Les produits chimiques au quotidien

7 oct. 2014 - Appartenant à l'Académie des technologies ..... changé. En additionnant les temps de travail et de transport, il est devenu de plus en plus ...
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Académie des technologies Commission Environnement

Les produits chimiques au quotidien

Rapport voté par l’Assemblée en juin 2012

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Rapport de l’Académie des Technologies Les produits chimiques au quotidien

Imprimé en France ISBN : 978-2-7598-1011-6

Tous droits de traduction, d’adaptation et de reproduction par tous procédés, réservés pour tous pays. La loi du 11 mars 1957 n’autorisant, aux termes des alinéas 2 et 3 de l’article 41, d’une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective », et d’autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d’exemple et d’illustration, « toute représentation intégrale, ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (alinéa 1er de l’article 40). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du code pénal. © EDP Sciences 2014

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Groupe de travail

CONSTITUTION DU GROUPE DE TRAVAIL

Appartenant à l’Académie des technologies Pierre Castillon, Thierry Chambolle, Bernard Tramier. Extérieurs à l’Académie André Grosmaitre, Agnès Jacquesy, Armand Lattes. Secrétaire scientifique

 

Jozy Mazodier (partiellement)

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SOMMAIRE

01 05 07 09 11 13 17 23 29 33

Résumé 

Avant-propos 

Introduction 

Qu’appelle-t-on produits chimiques ? 

D’où viennent les produits chimiques 

Sont-ils vraiment indispensables ? 

Quels risques présentent-ils ? 

Comment les évalue-t-on ? 

Que deviennent-ils ? 

Produits naturels ou produits synthétiques ? 

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Sommaire

37 41 43 43 46 53 60 63 75 76 78 81 86

Conclusions : quel avenir pour les produits chimiques ? 

Quelques références utiles 

Annexes Annexe 1 : les détergents Annexe 2 : les additifs alimentaires Annexe 3 : les matières plastiques Annexe 4 : les peintures, cas particulier des peintures antisalissures Annexe 5 : les pesticides Annexe 6 : pcb et pyralène Annexe 7 : fluorés, couche d’ozone et effet de serre Annexe 8 : les engrais Annexe 9 : produits dans l’habitat 







Publications de l’Académie

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Résumé

RÉSUMÉ

Que faut-il réellement penser des produits chimiques – définis ici comme fabriqués par l’industrie humaine ? Il peut paraître audacieux de vouloir répondre à cette question, tant des polémiques souvent exagérées, mais parfois justifiées, ont pu éclater pour certains d’entre eux. Ce document va tenter d’apporter, au-delà de ces polémiques, des éléments permettant à chacun de se forger une opinion. La croissance démographique et l’évolution des modes de vie qui visait à la préservation des ressources naturelles et énergétiques, ont eu pour conséquence le fort développement des produits chimiques. Mais, dans le même temps, des interrogations ont surgi sur le devenir de ces produits dans l’environnement et sur certains effets nuisibles qu’ils peuvent provoquer. Les produits chimiques apportent fréquemment des solutions pour une politique de développement durable : ils sont indispensables pour le stockage de l’énergie et permettent aussi de réduire la facture énergétique par l’allégement des structures des véhicules, des avions…, ainsi que par les performances des matériaux pour l’isolation thermique. Les modes actuels d’approvisionnement alimentaire, avec des achats espacés et non plus quotidiens, exigent, pour des raisons évidentes de logistique et d’hygiène, l’emploi d’emballages et de conservateurs. Sera-t-il possible à l’agriculture de subvenir aux besoins de bientôt 9 milliards d’individus, sans le recours à des amendements de sols ou à des produits de protection des cultures ?

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Les textiles synthétiques occupent désormais une place prépondérante dans les domaines de l’habillement, du mobilier, de l’isolation thermique et phonique. La chimie de synthèse permet de proposer des substituts à des substances naturelles issues du monde végétal ou animal, contribuant ainsi à la préservation des ressources naturelles. Mais, parallèlement, certains produits chimiques peuvent présenter des effets indésirables, voire dangereux pour la santé et l’environnement. On peut aussi se demander si tous les produits qui sont aujourd’hui sur le marché sont absolument indispensables, d’autant que, en facilitant trop la vie, ces produits chimiques peuvent inciter à consommer sans discernement. Enfin, la gestion de leur devenir est essentielle : certains sont biodégradables, d’autres s’accumulent dans les organismes ou l’environnement, certains sont récupérables et recyclables, d’autres peuvent être éliminés dans des conditions sûres et contrôlées, d’autres enfin sont réfractaires à toute destruction. Pour réguler la mise sur le marché des produits chimiques, les pouvoirs publics l’ont encadrée par des protocoles similaires à ceux qui sont employés pour les médicaments, parmi lesquels le règlement européen REACh. Celui-ci stipule qu’aucun nouveau produit ne peut désormais être commercialisé sans avoir subi une série de tests destinés à évaluer sa biodégradabilité, sa toxicité, son écotoxicité et son devenir dans l’environnement. Les produits existants doivent également suivre la même procédure. Mais, si la puissance des outils analytiques modernes permet de détecter les produits chimiques en d’infimes concentrations, et de lancer des signaux d’alerte, parfois prématurés, l’évaluation de leurs effets sur l’environnement demeure complexe et exige le recours à des recherches longues et coûteuses. Il est évident qu’il serait difficile aujourd’hui de se passer des produits chimiques, mais il est utile de savoir que ces produits sont désormais strictement contrôlés, ce qui devrait permettre d’éviter certaines dérives que l’on a pu connaître. Il est également important de constater que la plupart d’entre eux peuvent être récupérés et recyclés dans de bonnes conditions. Il est enfin rassurant de constater que l’industrie chimique a su se mobiliser sur ces problèmes en retirant du marché des produits à risque, en proposant des substituts plus sûrs et plus propres et en participant activement à la mise en place des protocoles d’évaluation. Il appartient cependant à chacun d’adopter une attitude vigilante en choisissant bien les produits qu’il utilise, pour le bon usage et à la bonne dose et, surtout, en évitant de les répandre inutilement dans l’environnement. Un gros effort de sensibilisation

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Résumé

et d’éducation est indispensable pour venir compléter ceux qui ont déjà été faits, pour que nous puissions continuer à bénéficier des progrès que nous apportent les produits chimiques, tout en évitant des risques non maîtrisés pour la santé et l’environnement. Une chimie bien conçue et bien comprise reste indispensable pour faire face aux grands enjeux des années à venir.

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Avant-propos

AVANT-PROPOS

Ce rapport est destiné à un public averti, mais ne bénéficiant pas d’une culture scientifique approfondie dans le domaine de la chimie, pour l’aider à mieux appréhender l’importance prise par les produits chimiques dans notre vie quotidienne, ainsi que leur impact sur notre environnement et notre santé. Il se focalise sur l’utilisation des produits et aborde peu le problème de leur fabrication. Partant des grandes interrogations de la société française sur les liens entre la chimie et l’environnement et des inquiétudes associées, ce rapport a pour ambition de proposer des éléments objectifs simples, même si la science qui les sous-tend est toujours fort complexe, pour tenter d’éclairer les réponses à apporter à ces questions. Il est évident qu’il ne sera pas possible d’être exhaustif et de couvrir tous les aspects liant la chimie à l’environnement, tant le domaine est vaste. En particulier, la thématique des médicaments ne sera effleurée que dans certains cas – lorsqu’elle présente une valeur d’exemple. Pour la rédaction de ce rapport, nous nous sommes basés sur les connaissances actuelles qui vont forcément évoluer et qui pourront un jour susciter d’autres interrogations ou d’autres réponses concernant l’équilibre le plus juste possible entre le recours incontournable à l’utilisation de produits chimiques et les excès ou les effets nuisibles qu’ils peuvent engendrer.

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Introduction

INTRODUCTION

Les produits chimiques constituent certainement l’une des grandes évolutions industrielles du xxe siècle. Qu’il s’agisse de détergents, de fibres synthétiques, de matériaux, ils sont devenus incontournables dans notre vie quotidienne. Nous en sommes bien conscients lorsque nous utilisons une lessive ou un shampooing, mais nous le sommes moins face à un ordinateur, à un réfrigérateur, à une voiture, alors que ces équipements contiennent de nombreux composés chimiques. Sans eux, il serait difficile de se nourrir, de se loger, de se soigner, de se vêtir, de se déplacer efficacement. Si, dans leur grande majorité, les produits chimiques sont indispensables et ne sont pas contestés, certains d’entre eux ont soulevé des inquiétudes auprès du public en raison d’effets secondaires (parfois découverts longtemps après leur première utilisation comme pour l’amiante), de leur devenir dans l’environnement (DDT), des risques liés à leur élimination (émission de dioxines) ou de leur mauvaise utilisation (plastiques). Ce sont ces effets-là qui ont conduit à générer une image négative qui a affecté, un peu trop rapidement, l’ensemble des produits chimiques, faisant oublier les progrès qu’ils apportent par ailleurs. Du simple élément du tableau de Mendeleïev aux matériaux composites, de la molécule d’hydrogène à celle d’ADN, il s’agit d’un monde vaste, varié et fort complexe que l’on ne peut considérer comme un ensemble uniforme. En outre, certains composés chimiques peuvent à un moment donné apparaître comme des produits bénéfiques du fait de leurs propriétés exceptionnelles, puis être bannis en raison

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d’effets secondaires nuisibles découverts ultérieurement, comme c’est le cas, par exemple, du pyralène ou des chlorofluorocarbones (CFC). Un domaine très significatif est celui des industries textiles. Les seules productions agricoles de coton, de lin, de laine ne suffiraient plus aujourd’hui pour vêtir l’ensemble des habitants de la planète ; des produits synthétiques comme le nylon ou les polyesters ont dû y suppléer. Les produits chimiques sont aussi liés à la disponibilité en ressources naturelles, soit parce que c’est la nature qui les procure, soit parce qu’ils sont fabriqués à partir de ressources fossiles, non renouvelables. Les produits chimiques ont également joué un grand rôle pour la promotion de la culture. Le PVC a permis la fabrication des microsillons et des bandes magnétiques, puis les CD et DVD ont suivi, tous constitués de composés chimiques, notamment de matières plastiques (polycarbonates). C’est grâce à eux que l’on peut écouter des concerts musicaux, voir des opéras ou des pièces de théâtre, tranquillement installé chez soi. Il est de même possible de visiter les plus grands musées du monde sur un simple écran, à domicile. Pour tous ceux qui n’ont pas la possibilité de se déplacer, de voyager, ces nouveaux matériaux permettent un accès à des richesses culturelles qu’ils n’auraient autrement jamais pu connaître. Toujours dans ce domaine de la culture, des produits chimiques sont utilisés pour la préservation ou la restauration d’œuvres d’art, qui, sans cela, se seraient fortement dégradées. Cet énorme succès a malheureusement eu pour conséquence l’augmentation du volume de nos poubelles, voire d’atteintes à l’environnement lorsque, par manque de civisme, ces produits, devenus déchets, étaient abandonnés dans la nature. Pour des raisons évidentes, il ne pouvait toujours s’agir de produits biodégradables, il a donc fallu mettre en place des procédures de collecte et de recyclage qui peuvent encore être fortement optimisées. C’est pourquoi il est extrêmement difficile d’avoir une approche globale des produits chimiques. À partir d’exemples concrets issus de notre vie quotidienne, ce document a pour objectif d’apporter des éclaircissements pour favoriser une analyse la plus objective possible des progrès apportés par ces produits et des effets secondaires qu’ils peuvent générer. Chacun pourra alors, en fonction de sa propre sensibilité, bâtir son opinion personnelle.

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Qu'appelle-t-on produits chimiques ?

QU’APPELLE-T-ON PRODUITS CHIMIQUES ? La réponse à cette question n’est pas simple. Il faut partir des 112 éléments du tableau de Mendeleïev. Tout ce qui existe ou vit sur cette terre : le monde minéral, le monde organique, les êtres vivants, sont formés à partir de ces éléments. Il s’agit d’atomes, eux-mêmes constitués de protons, de neutrons, d’électrons. Ces atomes se combinent pour former des molécules, certaines fort simples comme l’eau ou l’oxygène, d’autres beaucoup plus complexes comme l’ADN. On en vient ensuite aux substances, aux matériaux, aux composés chimiques, qui sont des agglomérats de molécules. Enfin vient s’ajouter la notion de produits chimiques. Les mots : « substances », « composés », « produits » ont à peu près tous le même sens, mais ce dernier mot a pris une connotation particulière et fait référence à quelque chose qui a été artificiellement fabriqué ou créé. L’eau est bien un composé chimique, mais elle ne sera jamais considérée comme un produit chimique. Dans ce document nous n’aborderons donc que les composés qui ont été fabriqués, soit par la nature, on les appelle alors plus volontiers substances, soit par l’homme, on les appelle alors produits. Ces composés, pris individuellement, ne possèdent pas toujours la totalité des propriétés indispensables à une bonne utilisation pour répondre à un besoin donné. C’est pour cela que l’on a conçu les formulations qui sont une association de produits différents, chacun d’entre eux ayant un rôle bien particulier à jouer : matière active, solvant, colorant… La grande majorité de ce que nous appelons

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des produits chimiques, sont en réalité des formulations. Nous les intégrons bien évidemment dans ce document où le terme « produit chimique » pourra donc aussi bien couvrir un produit de base, un phtalate par exemple, qu’une formulation telle qu’un shampooing.

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Origine des produits chimiques

D’OÙ VIENNENT LES PRODUITS CHIMIQUES Lors de la formation de la Terre des molécules simples comme le méthane, le gaz carbonique, l’ammoniac, la vapeur d’eau ont constitué son atmosphère. Cette atmosphère, riche en eau et en gaz carbonique, a généré un puissant effet de serre, créant des conditions favorables à l’apparition de la vie que nous connaissons aujourd’hui et qui a pu s’épanouir, synthétisant pour ses propres besoins une infinité de substances chimiques telles que les acides aminés, les sucres, les chlorophylles…, elles-mêmes faisant des êtres vivants, dont l’homme, de véritables « réacteurs chimiques ». Plus récemment aux échelles géologiques, les besoins de plus en plus variés de l’homme auxquels le développement de son intelligence lui a permis d’apporter des réponses, l’ont conduit à tirer profit des ressources qui étaient à sa portée. Ce furent d’abord les minéraux pour la production de métaux, pour la fabrication de poteries, puis des substances issues du monde végétal ou animal, pour concevoir des encres, des colorants, des drogues destinées à guérir… ou à tuer. Les alchimistes du Moyen Âge, observant la nature, ont cherché à la reproduire, puis à la transformer. Ils développèrent des recherches et accumulèrent des découvertes dont nous bénéficions encore aujourd’hui. Dès le xviiie siècle, l’industrie a pris le relais avec la fabrication de poudre à canon, d’acide sulfurique, de soude pour produire du savon… Mais ce n’est qu’avec l’exploitation du charbon, puis du

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pétrole, que la chimie s’est véritablement industrialisée, conduisant à tous les produits qui nous sont familiers aujourd’hui et que nous côtoyons souvent sans en être conscients.

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Sont-ils vraiment indispensables ?

SONT-ILS VRAIMENT INDISPENSABLES ? Les produits chimiques se retrouvent partout : dans notre nourriture, nos médicaments, nos vêtements, nos voitures, nos maisons. Qu’ils soient d’origine naturelle, ou synthétisés par l’homme, ils ont été conçus pour répondre à un besoin spécifique. Mais ces besoins sont-ils toujours bien justifiés ? Dans la nature, la réponse peut paraître évidente : ainsi, par exemple, la reproduction de nombreux insectes ne peut se faire que grâce à des phéromones, substances naturelles de composition chimique complexe. Mais que penser de l’amiante ou du curare, l’un et l’autre redoutablement toxiques ? Pour les produits synthétiques, la réponse est plus nuancée. Nos conditions de vie ont fortement évolué au cours du siècle dernier : de nouveaux besoins sont apparus et ont entraîné le recours à de nouveaux produits. La population sur notre planète a considérablement augmenté : nourrir plus de six milliards d’individus, bientôt neuf, génère une pression sur les terres arables bien supérieure à celle que l’on pouvait connaître lorsque moins d’un milliard d’habitants se partageaient notre territoire, d’où le recours aux engrais et aux pesticides. De même pour se vêtir, les fibres végétales ou animales ne suffisant plus à satisfaire aux besoins en quantité et en coût, il a fallu inventer des fibres synthétiques. Mais ce qui a probablement le plus contribué au développement de nouveaux produits chimiques, du moins dans le monde occidental, c’est l’évolution du mode de vie. Les lieux de consommation se sont éloignés des lieux de production, le rythme de vie a

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changé. En additionnant les temps de travail et de transport, il est devenu de plus en plus difficile aujourd’hui pour une famille de s’approvisionner quotidiennement en produits frais, ce qui a entraîné le recours à des additifs permettant la conservation des aliments et à des emballages pour en assurer l’hygiène. En matière de propreté et de prophylaxie nous avons des exigences plus strictes qui ont favorisé le développement de produits détergents et phytosanitaires. La recherche d’un meilleur confort et les efforts de réduction de la consommation énergétique ont complètement modifié la nature des matériaux utilisés pour notre habitat, avec le développement de produits isolants, de revêtements de sol nouveaux. On pourrait donner ainsi de nombreux exemples, car, les produits naturels devenant plus rares et plus chers, des substituts synthétiques les ont progressivement remplacés. Ce phénomène n’est toutefois pas irréversible. On observe actuellement une tendance à revenir vers des produits naturels, dans la limite de la ressource renouvelable, par exemple le bois dans la construction, mais cela nécessite, dans les régions à risque, un traitement contre les xylophages ou les champignons, il faut aussi parfois envisager une isolation phonique, voire un traitement contre les incendies, en ayant recours à des produits chimiques. Si cette évolution de nos modes de vie peut être considérée comme acquise, on reste en droit de s’interroger devant l’avalanche de produits nouveaux qui nous sont proposés, et de se demander si tous ces produits sont absolument indispensables. La réponse est positive pour une majorité des produits que nous côtoyons, mais il en est certains pour lesquels c’est plutôt le produit qui a créé le besoin. En outre, même pour les produits considérés comme indispensables, leur utilisation est parfois excessive. C’est en particulier le cas de l’emballage dont les quantités utilisées ne sont pas toujours optimisées en fonction des seules exigences de la logistique ou de la conservation des produits. C’est sans aucun doute là qu’il faut rechercher les causes de la mauvaise image actuelle des produits chimiques. Il faut encore ajouter un autre constat : certains produits, tout en répondant parfaitement à un besoin réel ou devenu tel, peuvent être responsables d’effets secondaires nuisibles pour l’environnement ou notre santé. Ce phénomène, bien connu pour les médicaments, est également vrai pour de nombreux produits chimiques. Il est donc indispensable de suivre ces produits par des procédures de toxicovigilance, concept décalqué de la pharmacovigilance développée pour les médicaments. Des substances chimiques sont connues pour leurs propriétés allergisantes, mais il convient alors d’intégrer un facteur de sensibilité individuelle :

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Sont-ils vraiment indispensables ?

certaines personnes supportent bien l’aspirine, d’autres non ; certaines peuvent avoir des réactions allergiques aux fromages, aux levures, aux crustacés, avec des conséquences graves si elles en absorbent, tandis que d’autres les apprécient. On ne peut évidemment pas considérer toutes ces substances, tous ces aliments, comme des produits dangereux, au seul prétexte que certaines personnes ne les supportent pas. On comprend alors que le lien entre les produits chimiques, l’environnement et la santé, est fort complexe. Une approche scientifique rationnelle, si elle est indispensable, n’est pas suffisante pour aborder ce problème qui intègre aussi des comportements individuels, des modes de vie, voire des concepts philosophiques. C’est bien un juste équilibre qu’il faut établir entre les réponses à des besoins réels et les effets indésirables que l’utilisation de produits chimiques peuvent générer. Devant un évier bouché, il est évidemment plus simple de recourir à un produit chimique que de démonter toute l’installation.

