La partie de « Rondelle virtuelle

Eh oui, vous avez deviné, il s'agissait de Berthelot, qui avait joint les rangs de cette ligue ..... David BRODEUR, Le labyrinthe de verre, coll. Conquêtes, Montréal,.
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La partie de « Rondelle virtuelle » Jalouse, moi ? Allons donc ! Ça ne me dérange pas du tout que Berthelot ait de nouveaux amis. Tant mieux pour lui… Bien sûr, on se voit un peu moins qu’avant mais ce n’est pas grave. Il a le droit de préférer ses nouveaux copains. Moi, son amie Béa, je passe en second mais c’est comme ça. C’est la vie… Non, je ne suis pas jalouse du tout. En fait, je suis contente pour lui. Très contente même. Sans blague, il a bien mérité d’être un petit peu heureux, après ce qu’il a enduré. Malgré tout, je ne peux m’empêcher de trouver qu’il choisit bien mal ses amis. Pourquoi préfère-t-il la compagnie de cet insignifiant de Lou? Il y a des tas d’autres garçons beaucoup plus intéressants que ce pauvre type. Comment un gars intelligent comme Berthelot peut-il manquer de jugement à ce point ? Ça me dépasse…

Lou et de ses copains, je fais un détour. Je voudrais être ailleurs. les classes où le manuel Expressions est utilisé.

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Lorsque je le vois faire des blagues et rigoler en compagnie de

Berthelot m’invite souvent à me joindre à eux, mais j’en suis incapable. C’est au-dessus de mes forces, j’en ai trop sur le cœur. Mon cher Berthelot semble avoir oublié que Lou et ses amis ne se gênaient pas pour se moquer de lui et le ridiculiser, il n’y a pas si longtemps. Moi, je n’oublie pas si facilement. J’aimerais bien discuter de tout ça avec lui, mais on dirait que ce n’est jamais le bon moment. À vrai dire, on ne se voit plus très souvent. J’ai l’impression que mon ami a changé, qu’il devient comme eux…

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Lorsque nous nous rencontrons, on dirait qu’il y a une distance entre nous. Ce n’est plus comme avant. Par exemple, jeudi dernier, ce qui est arrivé m’a causé tout un choc. C’est là que j’ai vraiment réalisé que mon vieil ami Berthelot avait changé. Et pas pour le mieux. D’habitude, le local d’informatique est un havre de calme et de tranquillité. Concentrés sur leur écran d’ordinateur, les habitués y travaillent généralement en silence. C’est pourquoi j’avais décidé d’aller y terminer mon projet de français. Erreur… Cette journéelà, par malchance, il y régnait tout un chahut. J’avais complètement oublié qu’on y présentait la finale de la ligue de hockey sur ordinateur. La salle était bondée d’amateurs qui venaient assister au match et l’ambiance était survoltée. J’ai eu la mauvaise idée de rester quand même pour terminer mon travail. Mais avec toute cette agitation, mes pauvres petits neurones avaient bien du mal à se concentrer. De toute façon, quand j’ai

que mon projet de français était fichu. Tout le monde avait les yeux rivés sur un écran géant au fond de la salle. Sur cet écran, s’agitaient des joueurs de hockey virtuels. Certains portaient un uniforme vert lime, les autres étaient habillés de magenta fluo. Au début, ces taches de couleurs criardes en mouvement me donnaient le tournis1, mais je me suis habituée assez rapidement. Au bas de l’écran géant, on avait placé face à face deux ordinateurs, derrière lesquels s’activaient 1. Tournis (familier) : vertige.

