les 6 trouilles du management - yuman

le feu et abandonner la notion même de contrôle... L'ENTREPRISE LIBÉRÉE .... particulièrement nocive : sans envie, la production de valeur est compromise.
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One

YUMAN

Le magazine des stratégies collaboratives

LES 6 TROUILLES DU MANAGEMENT Casser les mythes de la créativité Du « Command and control » au « Servant leadership » Séparation ou transversalité Le grand méchant digital ? Bonus : Matinée « Out of the Box »

#10

Avec les case studies : BNP Paribas, AccorHotels, Volkswagen, Nearsoft, FDJ, Toyota, Michel et Augustin

NUMÉRO

SPÉCIAL

One | Novembre 2015

SOMMAIRE

INNOVATION & PEUR DE L’IMMOBILISME Peur de ne pas innover ? Cassez les mythes de la créativité ! Pages 3 à 10

LEADERSHIP & PEUR DE PERDRE LE CONTRÔLE Le contrôle, toujours le contrôle. Jusqu’à ce que les leaders lui disent «non». Pages 11 à 18

AGILITÉ & PEUR DE LA SÉPARATION Vive l’entreprise vivante. Et saine. Pages 19 à 25

DIGITAL & PEUR DU CHANGEMENT Innovation, leadership, agilité : on trouve de tout dans le digital ! Pages 26 à 32

BONUS : MATINÉE « OUT OF THE BOX » Yuman, 29 octobre 2015 : « Les 6 trouilles du management » Pages 33 à 35

C’est une orientation particulière que nous donnons à notre synthèse d’un trimestre de veille : Halloween ou pas, toute organisation est le théâtre de peurs qui peuvent abîmer ou détruire le collectif et la valeur. C’est donc à une exploration des peurs et de leurs remèdes dans les entreprises que nous vous invitons dans ce numéro spécial. Innovation, leadership, agilité, transformation digitale : quelles sont ces peurs ? Comment se manifestent ou se répandent-elles ? Et surtout : comment les dominer ? Peut-on les combattre ? Exceptionnellement, ce numéro spécial inclut un retour sur la Matinée « Out of the Box » du 29 octobre qui portait sur le même sujet, sous le patronage de Mr Ramesh...

INNOVATION & PEUR DE L’IMMOBILISME Si vous pensez que la créativité et l’innovation sont l’apanage de quelques génies isolés, ou qu’il faut avoir un actionnaire californien pour se dire innovant : cette section est pour vous ! Et pour mieux casser les mythes de la créativité, venez faire un tour dans les « écoles du futur » ou dans une GPTW*. Nos études de cas portent sur des groupes français qui malgré leur grand âge et leur grande taille, ont appris à parler un langage jeune et ... innovant. (* Great Place To Work)

Sur des marchés en évolution rapide, certaines entreprises sont prises d’une peur : celle de ne pas être assez créatives. Bien qu’aussi vieille que le concept même d’entreprise, cette peur semble plus que jamais d’actualité. Voici quelques pistes pour la combattre...

L’INNOVATION, UN FACTEUR DE RÉUSSITE L’innovation en entreprise est un facteur de réussite pour les entreprises ; depuis 2010, ce sont les plus innovantes qui ont réussi à dominer le S&P 500. L’importance de la recherche et du développement est au cœur de cette nouvelle donne : en 2014, les 100 entreprises les plus innovantes ont augmenté leurs investissements R&D de 17% pendant que les 500 plus grandes sociétés américaines ont fait le choix de les augmenter de… 4% seulement. La renommée et l’ancienneté sur le marché ne semblent donc plus suffire, et le facteur innovation paraît aujourd’hui incontournable. Comment rendre innovantes des sociétés aujourd’hui centenaires ? Comment les adapter aux évolutions actuelles ? Et surtout, comment réussir à concurrencer de nouveaux acteurs plus dynamiques et de plus en plus visibles sur le marché ? Cependant, attention aux idées reçues : l’innovation n’appartient pas uniquement à une poignée de start-ups et d’entreprises californiennes ! Il est possible de booster la créativité de structures anciennes, en créant de nouvelles façons de travailler et en s’attaquant à certains mythes.

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LA CRÉATIVITE N’EST PAS INNÉE Le processus créatif peut paraître assez énigmatique ; il est de plus entouré de 2 grands mythes qui le rendent obscur et entravent l’innovation. Premier mythe : « LE créatif ». Il va de pair avec l’idée que la créativité est une capacité que l’on a, ou pas. S’auto-étiqueter « pas créatif » revient à s’enfermer dans une case qui ne permet pas l’ouverture sur le monde nécessaire à l’innovation. Cette vision en creux de ses propres capacités est particulièrement contre-productive. La créativité, ça se travaille ! D’où le second mythe : celui de l’inspiration soudaine. Rien ne servirait d’attendre l’inspiration car les solutions les plus innovantes seraient issues d’un long processus de travail et de recherche. Chez Yuman nous ne voulons plus croire en ces mythes et nous pensons que la clef de la créativité, et donc de l’innovation, c’est avant tout la persévérance... et la diversité ! Nous voyons comment des acteurs extérieurs à un problème, en donnant un avis neuf sur la question, permettent de l’attaquer sous un angle nouveau et ainsi de la résoudre, dans la co-construction.

« La créativité, ça se travaille ! S’autoétiqueter « pas créatif » revient à s’enfermer dans une case qui ne permet pas l’ouverture sur le monde nécessaire à l’innovation. »

FRANCHIR LE RUBICON Faire de l’impossible une possibilité, c’est aussi ça la créativité. L’innovation n’est pas seulement la capacité à répondre aux attentes du marché mais le fait de les anticiper. C’est ainsi que des entreprises comme Apple ou encore Tesla sont devenues des précurseurs dans leurs domaines : elles ne sont pas contentées de créer des évolutions mais de véritables révolutions dans leurs secteurs. Tesla a d’ailleurs été citée comme l’une des entreprises les plus innovantes de l’année 2015 grâce à son Model S, une voiture totalement électrique... et co-construite par ses utilisateurs. Le challenge est d’autant plus impressionnant que l’entreprise Tesla était quasiment inconnue du grand public en 2008. Innover demande de franchir le Rubicon ; c’est à ce prix que les entreprises peuvent se démarquer et proposer des produits novateurs : en cultivant une culture de la disruption et en prenant des risques. Chez Tesla, la disruption passe aussi par la diffusion des brevets de son nouveau modèle afin de rendre cette technologie accessible à tout le monde… Un pied de nez aux constructeurs qui couvent jalousement leurs brevets. Mais aussi un moyen d’encourager l’innovation et les jeunes talents à aller encore plus loin ! 5