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Quels risques présentent-ils ?

QUELS RISQUES PRÉSENTENT-ILS ?

La chimie est une activité à risques, personne ne le niera, mais l’occurrence des accidents reste faible et en décroissance régulière. Le risque existe tant au niveau de la fabrication des produits que de leur transport, de leur utilisation ou de leur élimination. Mais, d’un autre côté, certains produits chimiques contribuent aussi à réduire des risques : produits ignifugeants, extincteurs d’incendie, antibiotiques. Il n’est pas inutile de rappeler aussi que le taux de fréquence des accidents dans l’industrie chimique est nettement plus faible que dans d’autres industries et que les accidents domestiques liés à l’utilisation des produits chimiques sont moins fréquents que ceux liés à l’électricité et moins graves que ceux liés au gaz. Alors que l’on côtoie quotidiennement de nombreux risques, le risque chimique est mal accepté par le public, et sa perception est parfois exagérée par rapport à la réalité. Un risque est lié à l’association de la gravité ou de la dangerosité d’un événement avec sa probabilité d’occurrence. Un tremblement de terre peut être un événement extrêmement grave, mais, suivant que l’on réside à San Francisco ou en France, la probabilité d’occurrence et l’exposition ne sont pas les mêmes ; le risque est évidemment plus élevé à San Francisco. Ceci ne signifie pas pour autant qu’il est nul en France, il suffit de se souvenir du tremblement de terre qui a sévi en 1909, dans la région d’Aix-en-Provence. Un risque n’est jamais nul… En chimie, il faut distinguer le risque accidentel du risque chronique. Le risque accidentel est plutôt lié aux installations de production ou au transport ; sa gravité peut être très élevée, mais sa probabilité d’occurrence reste heureusement faible.

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Le risque chronique est surtout lié à l’utilisation des produits et à leur élimination. Sa gravité est heureusement souvent faible, mais la probabilité d’occurrence et l’exposition peuvent être élevées. Le risque chimique a fortement diminué au cours des dernières décennies grâce, notamment, au renforcement des réglementations, à l’amélioration des technologies, à la mise sur le marché de produits plus propres et plus sûrs, le tout étant la conséquence d’une meilleure connaissance scientifique. Paradoxalement, la perception de ce risque par le public ne fait que croître, en raison d’une information inadaptée, souvent alimentée par une exigence croissante de sécurité absolue, de risque zéro, qu’une application mal comprise du principe de précaution ne peut que renforcer. À l’exception des accidents de poudreries (Boston (1645), Grenelle (1794), Oppau en Allemagne (1921)), les plus graves accidents industriels sont rarement issus du domaine de la chimie. Ce sont les industries extractives, en particulier les mines de charbon, qui ont payé le plus lourd tribut. Dans l’industrie chimique classique, l’accident le plus célèbre reste celui de Seveso qui n’a pourtant entraîné aucun décès, mais qui a conduit à une réglementation très stricte en Europe. Le plus meurtrier fut celui de Bhopal en Inde en 1984 avec près de 25 000 victimes et, le plus proche de nous, géographiquement et émotionnellement, l’accident de l’usine d’AZF en 2001, dont les causes ne sont toujours pas connues avec certitude et qui a causé la mort de 31 personnes, essentiellement à l’intérieur de l’usine. Pour les risques chroniques, le plus célèbre est la maladie de Minamata, liée au rejet de composés mercuriels dans la baie de Minamata au Japon, entre 1932 et 1968. Le risque chimique est souvent aggravé par le fait que des usines potentiellement dangereuses, construites en leur temps en des lieux isolés pour des raisons évidentes de sécurité, ont été rattrapées par une urbanisation mettant habitations, commerces, écoles, voire hôpitaux, à leurs portes. Ce fut notamment le cas à Toulouse pour l’usine d’AZF. Malgré cela, on peut considérer aujourd’hui que le risque chimique est plutôt bien connu et, dans les pays industrialisés, relativement maîtrisé, mais cela ne signifie pas pour autant que nous sommes à l’abri de tout accident. L’aspect le plus important aux yeux de l’opinion publique reste l’impact que peut générer un produit chimique sur notre environnement et, de plus en plus, sur notre santé. La mise sur le marché d’un nouveau produit chimique est désormais aussi contrôlée que celle d’un médicament. Les produits anciens entrent eux aussi dans le même processus très strict de contrôle de tous leurs effets potentiels sur

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Quels risques présentent-ils ?

l’homme et l’environnement. Ainsi, en Europe, le règlement REACh prend en compte tout le cycle de vie d’un composé en prenant notamment en compte sa biodégradabilité, sa persistance dans l’environnement et son potentiel de bio-accumulation dans les organismes, les déchets qu’il est susceptible de générer, ses possibles interactions avec d’autres produits, et, bien entendu, sa toxicité et son écotoxicité propres. D’autres critères ont été ajoutés, comme la contribution à l’effet de serre. Enfin, les liens entre la chimie et la préservation de la biodiversité sont aussi un élément important du dossier. Il est bien connu que certains produits chimiques, utilisés de façon non appropriée, ou encore à des doses inutilement élevées, ont pu causer des dommages graves à la biodiversité en raison de leurs propriétés. D’un autre côté, la synthèse par voie chimique de nombreuses substances rigoureusement identiques à celles issues du monde végétal ou animal, a permis la préservation de cette biodiversité. Ce « mimétisme » a toutefois ses limites. En effet, il y a une vingtaine d’années, on a constaté que certains produits chimiques, qualifiés de « perturbateurs endocriniens », pouvaient avoir un comportement similaire à des hormones et venir de ce fait perturber notre fonctionnement hormonal. Il convient donc de toujours faire une évaluation avantages/inconvénients de toute substance chimique avant son utilisation, mais aussi tout au long de son utilisation. Le DDT, utilisé pour l’élimination des moustiques responsables de la malaria en est un parfait exemple : il a certes eu un fort impact négatif sur plusieurs espèces, mais, d’un autre côté, a contribué à épargner des millions de vie. Son interdiction se traduit dans certaines régions par une recrudescence de cette grave maladie.

LES PERTURBATEURS ENDOCRINIENS Depuis plus d’un demi-siècle les scientifiques ont été alertés par l’apparition d’anomalies importantes dans les organes reproducteurs d’animaux sauvages. Ainsi a-t-on pu constater la diminution du nombre d’alligators dans les lacs américains ainsi qu’une proportion inquiétante de mâles affectés de pénis atrophiés. Parallèlement, la présence d’insecticides organochlorés dans les sédiments de ces lacs, a conduit à faire des corrélations entre ces deux observations et à attribuer à ces insecticides la cause des anomalies observées.

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De nouvelles constatations sur d’autres animaux (vautours, poissons…) ont conduit à mettre en évidence le rôle joué par certains produits chimiques sur les troubles de la reproduction et à préciser le concept de « perturbateurs endocriniens », apparu aux USA en 1991. D’après la définition des communautés européennes, les perturbateurs endocriniens sont des substances exogènes qui, interférant avec les fonctions du système hormonal, risquent d’influer négativement sur les processus de synthèse, de sécrétion, de transport, d’action ou d’élimination des hormones. Ils peuvent affecter la reproduction, mais également altérer d’autres fonctions et comportements régulés par le système hormonal, par exemple perturber la fonction thyroïdienne, altérer le système immunitaire, provoquer des troubles du comportement. C’est un domaine fort complexe en raison de la cascade d’interactions possibles pour lequel il n’existe pas encore aujourd’hui de tests pertinents. Les substances qui sont des perturbateurs potentiels sont d’origine naturelle ou anthropique : • hormones naturelles : estrogènes, progestérone et testostérone des êtres humains et des animaux ; phyto-estrogènes de certaines plantes (luzerne, soja, etc.) ; • hormones de synthèse : contraceptifs oraux (estradiol), traitements hormonaux de substitution (distilbène) ; • substances anthropiques : pesticides (DDT, dieldrine), additifs plastiques (bisphénol A, phtalates), produits chimiques industriels : détergents (octyl phénol, nonyl phénol), dérivés polychlorés aromatiques, retardateurs de feux, dioxines, pyralènes, perchlorates. Actuellement, les connaissances scientifiques relatives à l’action de ces familles de composés sont insuffisantes pour apprécier pleinement leurs conséquences et ce n’est que par les observations sur les animaux sauvages et des accidents sur la population humaine que l’on peut détecter leur influence. Ainsi l’utilisation du diéthylstilbène, employé pendant des années (1938 à 1971) pour prévenir les avortements spontanés, s’est révélée être la cause de risque de cancer du vagin pour les utilisatrices, de pathologies graves pour leurs filles et, peut- être, de troubles de la reproduction pour

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Quels risques présentent-ils ?

leurs petites-filles. En dehors de ce cas, la plupart des études menées sont sujettes à controverse car il est difficile d’extrapoler aux êtres humains les résultats des expériences sur animaux et il est évident que l’on n’a pas encore le recul nécessaire pour se livrer à des études épidémiologiques incontestables. À titre d’exemple, on peut citer le cas d’un produit actuellement très discuté, le bisphénol A. Ce produit est essentiellement utilisé dans l’industrie des plastiques durs pour augmenter leur dureté ainsi que leur résistance aux chocs et aux déformations. On le trouve dans les résines epoxy et les polycarbonates. Les produits de consommation courante qui en contiennent sont les disques, les lunettes, les conduites d’eau, les biberons, etc. Des observations sur les rats ont mis en évidence des effets sur la reproduction et le développement cérébral. À la suite de ces observations, la FDA américaine a conduit des essais qui ont montré que le bisphénol A n’était « pas dangereux ». Cependant, quelque temps après, des toxicologues américains concédaient que l’on pouvait manifester « une certaine inquiétude » à son égard ! En France, l’AFSSA a, dans un premier temps, préconisé la mise en route de nouvelles recherches et d’avertir les consommateurs, mais, récemment, le produit a été interdit pour toutes les applications alimentaires. À l’exemple du bisphénol A, il n’y a pas actuellement, pour les perturbateurs endocriniens, de directives claires pour apprécier les risques qui leur sont associés. Le problème est fort complexe et il n’existe pas encore de tests toxicologiques irréfutables. En outre, on ne sait pas toujours, comme cela a été dit plus haut, dans quelle mesure on peut extrapoler aux humains les résultats obtenus dans l’expérimentation animale. C’est donc en vertu du principe de précaution que le règlement REACh intègre les perturbateurs endocriniens dans la catégorie de « certaines substances ayant des effets graves et irréversibles sur l’être humain et l’environnement » et qu’ainsi ils doivent faire l’objet d’une autorisation avant toute utilisation.

Tous ces critères sont devenus des éléments de compétitivité entre les industriels et, parfois, entre les pays, car tous n’adoptent pas les mêmes règles, ce qui peut générer d’importantes distorsions de concurrence, entraînant à leur tour des risques environnementaux. Une grande vigilance s’est donc imposée, tant dans

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la conception et le fonctionnement des installations de production, que dans l’utilisation et l’élimination des produits. Mais un effort de recherche restera toujours nécessaire pour mieux comprendre le devenir et l’impact des produits chimiques dans l’environnement et sur la santé humaine, afin de mieux mesurer et de réduire encore les risques, sachant que les effets éventuels d’un produit peuvent très bien ne se manifester que de nombreuses années plus tard. Le cas de l’amiante, pourtant produit naturel utilisé depuis des siècles, en est un bon exemple. Il faudra peut-être réfléchir à un système d’indemnisation des personnes pouvant être victimes des effets secondaires d’un produit, apparus de nombreuses années après une exposition.

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COMMENT LES ÉVALUE-T-ON ?

La principale qualité que l’on exige d’un produit chimique est, bien évidemment, son efficacité pour répondre à un besoin précis, et ce à un coût raisonnable. Mais aujourd’hui efficacité et coût ne sont plus les seuls critères de sélection d’un produit. Celui-ci doit aussi répondre à des normes de biodégradabilité, de toxicité, d’écotoxicité pour lesquelles de nombreux tests ont été développés. Pour réaliser ces tests, il convient de relier les effets potentiellement néfastes d’un produit à sa concentration dans le milieu où on le retrouve. « Tout est poison, rien n’est poison, seule la dose fait la différence », constatait fort justement Paracelse, dès la Renaissance. Certains produits, les médicaments par exemple, peuvent avoir un effet bénéfique à faible dose, mais deviennent dangereux à dose élevée. Faut-il pour autant les qualifier de produits toxiques ? Comme on l’a vu au chapitre précédent, le risque est souvent lié au degré d’exposition à une substance, avec un effet de seuil associé à la dangerosité d’un produit. Ceci se vérifie même pour des produits usuels comme le sel, le sucre, voire le vin. Ce seuil a fréquemment été fixé à la limite de détection de la substance dans l’environnement. Or les progrès considérables accomplis en chimie analytique, font que l’on arrive aujourd’hui à détecter des substances à des doses infinitésimales. La ppm (partie par million – 10-6) est chose courante, la ppb (partie par billion – 10–9) est de plus en plus accessible, enfin la ppt (partie par trillion – 10 –12) commence à être possible pour de nombreux produits. La ppt représente un gramme dans un million

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de tonnes1. Le fait que l’on soit capable désormais de détecter des composés à d’aussi faibles doses, ne change évidemment rien à leur toxicité intrinsèque et une réglementation basée uniquement sur la limite de détection, n’a plus de base scientifique solide. C’est pourquoi on parle dorénavant de DNEL (Derived No Effect Level ou dose dérivée sans effet), qui correspond au niveau d’exposition en dessous duquel aucun effet nocif n’est attendu. D’autres critères doivent également être pris en considération : XX tout d’abord la bio-accumulation. Nous pouvons être exposés à une substance à des teneurs largement inférieures à son seuil de toxicité, mais, si nous ne la métabolisons pas, ou ne l’éliminons pas, elle va s’accumuler dans notre organisme où elle pourra finir par atteindre ce seuil. Ce risque concerne tout particulièrement la chaîne alimentaire : certaines espèces, notamment des mollusques, ont un potentiel élevé de bio-accumulation. C’est pourquoi il est important de détecter la présence de certains produits tout au long de cette chaîne alimentaire ; XX un autre critère important est celui de synergie, ou son contraire d’antagonisme, entre produits. Une substance considérée comme anodine, peut, en présence d’une autre ou dans des conditions différentes, devenir dangereuse. L’inverse est également vrai. C’est pourquoi les conditions d’utilisation sont aussi importantes que le produit lui-même. Dans ce domaine, les études épidémiologiques deviennent incontournables. On peut leur reprocher de n’être que des études a posteriori, mais elles fournissent des informations indiscutables pour confirmer ou infirmer la nocivité de substances dans un environnement donné. C’est malheureusement un secteur pour lequel nous avons un déficit de scientifiques, à la fois compétents et disponibles, pour mener à bien de telles études. Ces différents critères sont utilisés pour établir les réglementations concernant les produits chimiques, dont le règlement REACh en Europe. Bien qu’élaboré dans une large concertation, les industriels de la chimie sont restés plutôt réservés vis-à-vis du règlement REACh qu’ils jugeaient difficile et coûteux à mettre

Cela représente de l’ordre de 1 gramme sur la totalité du volume du lac de Serre-Ponçon ; un petit fond de cuillère à café !

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en œuvre. Mais à l’orée d’un processus difficile, ils ont convenu, du moins les grands groupes, que cela pouvait devenir un atout compétitif sur un marché devenu mondial.

LE RÈGLEMENT REACh Le règlement REACh, élaboré par la Communauté européenne en concertation avec les industriels, a été promulgué en 2007 pour combler les lacunes de la réglementation existante et répondre aux attentes de nombreuses « parties prenantes » qui se plaignaient de l’omniprésence des produits chimiques et de leurs impacts sur l’environnement et la santé humaine. Il impose aux producteurs et aux importateurs de substances chimiques de réaliser un dossier technique pour chaque substance commercialisée selon un cahier des charges défini par la Communauté européenne. En fonction de la nature et du tonnage de la substance mise sur le marché, ce cahier des charges rassemble les caractéristiques physico-chimiques, les données de sécurité et les propriétés toxicologiques et éco-toxicologiques qui doivent être renseignées pour chaque substance. Celles d’entre elles qui présentent des risques importants, cancérigène, mutagène, reprotoxique (perturbateur endocrinien) ou très persistant dans l’environnement, seront soumises à un régime d’autorisation et feront l’objet de substitution chaque fois que cela sera possible. Ces autorisations, lorsqu’elles sont délivrées, le sont pour des périodes déterminées et pour des usages bien spécifiques. Les dossiers techniques reprennent également une évaluation des risques associés à l’usage et à la fin de vie ainsi que les mesures de prévention recommandées. Ils peuvent conduire à une nouvelle classification de la substance entraînant une modification de l’étiquetage et de nouvelles contraintes d’usage. L’agence européenne des produits chimiques (ECHA), basée à Helsinki, est chargée, avec l’aide des États membres, de vérifier la qualité des dossiers et peut demander des études complémentaires. L’Union européenne impose que les dossiers techniques soient établis en commun par tous les fournisseurs d’une même substance. Elle veille également à ce que les tests sur animaux soient remplacés par des approches équivalentes et qu’ils soient limités à des situations exceptionnelles.

