le design sonore - La Stratégie du Design

Jusqu'à une date très récente, la France, premier pays touristique au monde, ne disposait que d'un système de classification des hôtels en une à quatre.
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Le design sonore

comme innovation récente dans l’hôtellerie de luxe De l’apparition des palaces… Jusqu’à une date très récente, la France, premier pays touristique au monde, ne disposait que d’un système de classification des hôtels en une à quatre étoiles / quatre étoiles luxe. Ce système de classification n’incluait pas la catégorie cinq étoiles, pourtant déjà existante à l’étranger. La catégorisation par étoiles, attribuées par l’administration sur la base de normes quantitatives comme la superficie et l’équipement des chambres, ne prenait pas assez en compte certains critères d’excellence, tels que la qualité de l’accueil ou la propreté des lieux, pourtant déterminants pour la clientèle des hôtels de luxe. Cette catégorisation a jusqu’à aujourd’hui fait peu cas des palaces, en les englobant sous l’appellation 4 étoiles et 4 étoiles luxe, démarche qui conduisait à inclure dans cette catégorie des hôtels forts différents et aux performances commerciales très hétérogènes. La récente mise en œuvre de la réforme de l’hôtellerie française devrait permettre de combler cette lacune, qui provoquait de certaines incompré-

hensions de la part des touristes internationaux désirant bénéficier de prestations haut de gamme lors de leur séjour sur le territoire français. Cette réforme a comme objectif d’enrayer la  chute de la part de l’hôtellerie française dans le tourisme mondial (qui est passée de 11% en 2006 à 9% en 2007), en s’appuyant notamment sur une  profonde modernisation du parc hôtelier français et notamment des palaces historiques français. Selon le cabinet JLLH, l’appellation de Palace renvoie à un usage et non à un classement officiel1. Selon les experts de ce cabinet, le titre de Palace suppose de cumuler des attributs spécifiques, avec pour objectif de créer un hôtel unique et non duplicable, visant l’excellence. Ces attributs sont de deux ordres : les caractéristiques physiques (Hard Attributes) et immatérielles (Soft Attributes).

Rapport Jones Lang Lasalle Hotels, Les Palaces Parisiens à horizon 2015, Juillet 2008.

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Fouquet’s Paris – ©Photographe : Eric Cuvillier

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• Les caractéristiques physiques – Site premium associant shopping de luxe, hauts lieux touristiques et/ou pôles d’affaire de premier ordre (exemple : 1er et 8e arrondissements à Paris), – Immeuble de prestige, bâti historique, composantes classées, caractéristiques très haut de gamme (exemple : hauteurs sous-plafond, étendue du jardin), – Produit d’exception ayant pour mot d’ordre la générosité spatiale tant au niveau des surfaces que de la diversité des espaces avec un primat consacré à l’hébergement (taille des chambres & suites, ratio des suites), et une diversité des espaces communs qui doivent véhiculer aux yeux des consommateurs une image prestigieuse (restaurant étoilé, spa, bar…).

Hôtel de Crillon, Paris – ©The Leading Hotels of the World

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Ces caractéristiques physiques s’accompagnent d’une recherche d’excellence de qualité, tant dans l’entretien que dans la modernisation perpétuelle des espaces et équipements, ce qui suppose des investissements financiers très importants. • Les caractéristiques immatérielles – Légendes créant le mythe et l’unicité du lieu : personnages illustres (vivants ou non), événements historiques s’étant déroulés dans le lieu…, – Service d’exception répondant aux attentes les plus extravagantes, avec un primat de la personnalisation et une qualité irréprochable,

– L’affiliation à une chaîne : longtemps considérée comme contraire à l’idée de Palace, car il s’agit ici d’un produit unique non compatible avec des normes de chaîne. A ce jour, les affiliations demeurent limitées à des réseaux volontaires ou de petits réseaux de luxe (ex : Leading Hotels of the World, Small Luxury Hotels…). Pour les experts du domaine, les caractéristiques physiques, notamment la qualité du site et l’unicité du produit demeurent les plus discriminantes, car elles sont les plus rares et les plus rigides. En France, trois destinations historiques accueillent les palaces : Paris, la Côte d’Azur et Courchevel. La capitale dénombre 6 palaces historiques, auxquels est venu récemment se rajouter le Fouquet’s, faisant de Paris une des capitales comportant le plus d’établissements de ce type2. La crise économique récente a touché de ma­ nière très importante ces établissements. Ainsi l’an dernier, le taux d’occupation a baissé de 69% en février 2008 à 58% seulement en février 2009 et les recettes des 7  palaces parisiens ont plongé de 30 à 60%3.