focus

L’INNOVATION FORME LA JEUNESSE Depuis l’ouverture en 2013 de l’Ecole 42 de Xavier Niel, les bien nommées « écoles du futur » se sont multipliées en France. Plus qu’un simple effet de mode, les écoles 2.0 rencontrent une demande très forte : les classes ne désemplissent pas ! En ce qui concerne les entreprises, ce phénomène apparaît aussi comme une nouvelle opportunité. En effet, l’innovation passe aussi par l’intégration de nouveaux outils et de nouveaux talents qui permettront à l’entreprise d’anticiper les besoins futurs du marché. On voit de plus en plus d’entreprises investir dans ces fameuses écoles. Ainsi, Facebook, PriceMinister ou encore Publicis Events et Arte font partie des prestigieux parrains et partenaires de la révolutionnaire école 2089 qui propose des formations en communication digitale depuis octobre 2015. Les futurs data scientists ou responsables en stratégies mobiles sortiront de ces écoles à partir de 2018, et connaîtront sur le bout des doigts de nouveaux outils et pratiques, en phase de démocratisation dans les entreprises.

La forte présence du monde professionnel dans ces écoles permet la création d’un équilibre qui profite à tous : les élèves sont en permanence en contact avec le réseau de professionnels de l’école et peuvent effectuer des stages. De leur côté, les entreprises gardent un œil sur ce vivier de talents potentiels formés dès aujourd’hui aux métiers de demain.

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focus YOU SEE IT, YOU DO IT ! « Il était une fois quatre personnes qui s’appelaient TOUT LE MONDE, QUELQU’UN, CHACUN et PERSONNE. Il y avait un travail important à faire, et on a demandé à TOUT LE MONDE de s’en charger. TOUT LE MONDE était persuadé que QUELQU’UN le ferait. CHACUN pouvait le faire, mais finalement PERSONNE le fit.» - The Davidson Code Bien loin du conte de fées, cette histoire racontée dans la charte de la société de management de projets Davidson nous rappelle à tous des souvenirs. La philosophie du « quelqu’un d’autre le fera bien » peut paraître assez inoffensive à première vue… Pourtant, la passivité qu’elle engrange entrave la créativité et l’innovation au sein des entreprises. C’est pourquoi Davidson a illustré cette philosophie pour mieux la contrer grâce à une politique active : celle du « you see it, you do it ! ». Plutôt que de se cacher derrière des excuses, chacun est encouragé à prendre ses responsabilités. Ainsi, lorsqu’une personne note un dysfonctionnement ou pense à un projet potentiel, elle peut et doit prendre une initiative. En plus de favoriser un environnement de travail plus agréable, cette philosophie d’entreprise permet aussi de libérer et démocratiser l’innovation. Chez Davidson, cette dynamique a permis la création de la crèche d’entreprise et de l’université interne de management, ou encore la mise en ligne du trombinoscope des davidsoniens. C’est ce moteur d’innovation, allié à une politique d’écoute et d’accessibilité, qui a permis à Davidson de devenir à la fois une « Great Place to Work » et une entreprise innovante.

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case study

DU WHY AU WAI Alors que ses concurrents tâtonnent encore dans l’accompagnement des startups et des entreprises moyennes, le groupe BNP Paribas a su transformer le doute et l’incertitude en force. BNP Paribas s’est en effet démarquée des autres banques en transformant le « why » en « WAI »: We Are Innovation. En 2015, le groupe a ouvert deux WAIs, des espaces de collaboration et d’innovation destinés aux entreprises de petite ou moyenne taille. Situés respectivement à Paris et à Massy Saclay, ces deux lieux font office d’hébergement post-incubateurs et de rampe d’accélération. Le but premier des WAIs est de permettre de travailler ensemble au développement de chaque acteur. Leur second objectif : fournir un espace de travail et de conseil pour des startups ayant déjà un produit développé, ou prêtes à grandir à l’international. Les WAI sont dotés de plus de 300 postes de travail disponibles à un prix particulièrement compétitif (250 euros/ mois à Massy et 300 à Paris). Grâce à cette initiative, le groupe BNP Paribas instaure une relation privilégiée avec les jeunes entreprises tout en prenant part à l’innovation entrepreneuriale. La banque prouve ainsi qu’elle a su adapter son expertise et son offre aux nouveaux acteurs qui l’entourent.

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case study

QUAND DAVID ET GOLIATH COLLABORENT… Cette année, le groupe AccorHotels a entamé une transformation profonde afin de rester innovant malgré l’arrivée sur le marché des acteurs qui chamboulent le tourisme et l’hôtellerie. Et pourtant, le groupe ne s’est pas doté d’un département Innovation, d’un incubateur ou d’un accélérateur... La transformation du groupe est en effet portée par le programme « Entrepreneurship Advocacy », qui contribue à l’innovation au sein du groupe en créant des passerelles entre les acteurs internes et externes.

Ainsi, malgré sa grande taille, AccorHotels se donne désormais pour défi de parvenir à collaborer avec des PME et des start-ups proposant des produits et des services disruptifs. Pour ce faire, les cycles de travail sont raccourcis et plus adaptés aux nouveaux partenaires. Ainsi, après avoir présenté son pitch, une entreprise désireuse de collaborer avec AccorHotels peut espérer obtenir une réponse dans la semaine et un développement pilote dans les 2 ou 3 mois. Ces collaborations innovantes, et parfois étonnantes, touchent la restauration mais aussi l’énergie ou encore le nettoyage. Ainsi, AccorHotels teste en ce moment une solution d’outsourcing de tri et de traitement des déchets avec la société Tri-O qui, grâce à un procédé novateur, assure la revalorisation des déchets par la production d’engrais et d’eau. TravelCar, une société de location de voiture entre particuliers partis en voyage, fait aussi partie des partenaires d’AccorHotels… qui fait alors son entrée dans la « sharing economy ». Qui l’eût cru ? 9

pour aller + loin Jumy, Matthew, « To Innovate or Not to Innovate : A Corporate Culture Perspective », SogetiLab, 13 octobre 2015, http://labs.sogeti.com/to-innovate-ornot-to-innovate-a-corporate-cultureperspective/ Zipkin, Nina, « Stop Telling Yourself These 6 Creative Myths », Entrepreneur, 8 Septembre 2015, http://www.entrepreneur. com/article/249488?msc=Feedly&src=Syndication Lacina, Linda, « How You’re Killing Your Own Creativity », Entrepreneur, 7 Novembre 2014, http://www.entrepreneur. com/article/239402 Dryer, Jeff & Gregersen, Hall, « Decoding Tesla’s Secret Formula », Forbes, 19 Août 2015, http://www.forbes.com/sites/ innovatorsdna/2015/08/19/teslas-secret-formula/ Lindegaard, Stefan, « 3 Innovation lessons from Elon Musk and Tesla », Innovation Upgrade, 18 juin 2014, h t t p : / / w w w. i n n o v a t i o n u p g r a d e . com/2014/06/18/3bymusk/

