Le singe de Ravi

Nous allons vous conter l'histoire (inspirée par une photo et un album) qui imagine la relation d'un singe, animal de compagnie, avec un jeune garçon en Inde. Cette nuit-là, Ravi rêva de son père. Il le vit dans sa cour, .... Le sac à l'arrière était trop rebondi et des bosses s'agitaient sous le tissu tendu. Une folle pensée lui ...
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Le singe de Ravi Récit proposé par la classe de cycle3 de l'école primaire Vinsonneau de Montrastruc-laConseillère (31) au concours littéraire 2016 La compagnie des bêtes du Muséum de Toulouse. Enseignants : Catherine Vidal et Julien Brault. Élèves : AFFIAC Clément, AYYADI Elijah, BERNABÉ Luna, BREGERON-HLYH Noéma, CADEL Sarah, CASTILLO Marion, ROUZILLAC Rémy,GARRIDO Lola, GOMES Anaëlle, GUIRAUD Alan, LALA Florian, MAGUEUR Hermine, MERCIER Emma, MICHAUD Iban, MICHEL Judith, MISSOURI Inès, MORA JEAN Baptiste,PECH Thibault, PILETNGUYEN HUY LAI Rose, PORTET Méline, RICARD Emma, SALLÉ Hélène, SERRANO Fabrice, TAMSSOM Nathan, VIEUILLE Evan. *** Nous allons vous conter l’histoire (inspirée par une photo et un album) qui imagine la relation d’un singe, animal de compagnie, avec un jeune garçon en Inde. Cette nuit-là, Ravi rêva de son père. Il le vit dans sa cour, élevant des singes, assez agiles pour aller récupérer les noix de coco sur des arbres au tronc difficile à escalader. Il le vit, d'un simple coup de bâton, dresser un macaque au petit visage têtu. Ça sentait la chaleur lourde, le pan masala, la fumée de patchouli et les offrandes florales sortant du minuscule temple embaumant la rue entière, le lait frelaté chaud, une odeur rance teintée d'épices, les défécations bovines éparses sur le sol, et puis tantôt le doux parfum des fruits exotiques, ou encore l'agréable odeur de la lessive sur les saris colorés que Grand-Mère Lila faisait sécher le long des fenêtres. C'était un joli rêve et Ravi aurait tout donné pour qu'il ne prenne jamais fin. Quand il ouvrit les yeux, Grand-mère Lila lui caressait la joue. « Ta maman s'est levée tôt pour descendre au marché vendre les singes. » Ravi sauta sur ses pieds et avala son petit déjeuner en se brûlant les lèvres. Il glissa ses doigts dans le grand sac à son épaule. Il était vide!

Un frisson parcourut le garçonnet. Où était son singe? Peut-être l’avait-il laissé au champ, hier? Il avait beau réfléchir, il n'arrivait pas à s'en souvenir… Ravi et sa grand-mère marchèrent jusqu’au champ. Ravi aurait voulu courir jusqu'à la rizière mais il ne montra pas son impatience. Dans le fossé, un souimanga déploya ses ailes à leur approche et vola vers le levant. Une tache vert métallique barrait son épaule, comme un tatouage. Ravi fila vers le pont de pierre, le cœur battant. Il retrouva le petit panier qu'il avait tressé la veille... mais son macaque n'était pas là. Des rires d'enfants s'échappaient des maisons. C'est alors que Ravi se souvint: la veille, son cousin Gautama était venu le chercher pour jouer. Ça faisait longtemps qu’il ne s’était pas amusé, alors il l'avait suivi. Il avait laissé son singe sur le mur de la cour et l'avait oublié là. La suite n'était guère difficile à imaginer. En préparant le marché, sa mère avait dû voir le singe de Ravi et l'avait attaché avec les autres. Dire qu'il aurait suffi de quelques mots ... « Papa m'a donné un macaque ... Il dit qu'il me ressemble, vif et malin comme moi. » Il n'avait pas osé. De quoi avait-il eu peur? Son singe allait être vendu à présent. Une immense tristesse l’envahit. « Quelque chose ne va pas, mon petit? lança sa grand-mère. - Ce n'est rien, répondit Ravi en rajustant son pagne. - Tu n'as pris aucun animal de compagnie aujourd'hui? - Non, je ne ...