Les palaces parisiens sont : Le Ritz, Le Crillon, Le George V, le Meurice, le Bristol, le Plaza Athénée et le Fouquet’s 3 http://www.cyberpresse.ca/voyage/europe/france/200903/ 09/01-834726-les-palaces-francais-secoues-par-la-crise.php) 2

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Cette baisse de la rentabilité devient désormais difficile à concilier avec des investissements de modernisation. De plus, ces établissements souffrent de plus d’une intensification de la concurrence à plusieurs niveaux, concurrence qui devient protéiforme. On voit ainsi apparaître une concurrence interne au secteur avec des stratégies de montée en gamme des 4 étoiles (Méridien, Sofitel) et des stratégies d’implantation de nouveaux opérateurs (Mandarin Oriental, Shangri La, Peninsula)4. Cette dernière est compliquée par l’essor d’une concurrence externe se traduisant par l’arrivée probable à court terme, selon les experts, de nouveaux opérateurs issus de l’industrie du luxe (Armani) et l’apparition récente d’hébergements de substitution (résidences de tourisme affaires, location de villas de luxe). A l’heure d’une forte hausse de l’offre Palace sur Paris (plus 700 chambres prévues d’ici à 2012) et devant la montée en gamme de certains opérateurs, les palaces doivent désormais marquer leurs différences et affirmer une identité très distinctive pour attirer et fidéliser une clientèle de plus en plus sollicitée et de plus en plus difficile.

… à la question de l’innovation dans l’hôtellerie de luxe… De plus en plus de gestionnaires de Palaces se tournent désormais vers le développement de stratégies plus expérientielles, moins traditionnelles, visant d’une part à renforcer le caractère spécifique et si particulier du positionnement Luxe de leur établissement et d’autre part à développer la fidélisation et l’instauration de liens affectifs avec la marque. Si ces initiatives semblent très intéressantes, il n’en demeure pas moins que les Palaces souffrent aussi d’une concurrence indirecte : celle des boutique-hôtels ou hôtels design. Ils proposent aux clients luxe une offre plus personnalisée (taille réduite des établissements), plus innovante (moins de contraintes à respecter, notamment pour le design) et plus proche des tendances actuelles de consommation, plus axées sur l’hédonisme et l’émotion que sur la recherche de prestige et de statut social. Selon certains auteurs5, les boutique hôtels sont désormais les établissements à recueillir le plus les faveurs du public. Une réflexion sur le positionnement global de l’image et du territoire de marque s’impose donc pour les gestionnaires d’hôtels haut de gamme et de palaces. La modernisation des sites en ayant recours à de grands noms du design (exemple : Stark pour le Royal Monceau)6 et la modernisation des techniques commerciales (sites internet, évènementiel, services VIP et offre marketing) représentent de très bons leviers pour enrichir le territoire de marque et l’image de ces grands noms.