Hanser, Sophie, « Le digital révolutionne l’entreprise et si on révolutionnait l’école ? Découvrez l’innovation pédagogique de la nouvelle école 2089 ! », Digital Corner, 27 juillet 2015, http://www.digitalcorner-solucom. fr/2015/08/digital-revolutionne-lentreprise-on-revolutionnait-lecole-decouvrez-linnovation-pedagogique-de-nouvelle-ecole-2089/ « Born to code ? », Ecole 42, 2013, http:// www.42.fr « You See It, You Do It », Davidson Code, 2012, http://www.davidson.fr/ wp-content/uploads/2013/07/DAVIDSON-CODE.pdf « BNP Paribas ouvre ses portes à Paris et Massy-Saclay : plus de 3000 m2 pour l’innovation des ETI et des startups !», Parlons PME, Octobre 2015, https://www. parlonspme.fr/bnp-paribas-ouvre-leswai-de-paris-et-massy-saclay-plus-de-3000-m2-pour-linnovation-des-eti-et-des « Itinéraire digital 2015 : AccorHotels », Télécoms, Médias, Innovations & Stratégies Digitales, 22 septembre 2015, http:// telecom.sia-partners.com/itineraire-digital-2015-accorhotels?sthash.ljcNfFo8. mjjo

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LEADERSHIP & PEUR DE PERDRE LE CONTRÔLE Combattre le feu par le feu ? C’est le conseil de Yuman pour combattre la peur de perdre le contrôle et pour combattre, donc, le contrôle (excessif). En effet, quel leadership plus efficace et engageant que celui du « servant leader » ? Nos « focus » alimentent cette réflexion : Frédéric Laloux d’abord, mais aussi une enquête sur le le risque d’oublier l’envie derrière la peur. Des « case studies » nous permettrons d’observer les effets de la peur comme technique de management... et comment lui tourner le dos.

Quel manager n’a pas ressenti la peur de perdre le contrôle ? Lorsqu’elle n’est pas gérée, elle est souvent à l’origine d’un cycle néfaste : celui du management par la peur. Comment vaincre cette peur qui porte atteinte à l’entreprise et aux employés ? Combattre le feu par le feu et abandonner la notion même de contrôle...

L’ENTREPRISE LIBÉRÉE DU CONTRÔLE Le système pyramidal en entreprise n’est plus adapté ni à notre société, ni aux services proposés. Il convient en effet aux taches répétitives, à la standardisation mais n’encourage pas la confiance ou l’innovation. Un système plat comme celui de l’entreprise libérée (Cf ONE MAG #8) apparaît plus adapté à l’entreprise actuelle… Le premier pas vers l’entreprise libérée implique une présence moins forte des managers, qui laissent alors leurs équipes se gérer en autonomie, et libèrent ainsi l’entreprise du contrôle. Ce dernier n’est en effet qu’une illusion de pouvoir et de sécurité mais aussi la traduction d’un manque de confiance du manager envers son équipe. Un contrôle excessif, - qui va de pair avec les procédures, les règles et la hiérarchie - détourne l’attention, brime l’innovation, empêchant ainsi les managers comme les salariés de se concentrer sur ce qui est véritablement important.

« Le contrôle n’est qu’une illusion de pouvoir et de sécurité mais aussi la traduction d’un manque de confiance du manager envers son équipe. »

LE MANAGER NE DISPARAÎT PAS, IL SE TRANSFORME Dans une organisation libérée, le manager n’est pas forcément éliminé, il évolue avec l’entreprise. Il doit en effet se métamorphoser en servant-leader (en français « serviteur ») : un meneur au service de son équipe, qui répond aux interrogations et inquiétudes de chacun tout en facilitant les interactions. Il endosse aussi le rôle de coach et a pour tâche de faire ressortir le meilleur de son équipe. Ainsi, le manager ne s’élève plus au dessus de son équipe : il se situe en son sein. Dans les faits, cette évolution du leadership peut se mettre en place à travers des actions très simples, comme transformer une présentation en conversation : plutôt que de garder les conclusions pour la fin de la présentation, le servant-leader/coach commencera par ses réflexions, ou les communiquera à l’avance. Et tant pis pour le suspens qui ne viendra plus des réflexions du manager mais de ce que l’équipe produira à la suite de l’échange. Ainsi, une conversation se crée alors que les collaborateurs ont eu le temps de réfléchir et de partager questions et observations… 12

VERS PLUS D’ÉCHANGE, DE COLLABORATION ET D’IMPLICATION Un tel système managérial ne change pas uniquement la façon de travailler du leader mais aussi celle de son équipe. Moins de managers implique plus de self-management : les employés deviennent leurs propres managers et se sentent responsables de leurs actions et de leurs résultats. Cette responsabilisation s’avère moins confortable que l’ancien système, puisque l’on ne peut plus se cacher derrière sa hiérarchie. C’est ce qui permet de libérer la création.

L’abandon du système pyramidal permet de redonner du sens au travail des salariés. Le système plat permet aussi une meilleure cohésion au sein des différentes équipes qui, grâce à la figure du servant-leader/coach, améliorent leur « travailler ensemble ».

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focus

L’ENTREPRISE SE MET AU BLEU (CANARD) Dans son étude « The Future of Management is Teal », Frederic Laloux expose la complexité des différentes organisations sociétales en les associant à des couleurs et à une structure emblématique. Le spectre de couleurs s’étend du rouge au bleu-canard et le style de leadership détermine la couleur de chacune des structures : le rouge, c’est la meute de loups que le mâle alpha commande en maître absolu ; alors que le bleu-canard correspond à l’organisme vivant organisé autour d’une structure plate. Selon Laloux, il est temps pour l’entreprise de se mettre au bleu-canard (« teal » en anglais), et des couleurs qui, au 21ème siècle, ne correspondent plus à l’entreprise mais

à la dynamique d’autres structures (comme l’armée pour la couleur ambre ou la famille pour le vert). Cependant, cette transition ne pourra avoir lieu que si les leaders acceptent un changement radical en se replaçant au même niveau que leurs équipes. Parmi les entreprises bleu-canard répertoriées par Laloux, on peut retrouver Favi, Zappos, mais aussi des entreprises moins connues du grand public comme Buurtzorg, une organisation à but non-lucratif néerlandaise ou ESBZ, une école publique berlinoise. Le point commun de ces structures ? 3 principes : le self-management, la complétude entre le moi-professionnel et le moi-personnel, et l’agilité.

