L'engagement des experts- comptables dans le crowdfunding

17 juin 2015 - préparation de ces informations sur la base des principes comptables appropriés. Quant à l'attestation de la correcte utilisation des fonds, ...
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INNEO COLLABORATEUR COMPTABLE

L’engagement des expertscomptables dans le crowdfunding Par ses partenariats récents avec les plateformes Lendopolis puis Prêtgo, toutes deux spécialisées dans le financement participatif sous forme de prêt rémunéré (crowdlending) le Conseil supérieur de l’Ordre place l’expert-comptable en première ligne dans ce type d’opérations, avec l’objectif d’apporter la confiance nécessaire aux levée de fonds : explications.

17/06/2015 – Vie Professionnelle POINT DE VUE

Pierre Préjean Président du Comité Financement du CSOEC

Elsa Simoni Directeur des missions d’accompagnement et de conseil du CSOEC Pour quelles raisons le Conseil supérieur s’est-il investi dans le financement participatif via des partenariats avec certaines plateformes ? Le Conseil supérieur s’efforce de proposer des outils permettant aux experts-comptables de se diversifier et de s’orienter vers d’autres missions que celles de présentation des comptes annuels. Les expertscomptables sont au cœur du financement depuis de nombreuses années et le crowdfunding s’insère naturellement dans le panel des solutions qu’ils doivent connaître et être en mesure de proposer à leurs clients afin de répondre au mieux à leurs besoins.

Dans le cadre de ces partenariats, quel est précisément le rôle et l’étendue de la mission de l’expert-comptable ? L’expert-comptable est créateur de confiance tout au long de la chaine de financement : avant, pendant et après. L’expert-comptable a un donc rôle a priori et a posteriori. En premier lieu, les plateformes partenaires réalisent un premier filtre des projets éligibles en fonction de certains critères (3 à 4 % des dossiers déposés sur une plateforme sont retenus par celle-ci). Elles demandent ensuite aux experts-comptables des porteurs des projets éligibles qui ont préalablement renseigné leur nom de compléter le dossier avec des informations financières prévisionnelles et une attestation de cohérence sur ce business plan. Cette attestation est obligatoire pour les plateformes qui ont signé un partenariat avec l’Ordre. En deuxième lieu, a posteriori de la collecte, l’expert-comptable de l’entreprise peut délivrer une attestation sur la correcte utilisation des fonds par le porteur de projet, conformément à l’objet pour lequel ils ont été levés.

Enfin, pour sécuriser les contributeurs, la plateforme peut faire appel à un expert-comptable afin de vérifier que les procédures mises en place par la plateforme permettent la correcte affectation des fonds aux porteurs de projets et aux projets financés correspondants. L’accompagnement systématique des porteurs de projet par un expert-comptable sur les plateformes de prêt rémunéré partenaires constitue un gage de sécurité et de confiance supplémentaire par rapport à d’autres plateformes. Il s’agit d’être présent sur ce segment tout en le sécurisant notamment en fixant avec ces plateformes le standard le plus élevé possible dans la qualité des dossiers présentés.

Comment fonctionne le portail du CSOEC dédié au financement participatif ? Il s’agit en fait d’une « vitrine » permettant au professionnel de l’expertise de choisir la plateforme de crowdfunding correspondant le mieux aux besoins de son client, le panel des plateformes partenaires ayant vocation à s’agrandir. C’est aussi un élément de sécurité assurant l’identité du professionnel du chiffre ainsi que le fait qu’il soit bien inscrit à l’Ordre. En effet, l’expert-comptable désigné par le porteur de projet reçoit un mail l’invitant à se connecter sur le portail du conseil supérieur et à s’authentifier. Sur le portail, l’expert-comptable retrouve les dossiers déposés sur une plateforme partenaire de ses clients qu’il doit compléter des données financières prévisionnelles sous forme de formulaires automatiquement récupérés par la plateforme de crowdfunding, laquelle peut ensuite, sur la base du dossier complet, pousser plus loin son analyse financière du projet, en évaluer le risque et déterminer ainsi le taux d’intérêt du prêt, qui varie généralement entre 4 % et 9 %.