Toutefois, ces palaces ont une approche traditionnelle de l’hôtellerie de luxe et revendiquent un savoir-faire certain ancré dans la culture française, ce qui rend plus étroite la marge de manœuvre possible pour développer des innovations réellement distinctives. Néanmoins, il semble que désormais la réflexion doit plus massivement s’orienter vers un univers identitaire fort et cohérent, qui associe dans un même mouvement la marque, les gammes de services, l’architecture et l’atmosphère spécifique du lieu et la communication. Si l’excellence de service et le caractère unique du palace parisien sont désormais des problématiques maîtrisées par les gestionnaires de palace, une des voies de différenciation possible repose sur la mise en place d’une stratégie d’identité sensorielle forte, visant à différencier clairement le palace de ses concurrents et à ancrer son univers dans l’esprit du consommateur. Bien que certaines variables dites sensorielles, visuelles (architecture, design, esthétique) aient été depuis longtemps travaillées pour ancrer et signifier le positionnement souhaité aux yeux du consommateur, d’autres variables ont été plus négligées dans le développement de l’offre globale. Alors que les dimensions olfactives sont progressivement prises en compte, il n’en demeure pas moins que la variable sonore demeure encore assez peu usitée dans la stratégie d’identité globale des palaces. A ce titre, il convient de s’interroger : Les palaces doivent-ils développer une identité sonore spécifique ? Si oui, quelles sont les spécificités liées à l’hôtellerie de luxe en matière de design sonore ? Comment développer une identité sonore sur ce marché assez conservateur ? Pour de nombreux chercheurs et praticiens, le design sonore pour des établissements et/ou marques de luxe fait partie de l’identité globale de la marque, permettant d’induire des émotions et de refléter les valeurs de la marque. Si ce constat est vrai pour l’ensemble des marques, la spécificité des marques de luxe est que ces dernières anticipent les besoins et tendances qui s’appliqueront ultérieurement aux marques grand public. L’identité sonore développée doit être plus unique, plus rare, plus décalée et avant-gardiste, basée sur la qualité des matériaux utilisés et un savoir faire exclusif : autant de critères qui permettent de refléter le caractère luxueux du lieu d’accueil.

http://www.culturemag.fr/2009/08/29/les-palacesparisiens-parient-pour-la-sortie-de-la-crise/ 5 Petit O. et Gauguier P. (2002), Un concept récent en plein essor : le « boutique-hôtel » ou hôtel de charme, Cahier Espaces, Editions ESPACES Tourisme & Loisirs, n°75. 6 http://luxedufutur.blogspot.com/2009/03/imaginerle-palace-de-demain-un-nouveau.html 4

Marie Catherine Mars est

professeur de marketing au sein du groupe Edhec. Après plusieurs expériences dans le marketing et la communication, elle a récemment soutenu sa thèse de Doctorat en Sciences de Gestion à l’Université de Nice-Sophia-Antipolis. Ses thèmes de recherche portent notamment sur le marketing expérientiel et sensoriel des lieux d’accueil, ainsi que sur la valeur et la satisfaction du consommateur dans le domaine des services.

Nicolas Minvielle

Diplômé de l'Université de Kyushu au Japon et de l'Institut d’Etudes politiques de Strasbourg, il a obtenu une thèse de  Doctorat en Economie à l’EHESS. Spécialiste des problématiques de marques et de design, il est entré chez Philippe Starck en 2001 et y est resté sept années en tant que responsable des marques. Il fonde en 2005 le Groupe Design Conseil et mène de nombreuses missions de conseil dans l’hôtellerie et la restauration. Il est actuellement professeur assistant à Audencia école de Management et conférencier à l'EHL. Son nouveau livre « Design des lieux d’accueil » vient de paraître.

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Le Meurice Paris – ©The Dorchester Collection

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Dans cette perspective, l’identité sonore devient un élément de design à part entière, qui viendra véhiculer et renforcer l’identité de la marque ou du lieu, permettant ainsi de lutter contre la « Mac Donaldisation » du secteur, qui rend une expérience de séjour en hôtel haut de gamme similaire d’un pays à l’autre selon certains auteurs (Decelle 20037, selon la définition de Ritzer, 1996)8. La perspective de la mise en œuvre d’un design global, incluant le développement d’une identité sonore, permettra ainsi de conforter le positionnement exceptionnel des palaces, en rendant l’offre plus tangible et en facilitant l’évocation, en renforçant l’image de marque et en constituant des signaux d’inférences de la qualité de service proposée. En effet, l’excellence de service et l’innovation par le design visuel ne permettent plus désormais de différencier l’offre des palaces de celle des quatre étoiles. Il convient donc alors de dépasser cette approche quelque peu simpliste et de prendre en compte de la manière la plus large possible les nombreux autres aspects liés au lieu : de l’hédonisme à la mise en scène, les pratiques sociales actuelles offrent de nombreuses perspectives et de nombreux outils de gestion de l’expérience client.