Il courut se réfugier dans les bras de sa grand-mère qui l'entraîna vers un Bodhimanda noueux. Le figuier des banians pousse en se servant d’un autre arbre comme support, où un oiseau mangeur de figues, comme le souimanga, dépose la graine. La vieille femme raconta: - Lorsque j'étais enfant, quand j'avais le cœur gros, je me hissais sur la pointe des pieds et je racontais dans le creux du tronc de cet arbre mes espoirs, mes peurs. Ravi écoutait en faisant tourner les feuilles de pipal entre ses doigts. - C’est ce que je devrais faire aujourd’hui ? - Oui, dis ce que tu espères, ce que tu crains. Ravi resta un moment assis au pied du Bodhimanda. Un souimanga planait au-dessus des champs. L’enfant le reconnut. C'était l'oiseau à la tache verte. En Inde, l’âme d’un volatile vaut celle d’un roi. Lodhi Garden est un parc de New Delhi qui abrite des tombeaux et un hôpital où trois cents cages accueillent perruches, poules ou pigeons blessés. Ravi avait l'impression que son cœur pesait dans sa poitrine comme une de ces pierres sombres que l’on trouve parfois au pied des remparts qui entourent ces tombes. Il ne reverrait plus son macaque, celui que son père lui avait offert le jour où un éclair avait frappé la rizière. Le vent agitait doucement les feuilles de pipal et Ravi se souvint des paroles de son père: - Tu pourras le garder, si tu veux ... - Que dira Maman? Cela va faire un singe de moins à vendre... - Je lui expliquerai, ne t'inquiète pas. À ton âge, on sait prendre soin d’un animal.

Le dressage avait été laborieux car les macaques rechignent à collaborer facilement. Avec Hanuman son petit singe, il s’était d’abord agi d’un constant rapport de force avant d’établir une vraie relation amicale. Il ne l'avait pas maltraité, non. Il avait fait bien pire, pensait-il... Sur sa branche, le souimanga s'agitait et quelques feuilles sèches tombèrent sur la tête de Ravi qui n'hésita pas plus longtemps. Il se leva, monta sur une racine et se hissa pour atteindre le creux de l'arbre. Selon la légende, le Bouddha lui-même causa l’apparition de l’arbre lors d’une vie antérieure alors qu’il était oiseau : il mangea une figue et une graine digérée donna naissance au Bodhimanda. Ravi se mit à raconter son histoire : la rizière, l'orage, l'éclair déchirant le ciel et surtout, sa honte de n'avoir pas su garder le dernier cadeau de son père et ce sentiment de l'avoir trahi. Quand il rejoignit sa grand-mère, pour la première fois depuis longtemps, il se surprit à fredonner. Ils passèrent une bonne partie de la soirée à faire sauter les légumes dans le vieux katori au-dessus du feu. Les senteurs d'épices et de coriandre envahirent la maison. Meena, n'allait plus tarder. Mais Ravi n'en pouvait plus d'attendre. Il fila jusqu’au dernier lacet d’où on pouvait voir les abords de New Delhi. Dès qu'il l’aperçut, il comprit. Le sac à l’arrière était trop rebondi et des bosses s’agitaient sous le tissu tendu. Une folle pensée lui vint à l’esprit. Quand Meena rejoignit son fils, elle murmura : - Il est arrivé une chose incroyable, Ravi. - Tu n’as pas vendu les macaques ? Comme pour chaque marché, elle avait payé au chef du village le droit de s'installer, elle avait étendu sa natte rouge et attaché les macaques les uns à côté des autres.

A New Delhi, les touristes sont souvent amusés par ces animaux rapides et malins qui comprennent vite ce que veut leur dresseur et sont capables de tenir debout pour danser. Aussitôt, les clients avaient commencé à se présenter, hésitant à acheter l'un ou l'autre. - Tu ne vas pas me croire, raconta Meena. Un souimanga est arrivé d’on ne sait où et s'est mis à battre des ailes au-dessus de la tête des passants. Il a mis une pagaille épouvantable. Les hommes essayaient de lui donner des coups de bâton, les bébés pleuraient, les femmes criaient parce qu'il s'en prenait à leur chignon, les vieux toussaient à cause de la poussière. Bref, personne ne pouvait s'approcher de nos singes. Les autres marchands furieux m'ont priée de plier boutique. Je n'ai pas eu le choix ... Pendant que Meena faisait ce récit extraordinaire, Grand-mère Lila vidait le sac. Quand elle mit la main sur le petit macaque, elle l’attrapa et le tendit à Ravi. - Mais ... c'est le tien! fit Meena, manquant s'étouffer en avalant son repas. J'ai dû le prendre par mégarde. Il ne faisait pas très clair ce matin dans la cour. Je suis désolée, Ravi. J'espère que tu ne t'es pas trop inquiété. Le garçonnet écarquillait les yeux, ne sachant trop quoi dire. - Alors ... tu savais que ce singe, Hanuman, était à moi? demanda-t-il en posant sa tête contre l'épaule de sa mère. - Oui, mon fils, souffla Meena. Papa m'avait prévenue avant de partir au champ. C'est même la dernière chose qu'il m'ait dite. Il trouvait qu'il te ressemblait. C'est vrai, non? Un silence s'installa. A la fin du repas, les deux femmes et le jeune garçon sortirent prendre l'air sur le pas de la porte. Une brise venue des montagnes faisait bruisser les bambous.

- Tu as retrouvé le sourire, on dirait, murmura Grand-mère Lila. L'arbre a réalisé ton souhait... » A cet instant, un oiseau traversa le ciel. Ravi le suivit des yeux. On ne distinguait pas son plumage ... mais il savait qu'une tache verte décorait son épaule.