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focus

RETROUVER L’ENVIE AU TRAVAIL En septembre 2015, une enquête Ipsos a révélé que 47% des français estimaient « passer à côté de leur vie ». Si ce sentiment concerne près de la moitié de la population, il nous a tous déjà touché dans notre milieu professionnel lors d’une journée ou d’une semaine difficile. Il est en effet facile de passer à côté de sa vie lorsqu’on oublie ses envies. Cependant, nous n’oublions pas celles-ci par choix… mais parce que nos peurs sont généralement beaucoup plus bruyantes ! Ainsi, la peur remplace l’envie et nous fait passer à côté de nos vies pendant quelques instants, quelques jours, ou malheureusement pendant beaucoup

plus longtemps. Cette surdité chronique est présente au travail et c’est aussi là qu’elle est particulièrement nocive : sans envie, la production de valeur est compromise. La réinstauration de l’envie sur le lieu de travail est possible notamment lorsqu’elle est portée par un leader ou un manager qui met le bien-être de ses équipes sur la liste de ses priorités. C’est en encourageant les plus petites des victoires et les talents de chacun que le leader peut réintroduire l’envie et le plaisir au travail. Plus qu’un simple moyen de motiver ses troupes, ces initiatives peuvent permettre aux membres d’une équipe de reprendre leur souffle, de retrouver l’envie et la vocation qu’ils avaient perdue de vue… et d’être plus créatifs et innovants. 15

case study

VOLKSWAGEN : L’EFFET RICOCHET Le groupe automobile allemand Volkswagen est aujourd’hui au cœur d’un scandale industriel : selon l’agence américaine de protection de l’environnement (EPA), le groupe aurait utilisé un logiciel fraudeur pour permettre à ses véhicules de respecter les régulations d’émissions polluantes. Si cette révélation semble défier l’entendement, son origine est tout aussi surprenante : la culture de management aurait joué un rôle très important dans cette mystification.

Au sein du groupe, la peur est en effet au cœur du mode de direction. Selon un article du Monde du 7 octobre 2015, l’ancien PDG Martin Winterkron ne tolérait aucune discussion ou critique, et la moindre objection pouvait être à l’origine d’un renvoi immédiat. Dans ces conditions, il est possible que des employés aient pris l’initiative de tricher par peur d’être renvoyés s’ils n’arrivaient pas à atteindre les objectifs… Le cas de Volkswagen illustre parfaitement l’effet ricochet que le management par la peur peut causer. On peut cependant espérer un changement dans le « système Volkswagen » depuis la nomination de Matthias Müller au poste de PDG. Ce dernier a déclaré qu’il attendait « de l’ouverture et de la sincérité » et que la critique constructive soit « autorisée à tous les niveaux ».

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case study

NEARSOFT : SANS PEUR ET SANS REPROCHES Elue « Great Place to Work » cette année, l’agence de conseil Nearsoft, en plus d’être un modèle d’entreprise agile, est à l’origine d’un environnement de travail qui bannît la peur. Très tôt dans le développement de l’entreprise, son créateur, Roberto Martinez, s’est rendu compte que la peur pouvait être fatale : des employés qui ont peur de leur hiérarchie n’oseront pas proposer d’idées nouvelles, ne créeront pas de valeur, et verront leurs talents respectifs brimés.

Chez Nearsoft, une politique de transparence permet à chacun des employés de traiter tous les sujets, de l’achat de papier à la distribution des bonus de fin d’année, sans craindre de se faire taper sur les doigts par son manager. La transparence va plus loin : les employés ont accès à toutes les données de l’entreprise, y compris les salaires. Le franc-parler et la confiance sont au cœur de la philosophie de l’entreprise et permettent de construire une forte culture d’entreprise. La figure du manager est particulièrement importante chez Nearsoft. C’est en effet le manager qui permet d’instaurer l’atmosphère de confiance, mais c’est aussi lui qui permet à l’entreprise de devenir agile. La transformation agile est en effet un processus qui prend du temps et le manager, qui devient un leader, rassure et oriente ses équipes qui doivent s’adapter à une nouvelle façon de travailler.

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pour aller + loin Bremer, Marcella, « How to Upgrade the Industrial Organization in the Age of Ideas? », Leadership & Change, 22 septembre 2015, http://www.leadershipandchangemagazine.com/upgrade-industrial-organization/ Noguchi, Yuki, « Zappos : A Workplace Where No One And Everyone Is The Boss », NPR, 21 juillet 2015, http:// www.npr.org/2015/07/21/421148128/ zappos-a-workplace-where-no-one-andeveryone-is-the-boss Cavarec, Yves, « Huit questions sur l’entreprise libérée », Les Echos, 9 septembre 2015, http://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/cercle-130956-lentreprise-liberee-a-t-elle-un-avenir-1109689.php Luken, Mark, « How To Lead Collaboratively », Fast Company, 20 Août 2015, http://www.fastcompany.com/3050068/ how-to-stop-managing-and-start-actually-leading?position=5&partner=newsletter&campaign_date=08202015 Coleman, John, « Create a Conversation, Not a Presentation », Harvard Business Review, 29 Juillet 2015, https:// hbr.org/2015/07/create-a-conversation-not-a-presentation

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Gorsht, Reuven, « CEOs And Employees Want Change. Why Isn’t It Happening ? », Reuven Gorsht, 9 juin 2015, http://www. reuvengorsht.com/2015/06/09/whychange-isnt-happening-new-power/ Laloux, Frederic, « The Future of Management Is Teal », Startegy+Business, 6 juillet 2015, http://www.strategy-business.com/article/00344?gko=10921 Saussereau, Laurent, « La moitié des Français estiment ‘passer à côté de leur vie’ », Les Echos, 9 octobre 2015, http:// www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/ cercle-141263-un-francais-sur-deuxpasse-a-cote-de-sa-vie-1164023.php Wagner, Gerald « ‘Whole Person’ Organizational Culture makes people and organizations thrive », Leadership & Change, 24 septembre 2015, http://www.lead e rs h i p a n d c h a n ge m a ga z i n e . co m / whole-person-organizational-cultures/ « Key Elements of an Agile Culture », Nearsoft, http://nearsoft.com/culture/ Boutelet, Cécile, « Chez Volkswagen, ça marche comme en Corée du Nord », Le Monde Economie, 7 octobre 2015, http://www.lemonde.fr/economie/ article/2015/10/07/chez-volkswagen-ca-marche-comme-en-coree-dunord_4784088_3234.html 18

