Les pompiers ont vu la toiture et nous ont dit de partir

21 nov. 2018 - salubres de Marseille. 1105 se- lon le dernier décompte effec- tué par la Ville. Parmi eux, il y a Alice, locataire d'un appar- tement au 4e étage ...
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La Marseillaise / mercredi 21 novembre 2018

l'événement

« Les pompiers ont vu la toiture et nous ont dit de partir »

Le nœud du problème ? Les arrêtés de péril imminent. C'est le seul document qui prouve l’imminence du danger. Quand la Ville les transmet, syndics et propriétaires se gardent bien de les montrer aux locataires. De peur des cambriolages dans les immeubles restés vides, la mairie a cessé de les placarder aux portes d’entrée. Jusqu’à hier, elle ne les publiait pas. Elle a commencé à les mettre en ligne hier. Pour le moment, seuls 10 arrêtés sont disponibles. Aucun pour la rue d’Aubagne. La liste est encore longue.

Après le drame, vient « le temps d’agir ». Sans polémique mais avec fermeté, la Confédération Générale des Comités d'Intérêt de Quartier (CIQ) de Marseille s’engage dans un communiqué publié hier à venir en aide aux familles des victimes de la rue d’Aubagne et à tous les évacués Marseillais. Depuis quelques jours, les CIQ contribuent à l’achat de produits de première nécessité avec la Croix-Rouge. Au-delà de l’urgence du moment, la Confédération se veut force de propositions. Elle demande à ce que les registres de recensement et de contrôles des logements à risque soient rendus publics. Elle souhaite également la simplification de l’arsenal des procédures utilisées lors de la mise en péril d’une habitation et l’adaptation de la législation, qui oblige les propriétaires à réaliser des travaux, pour rendre la procédure plus rapide. Autre proposition : autoriser les locations uniquement après des contrôles de structures, ce qui n’existe pas aujourd’hui. Enfin, fort d’un réseau de plusieurs centaines de comités, la confédération demande « à tous les CIQ Marseillais de pratiquer un recensement des habitats à risque sur leur périmètre d’action qu’ils connaissent bien et sur lequel ils travaillent au plus près des habitants tout au long de l’année ».

Marius Rivière

M.Ri

témoignages Le nombre d’évacués des taudis marseillais ne cesse d’augmenter. Si la plupart sont pris en charge, d’autres, par manque d’info ou par négligence, ne le sont pas. Le manque de transparence des bailleurs et de la Ville renforce l’incertitude.

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es volontaires de la Croix-Rouge servent des tasses chaudes à une foule de personnes entassées à l’abri de la pluie qui tombe fort à l’extérieur. Elles entrent une à une dans les locaux du 2, rue Beauvau, à deux pas du VieuxPort, devenus le lieu Espace d’accueil des personnes évacuées (EAPE). Ici se présentent les victimes des immeubles insalubres de Marseille. 1105 selon le dernier décompte effectué par la Ville. Parmi eux, il y a Alice, locataire d’un appartement au 4e étage du 37, rue Thubaneau, dans le 1er arrondissement de Marseille. Comme beaucoup, après l’effondrement de la rue d’Aubagne, elle prête attention à des petits détails de son immeuble qui lui paraissaient jusqu’ici sans importance : la porte d’entrée qui ne ferme plus, les tomettes cassées au sol, les fissures aux murs, sous les paliers, etc. Trois jours de pluie supplémentaires la convainquent d’appeler la sé-

Au 37 rue Thubaneau, un expert judiciaire a déclaré un péril imminent pour une partie de l’immeuble seulement. Résultat, la locataire du 4e est évacuée mais pas celle du 2nd. Photo mr

curité civile. « Les pompiers ont vu l’état de la toiture, ils nous ont aussitôt dit de partir », se rappelle-t-elle. Un coup d’œil au palier suffit à dissuader quiconque de grimper les escaliers : de larges fissures balafrent les paliers du 3e et du 4e étage.

Résidents recherchent arrêtés de péril

Si Alice a pu être relogée à l’hôtel, ce n’est pas le cas de Sarah, sa voisine du 2e étage. « L’expert nous a dit oralement qu’il y avait péril imminent pour le 4e mais que je pouvais rentrer chez moi et dormir sur mes deux oreilles », soupire-t-elle. Il y au-

rait donc danger d’effondrement pour le 4e mais pas pour le 2e ? Autorisée à réintégrer son logement, Sarah ne peut être relogée. Elle vit donc seule dans un immeuble dont la porte d’entrée ne ferme plus, régulièrement squatté et dont un étage menace de s’effondrer. Autre immeuble, autre cas : au 38 , boulevard Philippon (4e arrondissement), 10 locataires ont été évacués. « Les services de la ville nous ont demandé qui pouvait se reloger ailleurs. Ma voisine est partie chez une amie, mais elle ne possède aucun document prouvant son évacuation », raconte Sylvaine, une locataire évacuée.

lettre ouverte

La Confédération générale des CIQ s’engage pour les sinistrés Marseillais

Sinistrés, les commerçants déboussolés Économie Plus de deux semaines après le drame de la rue d’Aubagne, de nombreux commerçants ont toujours leur rideau tiré. Les solutions se font attendre.

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ans les suites du drame de la rue d’Aubagne, il est question -à juste titredu sort des habitants évacués. Moins de celui des commerçants, dont plusieurs sont impactés par l’effondrement mortel des immeubles. Si certains ont pu rouvrir leur boutique après quelques jours, d’autres sont toujours dans l’expectative. « On ne peut pas travailler et on ne sait pas ce qu’il faut faire », peste Massylla, qui tient un atelier de couture au 75 rue d’Aubagne. « Le manque à gagner est énorme, comme il n’y a pas de

Sur la place du haut de la rue d’Aubagne, les commerçants ne peuvent toujours pas regagner leurs locaux. photo f.c.

dégâts, mon assurance ne veut pas indemniser », s’inquiète-t-il. La première chose à faire est de récupérer une attestation des Marins-Pompiers stipulant l’inaccessibilité des locaux afin d’ouvrir un sinistre. « Je l’ai reçue très rapidement, par contre, je n’ai pas encore eu celle de la Ville demandée il y a une semaine », pointe Laurent Bavoux. Sans vouloir accabler les services municipaux, « qui ont d’autres priorités », ce coiffeur estime « bien s’en sortir ». Installé au 96, sur la placette toujours inaccessible, il a pu transférer temporairement son activité sur le cours Ju’, hébergé chez un confrère coiffeur. « Je ne sais pas encore quand je pourrais rouvrir, pourtant, ça ne craint rien puisque les logements au-dessus, accessibles par la rue Estelle, sont habités », expose Laurent, qui dit avoir reçu de bons conseils au numéro vert (0800 500 530) mis en place par

les avocats de Marseille. Les commerçants n’en disent pas autant de la Ville. Il y a 10 jours, une première rencontre a eu lieu en mairie du 1-7 entre quelques commerçants et notamment l’adjointe au commerce, Solange Biaggi (LR). « Elle est venue les mains dans les poches, juste pour écouter les doléances, sans aucun conseil, ni proposition, se désole un des commerçants qui a assisté à la réunion. Je ne pense pas qu’ils auraient eu la même attitude si, par exemple, la Maison Empereur avait été sinistrée... » Sollicitée, la Ville assure avoir « entendu les doléances des commerçants et reviendra vers eux très prochainement avec une proposition ». La municipalité les invite également à se rendre au nouvel espace d’accueil des personnes évacuées (2 rue Beauvau 13001) pour toutes questions. Florent de Corbier