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aperçu les joueurs qui s’affrontaient pour le championnat, j’ai su

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frénétiquement deux gars que je connaissais bien. C’étaient eux, bien sûr, qui contrôlaient les petits joueurs de hockey si mal habillés. Ces deux garçons luttaient désespérément pour le titre de champion de « Rondelle virtuelle », un jeu par ordinateur très populaire au collège Saint-Marcellin. Je n’ai eu aucune difficulté à choisir lequel des deux finalistes j’allais encourager, car autant j’aimais beaucoup l’un d’eux, autant je détestais profondément l’autre. Le choix a été facile à faire. C’est pourquoi je me suis surprise à crier et à huer moi aussi, délaissant mon travail de français que je devais pourtant remettre quelques minutes plus tard, dès que la cloche fatidique sonnerait. Par contre, je n’étais pas d’accord avec la foule venue encourager les joueurs. En effet, lorsqu’un des petits joueurs verts de Lou (car c’était bien lui) s’emparait de la rondelle et fonçait vers le but adverse, tous les spectateurs se mettaient à l’encourager bruyamment alors que je huais à pleins poumons. Ça ne me

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dérangeait pas que tout le monde me regarde de travers, j’en voulais encore à Lou pour ce qui était arrivé et je ne me gênais pas pour le manifester. Lou, toujours aussi populaire au collège, grimaçait tout en pianotant frénétiquement sur les touches de l’ordinateur. Il tenait mordicus à conserver son titre de champion de « Rondelle virtuelle ». Comme d’habitude, il portait son horrible T-shirt de Kaboum, le group rock pour lequel nous avions stupidement passé la nuit dehors cet hiver. Comme il l’avait toujours sur le dos, il ne devait pas le laver bien souvent. C’était une autre raison pour

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me tenir éloignée de lui : j’avais peur de m’évanouir à cause de l’odeur… Il faut cependant admettre que Lou avait bien organisé l’événement. Imaginez-vous donc qu’il y avait même un arbitre — en l’occurrence une arbitre — qui surveillait le jeu derrière les deux protagonistes. Je parie que vous ne devinerez jamais qui remplissait ce rôle ; il s’agissait d’Agathe Pichette, la blonde de Lou. Je ne sais pas où elle avait déniché son chandail rayé noir et blanc, mais il était beaucoup trop petit pour elle. Un arbitre avec le nombril à l’air, c’est complètement ridicule, à mon avis. Mais enfin, sa fonction d’arbitre était plutôt symbolique, car tous les arrêts de jeu et toutes les punitions étaient décrétés par l’ordinateur. Ça n’avait pas l’air de la déranger beaucoup. En fait, elle appréciait surtout de se dandiner sur la musique électronique omniprésente durant les matchs de « Rondelle virtuelle ». D’après ce que m’avait dit Berthelot, comme la belle Agathe n’était pas intéressée

afin de l’avoir près de lui lorsqu’il s’adonnait à ce jeu. Lou affrontait aujourd’hui une nouvelle recrue dans la ligue. C’était un joueur rapide qui jouait avec ruse et intelligence. Depuis peu, il portait un appareil orthodontique afin de corriger sa dentition peu flatteuse. En effet, ses deux incisives avancées étaient visibles même lorsqu’il fermait la bouche. Eh oui, vous avez deviné, il s’agissait de Berthelot, qui avait joint les rangs de cette ligue sur l’invitation de Lou. Mon ami, très doué pour ce jeu,

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à jouer, Lou lui avait inventé ce rôle, plus décoratif qu’autre chose,

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était rapidement devenu un des meilleurs joueurs de « Rondelle virtuelle » du collège. Je n’aimais pas tellement son nouveau look2. Depuis qu’il fréquentait la bande à Lou, il se croyait obligé de faire comme eux. Je trouvais que ça ne lui ressemblait pas d’avoir les cheveux hérissés comme un porc-épic. En plus, il portait maintenant des jeans déchirés et des vieux T-shirts bariolés. Enfin, c’était son affaire… Qui aurait dit, quelques semaines plus tôt, que Berthelot aurait fait partie de la ligue de hockey de Lou ? Mieux encore, qu’il aurait des chances de remporter le championnat ? Des chances bien minces, cependant, car le score3 était de trois à zéro en faveur du grand méchant Lou et il ne restait que très peu de temps à la partie. Mais Berthelot ne s’avouait pas vaincu et pitonnait ardemment pour résister aux attaques répétées de Lou dans sa zone. Il tentait

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désespérément de s’emparer de la rondelle afin de passer à l’offensive. Les supporteurs4 hurlaient à tue-tête. L’excitation était à son comble. Quant à moi, je me sentais angoissée à l’idée que j’allais devoir remettre un travail de français dans quelques minutes. Pourtant, c’était plus fort que moi, je ne pouvais m’empêcher de suivre le match.