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Le premier cap d’enregistrement pour les substances commercialisées à plus de 1000 tonnes par an dans l’Union européenne, a été franchi le 30 novembre 2010 : 3 400 substances étaient enregistrées à cette échéance, et l’ECHA en prévoit autant pour des substances commercialisées entre 1000 et 100 tonnes, à enregistrer avant fin 2013. L’échéance de fin 2018 peut être considérée comme la date de mise sous contrôle de tous les produits. Le coût de la mise en œuvre de REACh restera très élevé, et, d’une façon ou d’une autre, il sera supporté par les consommateurs européens. L’efficacité espérée justifie-t-elle ce coût ? À l’origine, les industriels étaient assez réservés face à cette initiative. Ils lui reprochaient son coût, les délais excessifs que cela allait exiger, la sous-capacité en laboratoires capables de faire les évaluations, le recours accru à des tests sur animaux. Petit à petit, la concertation a permis de résoudre la majorité de ces problèmes. En outre, les industriels ont intégré que cela devenait un atout compétitif pour les entreprises qui seraient capables de l’anticiper, notamment dans les pays sensibles à la pression et aux attentes des consommateurs, comme les États-Unis ou le Canada qui, de plus, représentent de gros marchés. Cependant, si les grands groupes se sont ralliés à cette initiative, les petites entreprises qui ne disposent pas des mêmes moyens, pourraient se trouver en situation difficile. Hors Europe, des initiatives de même nature ont précédé ou suivi l’exemple de REACh. Dès 1976, une loi : le Toxic Substances Control Act, a été promulguée aux États-Unis avec pour objectif d’évaluer l’impact des produits nouveaux sur la santé et l’environnement. L’Environmental Protection Agency (EPA) a été chargée de sa mise en œuvre et peut également demander des études sur des produits déjà mis sur le marché. Le Canada a adopté une position similaire, c’est d’ailleurs dans ce pays qu’est née la notion de Responsible Care (voir ci-après). Mais l’approche est restée différente entre les deux continents. En Amérique du Nord, la mise en application est basée sur le volontariat et c’est l’usage d’une substance qui conditionne la réglementation à lui appliquer, et non sa formule ; le règlement est basé sur une analyse des risques. En Europe, il s’agit d’un règlement autoritaire, imposé, et basé sur le danger intrinsèque des substances. Une meilleure connaissance des produits chimiques, en particulier en toxicologie et en écotoxicologie, permettra de mieux communiquer sur les

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dangers et les risques des produits, dans le cadre de la mise en œuvre de la nouvelle réglementation internationale : Globally Harmonized System of Classification and Labelling of Chemicals, et devrait ainsi contribuer à améliorer leur perception par le public. La science joue donc un grand rôle pour comprendre les mécanismes d’action des produits, leur impact réel et leur devenir. Nos connaissances scientifiques évoluent et peuvent nous apporter, un jour, des informations sur les effets de certaines substances, inconnus ou imprévisibles lorsque ces substances ont été découvertes. Cette évolution a amené, à de nombreuses reprises, l’industrie chimique à réagir et à s’adapter à ces nouvelles situations pour proposer des substituts à des produits s’avérant incompatibles avec la préservation de notre environnement ou de notre santé.

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« Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme »2, dit une autre formule célèbre, de Lavoisier cette fois-ci. Les molécules d’une substance peuvent être détruites, mais les atomes qui les constituent pourront se recombiner à d’autres pour donner de nouvelles substances. Le carbone et l’hydrogène contenus dans les molécules d’hydrocarbures, donneront par combustion du gaz carbonique et de l’eau, mais resteront atomes de carbone et d’hydrogène. Le devenir des produits chimiques, après usage, revient donc à « réassembler » les molécules sous des formes plus acceptables par l’environnement. Cette transformation peut s’effectuer de façon naturelle par la photo-oxydation ou la biodégradation des produits. La grande majorité des produits étant biodégradables, soit de façon aérobie (en présence d’oxygène), soit de façon anaérobie (dans les milieux pauvres en oxygène), ils se décomposent, sous l’action de micro-organismes, pour donner des produits dérivés, les métabolites, pouvant, à leur tour, conduire à des molécules très simples comme l’eau, le gaz carbonique ou le méthane. Toutefois les processus de biodégradation étant souvent lents en milieu naturel, des traitements biologiques ont été conçus pour les accélérer et surtout pour les effectuer de manière contrôlée. Cela peut se faire aussi bien par voie aérobie que par voie anaérobie. Il faut

Paragraphe d’une pensée attribuée à Anaxagore : « Rien ne naît ni ne périt, mais des choses déjà existantes se combinent , puis se séparent de nouveau ».

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également surveiller de près la formation des métabolites, certains d’entre eux pouvant s’avérer plus dangereux que le produit d’origine. C’est une raison supplémentaire pour n’effectuer ces traitements que dans des stations conçues pour cela et ne pas confier le travail à la nature seule, souvent hors de tout contrôle, comme dans certaines décharges sauvages, heureusement de plus en plus rares, au moins dans les pays développés. Il faut aussi se méfier d’une attitude qui, considérant qu’un produit est biodégradable, inciterait à le rejeter directement dans la nature, laissant à celle-ci le soin de le détruire. Une autre technologie d’élimination fort utilisée, mais régulièrement contestée, est l’incinération. Alors que, dans l’Antiquité, le feu avait la réputation de tout purifier, aujourd’hui l’incinération de nos déchets est mal acceptée par l’opinion publique. Certes, la combustion de certains produits peut entraîner l’émission dans l’atmosphère de composés potentiellement dangereux. Les performances des premiers incinérateurs n’étaient à cet égard pas rassurantes. Mais là encore, ce n’est qu’un problème de technologie, les incinérateurs modernes sont conçus pour traiter leurs émissions toxiques. Ils permettent également de récupérer de la chaleur susceptible d’être valorisée, ce qui améliore les bilans énergétiques. Une autre voie, bien que connue de tout temps, connaît actuellement un fort développement : il s’agit de la méthanisation qui n’est autre qu’une biodégradation en milieu pauvre en oxygène. Elle conduit à du méthane (gaz naturel) et du compost pouvant être valorisés. Pour des raisons à la fois économiques et écologiques, la voie moderne de gestion de nos déchets est la récupération et le recyclage. Au niveau des déchets domestiques, la récupération est le maillon faible du procédé, car elle nécessite une collecte et un tri qui ne sont pas toujours simples, ni économiques à mettre en place et, surtout, une discipline qui n’est pas encore intégrée dans les comportements. Un très gros effort de sensibilisation et d’éducation reste à faire à ce niveau-là : malgré la mise en place par des organisations spécifiques (Écoemballage) de conteneurs dédiés à la récupération sélective, une quantité importante de déchets domestiques est encore rejetée sans tri préalable, ou mal effectué. Au niveau industriel en revanche, cette collecte est entrée dans les usages. Le recyclage, lui, n’est qu’une question de technologie et de coût. La plupart des matériaux sont aujourd’hui recyclables : verre, aluminium, plastiques, soit par un recyclage « produit » (bouteille de verre), soit par un recyclage « matière » (canette en aluminium). Ceci concerne autant nos déchets  

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domestiques que les déchets industriels ; aujourd’hui la majorité des composants des voitures est recyclée, de même que ceux des téléviseurs, des appareils électroménagers, et de bien d’autres équipements. Ceci étant, ce n’est pas parce qu’un produit est recyclable qu’il est réellement recyclé, comme le montrent les accumulations de nombreux déchets, la plupart recyclables, dans notre environnement, en particulier dans le milieu marin. Il faut également tenir compte de la sophistication croissante des nouveaux matériaux qui associent plusieurs matières premières et rendent ainsi plus complexe leur recyclage. Le principal problème lié au devenir des composés chimiques est celui des produits disséminés, souvent à faible dose, dans l’environnement : engrais dans les nappes phréatiques, pesticides dans les rivières ou dans les sols. Certains de ces produits, qualifiés de persistants car difficiles à dégrader, peuvent avoir des durées de vie dans l’environnement très longues. Ils finissent par s’accumuler dans les milieux et y atteindre des concentrations pouvant dépasser les seuils de tolérance. Cela reste une grave préoccupation, avec en particulier les teneurs élevées en pesticides retrouvées dans les cours d’eau. Des progrès apparaissent, notamment avec l’agriculture raisonnée, ce qui devrait permettre de limiter les rejets liés à l’usage de ces produits, mais il faudra gérer le passé.

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PRODUITS NATURELS OU PRODUITS SYNTHÉTIQUES ? Nous avons spontanément tendance à croire que ce qui est naturel est meilleur que ce qui est synthétique. Ce qui est perçu comme bon, c’est le produit de la vie, biologique, naturel. A contrario, le produit fabriqué par l’homme, synthétique, artificiel, est fréquemment perçu comme mauvais ou dangereux. Tous sont cependant des produits chimiques ayant souvent la même formule moléculaire. Les produits naturels que nous consommons aujourd’hui, ont en fait été « synthétisés » par des végétaux ou des animaux, et nous les apprécions. Pourquoi n’apprécierions-nous pas les mêmes, lorsqu’ils ont été synthétisés par l’homme ? Des produits que nous qualifions de « biologiques », sont souvent le résultat de modifications génétiques. Les tomates, même « bio », sont toutes issues d’un fruit andin toxique. Les blés et maïs actuels ont pour origine des ancêtres, à deux ou trois grains, respectivement l’égilope et le théosinthe. Beaucoup de produits naturels sont extrêmement toxiques, le curare, ou dangereux, l’amiante. Ce n’est pas l’origine d’un produit qui crée sa dangerosité mais sa structure moléculaire et son utilisation. Depuis le temps des alchimistes, l’homme a essayé de copier la nature dans ce qu’elle avait de bien, mais hélas parfois aussi, dans ce qu’elle avait de moins bien. Le chimiste ne fait que fabriquer par divers procédés ce que la nature a fait elle-même par voie biologique. La molécule finale qui constitue la matière active reste la même. La voie synthétique présente au moins deux avantages. Le premier, c’est qu’elle permet de ne pas épuiser les ressources végétales et animales pour

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fabriquer nos produits ; le second, c’est que les produits naturels ne sont généralement pas purs, mais accompagnés d’autres substances qui peuvent avoir des effets néfastes. Par des processus chimiques adaptés, on peut réussir à n’obtenir que la seule molécule véritablement active. Cela étant, l’homme a également créé des molécules qui n’existaient pas dans la nature pour répondre à des besoins nouveaux, pour gagner en efficacité, pour améliorer son confort. Pour ces molécules-là, il faut se demander si elles sont vraiment utiles et vérifier, avant leur mise sur le marché, si l’équilibre avantages/ inconvénients est réellement favorable.

L’AMIANTE : UN EXCELLENT PRODUIT NATUREL DANGEREUX Qui, parmi les individus de plus de 40 ans, n’a pas été un jour en contact avec de l’amiante ? Ce produit naturel dont l’une des carrières se situe sur le site prestigieux du Cap Corse a été largement utilisé dans nos maisons, dans nos voitures, dans nos bâtiments industriels, dans nos écoles. Les laboratoires de chimie regorgeaient de dispositifs de chauffage pour les réacteurs, la grande majorité d’entre eux contenait de l’amiante. Il faut reconnaître que les propriétés exceptionnelles de l’amiante comme isolant, ignifuge, protecteur de la chaleur, ont favorisé le recours à ce produit pour de très nombreuses applications. En outre, la toxicité de l’amiante ne se révèle que très tardivement après une exposition : 15 à 20 ans pour l’asbestose, 30 à 40 ans pour le cancer du poumon et autant, voire plus, pour le mésothéliome (cancer de la plèvre). C’est par l’inhalation de ses fibres que l’amiante est dangereuse pour notre système respiratoire. Le caractère cancérogène de l’amiante n’est connu que depuis les années 50. Des mesures ont été prises en France à partir de 1978 pour réduire les quantités d’amiante dans notre environnement, avant d’arriver à une interdiction totale. Mais cela n’a pas clos le dossier pour autant, car de nombreuses personnes avaient été exposées avant que le caractère cancérogène de l’amiante ne soit découvert puis confirmé. Il a alors fallu éliminer l’amiante des nombreux lieux où elle se trouvait avec des mesures de protection exceptionnelles. On est tout de même en droit de s’interroger sur le temps, 28 ans, mis pour réagir à la suite de la confirmation des effets cancérogènes de cette fibre minérale.

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Produits naturels ou produits synthétiques ?

L’amiante est pratiquement un cas d’école. Ce produit naturel est doté de propriétés fort intéressantes, il extrêmement dispersé dans notre environnement, mais sa nocivité ne se révèle que très tardivement. Tous les ingrédients se sont ainsi trouvés réunis pour générer une grave crise de santé publique.

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Conclusions : quel avenir pour les produits chimiques ?

CONCLUSIONS : QUEL AVENIR POUR LES PRODUITS CHIMIQUES ? Il est difficile de conclure sur un tel sujet. Les produits chimiques, qu’ils soient d’origine naturelle ou synthétique, sont devenus indispensables dans notre mode de vie moderne. Ils interviennent à toutes les étapes de notre quotidien : nourriture, habillement, santé, habitat, transport, télécommunications… Nous les côtoyons par centaines tous les jours. Il est donc difficilement imaginable de s’en passer. Mais, d’un autre côté, certains de ces produits peuvent avoir des effets secondaires, poser des problèmes environnementaux ou de santé publique à court, ou, plus pernicieusement, à long terme ; d’autres répondent à des besoins pas toujours avérés. L’avenir des produits chimiques passe donc par la recherche du bon équilibre entre leurs apports positifs incontestables, d’une part, leur bonne utilisation, leur bonne élimination et la gestion des effets secondaires qu’ils peuvent générer, d’autre part. Dans ce contexte, les critiques formulées à l’égard des produits chimiques, doivent être considérées comme un véritable défi pour l’ industrie. Les connaissances scientifiques ayant évolué, les industriels de la chimie peuvent proposer aujourd’hui de nouveaux produits beaucoup plus performants et présentant moins d’impacts négatifs sur notre environnement et sur notre santé. Ces produits sont plus sûrs et mieux adaptés à nos besoins, mais aussi, il faut en être conscient, souvent plus chers. En outre, il est désormais possible de mieux détecter les produits chimiques – quelle que soit leur origine, naturelle ou artificielle – dans l’environnement, nous connaissons mieux leur comportement, leur devenir et

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savons mieux gérer leur élimination. Les craintes liées aux éventuelles lenteurs dans les évaluations des effets toxiques des produits, sont en train de s’estomper. Des progrès récents permettent d’anticiper les propriétés physico-chimiques et toxicologiques des substances, grâce à des techniques rapides de « screening » des toxicités potentielles et des modèles de prévision. Il est donc probable que les produits chimiques ont encore un grand avenir, à condition toutefois : XX que des recherches se poursuivent pour trouver des substituts acceptables aux produits posant encore, ou susceptibles de poser des problèmes ; XX que d’autres recherches permettent de mieux évaluer et anticiper leurs effets en tenant compte des risques réels qu’ils peuvent générer, à partir d’études toxicologiques et écotoxicologiques fiables, réalistes, aussi proches que possible des conditions réelles d’emploi ; XX que l’on s’oriente vers une utilisation « raisonnée » des produits chimiques pour le bon usage, à la bonne dose, en les réutilisant/recyclant chaque fois que cela est possible, et surtout sans promouvoir une boulimie de consommation lorsque le besoin ne l’exige pas ; XX que les réglementations tiennent compte de l’équilibre avantages/inconvénients des produits mis sur le marché, en pesant bien les apports positifs et les risques, et en n’imposant pas des mesures excessives de protection ; XX qu’une information objective soit faite sur les produits ainsi que sur leur utilisation. C’est un problème d’éducation qui devrait conduire à mieux les connaître et, par voie de conséquence, à mieux les utiliser ; XX que des procédures d’indemnisation soient prévues pour venir en aide aux victimes d’effets secondaires insoupçonnés de produits chimiques. Ce sont ces différentes considérations qui ont conduit au concept de « Responsible Care » développé par les industriels de la chimie. Considéré à l’origine comme une « chimie vertueuse », ce concept a évolué vers une « chimie verte », qui incite l’industrie chimique à consommer moins de matières premières, moins d’énergie, à mieux gérer ses déchets et à s’engager dans une vraie politique de recyclage, pour proposer des produits de plus en plus propres et plus sûrs. Cette tendance est désormais intégrée dans les stratégies de développement de la majorité des entreprises chimiques de la zone OCDE, et elle commence à se propager dans les pays émergents. Elle est devenue incontournable, mais il faudra

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Conclusions : quel avenir pour les produits chimiques ?

veiller à éviter deux écueils : les petites entreprises qui ne pourraient pas faire face à ces exigences et qui pourraient alors être mises en péril, et les importations de produits à partir de pays n’ayant pas adopté les mêmes critères de progrès. La propagation de ce concept ne pourra que concourir à donner une meilleure image de l’industrie chimique. Pourrions-nous vivre sans produits chimiques ? Probablement pas, sachant que nous serons bientôt 9 milliards d’individus sur cette planète, qu’il faudra les nourrir, les vêtir, etc. et que les ressources naturelles ne pourront y pourvoir, au risque de s’épuiser très rapidement. Pourrions-nous vivre avec moins de produits chimiques ? Sans aucun doute. D’énormes progrès ont déjà été réalisés. Les sacs plastiques par exemple, tant décriés, contiennent dix fois moins de matière qu’il y a 20 ans. Mais ce n’est pas suffisant, les produits chimiques ont besoin d’être beaucoup mieux connus, mieux perçus par le public. Pour cela législateurs, chercheurs, industriels, enseignants, utilisateurs, médias, doivent unir leurs efforts, pour promouvoir le développement de produits de qualité, c’est-à-dire à la fois efficaces et ayant le minimum d’impact possible sur l’environnement et la santé, et pour améliorer les conditions d’utilisation et les procédures d’élimination. Le développement de notre société, ne peut se faire sans le recours à des produits chimiques. Le développement durable passe par la mise sur le marché de produits répondant à l’ensemble des critères énoncés ci-dessus.

