Niveau d’activité de Rac RTK actifs

Noyaux Minimum

Maximum

Figure 2. Polarité de l’activité de Rac et des RTK actifs dans les CB Durant la migration les récepteurs actifs se concentrent au front de migration entraînant l’augmentation de l’activité de Rac uniquement dans la cellule qui mène la migration. Ainsi, les autres cellules maintiennent des niveaux bas de Rac actifs, empêchant ainsi la formation de protrusions dans d’autres directions.

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SHERBROOKE pendante des RTKs [22]. De plus, l’équipe du

tion, une perte de la directionnalité, et la forma-

Pr. Montell a élégamment démontré, en activant

tion de protrusions dans les autres cellules du

ou en désactivant Rac1 localement grâce à l’uti-

groupe par un mécanisme impliquant la kinase

lisation de formes contrôlées par la lumière [25],

JNK [22]. Ces résultats révèlent la présence

que le niveau d’activation de Rac1 a des consé-

de mécanismes de communication entre les

quences « cellule autonome » mais aussi « non-

cellules du groupe pendant la migration. Ainsi,

cellule autonome ». En effet, lorsque l›activité

les questions importantes à répondre sont : par

Rac1 est élevée dans une cellule, les autres

quels mécanismes les cellules communiquent

cellules du groupe gardent un niveau restreint

entre elles ? Comment sont-elles capables de

d’activité de Rac1, ce qui inhibe la formation de

mesurer le niveau d’activité de Rac dans les

protrusions et prévient toute migration dans une

autres cellules du groupe ? Quel est le rôle des

autre direction. Au contraire, l’inhibition de Rac

autres GTPases Cdc42 and Rho1 ?

dans une cellule entraîne un arrêt de la migraL’endocytose

Les mécanismes d’endocytose, par lesquels

un tri est opéré entre les molécules devant être

la cellule internalise des protéines de la mem-

dégradées et celles devant être recyclées à la

brane plasmique, sont cruciaux pour assurer

membrane plasmique. Les premières sont ache-

une réponse adéquate aux différentes stimu-

minées vers l’endosome tardif puis le lysosome

lations extracellulaires [26]. Ainsi, l’endocytose

pour être subséquemment dégradées, alors

émerge comme un important régulateur de la

que les autres sont recyclées à la membrane

migration cellulaire dirigée, en réponse à un

plasmique soit par une voie de transport directe,

gradient chimiotactique [27]. Les molécules

soit via l’endosome de recyclage. Les petites

internalisées via endocytose peuvent suivre de

GTPases de la famille des Rabs régulent le

nombreuses routes pour être acheminées vers

trafic vésiculaire entre les différents comparti-

l’endosome précoce. Dans ce compartiment,

ments de la voie endosomale (Figure 3).

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U

? Cbl

Polarisation des RTK RTK

Membrane Plasmique U

Exocyste

Ubiquitine

Endosome précoce

Rab5-GTP RN-tre ? (GAP)

Sprint (GEF)

Endosome de Recyclage

Rab5-GDP

Rab11-GTP ? (GEF)

Evi5 (GAP) Rab11-GDP

Figure 3. Rôle et régulation de l’endocytose dans la migration des CB Schéma représentant les voies d’endocytose impliquées dans la régulation de la migration des CB. Rab5 régule l’entrée dans les endosomes précoces, Rab11 régule le recyclage des endosomes précoces vers la membrane plasmique via l’endosome de recyclage et le complexe de l’exocyste. L’altération de l’activité de ces protéines ou de leurs régulateurs Evi5 (GAP de Rab11) ou sprint (GEF de Rab5) induit une perte de la polarité des récepteurs actifs. Cbl (E3 ubiquitine ligase des RTK) est également nécessaire à la polarité des RTK.

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NUMÉRO UNIVERSITÉ DE

SHERBROOKE Les premières observations d’une impli-

importants de la migration des CB [18]. Bien

cation de l’endocytose dans la migration collec-

que les phénotypes induits par une abolition de

tive proviennent du laboratoire du Dr. P. Rorth.

