le voile islamique

Mailloux. C'est un mouvement intégriste politico-religieux qui s'attaque au fonde- ment même de la démocratie en faisant la promotion d'une idéologie violente,.
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Laïcité

E

Jacques Beaumier Conseiller Service de la recherche

Une « p’tite affaire sur la tête » ou n février 2007, un arbitre

excluait une jeune musulmane

d’un match de soccer à Laval

parce qu’elle s’était présentée avec un hijab sur la tête. L’anecdote est racontée par le

professeur de philosophie Daniel Weinstock, lors du colloque sur la laïcité organisé par la revue

À Babord et tenu à l’Université du Québec à Montréal (UQAM),

DOSSIER

LE VOILE ISLAMIQUE

le 22 janvier dernier. « Si

l’interdiction du port du voile

est le prix à payer pour la participation d’une jeune musulmane à cause "d’une petite affaire sur la tête", s’est-il indigné, cela ne vaut pas la peine de payer ce prix. »

Selon la sociologue Micheline Milot, il ne faut pas dramatiser de telles situations. « L’interprétation des femmes qui portent le voile dans les sociétés occidentales nous apprend qu’il ne s’agit pas nécessairement d’un symbole d’inégalité entre les hommes et les femmes, écrit-elle dans son ouvrage La laïcité. […]Les femmes voilées ne souscrivent pas forcément à l’ensemble des dogmes religieux et aux prescriptions du Coran ou élaborés par la tradition musulmane. »1 Mais l’auteure de Ma vie à contreCoran, Djemila Benhabib, s’insurge contre cette façon de voir la question : « En acceptant le voile, nous participons inconsciemment à renforcer et à façonner "l’identité collective musulmane" telle que circonscrite par les intégristes, car il n’y a rien dans le Coran qui en fasse une obligation explicite comme le prétendent les intégristes. »2 Malgré cela, souligne-t-elle, « pour les intégristes, être musulmane, c’est porter le voile islamique ». « Le voile est lié à la position d’infériorité des femmes dans l’islam, rappelle l’anthropologue Michèle Sirois. Il ne s’agit donc pas d’un simple bout de tissu, comme l’affirment tant de personnes qui banalisent ce symbole religieux. »3 Pour le professeur Abdeljalil Akkari, la situation est sans équivoque : « Une jeune fille qui porte le

voile à Montréal envoie un message clair à la société d'accueil : mon droit à la différence religieuse l'emporte sur l'impératif de mon intégration à la société québécoise telle qu'elle a été historiquement construite avec le français comme langue principale, la démocratie et la laïcité comme piliers »4 .

FAVORISER L’INTÉGRATION Mais interdire le voile islamique dans l’espace public comme le réclament les défenseurs de la laïcité n’empêcherait-il pas l’intégration? Il faut préciser qu’au Québec on parle d’espaces publics alors qu’en France, dans le récent débat sur le port de la burka, on a parlé de lieux publics. L’espace public comprend les institutions de l’État alors que les lieux publics sont tous les lieux physiques : rues, métros, centres commerciaux, etc. Selon les défenseurs d’une laïcité « ouverte », on doit permettre le port de signes religieux, même très visibles, dans les secteurs public et parapublic. « Ce n’est pas une position qui passe bien auprès de la majorité de gens, de l’aveu même de la présidente de Québec solidaire, Françoise David, mais le but consiste à n’exclure personne, pas même les femmes qui portent un foulard ou un voile, des 500 000 emplois que comptent les services publics. » 5

1. MILOT, Micheline. La laïcité, Montréal, Éditions Novalis, 2008. 2. BENHABIB, Djemila. Ma vie à contre-Coran, Montréal, VLB éditeur, 2009. 3. SIROIS, Michèle. « Québec solidaire fait fausse route », Le Devoir, 30 décembre 2009. 4. AKKARI, Abdeljalil. « Une lettre à mes amis québécois », Le Devoir, 2 février 2010.

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Journal SFPQ Mars 2010, 48e année, no 1

5. CÔTÉ, Roch. « La laïcité à toutes les sauces », L’Actualité, 1er décembre 2009, p. 31.

un symbole de l’islamisme politique? Pour Micheline Milot, c’est l’intégration de ces femmes qui est en cause : « Si une société se veut inclusive et que l’on conçoit la diversité comme une richesse, il paraît normal que la fonction publique reflète cette diversité, à la fois culturelle et religieuse. Avec l’immigration croissante, l’interdiction du port de signes religieux dans les institutions publiques affecterait certainement le processus d’intégration et de reconnaissance de l’autre. » L’enjeu est effectivement de taille si le plus gros employeur du Québec ferme ses portes à certaines immigrantes. Toutefois, même s’il reconnaît la situation, le sociologue Jacques B. Gélinas précise qu’il ne faut pas confondre laïcité et intégration des immigrants : « L’interdiction de porter le voile dans les services publics devrait faire partie d’une politique d’intégration sociale, économique et culturelle »6, écrit-il, et cette tâche, selon lui, est celle d’un gouvernement progressiste. « Il est actuellement interdit aux agents de l’État d’afficher leurs opinions politiques dans le cadre de leurs fonctions, constate Michèle Sirois, en rupture avec la position de son parti, Québec solidaire. Cette interdiction devrait aussi s’appliquer aux croyances religieuses. Tous les agents de l’État – pas seulement les juges, les poli-

ciers ou les gardiens de prison – devraient être tenus à un devoir de réserve. »

UN SENS POLITIQUE? La raison fondamentale invoquée pour expliquer ce débat est qu’un vêtement religieux représente d’abord un symbole et que les « symboles ont un sens non seulement pour les personnes qui les portent, mais aussi pour les personnes qui interagissent avec elles »7. De plus, on associe le foulard à l’intégrisme islamique, aussi appelé l’islamisme politique. Dans ce cas, il faudrait donc tenir compte du contexte international pour comprendre le sens de ce symbole.

mistes et qui défendent des valeurs rétrogrades contraires à celles que nous estimons. » « S’il y a une chose que je retiens de mon expérience algérienne, c’est qu’il ne faut pas sous-estimer l’islamisme politique et surtout, ne jamais banaliser ses revendications, renchérit Djemala Benhabib. En Occident, c’est à travers des manifestations "culturelles ou identitaires", comme le port du voile ou l’exigence de salles de prière dans les universités, que se camoufle sournoisement une vision du monde archaïque qui vise à embrigader les communautés immigrantes pour s’imposer comme acteur politique et peser sur les enjeux de société. »

« L’islamisme politique n’est pas un club de boys scouts, met en garde la professeure de philosophie Louise Mailloux. C’est un mouvement intégriste politico-religieux qui s’attaque au fondement même de la démocratie en faisant la promotion d’une idéologie violente, sexiste, raciste et homophobe. Parmi "l’autre", il y a, au Québec, des femmes et des hommes qui sont des militants isla-

6. GÉLINAS, Jacques B. Pourquoi le voile islamique n’a pas sa place dans les services publics, [En ligne], 20 octobre 2009. [http://www.pressegauche.org/spip.php?article3926]. 7. GEADAH, Yolande. Accommodements raisonnables. Droit à la différence et non différence des droits, Montréal, VLB éditeur, 2007. Journal SFPQ Mars 2010, 48e année, no 1

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