2. Look (anglicisme) : style, allure. 3. Score (anglicisme) : décompte des points. 4. Supporteur (anglicisme) : partisan.

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Toutefois, dans la salle, tout le monde n’était pas intéressé par la partie. En effet, deux filles avaient installé leurs affaires tout près du grand écran qui retransmettait le match. Totalement absorbées par les images qu’exhibait leur écran d’ordinateur, elles semblaient inconscientes de l’agitation qui régnait autour d’elles. En me penchant un peu, j’ai pu apercevoir ce qu’elles contemplaient avec tant d’intérêt. Elles faisaient apparaître à l’écran les vedettes des derniers films à l’affiche. Tout excitées, elles reluquaient les beaux acteurs en ricanant. Cela irritait un peu les autres qui, de temps en temps, leur jetaient des regards désobligeants. Perdues dans leur bulle hollywoodienne, elles n’en étaient absolument pas conscientes. Devant son ordi, Berthelot ne renonçait pas. Imperturbable, il réussissait — parfois de justesse — à bloquer la grêle de rondelles qui s’abattait sur son gardien de but. Incapable de dégager sa zone, il subissait les assauts répétés des joueurs de

réussi à s’emparer de la rondelle et à traverser toute la patinoire. Le petit joueur s’est retrouvé seul devant le gardien adverse. Lou a été tellement surpris qu’il en a perdu tous ses moyens. Après quelques feintes, le joueur de Berthelot a réussi à déjouer le gardien. D’un lancer du poignet, le brave petit joueur fluo a enfilé la rondelle dans le but. J’ai bondi hors de ma chaise en hurlant comme une folle ! Seulement quelques rares spectateurs ont applaudi avec moi. « Pas grave ! me suis-je dit, Berthelot n’a pas besoin du soutien des spectateurs pour bien jouer. »

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Lou. Soudain, contre toute attente, un des joueurs de Berthelot a

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Lou secouait sa grosse tête frisée en signe d’incompréhension. Ses cheveux bouclés, que je trouvais si beaux il y a à peine quelques mois, me semblaient maintenant tout à fait quelconques. En fait, s’il n’en avait tenu qu’à moi, j’aurais mis une paire de ciseaux dans sa tignasse depuis belle lurette. Mais s’il aimait ressembler à un caniche mal tondu, c’était bien de ses affaires. Je m’en fichais carrément… La tension était à couper au couteau dans le local. Lou, qui ne trouvait la situation pas drôle du tout, bombardait sans relâche son adversaire. Encore et encore, le vaillant gardien de but de l’équipe de Berthelot réussissait à tout bloquer. Soudain, l’ailier droit de Berthelot a décoché un tir très précis vers le but adverse. Le gardien a voulu attraper la rondelle mais celle-ci, ricochant sur sa mitaine est tombée dans le filet. La lumière rouge s’est tout de suite allumée derrière le but. Agathe, probablement pour prouver qu’elle suivait le match, a annoncé à la

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ronde que le pointage était de trois à deux pour Lou. Les applaudissements étaient plus nourris cette fois. Mon ami, à défaut de remporter le match, était en train de gagner la faveur du public. Quant à moi, j’espérais de tout mon cœur que Berthelot allait parvenir à battre ce faux jeton de Lou. Que j’aurais été fière de lui ! Le jeu a repris. Lou, qui semblait plus nerveux, multipliait les erreurs. Les joueurs de Berthelot avaient beaucoup plus de facilité à passer à l’offensive. C’était maintenant au tour de Berthelot de