L’hôtellerie de luxe possède depuis longtemps des points d’ancrage particuliers par rapport aux autres formes d’hébergement marchand (Tissot, 2007)9 : – Un rôle très important d’espace social. Le Palace est un espace de rencontre, un centre social facilitant les contacts et les discussions, à un niveau privé mais aussi public et international (signature de traités, négociations politiques, discussions d’affaires). – Un rôle de repérage et de codification sociale : l’hôtel de luxe permet à l’individu d’affirmer son appartenance à l’élite sociale et de mettre en scène ses possessions luxueuses et distinctives au sein de son groupe d’appartenance. – Un rôle d’innovation : l’hôtellerie de luxe a très souvent été le foyer d’inventions et d’expérimen-

Decelle, X (2003), Conférence du 27/11, Séminaire Tourisme, Marchés et Politiques, IDEFI, Université de Nice. 8 Ritzer G. (1996), The MacDonalisation if Society, Thousand Oaks, Pine Forge Press. 9 Tissot, L (2007), L’Hôtellerie de Luxe à Genève (1830-2000). De ses espaces à ses usages, Entreprises et Histoire, n° 46, p. 17-33. 7

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tations de toutes sortes (eau chaude, ascenseur, chauffage collectif, gastronomie, loisirs, sports…). Toujours pour Tissot, c’est à partir des hôtels que de nombreuses innovations se sont ensuite diffusées dans la société. Cette incessante volonté d’innovation renvoie aussi au souhait de proposer un espace qui soit totalement libéré des contraintes usuelles et qui réponde de manière optimale aux attentes des consommateurs, notamment en termes de sécurité et de bien être. On notera que toutes ces problématiques de scénarisation et d’ancrages des lieux sont connues depuis un certain temps, notamment au travers des recherches de Goffman (1959)10, mais qu’elles n’ont trouvé d’application opérationnelle que de manière assez récente. La mode des bars d’hôtels dessinés par des grands designers en est un exemple archétypal, grâce à la scénarisation et l’ajout d’attributs immatériels à une zone qui, de manière historique, n’est pas celle la plus intéressante financièrement parlant pour l’hôtelier. Pour autant, de nombreux « branchés » viennent de nos jours commencer leurs soirées dans ces endroits. Il s’agit là du point clé que nous souhaitions développer dans l’article : en dépassant une approche basée sur l’excellence de service, on peut élargir le spectre d’intervention de l’hôtelier aux nombreuses autres variables de l’environnement. Dans le cas du bar de designer, l’aspect « signature » va venir jouer un rôle en traitant une forme de snobisme de la part de certains clients, mais de nombreuses autres variables de l’environnement peuvent être mobilisées pour optimiser l’expérience vécue par le consommateur dans l’hôtel de luxe. On trouve évidemment parmi celles-ci les aspects purement sensoriels des lieux dont le rôle éventuel a déjà été mis en lumière par des chercheurs, mais qui n’ont pas encore fait l’objet de réelles applications, notamment en ce qui concerne les aspects purement cognitifs. Ainsi, le rôle de l’atmosphère du lieu a pour le moment été assez peu étudié en termes de valeur globale perçue par l’utilisateur. Or, dans une perspective expérientielle, les recherches menées de manière indépendante sur chacune des variables sensorielles nous indiquent qu’il existe de réelles marges de travail et de scénarisation.

… le rôle des aspects sensoriels et notamment du design sonore comme outils de renforcement du positionnement luxe Dans le cas de l’hôtellerie de luxe par exemple, le design sonore peut venir jouer un rôle de renforcement extrêmement intéressant, en venant conforter

