L'affaire Mediator va con - Servier

Lucy Vincent : Afin d'accélérer le traitement du dos- sier et notamment le volet relatif aux procédures d'indemnisation, le parquet avait décidé d'ouvrir.
172KB taille 12 téléchargements 458 vues
Stratégies LUCY VINCENT, DIRECTRICE GÉNÉRALE DES AFFAIRES EXTÉRIEURES DU LABORATOIRE SERVIER

« L’affaire Mediator va con Dans une interview exclusive accordée à Actu Labo, Lucy Vincent, la directrice générale des affaires extérieures des laboratoires Servier, prévoit un tournant majeur dans l’affaire Mediator. Primo, les juges n’ont pas reconnu la volonté « de dissimulation » à l’égard des autorités sanitaires à partir de 1995. Secundo, un expert épidémiologique nommé par le tribunal va passer au peigne fin les données de la Cnam ayant servi à l’évaluation du nombre de décès qu’aurait entraînés le médicament. Le procès pénal se tiendra le 21 mai 2013.

10 Actulabo - Janvier 2013

2009, date à laquelle le Mediator a été retiré du marché, consécutivement, je le rappelle, à l’étude (Regulate) que nous avons menée et financée. C’est un fait qui constitue un tournant majeur dans cette affaire.

Actu Labo : Le pôle santé du TGI de Paris, en charge de l’instruction de l’affaire Mediator, a mis en examen Jacques Servier, le 11 décembre dernier, pour « homicides et blessures involontaires ». Quelle est la portée de cette décision ? Lucy Vincent : Afin d’accélérer le traitement du dossier et notamment le volet relatif aux procédures d’indemnisation, le parquet avait décidé d’ouvrir deux informations judiciaires : l’une pour homicides et blessures involontaires, la seconde pour tromperie et dissimulation, notamment vis-à-vis de l’agence du médicament, sur les effets secondaires du benfluorex. Si le premier motif a été retenu dans les motivations de la mise en examen, le second ne l’a pas été suite à la prise en compte des observations de nos avocats. Les juges ont exclu toute tentative et volonté de dissimulation de Servier sur la période 1995-

Actu Labo : Un tournant, mais dans quelle mesure ? Lucy Vincent : Tout simplement parce que cette exclusion contredit l’un des attendus clés du fameux rapport de l’Igas sur lequel repose une grand part de l’argumentation de nos accusateurs. Je rappelle que dans des termes choisis, nous aurions, je cite, « roulé dans la farine » les autorités et les instances de pharmacovigilance, l’Igas avait mis en avant cette pseudovolonté de dissimulation sans d’ailleurs engager une procédure contradictoire de consultation des parties, comme le prévoit le guide des bonnes pratiques auquel elle doit se conformer. Cette stigmatisation avait été établie sur la base d’éléments tronquée et biaisés. Nous l’avions dit à l’époque mais nous n’étions sûrement pas audibles… Actu Labo : Ce rebondissement judiciaire pourrait-il aboutir à une coresponsabilité du laboratoire et des autorités de régulation ? Lucy Vincent : Je vous laisse libre de formuler cette hypothèse et je ne préjuge de rien. Disons que je fais confiance à la justice pour tirer au clair cette question et en déduire toutes les conséquences. Actu Labo : Pour autant, vous ne pouvez pas nier que ce produit était dangereux et qu’il a échappé à tout contrôle sérieux et efficace pendant 35 ans en dépit des alertes ? Lucy Vincent : Mais nous ne nions pas les effets indésirables. Mieux, nous les avons démontrés dans

naître un tournant » une étude qui a coûté 20 M€. Un peu de bon sens ! Si nous avions précocement détecté la dangerosité de ce produit, pourquoi l’aurions-nous maintenu sur le marché en cachant ses effets nocifs ? Pour des raisons mercantiles ? Savez-vous que ce médicament ne représente que 0,7 % des ventes des laboratoires Servier ? La vérité scientifique, c’est que le Mediator a généré des effets indésirables discrets, peu détectables et heureusement rares, qui ne sont intervenus qu’après une assez longue période de traitement. Par ailleurs, la prévalence de dysfonctionnements préalables de valves cardiaques au sein de la population traitée par Mediator est forcément plus importante qu’au sein de la population générale. Cette caractéristique introduit tout de même un biais statistique remarquable. Actu Labo : Pourtant, des médecins et notamment des endocrinologues affirment avoir tiré la sonnette d’alarme depuis des années ? Lucy Vincent : Mais où sont les alertes de pharmacovigilance à ce sujet ? C’est impressionnant le nombre de personnes qui prennent la posture du « on le savait bien, on vous l’avait bien dit » et qui interviennent après la bataille ! Actu Labo : Ceci vous amène donc à contester le nombre de victimes citées qui oscille entre 500 et 2 000 ? Lucy Vincent : Je ne sais absolument pas quel a été le nombre de décès provoqués par les effets secondaires du Médiator. Un, c’est un de trop ! Ce que je sais, c’est que cette évaluation est fondée sur des données médico-économiques issues des bases de données de la Cnam. Ce qui est d’une très grande originalité ! Il ne s’agit en aucun cas de données venues

de la pharmacovigilance. Je tiens à signaler que cette estimation a été réalisée à partir d’une méthodologie dont nous ignorons tout. A de très nombreuses reprises, les laboratoires Servier ont demandé très officiellement aux dirigeants de la Cnam que soient communiqués ces chiffres et cette méthodologie. Sans aucun succès. Pourquoi autant de mystère et aussi peu de transparence si ces données ne peuvent souffrir d’aucune contestation ? Récemment, et ce fait va sans doute constituer un autre rebondissement majeur, la chambre de l’instruction a demandé à ce qu’un expert épidémiologique soit désigné – et ceci a été fait… – afin que les données soient auditées. Je tiens à souligner que l’avocat de la Cnam a tenté de faire casser cette décision. Nous sommes, pour notre part, très impatients de connaître les conclusions de cet expert. Actu Labo : Quel a été l’impact du Mediator sur l’activité commerciale et la réputation du laboratoire Lucy Vincent : Elle est très difficile à évaluer avec précision. Ce que je peux vous dire, c’est que notre chiffre d’affaires a beaucoup reculé en France cette année à l’instar de toute l’industrie pharmaceutique touchée par la baisse des prix et les déremboursements en rafale. En revanche, nous progressons fortement sur les marchés étrangers qui représentent aujourd’hui 92 % de notre volume d’affaires. Par ailleurs, notre sérieux et notre crédibilité scientifique n’ont souffert en aucune façon tant en France qu’à l’international. Je rappelle que depuis deux ans, Servier a signé 16 accords de développement avec des biotechs et des biopharms. Propos recueillis par Jean-Christophe Savattier

Actulabo - Janvier 2013 11