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bombarder le gardien de but adverse. Lou résistait avec la dernière énergie. Tout à coup, un grand éclat de rire a fusé. Tous les yeux se sont tournés vers les deux filles dont je vous parlais tout à l’heure. Elles ne se sont même pas aperçues que tout le monde les regardait. Gloussant à la vue des jolis minois à l’écran, elles ignoraient tout du drame épique qui se déroulait près d’elles, sur la patinoire électronique. Délaissant le jeu une fraction de seconde, Lou leur a décoché un regard réprobateur. Ce moment d’inattention, très bref, a néanmoins permis à Berthelot de compter le but égalisateur. On aurait dit que Lou avait reçu un choc électrique5. Bondissant sur ses pieds, il a foudroyé du regard les deux filles, inconscientes de ce qui venait de se passer. D’un geste de la main, Agathe a réussi à calmer son copain, qui s’est finalement rassis, furieux. Les spectateurs, frénétiques, encourageaient la recrue en

Certains petits comiques criaient même son sobriquet de Bec-deRat. Dans le contexte, c’était devenu sympathique. L’atmosphère était déchaînée dans le local surchauffé. On frôlait l’hystérie. L’inimaginable

devenait

maintenant

possible.

Lou, l’éternel

champion, le gars le plus populaire de l’école, risquait d’être détrôné par celui dont tout le monde se moquait il n’y a pas si longtemps. Lou prenait un air renfrogné que je ne lui connaissais

5. Choc électrique (anglicisme ) : décharge électrique.

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scandant son nom : BERTHELOT ! BERTHELOT ! BERTHELOT !

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pas. On aurait dit que sa grosse tête frisée allait lui entrer dans les épaules. De son côté, Berthelot était blanc comme un verre de lait. Après voir compté le but égalisateur, il n’avait souri qu’un bref instant, révélant son appareil orthodontique. Tout de suite après, il fixait l’écran, le visage fermé. J’aurais voulu lui faire un clin d’œil pour l’encourager, mais il ne me regardait pas. Il ne restait plus que trente secondes au match et le score était toujours de trois à trois. Les deux joueurs s’activaient frénétiquement à leur clavier. La foule criait sans relâche. Même Agathe en oubliait son rôle d’arbitre et hurlait, elle aussi. Lou semblait avoir repris le contrôle du jeu, mitraillant sans cesse son adversaire, qui résistait tant bien que mal. Puis, brusquement, PLUS RIEN. L’écran est devenu tout noir. Les joueurs, incrédules, attendaient que l’image réapparaisse, mais en vain. Tout le monde s’interrogeait du regard. Que s’était-il donc

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passé ? Un grand silence avait envahi tout à coup le local d’informatique, contrastant avec le vacarme qui régnait juste avant. — Ha, ha, ha ! Les filles, ignorant notre désarroi, continuaient à s’esclaffer en pointant leurs coqueluches à l’écran. Elles ne semblaient pas se lasser de leur petit jeu. Elles ne se doutaient pas que tous les regards étaient à présent braqués sur elles. Hors de lui, Lou a brisé le silence. Il s’est écrié, en pointant les deux amies :

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— C’est elles ! C’est elles qui ont débranché les fils ! Les deux filles ont sursauté à l’unisson. Leurs mines affichaient l’incompréhension la plus totale. Lou était maintenant à quatre pattes sous la table, devant elles. Il en est ressorti, tenant à la main un câble bleu. — Je vous l’avais dit ! Ces deux nounounes ont arraché le fil avec leurs godasses à talons hauts ! Juste comme j’allais compter un but ! Très mal à l’aise, les deux copines bredouillaient des excuses. L’une d’elles, en étirant les jambes, avait malencontreusement arraché un fil de l’ordinateur. Lou, peu enclin à excuser leur maladresse, s’est mis à les engueuler : — J’allais compter un but ! J’en suis certain ! Ça se peut pas être épaisses de même ! Penaudes, les deux filles ont commencé à ramasser leurs affaires pour s’en aller. Comme Lou avait réussi à rebrancher le fil,

annonçant le début du prochain cours allait retentir très bientôt. Lou attendait impatiemment que l’arbitre fasse la mise au jeu. On pouvait apercevoir la sueur qui perlait sur ses tempes et qui aplatissait ses cheveux bouclés. Toujours impassible, Berthelot était plus pâle que jamais. C’en était presque inquiétant. Agathe, de son côté, ne semblait pas très pressée de siffler la reprise du jeu. Juste avant qu’elle donne le signal, un spectateur s’est levé pour lui glisser quelque chose à l’oreille. J’ai reconnu tout de suite le garçon en question. Plutôt mignon, il était dans