le client dans son appréhension de la valeur du lieu. Une des principales raisons de l’engouement et de l’intérêt de la variable sonore réside dans sa facilité d’utilisation et d’application. Les technologies de diffusion sont désormais largement éprouvées et maitrisées, et il est possible de générer un panel quasi infini de sons qui peuvent permettre de trouver un mix musical idéal pour le marketeur. Partant de ce constat, de nombreuses études académiques ont été menées, tant au niveau de l’impact affectif de la musique que de son impact sur la cognition du consommateur. Du point de vue de l’affect, certains auteurs (Yalch et Spangenberg11, en 1993) ont souligné que diffuser une musique appréciée par les occupants pouvait avoir un impact positif pour le consommateur, en termes de plaisir ressenti, mais aussi pour l’entreprise, dans la mesure où la cible visée passe alors plus de temps dans le lieu commercial. Il en va de même pour les travaux d’Herrington12 (1993) qui démontrent que lorsque la musique diffusée plaît, les consommateurs dépensent plus et auront tendance à faire plus d’achats impulsifs. On notera cependant ici que, pour Rieunier13 (2000), une approche systématique visant à tenter de mettre en place un zoning musical peut avoir un effet contraire au but visé : si la musique diffusée est liée dans l’esprit du consommateur à des pensées éloignées de l’achat, attachées à des actes de la vie de l’individu ou à des images (clip, artistes, concerts), alors ces pensées peuvent perturber l’acte d’achat car l’individu aura plutôt tendance à se concentrer sur ses pensées intérieures et non sur l’expérience d’achat, repoussant sa décision à une date ultérieure. Du point de vue de la cognition, et c’est là que nous en arrivons à notre point principal, les recherches sont beaucoup moins nombreuses. Ceci est étonnant et souligne que des innovations sont encore envisageables dans le secteur hôtelier de luxe dans la mesure où, lorsque le stimulus musical est bien choisi, il peut renseigner le consommateur sur les qualités extrinsèques ou intrinsèques des produits d’une marque donnée ainsi que sur les valeurs

Diplômé d'HEC Paris, Charles Edouard commence sa carrière dans la distribution sélective puis le conseil en stratégie. Passionné de musique, il crée GetSound en 2005 pour développer l'usage de la musique et plus généralement du son dans la communication des marques. D'un studio son, GetSound a progressivement évoluer vers toutes les formes de créative content : musique, vidéo, motion design et interactivité. Intervenant aussi bien dans des expositions ou musées que pour des industries du luxe ou de grande consommation, GetSound rassemble un savoir faire inédit liant technologie, créativité, production et objectif marketing et propose aujourd'hui des contenus multi-supports au service de l'expérience de marques.

Goffman E. (1959), The presentation of self in everyday life, Anchor Books. 11 Yalch F. R. et Spangenberg E. (1993), Using Store Music for Retail Zoning : a Field experiment, Advances in Consumer Research, vol.20, p.632-636. 12 Herrington D.J. (1993), The Effects of Tempo and Volume of Background Music on the Shopping Time and Purchase Amount of Supermarket Shoppers, DBA Dissertation of Mississippi State University: Drawer. 13 Rieunier S. (2000), L’influence de la Musique d’ambiance sur le comportement des Consommateurs dans le Point de Vente, Thèse de doctorat en sciences de gestion, Université Paris 9 Dauphine. 10

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Hôtel Ritz Paris – © The Leading Hotels of the World

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de cette dernière. En d’autres termes, il peut venir confirmer la perception du luxe communiquée par les autres variables du lieu. Gallopel14, en 1998, a validé empiriquement cette dimension, en montrant que le style musical utilisé dans la publicité avait une influence sur la perception d’une marque. Dans le même ordre d’idées, Yalch et Spangenberg (1993) ont montré, que le style de musique diffusé influençait la perception du positionnement prix et du caractère haut de gamme d’un même point de vente notamment lorsque de la musique classique (vs. musique de variété) est diffusée. D’une manière générale, les recherches ont tendance à souligner que cet impact cognitif travaille à plein lorsque la musique diffusée est congruente avec les produits proposés et la représentation mentale que le consommateur s’en fait. La musique aurait donc un rôle important en termes de signal d’information (prix/qualité). On notera ici les travaux de North, Hargreaves et MacKendrick15 (1997) qui ont confirmé des relations significatives entre la typicalité (origine géographique)

de la musique diffusée et le type de produits achetés : dans le contexte d’un magasin de vins, les vins français étaient plus achetés lorsque de la musique typiquement française était diffusée tandis que des vins allemands l’étaient plus en condition de musique typiquement allemande. Dans le cadre d’un magasin, la diffusion d’une musique qui soit congruente avec le magasin ou qui soit gaie permet de favoriser la formation d’une image positive de ce dernier (Broekemier, 1993)16. En ce qui concerne l’état de stimulation, il semble qu’il existe une rela-