l’activation de Rab5 soient dramatiques, son

Cette équipe a démontré que des CB déficientes

mécanisme d’action dans la migration collective

pour la protéine Cbl (Casistas B-lineage Lym-

reste obscur. Au contraire, le rôle et la régulation

phoma), une E3 ubiquitine ligase régulant l’in-

de Rab11 ont pu être appréhendés. L’expres-

ternalisation des RTKs par ubiquitination, pré-

sion de la forme dominante négative de Rab11

sentaient une délocalisation des récepteurs de

induit un blocage de la migration. Cet effet est

guidance et des défauts de migration importants

dû spécifiquement à une perte de la polarisation

[19]. De plus, l’absence de la protéine Sprint,

des RTKs actifs. D’autres molécules impliquées

une GEF présumée de Rab5 qui contrôle l’en-

dans la migration telles que les intégrines ou les

trée dans les endosomes précoces, donne des

cadhérines ne sont pas affectées malgré le fait

phénotypes similaires [19]. Ces données sug-

qu’elles soient classiquement décrites comme

gèrent que l’endocytose est une actrice majeure

régulées par Rab11. Ce mécanisme fait interve-

de la régulation de la réponse aux signaux ex-

nir le complexe multi-protéique de l’exocyste qui

tracellulaires en contrôlant la restriction spatiale

est chargé d’adresser les vésicules des endo-

des récepteurs de guidage. Cependant, il n’y a

somes vers la membrane plasmique. En effet, la

aucune évidence directe montrant que ce sont

déplétion de sous-unités de l’exocyste conduit

effectivement les RTKs qui subissent cette en-

à un défaut de migration et une perte de pola-

docytose. Plus récemment, suite à un criblage

rité des RTKs actifs [18]. Ces données, en écho

de candidats par l’expression de formes domi-

aux travaux sur Cbl et Sprint, confirment que

nantes négatives de différentes protéines Rabs,

l’endocytose joue un rôle majeur dans le main-

nous avons identifié Rab5 et Rab11 (qui régule

tien de la polarité des récepteurs de guidage

le recyclage de l’endosome de recyclage vers

actifs. Cependant, la question demeure ouverte

la membrane plasmique) comme des acteurs

si les RTKs sont la cible de ce cycle d’endocy-

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tose impliquant Rab5, Rab11 et le complexe de

like chez l’humain, auxquels différentes activités

l’exocyste.

GAPs ont été attribuées. L’utilisation de Sec15-

Une des sous-unités de l’exocyste,

GFP comme senseur de l’activité de Rab11 a

Sec15, interagit spécifiquement avec la forme

permis de démontrer que lors de la migration

active de Rab11 (Rab11-GTP) et est donc un

des CB, Evi5 agit comme Rab11-GAP. Là en-

effecteur de Rab11 [28]. Sec15 est fortement

core, de manière logique, la déplétion ou la

polarisé pendant la migration des CB de façon

surexpression de Evi5 induit une perte de po-

dépendante de Rab11 [18]. Ainsi, une forme

larité des RTK actifs [29]. Il est intéressant de

fusionnée à la GFP (Green Fluorescent Pro-

constater que parmi les autres GAP affectant la

tein) de Sec15 (Sec15-GFP) peut être utilisée

migration des CB se trouve Rn-Tre, dont la cible

comme révélateur du statut d’activité de Rab11

de l’orthologue chez les mammifères est Rab5.

in vivo pendant la migration. En effet, la distribu-

Ensemble, ces travaux montrent claire-

tion vésiculaire comparée à la distribution cyto-

ment que l’endocytose régule la polarité des

plasmique est modifiée lors d’un changement

récepteurs de guidage pendant la migration col-

d’activité de Rab11. Ainsi, avec cet outil, il est

lective (Figure 3). Cependant, la question de la

désormais envisageable d’identifier et d’étudier

molécule qui emprunte ces voies d’endocytose

des régulateurs de Rab11 tels que des GEFs et

est encore ouverte. Si les RTKs semblent être la

des GAPs.

piste la plus logique, personne n’a été capable

Récemment, suite à un criblage par

de les détecter spécifiquement dans un com-

RNAi des Rab-GAPs lors de la migration des

partiment donné. Ainsi, il serait parfaitement

CB, nous avons identifié le gène Evi5 comme

possible que cette régulation des RTKs soit in-

étant essentiel à la migration des CB. Evi5 de

directe, et que les acteurs principaux restent à

la Drosophile est l’orthologue de EVI5 et EVI5-

découvrir.

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SHERBROOKE Conclusion L’étude des mécanismes qui contrôlent

addition de cellules indépendantes, mais au

la migration collective est d’une importance

contraire que les cellules peuvent coordonner

capitale pour la compréhension du développe-

leurs efforts. Ainsi, un des enjeux des années

ment d’organismes supérieurs, mais aussi en

à venir serait de comprendre quelles sont les

cancérologie. Cependant, plusieurs aspects

forces mécaniques qui sont mises en jeu dans

de ce type de migration restent obscurs. Il est

les migrations collectives. Ces forces, qui sont

donc crucial d’imaginer de nouvelles approches

à la fois créées et exercées par les cellules, ont

pour identifier des gènes régulateurs de cette

une grande influence sur les tissus. Une autre

migration. Des cribles génétiques sophistiqués

perspective d’avenir serait d’utiliser les orga-

pourraient être mis au point pour révéler de

nismes modèles pour cribler des collections de

nouveaux régulateurs de la migration collective

petites molécules. En effet, un nombre croissant

en utilisant les organismes modèles tels que la

d’évidences montre que plusieurs cancers uti-

Drosophile. De même, l’utilisation de méthodes

lisent la migration collective pour envahir les tis-

avancées de microscopie in vivo devrait per-

sus et produire des métastases. Ainsi, la décou-

mettre d’analyser plus finement la dynamique

verte d’inhibiteurs pharmacologiques pouvant

de ce type de migration. La migration collective

sélectivement bloquer la migration collective

est un exemple montrant que les organismes

serait une percée thérapeutique majeure dans

multicellulaires ne sont pas simplement une

le traitement de ces cancers.

Remerciements et financements Les travaux réalisés par les auteurs sont sou-

en santé du Québec (FRSQ, D.R et C.L) et de

tenus par des financements des Instituts de re-

la Fondation Cole (G.A). G.E est titulaire de la

cherche en santé du Canada (IRSC), et par la

chaire de recherche du Canada en transport

Société de recherche sur le Cancer (SRC) ainsi

vésiculaire et signalisation cellulaire.

que par des bourses des Fonds de la recherche Vol.1 n°4

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