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la partie pouvait recommencer. Il fallait faire vite, car la cloche

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plusieurs de mes cours. Après avoir écouté attentivement ce qu’il lui chuchotait, Agathe s’est esclaffée bruyamment, tout en jetant un coup d’œil du côté de Lou. Cela n’a pas plu à ce dernier, qui a lancé à l’intention d’Agathe : — Eh, l’arbitre ! Lâche donc les gars et concentre-toi sur la partie! Un peu vexée, Agathe a sifflé la mise au jeu. Lou était debout à présent et piétinait sur place en tapochant6 son clavier comme un débile. Il bombardait sans relâche le gardien de Berthelot, qui tenait bon. Tentant le tout pour le tout, Lou a fait un tir prodigieux du centre de la patinoire. Le malheur, c’est qu’il a dû se mélanger dans ses boutons, car c’est vers son propre filet que la rondelle s’est dirigée. Lou a bien essayé d’arrêter le disque mais, trop tard, la petite lumière rouge était déjà allumée. Avec une seule seconde encore à jouer, il était impossible que

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Lou compte un but, même s’il y avait une nouvelle mise au jeu. Il avait définitivement perdu la partie et son titre de champion par la même occasion. Aussi invraisemblable que ça pouvait paraître, Berthelot était devenu le nouveau champion de « Rondelle virtuelle » ! Personne n’osait applaudir. La partie s’était terminée de façon tellement inattendue que tout le monde était resté bouche bée. Lou, effondré sur sa chaise, avait l’air complètement sonné.

6. Tapocher (québécisme) : taper sur quelque chose.

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Agathe avait la mine basse, elle aussi. Quant à moi, j’étais tellement contente que je me suis mise à hurler de joie : — Bravo, Berthelot ! Bravo ! Au début, j’étais toute seule à crier comme une perdue. Puis, peu à peu, les autres spectateurs se sont joints à moi pour applaudir le nouveau champion. Bizarrement, Berthelot continuait à fixer son écran, maintenant tout noir. Peut-être était-il intimidé ? Tout à coup, Lou a émergé de sa torpeur. Il s’est levé d’un bond pour s’écrier : — Un instant ! Pas si vite ! Cette partie ne s’est pas déroulée dans les règles ! Je conteste le résultat ! Je désire déposer un protêt sur le score final de cette partie ! — Un quoi ? a demandé Agathe, éberluée. — Un protêt, c’est lorsqu’on conteste la décision d’un arbitre. — Tu contestes ma décision ? Quelle décision ? — Mais non, tu ne comprends rien… C’est à cause de ces

pas été le même. Tout en disant cela, il pointait les deux copines qui avaient eu la mauvaise idée de rester pour regarder la fin du match. En entendant le commentaire désobligeant de Lou, elles se sont prestement dirigées vers la porte. C’est à ce moment précis que Berthelot a choisi d’intervenir. En ce qui me concerne, il aurait été plus brillant de sa part de se taire. En effet, j’ai cru que mes oreilles me jouaient de vilains tours lorsqu’il a déclaré d’une voix sèche :

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deux-là. Si elles n’avaient pas arraché les fils, le résultat n’aurait

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— Je suis d’accord avec Lou. Il faudrait reprendre le match. S’il n’y avait pas eu ces deux filles-là, le résultat aurait pu être différent. Cette fois, les deux filles se sont enfuies du local en courant. Et moi, qui me dirigeais vers Berthelot pour le féliciter, j’ai plutôt décidé de leur emboîter le pas.

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David BRODEUR, Le labyrinthe de verre, coll. Conquêtes, Montréal, © Les Éditions Pierre Tisseyre, 2004, p. 9-23.

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