QU’APPELLE-T-ON « RESPONSIBLE CARE » ? En 1985, l’industrie chimique mondiale a lancé le concept de « Responsible Care », un engagement de progrès en sécurité, environnement et protection de la santé. Initié au Canada, ce programme volontariste a été rapidement étendu, dans un premier temps aux États-Unis, puis en Europe, enfin dans le reste du monde. À l’heure actuelle, une soixantaine de pays sont impliqués dans cette démarche volontaire. Cet engagement, pris au niveau mondial et dans chaque pays, par les responsables des entreprises, vise à améliorer le fonctionnement et les performances de l’industrie chimique, aussi bien lors de la production dans les usines, que lors du transport, de l’utilisation chez les clients et de l’élimination des produits après usage. C’est donc une approche très globale

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depuis la conception des produits jusqu’à leur fin de vie. Cela implique une évaluation des risques sous tous leurs aspects et aux différentes étapes, afin de maîtriser ces risques et de les réduire. Les entreprises veillent ainsi à limiter leur impact environnemental et le recours aux ressources naturelles. La gestion responsable des produits exige également une meilleure information des clients et des utilisateurs sur les risques liés aux produits et les mesures de prévention à respecter lors de leurs usages. L’entreprise signataire va au-delà du respect des dispositions réglementaires, si elle l’estime nécessaire, et met en œuvre les recommandations de la profession ainsi que les meilleures pratiques industrielles. Cette démarche de progrès est accompagnée d’un esprit d’ouverture et de dialogue avec les « parties prenantes » : autorités administratives, voisinage, prestataires, clients, associations… Elle inclut également une volonté de partage avec les confrères portant sur les bonnes pratiques industrielles via les fédérations professionnelles, ainsi que des programmes de recherche pour l’approfondissement des connaissances (« Long Range Research Initiative » : depuis plus de dix ans, des recherches sont financées au niveau mondial sur de grandes problématiques telles que les estrogéno-mimétiques) et sur des projets plus basiques comme le recyclage des solvants usagés ou celui des matières plastiques. Un autre programme, conduit en coopération avec l’OCDE, a permis d’évaluer depuis 1998 les propriétés toxicologiques et éco-toxicologiques de 1000 produits. Enfin, « Responsible Care » est un programme majeur de transfert de technologies et de bonnes pratiques vers des pays en développement qui ne disposent pas d’une réglementation bien établie ou bien appliquée. Cette initiative mondiale, mise en place au sein de l’industrie chimique dès la fin des années 80, rassemble les fondamentaux des exigences de développement durable, et a fait l’objet d’une charte, signée à Dubaï.

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Quelques références utiles

QUELQUES RÉFÉRENCES UTILES

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Nutrition et cancer : expertise collective ANSES-INSERM, mai 2011. http://www.anses.fr/Documents/NUT2007sa0095Ra.pdf Étude de l’alimentation totale française 2 (EAT2). Avis de l’ANSES, rapport d’expertise, juin 2011. Perturbateurs endocriniens : le temps de la précaution, rapport de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, juillet 2011. Pesticides et santé : rapport de l’Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques, Claude Gatignol et Jean-Claude Étienne, 2010. Rapport Ecophyto R&D INRA : quelles voies pour réduire l’usage des pesticides, janvier 2010. Sur le site de l’AFSSET : Rapport « Exposition de la population générale aux résidus de pesticides ». Synthèse et conclusions « des travaux conduits par le groupe d’étude rattaché au comité d’orientation prospective scientifique de l’observatoire des résidus des pesticides relatifs à l’exposition aérienne ». Comment les chercheurs peuvent-ils répondre aux enjeux de REACh ? Rapport des travaux menés en 2008 et 2009 dans le cadre de l’expertise collective du CNRS et l’atelier de réflexion prospective de l’ANR sur REACh (CNRS-APESA-INERIS-ANR). Mieux comprendre les pollutions chimiques marines. Dossier pédagogique du CEDRE et de Transports Canada : [email protected] La chimie et l’alimentation pour le bien-être de l’homme. Collection Actualité chimique. EDP Sciences, 2010.

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La chimie et la santé au service de l’homme. Collection Actualité chimique. EDP Sciences, 2010.

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Annexes

ANNEXES

En guise d’illustrations, nous proposons, ci-dessous, une série d’annexes sur quelques familles de produits chimiques, parmi les plus courants, en mettant en évidence leur rôle, les risques associés et les progrès apportés.

1. Les détergents Qu’y a-t-il de commun entre une lessive, un produit pour vaisselle, un shampooing, un bain moussant ? Tous ces produits d’usage quotidien, sont le résultat d’une formulation mettant en œuvre un ensemble de composants parmi lesquels on trouve toujours un produit tensioactif ainsi qu’un certain nombre d’additifs. Une telle formulation est souvent appelée du nom impropre de détergent. La définition précise de la détergence est le pouvoir de séparer un corps de ses salissures. À ce titre l’eau est un bon détergent, il suffit de mettre un linge boueux dans de l’eau, pour voir la boue se détacher de son support. Mais cela ne suffit pas à faire ce que l’on appelle aujourd’hui un détergent. En effet, il faut non seulement laver le support, mais aussi empêcher que les salissures ne se redéposent, tenir compte de la dureté de l’eau et de bien d’autres qualités que l’on exige d’une formulation détergente. Ensuite, selon l’utilisation de cette formulation (lessive, shampooing…), il faudra y incorporer d’autres additifs, par exemple pour donner un brillant ou de

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la souplesse aux cheveux. Le composé de base de toute formulation détergente est un tensioactif, c’est-à-dire un composé qui permet de disperser dans l’eau, qui reste le composant principal de ces formulations, des produits qui n’y sont pas normalement solubles. Ceux-ci agissent en abaissant la tension superficielle d’un liquide, ce qui permet de stabiliser des dispersions aqueuses de particules, de stabiliser des émulsions, avec pour conséquence d’ôter les salissures d’une surface et d’éviter leur redéposition. Les premiers agents de surface connus sont les savons, utilisés depuis plus de 3 000 ans. Il s’agit de sels métalliques d’acides gras. Mais leur utilisation est difficile, voire impossible, avec des eaux « dures » dont les ions calcium et magnésium remplacent les ions sodium et potassium des savons, et forment des précipités qui entraînent avec eux les salissures. Toujours très utilisés pour les produits cosmétiques, les savons ont été petit à petit remplacés par des composés synthétiques appelés surfactifs, tensioactifs et finalement détergents. Ces derniers composés contiennent : XX une tête polaire : une fonction sulfonate ou sulfate pour les anioniques, un sel d’ammonium quaternaire pour les cationiques, ou encore un groupe polaire non ionique (amphotère) ou qui porte les deux charges, positive et négative (zwitterionique) ; XX la chaîne, ou corps hydrophobe, qui comporte une chaîne hydrocarbonée avec ou sans cycles aromatiques. Ces produits ont de nombreuses applications industrielles, mais nous les rencontrons quotidiennement comme produits de nettoyage ménager ou comme cosmétiques. Les produits de ménage : ce sont des formulations très complexes que l’on retrouve, soit sous forme liquide, soit sous forme de poudre et qui, outre l’agent tensioactif, contiennent principalement : XX des agents anti-déposition : polymères, sels de carboxyméthylcellulose ; XX des agents anticalcaire ou adoucissants : tripolyphosphate de sodium, zéolithes ; XX des agents de blanchiment : perborates, percarbonates ; XX des conservateurs, des agents anticorrosion, des parfums, voire des enzymes ou des azurants optiques.

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Les cosmétiques forment une famille plus diverse de produits que l’on peut classer en produits d’hygiène corporelle et produits de soin. Là aussi les formulations sont extrêmement complexes pour répondre aux nombreuses exigences du consommateur. Pour ne prendre que l’exemple d’un shampooing, celui-ci doit contenir un mélange de tensioactifs, peu agressifs pour l’épiderme, mais générant un volume important de mousse (un shampooing qui ne mousse pas est ressenti par l’utilisateur comme non efficace), des agents anticalcaire pour donner de la souplesse aux cheveux, des agents hydratants (glycérine), des agents épaississants (chlorure de sodium, polymères hydrosolubles), des correcteurs de pH, des conservateurs, des conditionneurs (démêlants, suppresseurs d’électricité statique), des produits de soin (antipelliculaires, anti-poux), des colorants, des fragrances, des pigments… Enfin, bien sûr, de l’eau qui représente 75 à 80 % du contenu. La complexité des formulations se retrouve dans la façon dont il faut gérer leurs rapports avec l’environnement. Plusieurs directives européennes encadrent l’utilisation et la commercialisation des différentes substances évoquées ci-dessus. Il existe des listes d’agents pouvant entrer dans ces formulations et des listes excluant certaines substances. Pour ne pas alourdir ce document nous nous limiterons à deux caractéristiques essentielles exigées des détergents : XX la biodégradabilité : les savons naturels sont biodégradables, alors que les premiers tensioactifs de synthèse ne l’étaient pas, ce qui a eu pour conséquence leur accumulation dans les cours d’eau et des phénomènes de mousse. Rapidement, la biodégradabilité a été reconnue comme une caractéristique indispensable pour les tensioactifs, ce qui a entraîné la disparition des chaînes hydrocarbonées ramifiées. Plus récemment, de nouveaux détergents, dont certains d’origine naturelle à partir de biomasse, sont apparus et remplacent progressivement les produits difficiles à détruire ; XX la toxicité et l’écotoxicité : avant d’être autorisé à être mis sur le marché, un détergent, comme tout nouveau produit, est désormais examiné du point de vue de sa toxicité et de son écotoxicité. Ainsi des dérivés phénoliques ont été interdits en raison de leur possible propriété de perturbateur endocrinien provoquant une diminution de la fertilité. De la même façon, les phosphates qui ne sont pas à proprement parler des produits toxiques, mais qui constituent un nutriment pour la flore dont la prolifération peut contribuer à l’eutrophisation des milieux aquatiques et se traduire par une diminution

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de la quantité d’oxygène disponible pour la vie dans ces milieux, ont été remplacés par des zéolithes ou des polymères ; enfin les parabens (para hydroxy benzoates) qui sont des agents antibactériens et antifongiques considérés comme cancérigènes potentiels ou perturbateurs endocriniens et sont progressivement éliminés. Ces exemples sont très démonstratifs du métier des chimistes. Ceux-ci doivent en effet proposer au consommateur des produits répondant à ses attentes, ce qui exige une grande complexité des formulations, mais d’un autre côté ils doivent veiller à ce que les produits qu’ils proposent, ne génèrent ni nuisances dans l’environnement, ni problèmes de santé. On peut considérer aujourd’hui que les détergents commercialisés répondent à ces critères.

2. Les additifs alimentaires Nos habitudes alimentaires ont beaucoup changé au cours du siècle dernier. Si nos grands-mères avaient l’habitude d’aller quotidiennement au marché, désormais avec l’apparition des réfrigérateurs, des congélateurs, les courses alimentaires ne sont souvent faites qu’une fois par semaine, avec un recours important aux produits emballés, surgelés et aux conserves. Cela a exigé, pour des raisons d’hygiène évidente, que ces nouveaux aliments soient conditionnés pour une durée de vie plus longue, d’où, notamment, le développement des conservateurs. Enfin nos goûts ont évolué et nous avons tendance à vouloir qu’un même aliment ait toujours la même saveur. Ceci a entraîné le développement de nombreux additifs alimentaires, ainsi qu’ un débat entre une alimentation traditionnelle ou « bio » et une alimentation permettant de répondre à une consommation de masse, avec l’idée assez répandue que tout ce qui est naturel ou « bio », est bon, et que ce qui est synthétique est suspect. Prenons l’exemple de l’additif alimentaire E300 : la nomenclature officielle le désigne comme le (5R) -5- [(1S) -1, 2-dihydroxyéthyl] 3, 4-dihydroxyfuran-2 (5H) -one. On le trouve dans de très nombreux aliments « industriels », mais tout autant, et c’est bien le même, dans les fruits cultivés dans les vergers. Il s’agit en effet de l’acide ascorbique, plus communément appelé vitamine C. C’est une bioamine aux nombreuses propriétés, notamment antioxydantes.

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Qu’elle soit synthétisée naturellement ou artificiellement, le produit de départ est le sucre classique : le glucose. Quand elle s’appelle vitamine C, elle est appréciée, mais étiquetée E300, on s’en méfie ! L’approche anglo-saxonne consiste à dire que ce qui compte c’est le produit ; l’approche européenne privilégie plutôt le comment est obtenu le produit. C’est ainsi que l’Europe a mis en place une législation complexe concernant les arômes alimentaires, comme la vanille, en distinguant le « naturel » (vanilline extraite par des procédés physico-chimiques, de la gousse), du « identique au naturel » (vanilline obtenue par traitement de la lignine du bois, aussi naturelle que la gousse). La différence, dans ce cas, réside dans le prix de vente du produit, bien plus élevé pour le premier. Mais elle réside aussi, et c’est le cas pour les produits de synthèse, dans le fait que les composés sont connus dans leur structure, que la composition d’éventuels mélanges est connue quantitativement et que leur qualité est constante. Les produits naturels sont généralement des mélanges complexes, dont souvent seuls les composants principaux sont connus. En fonction du lieu de production, de la période de récolte, des modes de stockage, le mélange peut être très différent, et donc le goût irrégulier. C’est d’ailleurs par le suivi de certaines impuretés qu’il est possible de détecter des fraudes ou de déterminer l’origine géographique du produit, comme le vin par exemple. Mais certaines impuretés peuvent être toxiques et ce sont les méthodes de la chimie qui permettront de les détecter et de les éliminer.

Les additifs texturants La texture des aliments joue un rôle essentiel dans notre alimentation. Le lait par exemple peut être consommé sous diverses textures : liquide (lait frais), épaissie (crème dessert), gélifiée (flan), fermenté (fromage), aérée (mousse), congelée (crème glacée), etc. Il en va de même pour les matières grasses (vinaigrette, mayonnaise, beurre, crème fouettée) ou les fruits (jus, confiture, pâte de fruit, bavarois, sorbet). Divers ingrédients « naturels » (œufs, farine et autres) permettent d’obtenir cette texture, sensoriellement décisive. Très généralement, il s’agit, soit de protéines, soit de polysaccharides. Les protéines texturantes sont issues du règne végétal comme le gluten de blé, les protéines de soja ou de pois, mais aussi du règne animal comme la gélatine, les

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protéines de lait ou d’œuf. Les polysaccharides, sucres complexes, peuvent provenir, soit des plantes comme l’amidon, les pectines, la caroube…, soit des algues comme les alginates, les carraghénanes, l’agar-agar, ou encore par fermentation à partir de micro-organismes, comme le xanthane, le scléroglucane, la gomme gellan. Ce sont à l’origine des produits parfaitement « naturels », dont les noms nous sont familiers. C’est le cas de la gélatine, du gluten de blé, de l’albumine de l’œuf, ou de la pectine des marcs de pomme utilisée pour fabriquer les confitures artisanales. Ces ingrédients sont utilisés dans de nombreux produits commerciaux comme additifs alimentaires. Les fabricants sont tenus de les déclarer sur les emballages, soit par leur nom, soit sous forme de code. En tant qu’agents texturants, ils sont codifiés dans la série des E400. Les galactomannanes tels que la farine de caroube (E410) et la gomme de guar (E412) sont utilisés dans de nombreuses compositions alimentaires, seuls ou en association. C’est le cas pour des produits céréaliers tels que le pain sans gluten, ce dernier étant parfois à l’origine d’allergie, notamment chez l’enfant. Dans les boissons dites « sans sucre » (ou allégées ou « light »), le sucre naturel est remplacé par un édulcorant moins calorique, mais qui apporte malgré tout la saveur sucrée exigée du consommateur. Pour compenser la diminution de viscosité observée, responsable d’une impression désagréable en bouche, on ajoute un peu de guar, de xanthane ou de pectine (E440).

Couleur et colorants alimentaires (Série des E100) Comme la texture, la couleur est un élément essentiel de l’attirance du consommateur vers un produit plutôt qu’un autre : ainsi la réticence à acheter d’excellentes tranches de saumon fumé parce qu’il n’est pas d’un rose séduisant, mais plus naturellement d’une teinte gris rosé, ou la difficulté des fabricants à commercialiser le sirop de menthe incolore… C’est que la couleur définit a priori le produit : la première description d’un vin est rouge, blanc ou rosé, comme la bière est blonde, brune ou rousse. La couleur résulte de la présence de composés chimiques, qu’ils soient naturels ou synthétiques, possédant des structures particulières qui n’absorbent pas la longueur d’onde de la teinte désirée : l’orange du β-carotène de la carotte, le violet des anthocyanes du cassis, des mûres, du raisin noir. Comme pour les additifs structurants, le β-carotène (E160) ajouté dans nos aliments, comme certains jus d’orange, peut être

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extrait de la carotte, mais aussi préparé à partir d’algues, ou par fermentation de bactéries. C’est bien toujours le même composé chimiquement pur, quel que soit son mode d’obtention. Le changement de coloration à l’air est un phénomène observé avec de nombreuses plantes : une pomme coupée brunit car les polyphénols qu’elle contient, sont oxydés par l’oxygène sous l’influence d’enzymes : les polyphénoloxydases. Leur activité est ralentie en milieu acide, c’est pourquoi on stabilise habituellement ces morceaux de pomme en ajoutant du jus de citron. En tant qu’additifs, les colorants ajoutés doivent être indiqués sur les étiquettes des emballages alimentaires sous un code de la série E100. Un survol rapide de la liste montre que la plupart d’entre eux sont « naturels » dans l’acception habituelle du terme : extraits de cassis, de peau de raisin, caroténoïdes, flavonoïdes… La définition des colorants alimentaires et la législation associée sont très claires et très régulièrement remises à jour. Le règlement actuel (CE No 1333/2008 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008) définit les conditions qui justifient l’utilisation d’un colorant qui doit servir l’un des objectifs suivants : XX rétablissement de l’aspect initial de denrées alimentaires dont la couleur a été altérée par la transformation, le stockage, l’emballage et la distribution, et dont l’attrait visuel se trouve ainsi diminué ; XX amélioration de l’attractivité visuelle de denrées alimentaires ; XX coloration de denrées alimentaires normalement incolores. L’annexe V du règlement rend désormais obligatoire pour tous les produits mis sur le marché à partir du 20 juillet 2010 et contenant des E102, 104, 110, 112, 124 et 129, l’apposition de la mention « peut avoir des effets indésirables sur l’activité et l’attention des enfants ». Mais certains colorants, souvent employés en raison de leur teinte très particulière, comme le jaune de tartrazine (E102), dans la pâtisserie, les bonbons, les biscuits, seront difficiles à remplacer.