Gallopel K. (1998), Influence de la Musique sur les Réponses des Consommateurs à la Publicité : Prise en compte des Dimensions Affectives et Symboliques inhérentes au Stimulus Musical, Thèse de doctorat en sciences de gestion, Université de Rennes I : Rennes. 15 North A. C., Hargreaves D. J. et McKendrick J. (1997), In-store music affects product choice, Nature, vol. 390, p.132. 16 Broekemer G.M, Retail store image formation and retrieval : a content analysis including effects of music mood, 1993, Thèse de doctorat, Université du Nebraska, Lincoln. 14

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tion générique avec le tempo (Kellaris et Kent, 1994)17, mais paradoxalement, elle n’a pas pu être démontrée dans le cas spécifique de la distribution. Si les études précédemment menées ont permis d’établir une assise théorique importante, la grande majorité des approches liées à la problématique sonore se sont limités à la question du tempo ou du type de la musique. Milliman (1986)18 a ainsi montré que le tempo de la musique affecte le temps perçu et le montant dépensé tandis que les recherches de Yalch et Spangenberg (1993) se sont tournées vers l’impact de la musique classique sur la perception des clients. Il n’existe pas, à notre connaissance, de recherche portant, dans le cadre de la servicescène, sur la notion de familiarité ou sur l’influence de certains sous facteurs de la variable sonore. A titre d’exemple, se pose la question de définir, au sein d’une musique type, quelle est l’influence relative de la dimension vocale ou instrumentale d’un morceau sur la perception d’un environnement. On notera qu’il existe des travaux portant sur la familiarité et le tempo, mais ces derniers ont eux aussi été principalement étudiés dans un contexte publicitaire. Les résultats laissent à penser que ces deux variables jouent un rôle important dans le souvenir d’une publicité. Hahn et Hwang (1999) ont ainsi démontré qu’il existait une relation entre le tempo d’une musique et le souvenir du message de la publicité. Leurs travaux ont permis de souligner que le tempo musical doit être adapté aux capacités de traitement des personnes auxquelles il s’adresse : Plus ce dernier est rapide, plus il deviendrait difficile de traiter correctement le message. Point extrêmement important, ceci ne serait valable que lorsque la musique utilisée est familière. Au regard de la courte revue de la littérature présentée, et du manque apparent sur l’influence de familiarité et de dimension instrumentale/vocale, nous avons procédé à une étude sur un échantillon d’un peu moins de 450 personnes.

Maison PIC, Valence (France) – Membre des Relais & Chateaux – Design d’intérieur : Bruno Borrione

Nous leur avons présenté des diaporamas powerpoint simulant les parties typiques d’un hôtel moderne et haut de gamme: façade extérieure, parties communes ou lobby, chambres19. Les visuels retenus sont ceux d’un hôtel haut de gamme, choisis pour leur typicalité auprès d’un groupe d’experts (Associés du Groupe Design Conseil). Les répondants ont tous vu ce diaporama simulant une expérience hôtelière, pendant environ 5  mn, puis ont répondu au questionnaire développé. Afin d’appréhender l’influence des composantes de notoriété, de tempo et instrumentale/ vocale de la variable musicale sur les perceptions globales de l’offre présentée, nous avons sélectionné avec l’aide d’un groupe d’experts20, les conditions musicales les plus appropriées pour cette recherche. Ainsi, nous avons retenu deux stimuli sonores : – un premier stimulus sonore, au tempo rapide, à forte notoriété : « Torn » de N. Imbruglia ; – puis un second stimulus sonore, au tempo plus lent et au caractère inconnu de la cible : « Fire in your eyes » de S. Howells et R. Llewellyn. Ces deux morceaux ont ensuite été retravaillés par l’agence de design sonore GetSound, afin que nous puissions disposer à la fois de la version vocale d’origine et d’une version instrumentale des morceaux précités pour nos tests. La méthodologie retenue pour cette recherche est quantitative. Le questionnaire développé vise à étudier l’influence de la condition sonore sur l’évaluation du lieu de services (1), les réponses affectives