AGILITÉ & PEUR DE LA SÉPARATION Nous vous invitons une nouvelle fois à considérer l’entreprise comme un organisme vivant. Et imaginer des silos brisés, laisser la culture se propager « comme un virus », planifier sans quitter des yeux le court terme. C’est ce qui fera notamment des plus jeunes une génération d’entrepreneurs. Deux cas nous mèneront du ZINC (Zone d’Intelligence Collective) au Japon, qui soigne la « maladie de la grande entreprise ».

Chez Yuman, nous pensons que l’entreprise tient (nettement) moins de la machine que de l’organisme vivant. Elle peut donc être prise de peurs, dont celle de voir ses différentes entités et ses membres séparés les uns des autres…

BRISER LES SILOS POUR UNE MEILLEURE VISIBILITÉ C’est pourtant le fonctionnement clivant des silos qui prime dans la majorité des entreprises. En théorie, les différents silos sont censés être animés par un but commun : celui d’atteindre les objectifs fixés. Il est cependant très facile de le perdre de vue. A l’heure où l’innovation devient un élément déterminant de croissance et où la technologie accélère les délais de production tout en mélangeant les disciplines, la tendance à fonctionner par silos semble obsolète et contre-productive. Un exemple concret : le Big Data et son importance dans la stratégie client de nombreuses entreprises implique désormais la création de passerelles entre informatique et marketing. La route est encore longue selon le cabinet d’audit Ernst & Young, qui estime que la présence de silos internes fait partie des 10 freins à la mise en place d’une politique Big Data viable (« Exploitation (Big) data : 10 freins identifiés, avril 2014). Une organisation transversale semble plus adaptée aux évolutions de notre société et du marché actuel.

« La transversalité ne passe pas uniquement par le désilotage de l’entreprise mais aussi par le rassemblement des employés autour d’une culture d’entreprise commune. »

FAIRE ÉVOLUER ET RENFORCER LA CULTURE D’ENTREPRISE La transversalité ne passe pas uniquement par le désilotage de l’entreprise mais aussi par le rassemblement des employés autour d’une culture d’entreprise commune. Et pas besoin de toboggans ou de trottinettes au bureau pour avoir une culture d’entreprise développée ! Celle-ci passe en effet avant tout par un système de croyances et de valeurs partagé par l’ensemble des employés de l’entreprise. Cette culture se crée d’elle même mais la développer et la diffuser – notamment en phase de croissance – reste un challenge. Pour Matt Gantz, vice président de l’entreprise pharmaceutique BTG, la culture d’entreprise doit se propager « comme un virus » afin de se retrouver par la suite dans l’ADN de chacun et perdurer. C’est grâce à ce liant que les employés d’une entreprise peuvent alors devenir une communauté d’individus plus aptes à travailler ensemble vers un but commun.

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ADOPTER LA CULTURE DE L’ADAPTATION Au cœur de cette transformation de l’entreprise se trouve aussi la capacité à s’adapter efficacement aux évolutions qui bouleversent nos sociétés. Comment réussir à être assez agile pour changer de cap aussi rapidement que les envies et désirs des consommateurs ou des clients ? Tout d’abord en replaçant ces derniers dans toutes les démarches de l’entreprise. Si le client est roi, il doit aussi d’être au centre des valeurs de l’entreprise ! L’adaptabilité n’est en effet pas uniquement une philosophie mais un avantage compétitif comme le montre la société Goji dans son Livre Blanc (juin 2014).

En pratique, la culture de l’adaptation implique une vision à court terme de l’avenir. Pourquoi à court terme ? Car prévoir l’avenir est une science tellement inexacte qu’elle n’est pas toujours dans le vrai... Ainsi, les plans à 10 ans devront évoluer et de se réadapter en permanence. Cette politique permet aussi plus d’expérimentation et de « test and learn », donnant l’occasion à l’entreprise d’apprendre ce qui ne marche pas et de résoudre le problème avant d’avancer… et de faire mieux !

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focus

LA GENERATION Y : TOUS ENTREPRENEURS ? Au milieu des déclarations concernant les générations dites Y et Z, que se dit-il de leur passion pour l’entreprenariat ? Selon une étude récente, 50% des jeunes de moins de 30 ans se verraient plus chefs d’entreprises que simples employés et seraient potentiellement près à créer leur entreprise pour y parvenir. Alors, simple effet de mode ou véritable mutation sociétale, l’entreprise classique ne semble plus attirer les (futurs) jeunes actifs. Selon Emmanuelle Duez, génération Y et fondatrice du Boson Project, ce désamour des nouvelles générations pour les entreprises est directement lié à la relation que leurs parents ont entretenu avec le monde professionnel. Dans cet héritage, l’entreprise est parfois une jungle, dure et cruelle où les parents vivaient pour les week-ends, les vacances, les RTT… et la retraite. Il y a de quoi être découragé ! Et dans un contexte économique précaire, la rigidité de l’entreprise n’assure même plus la stabilité, alors, à quoi bon ? Comment renouveler les talents dans des entreprises anciennes ? Comment booster leur attractivité ? L’agilité est sans doute un début de réponse. Rendre l’entreprise plus attirante, c’est aussi la rendre moins rigide et moins dure. C’est peut être en adaptant mieux l’entreprise aux marchés, et en donnant une voix à chacun, qu’on verra le retour de générations prodigues.