Glutamate, aspartame : les controverses Le glutamate (de sodium ou monosodique), classé comme additif alimentaire (E621) est très largement utilisé comme rehausseur de goût. C’est un acide aminé naturel que l’on trouve dans presque tous les aliments, produits laitiers, viandes, poissons, nombreux légumes utilisés comme accompagnement, comme

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les champignons ou les tomates, … Son intérêt réside surtout dans son rôle de substitut au sel de cuisine dont on connaît les dangers pour la santé, au niveau cardio-vasculaire notamment. En effet, son utilisation permet de réduire la quantité de sodium ingérée de 20 à 40 % sans interférence notable sur les propriétés gustatives des aliments. L’homme produit lui aussi, dans son métabolisme normal, du glutamate dont le rôle est essentiel. Le lait maternel contient d’ailleurs 10 fois plus de glutamate que le lait de vache. À l’origine, il était extrait d’algues ; actuellement il est produit par fermentation bactérienne. Des centaines d’études, de nombreuses évaluations scientifiques ont montré son innocuité, en particulier l’absence de réactions allergiques, les syndromes rapportés ayant comme origine les aliments eux-mêmes, cacahuètes, crustacés… En tant qu’additif alimentaire, la réglementation européenne définit ses conditions d’utilisation. L’aspartame est un édulcorant au fort pouvoir sucrant (200 fois celui du saccharose ; ceux de certains de ses dérivés, les super-aspartames, le sont de 8 000 à 140 000 fois). Il a connu une vogue considérable dès sa commercialisation, dans les années 1970, comme substitut aux divers sucres naturels (glucose, fructose), accusés d’être responsables du surpoids. Il s’agit d’un dipeptide, combinant l’acide L-aspartique et l’ester méthylique de la L-phénylalanine, un des 8 acides aminés essentiels. Contrairement au sucre, il ne peut contribuer ni à la formation de graisses dans les tissus adipeux, ni remplacer le rôle métabolique fondamental du glucose. Sa métabolisation ne produit aucun composé toxique. En Europe, l’aspartame (codé en tant qu’additif alimentaire E951) est autorisé (directive 94/35/CE et 95/31/CE pour les critères de pureté ; directive 2003/115/CE pour un dérivé intense le sel d’aspartame-acésulfame) dans les boissons non alcoolisées (0,6 g/l), les bières (0,6 g/l), les desserts (0,6 à 1 g/kg), les confiseries (0,5 à 1 g/kg), et dans de nombreux aliments et compléments alimentaires (près de 5 000, sans compter les utilisations comme adjuvants ou enrobages en pharmacie). Sa consommation chez l’homme est actuellement autorisée dans plus de 90 pays. En 2002 (l’aspartame a été autorisé en France en 1988), l’agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA) conclut : « La consommation d’aspartame chez l’homme, même dans des populations particulièrement exposées comme les enfants diabétiques, ne dépasse pas la dose journalière acceptable (DJA) ». Des hypothèses concernant le rôle néfaste des aspartames en cas de diabète ou d’obésité avaient été cependant

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formulées, en relation avec une supposée sécrétion d’insuline induite, chute de la glycémie et sensation de faim. Une des dernières controverses sur l’innocuité de l’aspartame date de 2005, lorsque des chercheurs italiens ont annoncé un effet cancérogène sur les cerveaux de rats. L’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), ainsi que de nombreuses autres agences publiques, ont critiqué la rigueur et la fiabilité de la méthodologie mise en œuvre, et ont donc récusé les conclusions de l’étude. La récente apparition d’une nouvelle molécule fortement sucrante, une petite protéine extraite de la graine de Thaumatococcus danielli, la thaumatine, modifiera-t-elle le marché ? L’Afrique de l’Ouest, et surtout le Ghana où la plante est cultivée, sera-t-elle à même de la produire et de l’exporter en quantité suffisante ? Les chimistes seront-ils conduits à en chercher d’autres sources ou à la synthétiser ? À noter que son éventuelle toxicité est, à ce jour, totalement inconnue.

Arômes : autres rehausseurs de goût Il existe environ 2 550 arômes répertoriés dont 70 % sont d’origine naturelle : végétale comme les aromates (cannelle, vanille, menthe, etc.), les arômes de fruits, de légumes, de céréales, les huiles essentielles (citronnelle, lavande, etc.), d’origine minérale ou animale comme les arômes de viande, de poisson, etc. Ils sont extraits par entraînement à la vapeur, par expression à froid ou par infusion. Chacune de ces molécules (ou mélange de molécules) fait l’objet d’une autorisation spécifique, décrivant la molécule elle-même, les sources autorisées à partir desquelles on peut l’extraire, les aliments dans lesquels on a le droit de l’ajouter, et les éléments toxicologiques connus. Le « Blue Book » (deux très gros tomes) édité par la Communauté européenne réunit toutes ces informations. Les 30 % restant sont qualifiés d’identiques au naturel. Comme nous l’avons vu au sujet de la vanilline, ils sont structurellement identiques au composé naturel, mais proviennent de sources plus accessibles et résultent souvent de synthèse partielle à partir de précurseurs abondants. Pour la vanilline, il peut s’agir de gaïacol (présent dans le bois de gaïac), d’eugénol (extrait du clou de girofle) ou même de lignine provenant de déchets de bois. Outre les questions de coût, l’importance des arômes identiques au naturel vient de ce que l’exploitation de leurs précurseurs ne perturbe pas l’environnement, ni la biodiversité.

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L’infime quantité d’arômes véritablement synthétiques est connue et utilisée de très longue date. Ils sont quatorze et leur nombre stagne. Par exemple, l’éthylvanilline est utilisée dans l’alimentation depuis 1930. Plus parfumée, elle permet d’utiliser l’additif alimentaire en moindre quantité.

La conservation et les conservateurs Dans un monde où l’urbanisation est devenue un phénomène irréversible, dans tous les pays, développés, émergents ou en développement, la question de l’approvisionnement régulier en aliments variés et sains de la population citadine est cruciale. Loin du jardin ou de la ferme, la conservation des aliments est donc un problème de santé publique. La chute vertigineuse des cas d’intoxication alimentaire, botulisme des conserves familiales, listériose, salmonellose… démontre à la fois l’importance de l’utilisation des conservateurs et l’efficacité de la surveillance exercée par les instances publiques. Mais cette qualité sanitaire alimentaire, légitimement exigée dans nos pays, doit s’exercer également en amont, lors de l’entreposage des récoltes et même au niveau des cultures. Les conservateurs relèvent du code E200. Cinquante-trois seulement sont répertoriés et autorisés. Comme les antioxydants codés E300, au nombre de 19 dont le BHT ou la gomme de gaïac évoquée précédemment, la plupart sont d’origine naturelle dans l’acception habituelle (extraits de plantes, par exemple), les autres sont artificiels. Tous ont fait l‘objet d’études approfondies, longues et coûteuses, avant autorisation. Leurs critères de pureté et leurs conditions d’utilisation, comme pour les autres additifs, font l’objet de directives régulièrement revues et de plus en plus sévères. Les controverses qu’ils déclenchent parfois, permettent cette évolution, par la multiplication d’études qu’elles induisent, chimiques comme biologiques. Les agents conservateurs sont utilisés pour retarder ou empêcher d’indésirables modifications microbiologiques et les dégradations de la qualité de l’aliment qui en résultent. Ils autorisent le transport, le stockage des denrées alimentaires, transformées ou non, leur distribution en fonction des besoins des ménages et des collectivités. Les antioxydants protègent les aliments des phénomènes d’oxydation par l’oxygène de l’air, la lumière, les traces de métaux. La non-dégradation des graisses est l’une des cibles importantes, dont les fameuses graisses insaturées « bénéfiques pour la santé », omega-3 et omega-6. Ils se classent en 3 catégories, les vitamines

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(E, C, β-carotène), les oligo-éléments (sélénium, cuivre, manganèse et zinc), et des polyphénols dont nous avons déjà vu quelques autres propriétés.

Synthèse En nutrition humaine, la notion d’exposition est importante et fait la différence entre danger et risque. La dose journalière admissible devient alors l’élément de référence. La relation dose-effet est également cruciale. Il est remarquable que l’exposition répétée aux faibles doses de certains composés soit bénéfique alors qu’ils sont toxiques à des doses importantes. La question des additifs alimentaires est d’autant plus complexe que, dans la réalité, il ne s’agit pas d’une molécule unique, mais d’une ou plusieurs molécules dans un contexte lui-même complexe comme la matrice alimentaire. Les processus de transformation en œuvre dans le corps humain, depuis l’ingestion (rôle de la salivation, de la mastication) jusqu’à la digestion (rôle des sucs digestifs, du métabolisme et des capacités de défense individuels, lesquels dépendent aussi de la nourriture ingérée, et sont par exemple, différents lorsque l’on mange du pain blanc ou du pain complet !) sont également d’une étonnante complexité. L’ampleur de la question, et ses retombées en matière d’économie et d’emploi, sont traduites dans les chiffres : le chiffre d’affaire mondial des additifs de saveur et d’arôme a été multiplié par 5 en 30 ans (20, 5 milliards de dollars en 2008). La méfiance vis-à-vis du « chimique » reste vivace alors qu’en matière d’alimentation humaine, cette distinction n’a pas lieu d’être : une molécule est une molécule quelle que soit son origine. L’industrie agroalimentaire, quant à elle, peut parfois être suspectée de pervertir notre goût par l’ajout de molécules inutiles, responsables de véritables addictions au salé, au sucré, …

3. Les matières plastiques Les matières plastiques représentent probablement l’une des plus grandes innovations de l’industrie chimique du siècle dernier. On les retrouve absolument partout grâce aux propriétés que leur confèrent leur légèreté, leur stabilité, leur potentiel de

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recyclage. Elles ont permis de nombreuses avancées technologiques dans de nombreux domaines, en particulier dans le domaine médical. Malgré cela, la réputation environnementale des « plastiques » n’est pas satisfaisante et mérite un examen critique. Car les « plastiques » n’ont pas envahi par hasard notre société : ils résultent d’une longue politique d’innovations dans le domaine de la chimie, avec l’ambition de résoudre un grand nombre de problèmes touchant le citoyen, la ville, la planète. Si leur usage a effectivement, dans certains cas, été exagéré par le consumérisme, il faut revenir aux données de base pour porter un jugement équilibré. L’explosion de la demande des plastiques traduit le succès de découvertes qui ont contribué à la croissance rapide des trente glorieuses. Quatre grands secteurs d’utilisation se sont partagé les applications nouvelles : le textile, l’automobile, l’emballage, le bâtiment.

Le textile Dans le domaine du textile, les plastiques ont répondu aux besoins accrus des populations croissantes, non satisfaits par les matières naturelles : le lin, le coton, la laine… pour l’habillement ou le linge de maison. L’invention du nylon polyamide 6 et 6/6, juste avant la guerre 39-45, a détrôné la soie dont les productions étaient limitées, et a entraîné des substitutions aux produits naturels. De même, l’arrivée des polyesters a permis de faire face à la demande croissante d’habillement, en apportant des qualités nouvelles au lavage, au repassage, encore améliorées aux stades du tissage et du métissage. Ce n’est pas dans ce secteur que les plastiques sont généralement mis en cause, le public ne faisant guère le lien avec l’industrie chimique et les besoins associés en benzène ou paraxylène. L’arrivée de procédés tel que celui de l’usine de Chalampé, permettant de produire le nylon à partir de butadiène, au lieu de benzène issu de la carbochimie, a accompagné un mouvement général vers la pétrochimie, et nul n’envisage un retour en arrière massif vers les matériaux naturels. Il faudrait en effet imaginer les contraintes sur les marchés des produits naturels, les révolutions agricoles entraînant des conséquences imprévisibles, sans oublier l’impact sur la biodiversité. En revanche, il n’est pas interdit de mettre en cause la frénésie des besoins du monde développé, en mesurant leur impact excessif sur les matières premières en quantités limitées à terme. Mais il s’agit alors de l’industrie textile dans

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son ensemble mondial, dont la matière première polymère n’est qu’un composant modeste. Il est du moins un domaine où l’innovation en polymères textiles n’est jamais mise en doute, c’est celui des nouveaux textiles performants, en particulier des aramides avec la filière Kevlar, Nomex, associés au rêve de la conquête de l’espace, avec des retombées sur le sport, champ d’expérimentation idéal pour ces matériaux nouveaux.

L’automobile et l’industrie Depuis leur invention, les polymères ont pénétré les marchés traditionnels de l’automobile : le souci d’allégement a été le moteur principal, mais le silence et la sécurité ont également été recherchés. La centaine de kilos de plastiques divers utilisés dans une voiture remplace ainsi désormais cinq fois leur poids équivalent de métaux, avec un impact favorable sur la consommation en carburant. Les limites à l’allégement viennent cependant du souci de conserver un certain poids pour la sécurité et la tenue de route. Dans le cas des canalisations d’essence, l’avantage vient de leur facilité de mise en œuvre en usine de production. La qualité des tableaux de bord, des revêtements insonorisant, des sièges, des pare-chocs, a bénéficié des atouts des polymères de grande diffusion : ABS, polypropylène, polyuréthanes, etc. Les efforts effectués lors de la fin de vie des véhicules pour le recyclage de tous les matériaux ont porté leurs fruits et conduisent à une moindre mise en cause environnementale des polymères dans l’automobile. Dans un secteur moins visible par le grand public, celui des applications industrielles, les plastiques, grâce à leur facilité de moulage et d’extrusion, ont permis de révolutionner l’industrie des équipementiers : les techniques nouvelles telles que le « laser sintering » ont permis de réaliser des pièces inaccessibles par les techniques classiques, les revêtements de polymères ont contribué à l’anticorrosion, et l’analyse de la valeur a conduit à des réalisations de pièces pour une fonction donnée, sans substitution à l’identique avec les métaux utilisés précédemment. L’entrée des polymères dans les assemblages composites a permis de résoudre des problèmes auparavant insolubles, en combinant les propriétés de matériaux différents : c’est le cas des flexibles pour l’offshore pétrolier, des ombilicaux, des réservoirs d’essence multicouches aux formes complexes, des canalisations de gaz en polyéthylène haute densité, de la robinetterie… Rappelons enfin les réalisations

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remarquables d’utilisation de matières premières renouvelables pour l’obtention de polymères techniques : c’est le cas original du polyamide 11 Rilsan, inventé et développé en France et produit à partir d’huile de ricin.

Le bâtiment L’habitat a été et reste un secteur de forte pénétration des matières plastiques dont les qualités ont permis de révolutionner les applications, notamment dans l’isolation, l’insonorisation, les canalisations et la plomberie. Le PVC lui doit son succès, malgré la part du chlore dans ses matières premières, argument qui peut d’ailleurs se retourner puisque le chlore est dérivé du sel marin, autant de pétrole consommé en moins par rapport aux polyoléfines. Sans le polystyrène expansé, le polyuréthane ou encore les panneaux composites, la conception de la maison à énergie positive serait illusoire. Comme dans les autres domaines, les écobilans « du berceau à la tombe » ou du « puits à la roue » sont nécessaires pour étayer, sans parti pris, toute comparaison avec les matériaux traditionnels renouvelables.

L’emballage C’est dans ce domaine que l’image des plastiques est la plus mauvaise dans le grand public. Deux facteurs sont en cause : l’exagération de l’emballage et la dissémination des déchets plastiques. L’application dans l’emballage n’est pas non plus survenue par hasard : le souci d’allègement du flaconnage et des bouteilles a apporté un plus pour la ménagère ; l’emballage jetable et recyclable du lait a contribué à l’hygiène en association avec les traitements adaptés. Il est intéressant, pour tenter d’y voir clair, d’écouter au Salon de l’emballage les arguments pro domo de chacun des grands emballeurs : la canette aluminium, la canette acier, la bouteille plastique et la bouteille de verre. En fait, on y gagne en perplexité tant est complexe l’écobilan global, en fonction du poids que l’on accorde aux divers paramètres environnementaux. Du moins comprend-on que le choix n’a rien d’évident. Si le verre a été le meilleur par son taux de recyclage, son bilan énergétique est néanmoins lourd et les polymères ont rattrapé peu à peu leur handicap de recyclage, compliqué il est vrai par la multiplication des emballages multicouches.

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Le problème réside plutôt dans la perception de la réelle utilité du suremballage des objets achetés par petits lots, autrefois livrés tels quels, mais moins adaptés au commerce de grande distribution : visserie, ampoules, électroménager. Il y a certes des arguments incontestables tels que la sécurité, la réduction du vol, la protection pendant le transport, mais est-ce une justification suffisante ? Un retour en arrière s’est amorcé vers un emballage prenant mieux en compte les analyses de cycle de vie. Mais c’est dans le sac plastique et l’agriculture que les plastiques ont acquis leur réputation de « pollueurs » du fait de la prolifération, sur les sols et en mer, de déchets visibles. Il faut commencer par mettre en cause l’éducation individuelle des utilisateurs car il est possible de ne pas relâcher de déchets dans le paysage. Ceci concerne autant les plastiques que les canettes de bière ou les boites métalliques qui jalonnent le bord de nos routes et de nos chemins. Les plastiques dits de « paillage » utilisés en agriculture, notamment pour les pieds de vigne, ainsi que les plastiques des serres ont une vraie valeur ajoutée ; il suffirait que l’utilisateur leur évite de s’envoler en fin de récolte pour résoudre le problème. De tels exemples foisonnent et la solution relève, dans les pays d’Europe du Sud, auxquels on fait à tort ou à raison la réputation d’être moins disciplinés que ceux du Nord, d’une politique d’explication, de formation et de recyclage bien organisé, sans négliger le recyclage thermique. La démarche d’Écoemballages va dans ce sens. C’est donc bien d’abord par le secteur de l’emballage que peut se reconstruire une image positive des « plastiques », dont l’utilisation n’est guère contestée dans la grande majorité des autres utilisations.

Un monde d’innovations La profusion des matériaux suscite une compétition dans le domaine des applications toujours plus performantes dans les secteurs de pointe. Les matières plastiques ont été à l’origine de nombreuses innovations. Ainsi nul ne met en cause la fibre de carbone, dérivée du polyacrylonitrile ; il en est de même des polyimides, polysiloxane imides, polysulfones, résistant aux températures élevées. Les membranes polymères Nafion© permettent le développement des piles à combustible et les polyméthylméthacrylates les solutions transparentes et résistantes au choc. Les polymères sont également omniprésents dans les colles, adhésifs et résines. Tous ces produits peuvent à des titres divers être crédités, sous réserve de vérification au cas par cas, d’apport à la réduction

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des émissions de gaz à effet de serre, à l’allégement et au développement durable. Il faut néanmoins examiner avec prudence les solutions telles que les polymères biodégradables dont l’emploi dans notre pays pourrait conduire à davantage de laisser-faire dans la nature : pourquoi gérer les déchets puisqu’ils sont biodégradables ?