Kellaris J. et Kent R., An exploratory study of responses elicited by music varying in tempo, tonality and texture, Journal of Consumer Research, 1994, 2,4, pp381-401 18 Milliman R.E. (1986), The Influence of Background Music on the Behavior of Restaurant Patrons, Journal of Consumer Research, vol. 13, Septembre, p. 286-289. 19 Photos dans l’article 20 Il s’agit ici des ingénieurs du son de la société de marketing sonore Getsound. 17

Maison PIC, Valence (France) – Membre des Relais & Chateaux – Design d’intérieur : Bruno Borrione

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tion sonore qui permet d’obtenir les notes les plus importantes pour l’évaluation du design visuel et spatial du lieu ainsi que pour l’évaluation globale.

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et cognitives de l’individu (2), sur la valeur de consommation perçue (3) et la valeur globale perçue (4) du lieu hôtelier présenté et les intentions comportementales (5) manifestées envers le lieu. Après factorisation des données collectés sur ces variables, nous avons procédé à une analyse des différences de moyennes selon la condition musicale présentée (tempo, dimension vocale / instrumentale). Les résultats obtenus ont permis de confirmer les effets de la variable musicale sur certaines évaluations des personnes interrogées. Les points les plus importants dans le cadre de la sonorisation d’un

Maison PIC, Valence (France) – Membre des Relais & Chateaux – Design d’intérieur : Bruno Borrione

espace de luxe sont liés à la diffusion d’une variable sonore qui est inconnue et instrumentale. En effet, en étant soumis à ce stimulus, les répondants ont évalué le lieu de manière extrêmement différente : 1. Certaines dimensions de la valeur de consommation perçue, la valeur de distance sociale et la valeur économique, sont surévaluées : on peut ici penser aux bandes sonores utilisées dans de nombreux boutique hôtels, ou encore à l’hôtel Costes, et l’analyse menée vient confirmer la pertinence de ce type de stimulus musical en environnement hôtelier haut de gamme. 2. De manière intéressante, c’est aussi cette condi-

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Du point de vue du tempo, on doit noter que les dimensions de valeur hédonique, économique, de distance sociale et de la valeur de consommation perçue sont surévaluées par les répondants en condition de tempo lent. Par ailleurs, la musique au tempo lent est perçue comme étant la plus congruente avec l’hôtel présenté. Ceci est intéressant et semble venir confirmer le recours à des musiques de type lounge dans les hôtels dits design.

Conclusion La recherche et la pratique ont largement démontré le rôle des variables sensorielles dans la perception d’un lieu et le comportement du consommateur. Pour autant, les données disponibles manquent encore de finesse, même pour un outil aussi utilisé que le design sonore. Le présent papier tentait de présenter le rôle de certaines sous variables de la musique que sont la familiarité, le tempo et les aspects instrumentaux/ vocaux et d’expliquer en quoi il devenait nécessaire pour des hôtels haut de gamme de se différencier en renforcer la perception du luxe au travers de cet outil. Les résultats obtenus sont complexes et tendent à démontrer qu’il n’existe pas de solution type, mais que la musique a bien un rôle important à jouer dans la perception de la valeur globale d’un lieu que se font les clients. Le parti pris affirmé du Kube Paris21 d’intégrer la variable sonore dans son offre hôtelière, les initiatives récentes du Métropole Monaco22, qui a fait intervenir Béatrice Ardisson pour développer un design sonore spécifique à l’hôtel et la création d’une compilation musicale par Le Bristol23 pour faire voyager les clients et les auditeurs à travers l’histoire du Palace semblent être autant d’initiatives reflétant la place cruciale de la musique dans le renforcement de l’identité et la différenciation des hôtels de luxe. Marie Catherine Mars, Nicolas Minvielle et Charles-Edouard de Surville

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