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case study

SUR LE ZINC A l’heure où les bars-tabacs battent de l’aile, la Française des Jeux met en place une démarche pour booster l’innovation et la créativité de ses équipes. Le programme ZINC (acronyme de Zone d’Intelligence Collective) est bâtit autour du concept de l’intelligence collective et piloté par Corinne Werner (reponsable de l’intelligence collective)w. La démarche en interne a pour but de maximiser la liberté créatrice de chacun grâce à des ateliers rassemblant des collaborateurs autour de problématiques métiers. Les collaborateurs, issue de départements différents, confrontent alors leurs univers

respectifs tout en proposant des idées parfois décalées, mais surtout riches et originales. La démarche agile permet l’élaboration de solutions « out of the box » et améliore aussi la transversalité au sein de l’entreprise. En effet, le but pour tous les participants est de pouvoir suivre le projet élaboré lors de ces ateliers jusqu’à sa livraison aux clients. Jusque là, le bilan est plutôt positif pour cette démarche en interne : sur 1200 collaborateurs, 500 ont déjà participé à ces ateliers innovants. L’entreprise va plus loin puisque ZINC est désormais associé à des formations internes permettant aux employés de prendre conscience de leur potentiel créatif inexploité. 23

case study

TOYOTA & « LA MALADIE DE LA GRANDE ENTREPRISE » Depuis les années 1960, Toyota est un précurseur en agilité : c’est en effet à cette époque que Taiichi Ono a mis au point ce qu’on appelle aujourd’hui le « toyotisme ». Ce système de production et de management était alors inédit puisqu’il se démarquait clairement du fordisme encore particulièrement appliqué par les constructeurs automobile à cette époque. Avec le toyotisme, c’est le client qui est au centre de toutes les interrogations. Sa satisfaction est primordiale et elle est la priorité numéro 1 de toutes les équipes.

L’approche de Toyota lui permet de se protéger de la « maladie de la grande entreprise ». Celle-ci apparaît lorsqu’une grande entreprise se concentre en priorité sur l’élaboration de son organisation interne et fait passer au second plan la satisfaction de ses consommateurs. Encore aujourd’hui, l’important pour Toyota n’est pas de parfaire la chaîne de production mais de produire des véhicules de qualité adapté aux demandes et aux besoins du marché. L’agilité chez Toyota entraîne le renouvellement permanent de son offre et a permit à l’entreprise de faire partie des premiers constructeurs automobiles mondiaux.

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pour aller + loin « Les 12 principes à suivre pour devenir une entreprise agile », Cadreo, 17 septembre 2015, http://www.cadreo.com/actualites/dt-les-12principes-pour-devenir-une-entreprise-agile Schmitt, Laurence, « A la recherche de l’intelligence collective », Le Républicain Lorrain, 17 juin 2015, http://www.republicain-lorrain.fr/ economie/2015/06/18/a-la-recherche-de-l-intelligence-collective « Exploitation (Big) Data : 10 freins identifiés », EY, 2014, http://www.ey.com/FR/fr/Services/ Advisory/EY-etude-Big-data-2014-10-freinsidentifies Gantz, Matt, « Creating a ‘Contagious’ Corporate Culture », Huffington Post Business, 29 septembre 2015, http://www.huffingtonpost. com/matt-gantz/creating-a-contagiouscor_b_8214954.html

Duez, Emmanuelle, « Comment les générations Y et Z voient le monde de l’entreprise », Challenges, 16 septembre 2015, http://www. challenges.fr/economie/positive-economy-forum/20150916.CHA9433/comment-les-generations-y-et-z-voient-le-monde-de-l-entreprise.html Giry, Romain, « Interview de Corinne Werner, responsable de l’intelligence collective à la FDJ », Focus RH, 15 septembre 2015, http:// www.focusrh.com/strategie-rh/organisationet-conseil/a-la-une/interview-de-corinne-werner-responsable-de-l-intelligence-collective-a-la-fdj.html Ballé, Michael, Jones, Dan & Chaize, Jacques, « What is lean’s innovation ? », Planet Lean, 15 septembre 2015, http://planet-lean.com/ what-is-lean-s-innovation-more-than-justeffective-processes-say-michael-balle-danjones-and-jacques-chaize

Lecerf-Thomas, Bernadette, « Cerveau et agilité coopérative : un processus d’apprentissage/ désapprentissage », Up Magazine, 2 février 2015, http://up-magazine.info/index.php/ le-vivant/neurosciences/4185-cerveau-et-agilite-cooperative-un-processus-de-d-apprentissage-desapprentissage Cristol, Denis, « Désaprendre ensemble », Overblog, 15 octobre 2015, http://4cristol. over-blog.com/2015/10/desapprendre-ensemble.html

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DIGITAL & PEUR DU CHANGEMENT La transformation digitale nous fournit l’occasion de cristalliser les observations proposées dans les 3 sections précédentes. Pour l’innovation, elle métamorphose la relation client. En termes de leadership, la collaboration devient digitale. Pour ce qui est de l’agilité, c’est l’existence même de métiers qui est en cause. Nous focaliserons également sur le recours aux outils innovants dans les entreprises et sur la révolution des métiers de l’énergie. Notre case study nous viendra d’une entreprise qui ne parle pas de clients mais de gourmands.

La transformation digitale peut cristalliser les peurs des entreprises concernant leur organisation, leurs équipes, ou leurs objectifs et leur survie. Nous voulons montrer ici comment l’innovation, le leadership et l’agilité en entreprise sont influencés par la transformation digitale. Celle-ci n’implique pas un simple changement d’outils : la transformation est bien plus profonde...

INNOVATION : LA RELATION CLIENT METAMORPHOSÉE

Nous avons tous pu le remarquer, l’omniprésence d’outils digitaux dans notre quotidien implique un changement de comportement des consommateurs… et les entreprises doivent se donner les moyens de suivre ! Contrairement à ce que l’on pourrait penser, la digitalisation n’implique pas forcément une distanciation. En effet, le contact avec les clients est facilité par la présence des réseaux sociaux ou d’applications mobiles. Cette nouvelle relation client ne permet pas seulement de répondre aux interrogations des clients : elle peut aussi devenir une source d’innovation. En effet, la création d’une communauté de consommateurs permet la création d’un processus de co-création qui permettra à l’entreprise de répondre véritablement aux attentes des clients et même d’anticiper les demandes de certains. Cette année, la Société Générale a lancé sa communauté « SG et Vous » sur laquelle les membres peuvent proposer des idées pour améliorer les services de la banque. Jusqu’ici, plus de 1000 idées ont été proposées et 30 nouveaux services sont désormais proposés en ligne. 27

LEADERSHIP : COLLABORATION DIGITALE L’organisation interne des entreprises est bouleversée par les transformations digitales : les frontières traditionnelles de l’entreprise et les modes de management sont remis en cause. En effet, le salarié est plus facilement nomade et cette évolution implique du travail collaboratif à distance rendu possible grâce à de nouveaux outils comme Scrumblr, un tableau blanc collaboratif en ligne, ou encore Paper, la toute nouvelle plateforme collaborative de Dropbox. Cependant, travailler différemment crée aussi de nouvelles dynamiques, notamment pour les managers qui doivent apprendre à faire confiance à leurs équipes et leur permettre plus d’autonomie et de liberté, pour travailler à distance par exemple. Manager demain implique donc plus de flexibilité et une capacité nouvelle à connaître et utiliser les nouveaux outils et les nouvelles façons de travailler. En un mot : le manager de demain devra être tout sauf réticent aux changements !