La production des plastiques La perception environnementale des polymères dépend aussi de la qualité des usines qui les produisent. En général, les ateliers de polymérisation et de transformation sont classés comme des usines propres. Il n’en est pas toujours de même des usines qui produisent les matières premières. Le passé a connu les drames du chlorure de vinyle monomère, du transport de propylène ou des très hautes pressions de production du polyéthylène. La rigueur imposée par les POI (Plans d’organisation de l’intervention) et les PPI (Plans particuliers d’intervention), a conduit à plus de transparence et à des progrès dans les unités de fabrication des polymères. Ce thème n’est plus guère mis en cause par le public.

Les peurs liées aux progrès de la chimie analytique Les physiciens ont leur part de responsabilité en développant des méthodes de mesure de plus en plus performantes, permettant de détecter les ppb (10–9), voire les ppt (10–12). Ils fournissent ainsi des occasions de préoccupations anxiogènes dont le meilleur exemple récent est le débat sur le taux résiduel de bisphénol A dans le polycarbonate des biberons : il faut savoir qu’un seuil critique ne serait atteint qu’après 8 000 biberons, soit 4 biberons par jour pendant 5 ans et 6 mois ! À mettre en balance avec le bilan énergétique favorable par rapport au verre et le réel progrès des biberons légers et surtout incassables.

LE BISPHÉNOL A : DANGER ? L’Agence de sécurité sanitaire (ANSES) vient de recommander des mesures de protection vis-à-vis du bisphénol A pour les enfants et les femmes

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enceintes. Que faut-il réellement penser de ce produit dont 4 millions de tonnes sont fabriquées chaque année dans le monde ? Le bisphénol A que les chimistes répertorient comme le 4,4’-dihydroxy-2,2 diphénylpropane, est un composé solide, cristallin, envisagé à l’origine comme possible œstrogène de synthèse. Il n’a finalement jamais été utilisé pour cela, son activité étant beaucoup trop faible comparée à celle de l’œstradiol, l’hormone sexuelle femelle ou à celle du distilbène (diéthylstilbestrol). Le bisphénol A est surtout le monomère utilisé dans la fabrication industrielle de divers matériaux plastiques de type polycarbonate et résine époxy. Comme dans toute polymérisation, il reste toujours quelques traces du monomère dans le composé final, ce n’est donc pas un additif. Il est présent depuis plus de 40 ans dans de nombreux produits de la vie courante tels que CD, équipements électriques, vitrages, appareils médicaux, lunettes de soleil, biberons, bouteilles d’eau, boîtes de conserve. Des rapports publiés récemment par l’ANSES mettent en évidence « des effets sanitaires avérés chez l’animal et suspectés chez l’homme (fertilité féminine, problèmes cardio-vasculaires, diabètes), même à de faibles niveaux d’exposition ». Du bisphénol A peut effectivement migrer d’un contenant vers son contenu, effet plus prononcé s’il y a un apport thermique. Ingéré, on le retrouve dans le sang et dans les urines. On estime que 90 % des adultes américains et européens seraient contaminés à des doses extrêmement faibles mais aujourd’hui mesurables avec les technologies modernes d’analyse. Depuis 2009, on suspecte le bisphénol A de migrer à travers la peau et la barrière placentaire, la sensibilité particulière de l’embryon, puis du bébé justifiant en conséquence des études approfondies, notamment épidémiologiques. L’ANSES estime cependant disposer de suffisamment d’éléments scientifiques pour que la protection de ces populations sensibles soit affichée comme une priorité. C’est pourquoi, en l’absence de conclusions définitives et pour éviter tout risque inconsidéré, la France en 2009, comme le Canada en 2008, a interdit la vente de biberons en polycarbonate. Les effets indésirables de certains produits chimiques peuvent ne se manifester qu’après de nombreuses années, comme ce fut le cas pour l’amiante ou le distilbène. Le bisphénol est utilisé en grandes quantités depuis plus de 40 ans, on en retrouve des traces dans toutes les espèces vivantes

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et dans l’environnement. On peut donc raisonnablement penser que des malformations ou des dysfonctionnements graves auraient déjà dû être observés. Mais, face à ce degré d’incertitude, de nouvelles études, notamment épidémiologiques, doivent être engagées pour mieux appréhender les mécanismes d’action du bisphénol A et mieux évaluer les risques encourus. Parallèlement, l’ANSES lance un appel aux industriels pour identifier et développer des produits de substitution.

La conclusion de ce tour d’horizon est que l’industrie chimique dispose avec les matières plastiques d’un atout majeur qu’elle doit mettre davantage en valeur, tout en participant activement aux campagnes de formation sur les rejets et la valorisation des déchets ainsi que sur la réduction des excès du consumérisme, lesquels ont contribué à une perception négative des matières plastiques, malgré le foisonnement de produits innovants aux apports positifs dont notre société ne pourrait plus guère se passer.

4. Les peintures cas particulier des peintures antisalissures

Les peintures sont des produits extrêmement répandus dans notre environnement : peintures extérieures de bâtiment, peintures intérieures, peintures de voitures ; peu de matériaux ou d’objets échappent à une protection par de la peinture. Les modes d’application sont très variés, allant des grosses unités industrielles, très contrôlées et très ventilées, chez les fabricants d’automobiles, ou l’impressionnant hall de peinture des chantiers de réparation navale à La Ciotat, au « do it yourself », beaucoup plus dispersé. Les peintures sont des formulations assez complexes qui contiennent quatre groupes principaux de composés : XX les liants qui leur donnent la consistance et la transparence ; XX les solvants qui leur donnent la fluidité ; XX les additifs qui leur confèrent des propriétés telles que anti-mousse, fongicide, absorbeur UV ;

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les matières pulvérulentes et pigments qui apportent les propriétés optiques : opacité, couleur, ou spécifiques telles que la résistance au feu.

Sur le plan de la protection de l’environnement, deux de ces groupes méritent une attention particulière : XX les solvants, riches en composés organiques volatils (COV), tels que alcools, esters, hydrocarbures, cétones, etc., qui, outre leur possible nocivité, réagissent avec les oxydes d’azote, sous l’effet du rayonnement solaire, pour générer la pollution photochimique par l’ozone dans la troposphère ; XX les matières pulvérulentes et les pigments qui peuvent contenir des métaux lourds comme le plomb, le cadmium, le cobalt ou encore le chrome. D’importants progrès ont été faits pour réduire l’impact des peintures sur l’environnement. Le plomb n’est plus utilisé. La législation sur les teneurs en COV qui doivent désormais être inférieures à 1 g/l, entraîne la disparition des peintures glycérophtaliques au profit des peintures acryliques qui, en l’état de suspension dans l’eau, contiennent moins de solvants (taux de COV inférieur à 1 g/l). On voit actuellement apparaître des peintures alkyde-émulsion qui conjuguent les avantages des glycérophtaliques et des acryliques, sans leurs inconvénients. Un exemple particulièrement intéressant par son processus est celui des peintures antisalissures (plus connues sous le nom de peintures « antifouling »), utilisées pour protéger les coques des navires de la prolifération de salissures végétales et animales marines, et dont le marché mondial est estimé à 20 000 tonnes par an. Ces salissures augmentent considérablement la résistance à l’avancement des bateaux qui sont ainsi ralentis, ce qui accroît leur consommation de fuel. En outre elles peuvent générer des problèmes de corrosion : les bernacles, par exemple, peuvent percer la coque des navires en bois. L’oxyde de cuivre a été pendant longtemps le principal élément biocide incorporé dans ces peintures, avec parfois l’ajout d’additifs renforçateurs à base de mercure, d’arsenic ou de plomb. Le problème principal est de bien gérer la lixiviation de l’agent toxique : plus celle-ci sera lente, plus longue sera la durée de vie de la peinture et donc plus long sera l’intervalle entre deux opérations de peinture de la coque. À ce titre, la durée de vie des peintures à base d’oxyde de cuivre s’avérait trop courte et donc peu compatible avec le développement du transport maritime.

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Un progrès technologique a vu le jour avec l’apparition de peintures à base de composés organostanniques, principalement le tributylétain, soit sous forme moléculaire, soit sous forme polymère. Ces peintures sont à la fois plus efficaces et, surtout, plus persistantes que les peintures à base de cuivre, ce qui permet de repeindre les navires moins souvent. Malheureusement, après la commercialisation de ces peintures, l’Ifremer a constaté dans les aires de conchyliculture, en particulier dans le bassin d’Arcachon, que le naissain se raréfiait et surtout que les huîtres adultes manifestaient des malformations importantes de leur coquille, ainsi que des « chambres » qui les rendaient impropres à la consommation. Des phénomènes de même nature étaient parallèlement observés dans d’autres pays comme les États-Unis ou le Canada. Un programme de recherche a été initié, associant fabricants de peintures, fabricants d’organostanniques, utilisateurs, conchyliculteurs, instituts de recherche. Le tributylétain a été rapidement reconnu comme le principal responsable de ces malformations et une mesure a été prise pour interdire son utilisation en mer, sur les bateaux de moins de 25 mètres, ainsi que dans les eaux intérieures. La tendance fut alors forte d’interdire les composés organostanniques pour tout type de navire. Or si l’interdiction se justifie pleinement pour les petits bateaux, notamment les bateaux de plaisance, car ce sont ceux qui peuvent pénétrer dans les zones de conchyliculture, elle est plus difficile à concevoir pour les grands navires : pétroliers, porte-containers, ferries, navires militaires. Ceux-ci, en effet, ne s’approchent que rarement des zones sensibles. En outre l’exploitation de ces navires est peu compatible avec des opérations fréquentes de renouvellement de la peinture, et revenir à des peintures traditionnelles à base de cuivre augmenterait leur consommation de fuel d’environ 30 %, avec les rejets de gaz carbonique associés. Il était donc raisonnable de trouver un équilibre acceptable, ce qui fut le cas de la réglementation prise à l’époque. Depuis 2003 cependant, un règlement européen a imposé des mesures plus conservatoires en interdisant les peintures à base d’étain pour tout navire battant pavillon d’un État membre, ou pénétrant dans un port d’un État membre, ce qui ne va pas dans le sens de la politique de réduction des émissions de gaz à effet de serre. À ce jour aucune peinture antisalissure du commerce ne présente la même efficacité que les peintures à base d’étain. Quelques progrès ont été faits avec les peintures au cuivre, mais sans atteindre les performances des peintures à l’étain. Dans le cadre du Pôle de compétitivité Mer de Bretagne, un projet PAINT

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CLEAN est en cours avec l’objectif de développer une peinture à la fois efficace et ayant un minimum d’effets sur l’environnement marin. La recherche a donc encore un rôle important à jouer dans ce domaine.

5. Les pesticides Notre planète n’héberge qu’un peu plus de 7 milliards d’êtres humains ; ce chiffre paraît bien faible comparé aux milliards de milliards d’insectes que la terre abrite ! À cela s’ajoutent des bactéries, champignons et autres micro-organismes qui ne survivent que grâce aux végétaux, animaux et êtres humains qu’ils colonisent et agressent. À côté de cette guerre permanente, d’autres espèces tentent de s’imposer au détriment de celles qui occupent naturellement ou artificiellement un territoire : c’est le cas des « mauvaises herbes » de nos cultures. Dans cette lutte pour la vie, des systèmes de défense se sont mis en place : défenses naturelles tout d’abord, liées aux résistances aux envahisseurs, puis mise au point de techniques et de produits adaptés aux dangers et aux risques à partir de l’observation de la nature et s’appuyant sur l’inventivité des humains. C’est ainsi que sont apparues de nombreuses substances destinées à faire disparaître, ou du moins à atténuer, les effets néfastes liés aux organismes considérés comme nuisibles, ou encore à s’en protéger grâce à des moyens chimiques ou biologiques. De façon générale, on désigne ces substances par le mot « biocides ». Elles comprennent des formulations aussi diverses que les pesticides, les composés phytosanitaires ou phytopharmaceutiques (souvent considérés comme synonyme de pesticides), les antibiotiques et les désinfectants. Parmi toutes ces substances, nous ne couvrirons ici que les pesticides qui représentent l’ensemble le plus important, eu égard aux quantités mises en jeu et qui sont des produits que l’on répand fréquemment dans l’environnement pour lutter contre des organismes pathogènes ou non désirés : animaux, végétaux, micro-organismes. Suivant la cible visée, on distingue plusieurs types de pesticides : insecticides, herbicides, fongicides. Parfois, on précise davantage la cible : rodenticides contre les rongeurs, acaricides contre les acariens, nématocides contre les nématodes…

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Formulations Les substances actives des familles précédentes sont toujours utilisées dans des formulations de façon à optimiser leur activité et à permettre un usage plus facile. Grossièrement il existe 2 sortes de formulations : 1°) des solides : poudres et granulés ; 2°) des liquides : solutions aqueuses ou huileuses. Dans tous les cas, ces formulations comprennent : XX les substances actives ; XX un diluant : huiles végétales, argile, talc ; XX des adjuvants facilitant, par exemple, l’enrobage des semences, ou des mouillants permettant l’étalement des matières actives sur les végétaux ; XX dans tous les cas, ou presque, des tensioactifs ou des émulsifiants…

Historique Utilisés sans doute depuis plus de 3 000 ans, les pesticides se sont sophistiqués au cours du temps. Des substances minérales, soufre, cuivre, arsenic, mercure et plomb, ont tout d’abord été utilisées pour protéger les cultures. L’observation des relations entre les végétaux et les insectes a également permis d’utiliser des extraits de plantes, comme les pyréthrines extraites des chrysanthèmes. Le recours à des pesticides de synthèse se situe immédiatement après la première guerre mondiale. Le précurseur dans ce domaine fut le chimiste allemand Fritz Haber (prix Nobel 1918), à l’origine de la première attaque chimique au chlore à Ypres le 22 avril 1915, et qui, à la tête d’un institut de recherche, a préparé plusieurs pesticides dont l’acide cyanhydrique qui devait, par la suite, donner naissance au Zyklon B. Dans les années 1936-38, le rôle important des composés organophosphorés a été mis en évidence avec la synthèse de deux substances neurotoxiques (armes de guerre) : le tabun et le sarin. Ces composés accompagnaient la préparation de nouveaux pesticides appartenant à la même famille chimique tout en étant moins toxiques pour les humains.

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DIOXINES Dioxine est devenu, dans le langage courant, un terme générique désignant la famille des dibenzodioxines et plus particulièrement les polychlorodibenzo-p-dioxines (ou PCDD). On a identifié 210 types de composés apparentés (appelés « congénères ») dont 17 sont considérés comme ayant une toxicité importante. La 2,3,7,8-tétrachlorodibenzo-p-dioxine, parfois appelée dioxine de Seveso, est la plus toxique. Les dioxines peuvent résulter de processus industriels, de phénomènes naturels comme les éruptions volcaniques ou d’incendies de forêts. L’émission de dioxines dans l’air est principalement due aux incinérateurs de déchets ménagers, lorsque leur combustion est incomplète, aux industries métallurgiques, sidérurgiques, papetières, et à la pratique ancestrale de l’écobuage des végétaux, en partie à cause des produits phytosanitaires rémanents. On les trouve lors des traitements au chlore ou de la fabrication de pesticides. Des dioxines sont également émises lors de l’utilisation de moteurs à combustion interne, dans la combustion de bois, ou encore lorsqu’on fume du tabac. Les dioxines ne sont donc pas des produits chimiques dans le sens donné dans cet ouvrage puisqu’elles résultent très généralement d’une formation secondaire. C’est pourquoi, malgré les mesures prises au niveau de l’Union européenne pour réduire leurs émissions, elles ne font pas l’objet d’une monographie. On estime leurs émissions en France à 1 kg par an, ce qui conduit à des concentrations faibles dans l’air, mais étant lipophiles (solubles dans les graisses), elles s’accumulent dans les tissus adipeux donc dans la chaîne alimentaire. La surveillance des populations touchées par le nuage de Seveso en 1976 et par l’agent orange défoliant utilisé pendant la guerre du Viêt Nam se poursuit afin de déterminer précisément les séquelles à long terme d’une exposition à forte dose (à partir du microgramme par kilogramme de masse corporelle par jour). Une telle exposition provoque principalement la chloracné, mais on craint aussi des effets hépatiques ou immunitaires, quoiqu’aucune altération du patrimoine génétique n’ait été observée sur l’homme. Les expositions chroniques à des doses plus faibles sur de plus longues périodes sont plus

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délicates à analyser : chez l’homme, seuls quelques rares cas de cancers se sont déclarés bien des années après des expositions en milieu professionnel alors que les rongeurs développent différents types de cancers. En conséquence, le CIRC (Centre international de recherche sur le cancer) a classé la dioxine dans les « cancérogènes pour l’homme ». La diminution des émissions de dioxine est une priorité pour l’Union européenne. Depuis 1985 et entre 1985 et 1996, la quantité totale de dioxines d’origine industrielle a été réduite de moitié. L’usage de PCB a été interdit ou abandonné. Les incinérateurs font l’objet de normes et ne doivent pas dépasser 0,1 nanogramme de dioxine par mètre cube normalisé de fumée. En Flandre, le secteur de l’incinération des ordures ménagères a déjà réduit ses émissions de plus de 85 % en 10 ans. De plus, la commission du Codex Alimentarius a adopté en 2001 un code d’usages en matière de mesures prises à la source pour réduire la contamination des denrées alimentaires par les substances chimiques et, en 2006, un code d’usages pour la prévention et la réduction de la contamination des aliments par les dioxines et les PCB de type dioxine.