Quel est le niveau d’assurance apporté par les attestations établies dans ce cadre par l’expert-comptable ? Dans le cadre d’une mission de recherche de financement, l’expert-comptable se doit d’exposer à son client les différentes solutions qui s’offrent à lui. Il s’agit d’une mission de conseil aboutissant à l’élaboration d’un dossier de demande de financement. L’attestation des données prévisionnelles délivrée par l’expert-comptable apporte une assurance modérée (norme 3400). Il se prononce sur le caractère raisonnable des hypothèses ayant servi de base à l’élaboration des informations prévisionnelles, la traduction chiffrée de ces hypothèses et la préparation de ces informations sur la base des principes comptables appropriés. Quant à l’attestation de la correcte utilisation des fonds, conformément à l’objet présenté sur la plateforme, qui peut également être délivrée, il s’agit d’une attestation particulière avec assurance, délivrée par l’expert-comptable à la demande de l’entité à l’occasion d’une mission de procédures convenues dont l’objectif est de formuler une conclusion (norme 3100). Des exemples de lettre de mission et d’attestation sont proposées sur le site du Conseil supérieur, rubriques « exercice professionnel / normes » ou « missions/financement ».

Quel est le temps nécessaire pour voir un dossier aboutir via ce processus ? Le montage du dossier, y compris l’intervention de l’expert-comptable nécessite quelques jours. Ensuite, la période dite de levée de fonds est généralement de l’ordre de 3 semaines. Au total, il ne faut pas beaucoup plus d’un mois pour que les fonds soient mis à la disposition du porteur de projet. En cas d’échec de la campagne, les fonds sont bien sûr intégralement remboursés aux prêteurs. Ces délais très courts font vraiment du crowdfunding la solution alternative pour des PME qui, compte tenu de la lourdeur des normes prudentielles encadrant les banques, ne peuvent pas toujours faire financer leurs projets : souplesse, communication, rapidité, absence de garantie sont les atouts du financement participatif.

Depuis son démarrage effectif en décembre dernier, combien de projets le partenariat avec Lendopolis a-t-il permis de concrétiser ? A la mi-juin, Lendopolis comptabilise les chiffres suivants : - 34 projets d’entreprises présentés, - 1 647 847 euros levés, - 1861 contributeurs. C’est un démarrage très satisfaisant selon les fondateurs de plateforme, également fondateurs des plateformes « KissKissBankBank » et « Hellomerci ».

La présence des experts-comptables sur les plateformes de crowdfunding va-t-elle se généraliser et s’entendre aux autres segments, à savoir les plateformes de dons ou de prêts non rémunérés ou celles de prises de participation (crowdequity) ? Il est souhaitable que l’Ordre participe à toute forme de projet et à toute forme de financement du moment que la plateforme qui le propose respecte les critères de qualité et de sécurité nécessaires pour la mise en place d’un partenariat. Ceci afin d’étoffer la « vitrine » que constitue le portail du CSOEC et avec laquelle l’expert-comptable doit pouvoir proposer les solutions les plus adaptées à ses clients. Des partenariats ont donc vocation à être signés avec d’autres plateformes de crowdfunding de prêt rémunéré ou d’equity ou, de façon plus générale, avec d’autres fintech.

Le crowdfunding bénéficie d’un cadre juridique spécifique depuis le 1er octobre 2014, qu’en est-il du cadre comptable et fiscal des flux qui en résultent ? Un guide du financement édité par l’Ordre des experts-comptables mis à la disposition des professionnels du chiffre l’année dernière décrit les différentes solutions de financements en fonction de l’investissement supporté et fournit les outils professionnels associés. Un nouveau guide spécifique au crowdfunding est actuellement en préparation. Il listera les questions pratiques soulevées par ce nouveau type de financement ainsi que les éléments de réponses qui peuvent y être apportés par les commissions spécialisées de l’Ordre. Par ailleurs, en ce qui concerne l’évolution de la réglementation, plusieurs propositions faites en décembre 2014 lors des Assises du financement participatif restent d’actualité : ouvrir aux personnes morales la possibilité de contribuer, permettre au prêteur de compenser les pertes et les revenus, éventuellement introduire un abattement sur les intérêts perçus …