« De nouveaux métiers très spécifiques sont déjà en train de se créer : n’avez-vous pas récemment rencontré des architectes Cloud Computing, des Growth Hackers, ou des ingénieurs Big Data ? »

AGILITÉ : VERS UNE RÉVOLUTION DES MÉTIERS Les transformations amenées par le digital entraîneront des changements profonds dans le monde de l’entreprise. Celui-ci devra devenir plus agile et être capable de s’adapter pour survivre… C’est la dure loi du digital ! Son omniprésence métamorphosera certains métiers qui vont se diluer, et devenir des compétences plus que des métiers à part entière. En parallèle, de nouveaux métiers très spécifiques sont déjà en train de se créer : n’avez-vous pas récemment rencontré des architectes Cloud Computing, des Growth Hackers, ou des ingénieurs Big Data ? Une profonde restructuration des métiers est déjà en cours ; et il se peut que dans un futur proche le concept de « métier » devienne lui-même obsolète : ils seront amenés à changer en permanence. L’entreprise de demain privilégiera la notion de rôle plus que de fonction. La structure de l’entreprise, agile, s’adaptera aux évolutions structurelles ou utilitaires entraînées par le digital. La formation en interne deviendra alors un atout particulièrement puissant dans un contexte de transformation constante.

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focus

LA RÉVOLUTION DES MÉTIERS DE L’ÉNERGIE Le secteur de l’énergie est un secteur particulièrement touché par les effets de la digitalisation. La transformation sera si profonde qu’elle impliquera un changement de business model. Alors que les consommateurs seront de plus en plus nombreux à produire de l’énergie chez eux grâce notamment aux réseaux intelligents (les smart grids), les grands groupes centralisés qui décidaient seuls du modèle énergétique de chacun n’auront plus leur place. Pour capter la croissance, les géants de l’énergie se devront d’être plus agiles, plus locaux et surtout, ils devront changer de métier ! Ainsi, dans un futur très proche, les grands énergéticiens devront se concentrer sur

deux axes majeurs : la création de logiciels et la relation client. Les logiciels, grâce à la convergence des technologies de l’information et de l’énergie, permettront de développer des compteurs intelligents, de récolter des données et de les centraliser pour adapter la production (et l’économie) d’énergie. La relation client sera essentielle à la bonne installation des équipements chez les particuliers. L’ère de l’énergie collaborative permettra ainsi la création de valeur autour de nouveaux outils et comportements énergétiques.

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focus

LA DIFFICILE MUE DE L’ENTREPRISE Google a récemment réalisé une étude concernant l’instauration d’outils innovants, collaboratifs et donc digitaux dans les entreprises américaines. L’enquête transverse révèle un fort écart entre le développement de ces outils et leur instauration en entreprise. Cependant, 73% des sondés ont déclaré que les équipes pourraient être plus efficaces avec des outils flexibles et collaboratifs. Google a classé les entreprises étudiées dans 4 catégories : - les pionnières : les employés travaillent comme ils vivent, les outils digitaux collaboratifs sont présents et l’agilité est au cœur du modèle de l’entreprise - les croyantes : les outils ont été en partie adoptés et le modèle de l’entreprise a été remodelé mais les bienfaits ne sont pas encore visibles - les agnostiques : le management veut utiliser de nouveaux outils mais le processus est long et difficile - les traditionalistes : les outils ne sont pas connus ou désirés et le cadre de l’entreprise est très structuré. La majorité des entreprises étudiées font partie du groupe des croyantes (34%) ou des agnostiques (27%) alors que les traditionnalistes (21%) dépassent tout de même les pionnières (18%). La mue semble donc lente et difficile au pays de la Silicon Valley…

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case study

MICHEL ET AUGUSTIN : PALME D’OR DE LA RELATION GOURMAND Avec plus de 150 000 fans sur Facebook, Michel et Augustin fait partie des marques françaises qui « cartonnent » sur les réseaux sociaux. La marque est notamment connue pour ses principes de simplicité et de transparence. Cette forte présence permet, en plus de gonfler le capital sympathie de la marque, une certaine proximité avec ses « gourmands » (les termes « consommateur » et « client » n’existent pas chez M&A). Et la proximité, c’est le mot d’ordre. Depuis le début de l’aventure, la règle est de répondre à tous les messages postés sur les réseaux sociaux de la marque de façon souriante et personnalisée en moins de 24 heures. Ce souci de proximité est devenu problématique à mesure que la popularité de la marque augmentait. Aujourd’hui, la marque a choisi deux outils : easiware et easicrm qui prennent en charge et conservent les données envoyées à la marque. Chez les « trublions du goût », pas de script, pas de réponse automatique mais une vraie réponse, générée par un humain, un vrai. Alors que les marques alimentaires se dotent d’outils de relation client pour engranger des contacts, faire de l’emailling et réaliser des études de marché, la relation-client chez Michel et Augustin se centre sur le client et sur ses besoins et d’aiguiller au mieux ses demandes. Des trublions du goût adeptes du digital, mais attachés à leurs principes.

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pour aller + loin « La co-création favorise l’engagement des clients », The Social Client pour Actimag, 14 janvier 2015, http://www. actimag-relation-client.com/fr/article/ co-creation-favorise-engagement-clients Salgues, Floriane, « Big Data : quels impacts sur la relation client et le marketing ? », E-marketing, 17 avril 2015, http:// www.e-marketing.fr/Thematique/digital-data-1004/Breves/Big-data-quels-impacts-relation-client-marketing-253590. htm#.VkCiJ7T5hLJ Debailleul, Frédéric, « Scrumblr ou le brainstorming collaboratif », Spiparena, 12 mars 2014, http://www.spiparena. educagri.fr/Scrumblr-ou-le-brainstorming Bariet, Anne, « La digitalisation doit aller de pair avec la réintroduction de temps et d’espaces collectifs », Actuel RH, 24 septembre 2015, http://www.actuel-rh. fr/content/la-digitalisation-doit-aller-depair-avec-la-reintroduction-de-temps-etdespaces-collectifs Giraud, François, « Travail collaboratif en ligne : Dropbox dévoile Paper », Zone Numérique, 19 octobre 2015, http://www. zone-numerique.com/travail-collaboratif-en-ligne-dropbox-devoile-paper.html