Nature chimique des pesticides Le développement de la recherche agronomique a permis la mise au point de nouvelles substances actives. On peut ainsi distinguer les familles chimiques suivantes parmi les pesticides : XX les hydrocarbures chlorés ; XX les composés organophosphorés ; XX les carbamates ; XX les urées ; auxquelles il faut encore ajouter des substances issues de la chimie hétérocyclique : atrazine, ou de modèles naturels comme les pyréthrines. En France, on recense près de 500 substances actives autorisées, représentant 100 000 tonnes par an, pour 6 000 préparations différentes. Ceci situe notre nation à la première place européenne et à la troisième mondiale des pays consommateurs

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de pesticides. Ces substances sont essentiellement utilisées dans l’agriculture, mais 10 % environ le sont pour des usages non agricoles (usages domestiques et espaces verts), parmi lesquels 86 % par des particuliers. Les dérivés organochlorés Parmi les plus connus (et les plus controversés), on trouve le DDT et le chlordécone. LE DDT : cette substance, synthétisée pour la première fois au xixe siècle, a vu ses propriétés insecticides reconnues en 1939 par le chimiste allemand Müller, qui obtint le prix Nobel de médecine en 1948 en raison de l’importance du DDT dans la protection contre le paludisme. Le DDT fut commercialisé en 1943. Peu biodégradable, fortement persistant, c’est un redoutable polluant des sols et des milieux aquatiques. Sa solubilité dans les graisses explique sa bioaccumulation dans différentes espèces animales. Sa durée de vie dans l’environnement (95 % de destruction) peut dépasser 10 ans. Il fait l’objet d’une bio-surveillance stricte dans le sang et le lait maternel. Dans les années 40, des doses considérables de DDT ont été utilisées conduisant à une accumulation mondiale de 300 000 tonnes. Malgré son efficacité, de nombreux insectes ont développé des phénomènes de résistance. Interdit de façon très stricte dans les pays industrialisés, en Europe depuis 1972, aux États-Unis depuis 1977, il subsistait encore il y a peu, et il subsiste peut-être toujours, quelques sites de production dans le monde. L’exclusion du DDT pose cependant un problème moral quant à l’influence positive de son usage pour lutter contre la malaria. Le débat restera certainement ouvert longtemps sur les avantages et les inconvénients du DDT dans ce domaine. À titre d’illustration, on peut citer l’exemple de l’île de Ceylan où, avant l’usage du DDT, on comptait environ 2 800 000 malades par an et plus de 12 000 décès. En 1961, après usage du DDT, on relevait à peine un peu plus de 100 malades. L’arrêt de l’utilisation de cet insecticide s’est traduit par une remontée des cas de paludisme, revenant approximativement aux chiffres de 1946. LE CHLORDECONE, antiparasitaire utilisé aux Antilles dans les bananeraies contre le charançon des bananiers, a été interdit en 1993 mais il est toujours présent dans les sols. Il contamine encore certaines denrées animales ou végétales et les eaux de captage. Sa persistance pose un grave problème sanitaire, agricole, environnemental, économique et social.

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L’AGENT ORANGE : ce produit défoliant, herbicide de synthèse, a été utilisé comme « arme de guerre » par les américains au Viêt Nam. Il s’agit d’un mélange de 2 dérivés organochlorés, des chlorophénols qui inhibent la croissance des végétaux ; son nom se rapporte seulement à la couleur des bandes oranges peintes sur ses conteneurs. Commercialisé en 1946 pour ses propriétés herbicides, il a été utilisé en très grande quantité pendant le conflit contre le vietminh, stérilisant une surface équivalente à trois départements français. Les dérivés organophosphorés Certains esters phosphoriques, élaborés il y a près de 70 ans, se sont révélés être des insecticides puissants, davantage utilisés en agriculture qu’en produits ménagers, à l’exception du dichlorvos qui alimente des diffuseurs permanents. Ces substances sont hautement neurotoxiques, elles affectent le système nerveux des espèces ravageuses en inhibant une enzyme, la cholinestérase, ce qui empêche la transmission de l’influx nerveux. Elles ont cependant une faible rémanence : leur dégradation est rapide, de quelques heures à quelques jours. On citera principalement le glyphosate, commercialisé sous le nom de Roundup©, qui est un dérivé phosphoré, mais de nature chimique différente des précédents. C’est un herbicide non sélectif qui agit, là encore, en inhibant une enzyme. C’est, sans doute, l’herbicide le plus utilisé en quantité : en agriculture, pour préparer l’ensemencement, dans les jardins pour se débarrasser des mauvaises herbes. Assez soluble dans l’eau (12 g/l) il pollue également les sols où il est facilement absorbé. Les carbamates Les carbamates sont des insecticides aux mêmes propriétés neurotoxiques que les organophosphorés mais plus atténuées. Ils sont utilisés aussi bien en agriculture que parmi les produits ménagers. Ils sont peu bioaccumulables. Le plus connu de cette famille est le carbaryl, commercialisé en 1956. Il est utilisé pour protéger les fruits et les légumes. C’est également un régulateur de croissance. La toxicité aigüe du carbaryl le situe entre les organophosphorés et les organochlorés.

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Les urées substituées Les urées substituées sont des herbicides non sélectifs qui agissent sur le processus de la photosynthèse. Il est facile de vérifier leur présence dans une formulation car leur nom comporte toujours le suffixe « uron ». Utilisées en agriculture et dans les jardins, ce sont des substances préoccupantes, potentiellement cancérigènes ou perturbateurs endocriniens. Les plus connues sont le diuron et l’isoproturon qui ne subissent qu’une lente dégradation dans l’environnement. Les pesticides à base d’hétérocycliques azotés Il existe un très grand nombre de pesticides azotés dont la structure active est de nature hétérocyclique. Trois sont particulièrement connus et leur usage est, soit interdit, soit controversé : XX l’atrazine : utilisé en grande quantité, cet herbicide permettait le désherbage du maïs. Il est à l’origine d’une pollution majeure des nappes souterraines et des eaux de surface. L’atrazine n’est plus autorisé, mais est toujours présent dans l’environnement ; XX le fipronil : antiparasitaire efficace dans le traitement des semences, il est commercialisé en particulier sous le nom de Régent©. Soupçonné d’être responsable de l’effondrement des colonies d’abeilles, son usage a été suspendu en France pendant quelques temps, puis autorisé de nouveau après que l’on ait pu démontrer qu’il n’était pas responsable de ce phénomène ; XX l’imidaclopride : de propriétés voisines du fipronil, il est commercialisé sous le nom de Gaucho©. Considéré comme toxique pour les abeilles, son usage est interdit dans certaines cultures et suspendu dans d’autres. Les pyréthrinoïdes Bien qu’issue de l’observation des insecticides naturels, il convient de traiter cette famille avec les produits de synthèse en raison des nombreuses transformations chimiques apportées à la structure d’origine. En effet, pour ralentir la dégradation rapide des analogues naturels, les chimistes ont réalisé des modifications structurales afin d’en faire des insecticides ou répulsifs plus puissants. Ce faisant il en est résulté une plus grande photostabilité, une plus grande toxicité, accompagnant

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une rémanence importante : le produit restant actif dans l’environnement plus de 3 ou 4 semaines. Ces produits, dont l’un des plus connus est la deltaméthrine, sont utilisés en agriculture et dans les produits ménagers. Ils agissent comme insecticides contre les diptères, les acariens, les poux, les puces et les tiques ; ce sont des répulsifs pour les moustiques. Ils ont tendance à s’accumuler dans les aliments et sont soupçonnés d’être des perturbateurs endocriniens potentiels.

Pesticides, santé et environnement Pesticides et santé Les pesticides sont reconnus comme responsables de problèmes de toxicité. Ceci est évidemment lié à leur nature et à leur finalité. Les insecticides sont, en général, plus toxiques que les herbicides. On distingue deux cas : XX la toxicité aiguë, rare avec les organochlorés, importante avec les organophosphorés et les carbamates ; certains rodenticides agissent comme anticoagulants ; XX la toxicité chronique, avec tout un ensemble d’effets indésirables : dermatologiques, neurologiques, cardiovasculaires, respiratoires, hématopoïétiques, et sur les fonctions sexuelles (fertilité).

LES USAGES NON AGRICOLES Il existe en France environ 13 millions de jardiniers amateurs dont plus de la moitié ne prend aucune précaution vis-à-vis d’eux-mêmes ou de l’environnement. On constate ainsi de nombreuses affections : troubles respiratoires, allergies, brûlures, essentiellement dues à une mauvaise utilisation des produits. D’autres usages non agricoles existent aussi, on les rassemble sous le nom « d’espaces verts », ils consomment environ 2 000 tonnes par an de pesticides, essentiellement des herbicides. Ceux-ci servent au désherbage des voies de chemin de fer, des bordures d’autoroutes, des trottoirs, des parcs et jardins publics et même des terrains de sport.

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Les conséquences les plus graves sont liées aux propriétés de certains pesticides comme perturbateurs endocriniens, cancérigènes, ou possédant des activités neurodégénératives. Ces affections sont plus particulièrement observées en milieu agricole. Soulignons cependant, qu’à la nocivité de ces substances s’ajoutent les mauvaises pratiques qui accompagnent parfois leur utilisation : mauvais dosage, épandage dans des conditions climatiques aggravantes, utilisation de trop grandes quantités, non respect des prescriptions d’utilisation… Réglementation Actuellement, la vente et l’usage des pesticides sont très bien encadrés par un ensemble de règlements, normes et directives ; tous les produits doivent être homologués. C’est le rôle de l’AFSSET, en France, d’expertiser les produits avant d’en autoriser la mise sur le marché. On doit remarquer que la toxicité n’est pas seulement mesurée au niveau des substances actives, mais également pour chaque formulation. Dans certains cas, glyphosate par exemple, la toxicité du produit final est supérieure à celle de la substance active. De plus, il est tenu compte de la nature et des propriétés des produits de dégradation et des métabolites des substances actives qui peuvent être parfois plus toxiques que le produit d’origine. On peut constater, curieusement, que des produits interdits pour usage agricole (certains carbamates ou pyréthrinoïdes) restent utilisés dans les biocides ménagers. Pesticides et environnement Utilisés en grande quantité, les pesticides se dispersent dans l’environnement. Cette dispersion représente un danger et les risques sont accrus par la forte rémanence de certains d’entre eux et leur accumulation dans les graisses. 1°) Pollution de l’air De façon générale les polluants que l’on retrouve dans l’atmosphère, peuvent être des gaz, des liquides ou exister sous forme de particules. Il est admis que ce sont les dérivés chlorés que l’on retrouve le plus souvent, compte tenu de leur rémanence ; ainsi les quantités de DDT mesurées à différents endroits, se distribuent entre 0,05 et 0,5 ng/m3.

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Il a été montré, cependant, que d’autres pesticides peuvent être détectés. À Paris, en janvier 2002, un rapport sur les résultats d’une étude menée grâce à des capteurs installés de mai à juin 2001 sur le toit de l’Université de Jussieu, a fait état de la détection de traces de produits phytosanitaires : deltaméthrine, malathion, et mécoprop (herbicide ménager), fort heureusement en quantité extrêmement faibles ! Le problème se retrouve également à l’intérieur de nos habitations où l’utilisation de plus en plus importante de produits ménagers, ou de retardateurs de feu, par exemple, conduit à rendre l’air, à l’intérieur des logements, souvent plus pollué que l’air extérieur ! Des valeurs élevées de produits dangereux sont de plus en plus souvent enregistrées. 2°) Pollution de l’eau Le cycle de l’eau : évaporation – précipitation – écoulement, est propice à une distribution des polluants dans les différents compartiments où elle circule. En France, dès la fin des années 1980, les responsables de l’environnement ont pris conscience de ce problème et un système d’information sur les pesticides dans les eaux a été mis en place. Le bilan établi par l’Institut français de l’environnement, en juillet 2001 pour le territoire national, apporte des résultats alarmants : 40 % des eaux de surface ne seraient pas de très bonne qualité, 1,6 % était au-dessus du seuil de conformité ; pour les eaux souterraines, 75 % sont altérées par la présence de pesticides. Un exemple particulièrement significatif est celui de la pollution par l’atrazine qui, bien qu’ayant été interdit en automne 2001, après avoir été largement utilisé pendant 30 ans, se retrouve encore dans les eaux de captage. Un autre exemple montre l’importance du cycle : des mesures sur les eaux de pluie à Paris, ont mis en évidence que celles-ci pouvaient contenir des quantités de pesticides 4 à 7 fois supérieures à la norme légale pour l’eau potable ! 3°) Pollution des sols Les pesticides sont également dispersés dans les sols : des estimations pessimistes prétendent que 90 % des quantités utilisées n’atteignent pas le ravageur ! L’hétérogénéité des sols les distingue de l’air et de l’eau, relativement homogènes. La présence de petits animaux, de micro-organismes, en font un milieu apte à de nombreuses transformations. La dispersion des polluants va être

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fonction de leur transfert, de leur immobilisation (adsorption), et de leur aptitude à la dégradation. Les organochlorés sont, là encore, ceux que l’on retrouve le plus souvent, plusieurs années étant en général nécessaires pour qu’ils soient totalement dégradés. 4°) Le problème des résidus dans l’alimentation Un document récent de la Communauté européenne rapporte que l’on retrouve dans les légumes, les céréales et les fruits, des traces d’environ 50 % des substances actives contenues dans les pesticides, dont 4,5 % dépassent le seuil autorisé. La surveillance tient compte des valeurs fixées par l’Organisation mondiale de la santé : XX dose journalière admissible ; XX limite maximale de résidus (LMR définie comme le centième de la dose à laquelle apparaît un début d’effet dans les tests animaux), pour chaque aliment et chaque pesticide. La plupart des experts ainsi que le service des fraudes et la Direction générale de l’alimentation, s’accordent pour reconnaître qu’il n’y a pas de raison de s’alarmer, car les marges de sécurité retenues sont importantes. Il n’en reste pas moins que ces conclusions, théoriques, ne tiennent pas compte des problèmes souvent évoqués de façon globale dans la science de l’environnement, comme le rôle des faibles traces et des synergies entre plusieurs substances pour lesquelles les données scientifiques sont encore parcellaires. 5°) Problème de la résistance Dans de nombreux cas d’utilisation de pesticides, il se développe un phénomène de résistance. C’est ainsi que le glyphosate, qui est extrêmement efficace, perd son activité par rapport à des organismes qui, au cours du temps, lui résistent. Pour certains insecticides, ce phénomène peut s’établir très vite. Pour contrer ce phénomène, il existe plusieurs solutions : la diversification des méthodes de lutte contre les ravageurs, la rotation entre classes de pesticides et la mise en œuvre de synergies efficaces.

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Alternatives aux pesticides de synthèse La plupart du temps, les pesticides de synthèse ont pour objectif de « tuer » les ravageurs. Une tendance écologique intéressante consiste à préconiser l’emploi de produits naturels. Dans ce cas, l’approche est différente : elle consiste à créer une compétition, utiliser des prédateurs, stimuler les défenses naturelles ou encore agir par mimétisme. A priori ces procédés ne sont pas dangereux. Ils sont réalisés grâce à des micro-organismes, des macro-organismes, des phéromones ou des substances naturelles. Remarquons cependant que, lors de l’usage de prédateurs, un risque existe lié à la difficulté éventuelle de contrôler leur prolifération, à la différence des traitements chimiques que l’on peut arrêter à tout moment. Plus controversée est l’utilisation des OGM ou plutôt des PGM (plantes génétiquement modifiées), mais ce n’est pas l’objectif de ce document d’entrer dans ce débat. Enfin, depuis très longtemps, les humains se protègent en utilisant des extraits de plantes comme répulsifs. Il s’agit, par exemple, d’extraits de citronnelle ou de clous de girofle. Tous ces extraits ne présentent pas de problèmes de nocivité, mais leur efficacité reste limitée.

Les pesticides sont-ils nécessaires ? Au terme de cette monographie qui fait apparaître les dangers et les risques qui accompagnent l’utilisation des pesticides, il est normal de s’interroger sur la nécessité de leur usage. La réponse reste positive, comme le montre un rapport récent de la FAO, Organisation mondiale pour l’alimentation et l’agriculture. Selon celle-ci, les besoins alimentaires mondiaux augmenteront de 50 % d’ici l’année 2030. Grâce aux pesticides, la productivité agricole a crû considérablement, ce qui permettra de relever ce défi. Il est bon de rappeler qu’en 1950, en France, on obtenait en moyenne 20 quintaux de blé à l’hectare, pour 84 aujourd’hui. L’objectif écologique est de réduire l’usage des pesticides. La loi Grenelle I, du 3 août 2009, préconise une diminution de 50 % à l’horizon 2018. Cet objectif, de l’avis des intéressés, paraît très difficile à atteindre et il est vraisemblable qu’il ne le sera pas. Cependant, tout un ensemble de règles de bonne conduite devraient permettre de l’approcher sans réduction significative des rendements. Cela suppose, en premier lieu, une diversification des

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cultures sur un même terrain, certains accusant les techniques actuelles de « crever la polyculture ». L’utilisation d’outils d’aide à la décision, appliqués à chaque champ en particulier, devrait permettre d’ajuster les traitements tandis que le choix préférentiel d’espèces végétales résistantes à la maladie (obtenues par sélection) et le développement de cultures mixtes (par exemple, légumes et céréales) contribueront de façon significative à l’emploi limité de pesticides.

6. PCB et pyralène Les PCB, acronyme de polychlorobiphényles, représentent une famille de molécules chimiques composées de 2 noyaux aromatiques plus ou moins chlorés. PYRALÈNE est un nom commercial de produits fabriqués en France, mais il y en a bien d’autres. Les propriétés intrinsèques des PCB, ininflammabilité, stabilité thermique, inertie chimique, fluidité, viscosité et propriétés diélectriques ont justifié l’usage de PCB en substitution d’autres produits inflammables dans de très nombreux emplois : fluides hydrauliques, fluides caloporteurs et applications électriques : transformateurs électriques, condensateurs électriques… De 1930 à 1970, l’emploi généralisé des PCB a contribué à une très nette amélioration de la sécurité aussi bien dans les mines et les installations industrielles que dans des transformateurs électriques relativement dispersés. Les compagnies d’assurance en avaient perçu tous les avantages et réduisaient les primes d’assurance pour tous ceux qui remplaçaient des transformateurs à huile par des transformateurs aux PCB. L’évolution des connaissances, les progrès de la chimie analytique et le croisement de disciplines scientifiques (analyse, toxicologie et écotoxicologie), ont mis en évidence des propriétés spécifiques des PCB, à savoir leur persistance dans l’environnement et leur aptitude à la bioaccumulation dans les êtres vivants. Ces inquiétudes se sont renforcées avec le constat d’un risque de pollution généralisée de l’environnement par la présence de PCB dans les sols, les eaux et les sédiments, avec le risque de transmission dans la chaîne alimentaire, via les poissons, vers les oiseaux et les mammifères, voire les êtres humains. Cette situation est la conséquence directe d’une mauvaise gestion des PCB et des équipements les contenant. Des fuites accidentelles non traitées, des

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déversements volontaires et des mises en décharge de transformateurs aux PCB sans aucune précaution sont à l’origine de cette atteinte à l’environnement. De plus, pris dans un incendie ou exposés à un feu, les PCB peuvent être à l’origine de la formation de dioxines dans les suies qui se redéposent sur les sols ou dans les eaux de surface. Ayant pris conscience de ces risques et devant les demandes sociétales croissantes de protection de la santé, les Nations unies ont banni les PCB dont l’usage et les rejets sont interdits (Convention de Stockholm sur les polluants organiques persistants) et bien des réglementations nationales ont mis un terme à leur usage. En France, la limite a été fixée à 2010 pour l’usage des transformateurs électriques avec PCB et la destruction des PCB ne peut se faire que dans des installations d’incinération agréées pour cela. L’industrie chimique, grâce à son potentiel d’innovation et en utilisant les récentes connaissances scientifiques, a pu mettre au point une nouvelle génération de fluide diélectrique permettant de répondre à la fois aux exigences de sécurité et aux contraintes environnementales ainsi que des systèmes sans liquide grâce aux résines époxy d’isolation. On peut donc considérer aujourd’hui ce problème comme en passe d’être résolu, mais il restera à gérer le passé.