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Lo, Babacar, « La digitalisation de l’entreprise : Métamorphoses des disciplines du Management et (R)Evolutions des métiers », Slideshare, 20 Mars 2015 http://fr.slideshare.net/assadikhlo/ la-digitalisation-de-lentreprise-metamorphoses-des-disciplines-du-management-et-revolutions-des-metiers « L’entreprise face aux mutation du travail », EY, 2013, http://www.ey.com/FR/ fr/Issues/Business-environment/revolution-des-metiers---chap1-l-entrepriseface-aux-mutations-du-travail#.VkClgbT5hLI

« Michel et Augustin, experts en complicité avec les gourmands », Le Blog de la Relation Client, 5 mars 2014, http://www. easi-crm.com/leblogdelarelationclient/ michel-augustin-experts-en-complicite-avec-les-gourmands/ Prélat L’Herminier, Vanina, « L’équation ‘effort/enchantement’ vue par Michel & Augustin », Relation Client Mag, 16 avril 2015, http://www.relationclientmag.fr/Thematique/la-vie-de-la-profession-1017/evenements-salons-10076/ Breves/equation-effort-enchantement-vue-Michel-Augustin-253458. htm#.VkC1kLT5hLJ

Dupin, Ludovic, « Digitalisation : les grands énergéticiens vont de voir changer de business model », Usine Digitale, 15 septembre 2015, http://www.usine-digitale. fr/article/digitalisation-les-grands-energeticiens-vont-devoir-changer-de-business-model.N350077 Lafargue, Véronique, « Working better together », Google Apps for Work, 2015, https://www.google.com/work/apps/ business/learn-more/working-better-together.html

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BONUS : MATINÉE “OUT OF THE BOX” Le 29 octobre, une petite trentaine de courageux (majoritairement des courageuses) s’est rassemblée dans les locaux de Yuman peu avant Halloween... Retour sur une matinée «out of the box» qui a produit une proposition d’identification des «6 trouilles du management» et de ce qui permet de comprendre et combattre celles qui freinent les entreprises.

LES 6 TROUILLES DU MANAGEMENT Le 29 octobre, c’était Halloween chez Yuman ! Ce mois-ci, notre Matinée « Out of the box » était consacrée à un thème qui, malheureusement, s’est révélé parler à beaucoup : la peur dans les entreprises. L’idée faisait suite à un article publié par Laurent Saussereau dans Le Cercle Les Echos le 9 juillet dernier : « Ces peurs qui cassent et détruisent la valeur ». Pour prendre la température, nous avions préalablement réalisé un petit sondage en ligne sans prétention scientifique. Les réponses montraient que les peurs touchent les individus directement (on a plus peur pour soi que pour l’entreprise). Les répondants ont identifié les effets immédiats des peurs sur la créativité, les initiatives ou la cohésion ; à plus long terme les peurs « musellent les compétences », compromettent l’engagement, conduisent au repli sur soi et à la frustration. A la question « Racontez-nous : avez-vous trouvé des pistes dans votre entreprise pour dépasser les peurs ? », nous avons été surpris que plusieurs personnes répondent simplement : « non »... Pendant la Matinée « Out of the box », nous avons proposé aux participants un cheminement dans le sujet des peurs en entreprise et des moyens de les combattre : de « moi et la peur » à « nous et la peur » puis au système. C’est ainsi qu’a été produit le tableau de la page suivante. Il s’est construit progressivement, au fil de questionnements et d’ateliers pour identifier les peurs individuelles, établir une correspondance avec les besoins qu’elles traduisent, reconnaître la façon dont elles se propagent dans le collectif, et enfin préciser les modalités dont nos systèmes les entretiennent. Au fil de ce parcours nous avons eu recours à plusieurs vidéos sur « Oser », sur l’expérience de Milgram (« I comme Icare ») ou encore sur la peur avec Mr Ramesh (« I’m alive, I’m alive ! »). Après ce voyage marqué par l’échange et la bienveillance, chacun est reparti avec des outils pour reconnaître et, si possible, désamorcer certaines peurs.

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LES 6 TROUILLES DU MANAGEMENT LES 6 PEURS

BESOINS

MANIFESTATIONS Individuelles

ETRE

AVOIR

POUVOIR

Etre abandonné / lâché / trahi

Appartenance

Etre jugé / rejeté / pas reconnu

Reconnaissance

Perdre ses repères

Sécurité

Manquer / être envahi

Protection

Etre impuissant / pas à la hauteur / incapable

Accomplissement

Perdre le contrôle

Développement

Collectives

Obéissance absolue, refus de l'opposition Position passive, absence de proposition pour éviter de déplaire Manque de partage de ses opinions Logique de cour, flatterie, recherche d'alliés Solitude "Je juge car on me juge" Intériorisation du manque de reconnaissance, introversion, immobilisme

"Radio- moquette" / rumeurs Culture du consensus excessif Réseaux parallèles Réunionite avec trop de participants, notamment par peur de vexer Création de processus pour justifier artificiellement des rôles Absentéisme Présentéisme Manque de créativité Désengagement, manque d’envie

Opposition, blocage, Renfermement Fuite Affolement Manque de partage des infos Peu de travail en équipe Accumulation de missions ou projets, peur de la dépossession Manque de confiance dans les autres Absence de délégation Excès de délégation Positif : être force de proposition, être dans l’action

Cloisonnement, silos Séparation avec le management désolidarisation entre le top et le management Éclatement, fragmentation Absence de projection dans le futur et de vision commune Excès de processus Perte de confiance Risques psycho-sociaux

Immobilisme Evitement, logique de négation Dépression Agression, arrogance, critique Risque de cristalliser le passé Renfermement sur soi Blocage de l’information, rétention du savoir Absence de délégation Isolement Résistance passive ou active , recherche d'alliés pour déployer des stratégies Positif : vecteur de mise en mouvement, recherche de soutien potentiel

YUMAN

Conflits Minorités fortes, majorité silencieuse Sentiment d’injustice collective Arrogance collective Soumission Confrontation de groupes d’opinions Sur-présence des partenaires sociaux

Système

Grilles, critères de classification Respectabilité

Structure de règlement Respect des repères, lois, procédures

Structure hiérarchique, culture du chef Centralisation

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#10

Directeur de publication : Laurent Saussereau Rédactrice en chef : Lorraine Margherita Assistante de publication : Mathilde Lucchini Graphic Design : Gaspard Bonne

YUMAN