7. Fluorés, couche d’ozone et effet de serre L’ozone est un gaz présent naturellement dans l’atmosphère. Sa présence dans la stratosphère entre 15 et 40 kilomètres d’altitude, constitue un véritable bouclier, la « couche d’ozone », qui protège la planète du rayonnement ultraviolet. Précisons que cette «couche d’ozone» est extrêmement diluée, puisque, rapportée aux conditions de pression et température au niveau du sol, son épaisseur en ozone pur ne serait que de 3 millimètres. Dès 1974, des études de la stratosphère ont été conduites et les mesures effectuées à l’aide de ballons ou de satellites ont révélé en 1985 que, depuis 1979, à chaque printemps austral, la couche d’ozone s’amincissait fortement au-dessus de l’Antarctique, phénomène baptisé « trou d’ozone ». L’effort international et multidisciplinaire de recherche a permis de mieux connaître les facteurs jouant sur les variations de concentration de l’ozone stratosphérique. Des facteurs naturels ont

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été mis en évidence : variation régulière d’exposition de la terre au soleil, effets du cycle solaire et grands phénomènes volcaniques ; mais d’autres facteurs sont liés à l’activité humaine : oxydes d’azote sous-produits de la combustion, explosions thermonucléaires et les chlorofluorocarbones. Introduits en 1930, les chlorofluorocarbones, appelés couramment CFC, sont des composés carbonés à courte chaîne avec une substitution de tous les atomes d’hydrogène par des atomes de fluor et de chlore. Ce sont des produits inodores, ininflammables, non corrosifs à l’état gazeux ou liquide, et intrinsèquement non toxiques. Ces propriétés, particulièrement intéressantes, ont favorisé leur développement et leurs usages comme agent d’extinction, fluide frigorifique, solvant dégraissant, gaz propulseur des aérosols et agent d’expansion dans la fabrication de mousse de polyuréthane. Leur mise en cause dans le processus de destruction de l’ozone stratosphérique a été avancée dès 1974. Stables à basse altitude, les CFC sont détruits à haute altitude par les rayons UV solaires. Dans le processus de destruction apparaissent des oxydes de chlore qui réagissent à leur tour avec l’ozone. Une concertation mondiale exemplaire entre gouvernements, politiques, scientifiques, industriels, a abouti à la signature du Protocole de Montréal ratifié le 16 septembre 1987 par 31 pays dont la France. Prévoyant une réduction programmée de la production et de la consommation des CFC au niveau mondial, le Protocole de Montréal a été suivi par de nombreuses conventions (Londres, Copenhague…) qui ont établi des échéanciers d’arrêt de l’emploi des CFC. Face à ce retrait programmé des CFC, les industriels de la chimie ont lancé des programmes de recherche et développé des procédés de production de produits de substitution. Un des buts a été de réduire, puis de supprimer les atomes de chlore dans les composés, avec les productions d’hydrochlorofluorocarbones (HCFC) puis d’hydrofluorocarbones (HFC) dans un deuxième temps. Depuis, les connaissances se sont encore approfondies et, dans le cadre de la lutte contre le réchauffement climatique, ces produits : HCFC et HFC, ont manifesté l’inconvénient d’avoir un potentiel de réchauffement global important. Le monde industriel, producteurs et utilisateurs, en accord avec les responsables politiques, a édicté des règles régissant l’usage des produits sur tout leur cycle de vie et plus spécialement en fin de vie avec récupération, régénération et recyclage pour limiter les rejets à l’atmosphère et ainsi préserver l’environnement.

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8. Les engrais Si l’art de fertiliser les terres remonte à l’Antiquité, pendant longtemps la technique resta rudimentaire. Ce n’est qu’au milieu du xixe siècle que les chimistes et les agronomes établissent la possibilité de nourrir les plantes avec des solutions minérales. Les premiers engrais dits « chimiques » ne sont pas industriels, mais simplement extraits des mines : nitrate de soude du Chili, phosphates naturels, sels de potasse. Vers la fin du xixe siècle, l’usage des engrais par les agriculteurs devient une pratique qui pousse les industriels à développer de nouvelles gammes d’engrais, engrais phosphatés et potassiques puis, vers 1930, les engrais azotés. Après la deuxième guerre mondiale, la très forte demande de produits agricoles et la politique agricole commune vont entraîner un fort développement de l’agriculture. Cette agriculture est de plus en plus mécanisée et bénéficie de meilleures connaissances agronomiques ; les rendements augmentent fortement tout comme la consommation des engrais. Ainsi avec un apport de 170 kg d’azote par hectare utilisé en moyenne en France, le rendement est plus que doublé. À la fin des trente glorieuses, avec la crise de l’énergie qui s’est traduite par une augmentation très forte du prix des engrais, l’agriculture commence à remettre en cause ses pratiques et découvre aussi les impacts de ses activités sur l’environnement avec, principalement, la pollution des eaux de rivière et des eaux de nappe par les nitrates.

Quelques caractéristiques des engrais Il ne sera abordé ici que les engrais minéraux, les plus utilisés. Pour mémoire, il faut mentionner d’une part, les engrais organo-minéraux dont les matières premières proviennent d’éléments organiques issus de certaines industries agroalimentaires, complétés par des quantités dosées d’engrais minéraux qui permettent une synergie entre les différents apports et, d’autre part, les engrais organiques composés de matières organiques qui garantissent des teneurs en éléments fertilisants et leur innocuité. Parmi les éléments nécessaires à la vie des plantes, l’azote, le phosphore et le potassium ont un rôle prépondérant. La chimie va permettre, à partir de ressources naturelles, l’azote de l’air, les phosphates et la potasse, de préparer des engrais minéraux contenant ces éléments azote (N), phosphore (P) et potassium (K)

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sous une forme chimique assimilable par les plantes et sous une forme physique, granulés ou solution, qui conviendra à l’agriculteur pour un épandage dans les meilleures conditions. On distingue parmi les engrais minéraux, les engrais simples ne contenant qu’un seul des trois éléments fondamentaux N ou P ou K, et les engrais composés avec des deux ou trois de ces éléments, engrais binaires (NP, NK ou PK) ou engrais ternaires (NPK). Ces engrais et leurs caractéristiques sont bien définis par la réglementation française. La consommation des engrais a fortement évolué sur les vingt dernières années. Elle s’est réduite de plus de 50 % pour les engrais composés binaires ou ternaires, la teneur en P et en K dans les sols étant, sauf situation particulière, suffisante ; cette réduction d’utilisation ne s’est pas encore traduite par l’apparition de carences dans les plantes. Pour l’ajout d’azote, tout manque dans la plante se traduit rapidement par une baisse des rendements et de la qualité nutritive. Une baisse limitée de la consommation des engrais azotés a cependant été observée.

La préservation de l’environnement Dès les années 1970, la nécessité de la protection de l’environnement a été partagée par cette industrie. Son action s’est portée à deux niveaux : la production des engrais et l’utilisation des engrais. La modification des procédés de production a permis de réduire considérablement les rejets aussi bien dans les cours d’eau que dans l’atmosphère ; des gains en consommation d’énergie ont également été réalisés à cette occasion. Mais son action ne s’est pas limitée à la protection de l’environnement au niveau de la production des engrais. Par des recherches agronomiques, avec l’aide des syndicats professionnels des fertilisants et des agriculteurs, des programmes d’optimisation de la fertilisation ont été lancés depuis plus de vingt ans. À partir d’opérations pilotes comme le Bassin versant d’Auradé (Gers) avec une expérimentation grandeur nature sur plus de quinze ans, et avec une participation très soutenue des agriculteurs, les règles de bonne pratique dans l’usage des fertilisants ont pu être établies. De grands programmes de « fertilisation raisonnée » ont été lancés. Les caractéristiques du milieu (sol, climat, proximité d’eau de surface ou de zones de captage) sont prises en compte pour apporter à chaque culture une fertilisation suffisante pour sa nutrition, en synchronisant les apports d’azote avec

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les besoins de la plante : « la bonne dose au bon moment ». Divers produits et services ont été lancés sur le marché, permettant aux agriculteurs de répondre à ce principe ; il s’agit de logiciels informatiques pour évaluer les besoins de la céréale en fonction de la disponibilité du sol, des entrants et des sortants, d’analyseurs de terrain permettant de piloter les derniers apports par une mesure indirecte de l’activité chlorophyllienne, technique reprise et transposée du contrôle satellite et aérien du même paramètre. Grâce à cette optimisation et cette attention, avec 20 % d’azote minéral épandu en moins qu’en 1990, l’agriculture française a produit en 2007, 20 % de plus de céréales et d’oléagineux, cela signifie que l’azote est mieux utilisé par les plantes. Il a été ainsi possible de réduire de façon importante les pertes d’azote vers l’eau ou l’air, pertes inévitables dans le cycle très ouvert de cet élément.

Résultats et perspectives L’agriculture a lancé plusieurs programmes pour protéger l’environnement ; l’élevage et plus particulièrement l’élevage intensif est un contributeur important de phosphore et d’azote, sous forme de nitrate, dans les eaux de surface, pouvant conduire ainsi à des phénomènes d’eutrophisation dans les cours d’eau et les zones côtières. Un meilleur traitement des rejets de cette activité et la mise en place de bonnes pratiques ont permis de réduire ces éléments polluants dans les milieux, sans toutefois les éliminer totalement. Les agences de l’eau ont renforcé leurs stations de mesure et de contrôle et disposent maintenant de moyens adaptés pour suivre aussi bien la qualité des cours d’eau que celle des nappes phréatiques. Ainsi en Bretagne, région où les concentrations en nitrates restent plus élevées que sur le reste du territoire, la tendance générale est à la baisse des nitrates dans les cours d’eau, mais la baisse est plus nuancée dans les eaux souterraines. Cette évolution globale s’explique sans doute en partie par la réduction de 20 % des apports azotés en cinq ans diminuant ainsi le support azoté de moitié (source MEEDDM, L’environnement en France – édition 2010). D’autres régions en France n’ont pas encore vu cette évolution et les efforts d’optimisation de l’apport des fertilisants doivent se poursuivre. La dernière décennie montre qu’avec l’augmentation de la population mondiale et du niveau de vie en général, l’agriculture française est toujours face au double défi, satisfaire cette demande toujours croissante et préserver l’environnement.

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Ces exigences sont bien intégrées dans les programmes de fertilisation raisonnée ; ceux-ci portent leurs fruits mais aucun relâchement n’est permis pour permettre de retrouver une qualité des eaux satisfaisante.

9. Produits dans l’habitat Dès la fin du xviiie siècle, et encore davantage au cours des siècles suivants, dans les guides à l’usage des familles, dans les écoles primaires, au temps de l’Instruction Publique, on trouvait des conseils de vie pratique ; tous préconisaient que « l’air et la lumière doivent pénétrer dans vos habitations ». Chaque adulte inhale environ 120 000 litres d’air par jour, soit 15 kg. Or dans tous les locaux que nous fréquentons : habitation, bureau, lieu de travail, où nous passons en moyenne 85 % de notre existence, nous sommes exposés à de nombreux polluants provenant de diverses sources.

Quelles sont les principales catégories de polluants ? Des particules et fibres (amiante, autres fibres minérales naturelles et artificielles, particules diverses comme les poussières), des biocontaminants (moisissures, allergènes domestiques comme les acariens et les animaux domestiques…) et des polluants chimiques.

Quels sont leurs effets potentiels ? Depuis des effets sur le confort et la santé (gêne olfactive, somnolence, irritations) jusqu’à l’aggravation de pathologies, comme allergies, asthme, intoxications. Les polluants chimiques que l’on rencontre le plus souvent sont : XX le monoxyde de carbone (CO), provenant surtout des chaudières mal entretenues (5 000 intoxications et 100 décès par an en France) ; XX le formol ou formaldéhyde, issu du mobilier, des panneaux de bois, colles, moquettes, et certains cosmétiques ;

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les composés organiques volatils (COV), notamment le benzène, mais aussi le toluène, le tri et le tétrachloréthylène. Le formol, le monoxyde de carbone et le benzène sont considérés comme les trois principaux polluants (selon des mesures effectuées dans la région Rhône-Alpes, la quantité de formol peut être 8 fois supérieure à l’intérieur des bâtiments qu’à l’extérieur) ; les oxydes d’azote, dégagés par des gazinières, mais aussi l’ozone produit par certains épurateurs d’air et les imprimantes laser ; des composés organiques semi-volatils (COSV), par exemple les phtalates, contenus dans les peintures, les revêtements de sol et de murs plastifiés, les produits de nettoyage et de désinfection ; les terpènes, aldéhydes, acide acétique, issus du bois, et les parfums, souvent allergisants, des produits d’entretien et d’hygiène (où ils n’apportent rien à la fonction) ; dans cette catégorie, on trouve également les huiles essentielles naturelles.

À ces polluants s’ajoutent encore le plomb des peintures anciennes, le radon (cancérogène avéré, fonction de la géologie locale) et les habitudes individuelles comme le tabagisme, avec sa fumée contenant quelques 4 000 produits nocifs, dont une quarantaine de cancérigènes.

Quelles sont les dispositions prises ? Les autorités nationales et internationales ont pris conscience de l’importance de la connaissance et de la réglementation de la qualité de l’air intérieur. En France, des travaux d’expertise et des études scientifiques sont menés depuis 2005 par l’ANSES. L’objectif est l’élaboration, notamment pour les substances émises par les matériaux de construction et de décoration, de valeurs guides d’air intérieur (VGAI), cibles sanitaires à atteindre pour protéger la santé des personnes (base pour les travaux du Haut conseil de santé publique) et qui se traduiront pas des guides de gestion IAQG (IAQG publié par l’OMS sur 9 substances le 15 décembre 2010). Les lois Grenelle 1 (août 2009 ; obligation d’étiquetage pour les COV des matériaux de construction) et Grenelle 2 (juillet 2010 : surveillance obligatoire de la qualité de l’air intérieur de certains établissements recevant du public). Cette surveillance désigne comme hautement prioritaires le formol, les oxydes d’azote, le monoxyde

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de carbone, le benzène et les nanoparticules. En deuxième priorité, on trouve le styrène et, en cours d’étude, l’ammoniac et des terpènes naturels : le D-limonène et l’a-pinène. L’amélioration de la performance énergétique doit impérativement aller de pair avec celle de la qualité de l’air intérieur. Les bâtiments à énergie zéro disposent ainsi de VMC double flux avec récupérateur de chaleur sur l’air extrait. Des systèmes à aspirateur centralisé de poussières contribuent aussi à apporter une meilleure qualité de l’air intérieur.

Le programme national de santé PNSE 2 souligne, dans ses actions 7 à 10, la nécessité de limiter les sources de pollution à l’intérieur des bâtiments, d’aérer, de ventiler et de climatiser sainement, de mieux gérer la qualité de l’air intérieur dans les lieux publics et de réduire les expositions liées à l’amiante. Des défis qui alimenteront la créativité des scientifiques, et notamment des chimistes.

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PUBLICATIONS DE L’ACADÉMIE

Les travaux de l’Académie des technologies sont l’objet de publications réparties en quatre collections1 : XX Les rapports de l’Académie : ce sont des textes rédigés par un groupe de l’Académie dans le cadre du programme décidé par l’Académie et suivi par le Comité des travaux. Ces textes sont soumis au Comité de la qualité, votés par l’Assemblée, puis rendus publics. On trouve dans la même collection les avis de l’Académie, également votés en Assemblée, et dont le conseil académique a décidé de la publication sous forme d’ouvrage papier. Cette collection est sous couverture bleue. - Les ouvrages de l’Académie des technologies publiés entre 2008 et 2012 peuvent être commandés aux Éditions Le Manuscrit (http://www.manuscrit.com). La plupart existent tant sous forme matérielle que sous forme électronique. - Les titres publiés à partir de janvier 2013 sont disponibles en librairie et sous forme de ebook payant sur le site de EDP sciences (http://www.edition-sciences.com). À échéance de six mois ils sont téléchargeables directement et gratuitement sur le site de l’Académie. - Les publications plus anciennes n’ont pas fait l’objet d’une diffusion commerciale, elles sont consultables et téléchargeables sur le site public de l’Académie www.academie-technologies.fr, dans la rubrique « Publications ». De plus, l’Académie dispose encore pour certaines d’entre elles d’exemplaires imprimés. 1







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Les communications à l’Académie sont rédigées par un ou plusieurs Académiciens. Elles sont soumises au Comité de la qualité et débattues en Assemblée. Non soumises à son vote elles n’engagent pas l’Académie. Elles sont rendues publiques comme telles, sur décision du Conseil académique. Cette collection est publiée sous couverture rouge. Les « Dix questions à… et dix questions sur… » : un auteur spécialiste d’un sujet est sélectionné par le Comité des travaux et propose dix à quinze pages au maximum, sous forme de réponses à dix questions qu’il a élaborées lui-même ou après discussion avec un journaliste de ses connaissances ou des collègues (Dix questions à…). Ce type de document peut aussi être rédigé sur un thème défini par l’Académie par un académicien ou un groupe d’académiciens (Dix questions sur…). Dans les deux cas ces textes sont écrits de manière à être accessibles à un public non-spécialisé. Cette collection est publiée sous une couverture verte. Les grandes aventures technologiques françaises : témoignages d’un membre de l’Académie ayant contribué à l’histoire industrielle. Cette collection est publiée sous couverture jaune. Par ailleurs, concernant les Avis, l’Académie des technologies est amenée, comme cela est spécifié dans ses missions, à remettre des Avis suite à la saisine d’une collectivité publique ou par auto saisine en réaction à l’actualité. Lorsqu’un avis ne fait pas l’objet d’une publication matérielle, il est, après accord de l’organisme demandeur, mis en ligne sur le site public de l’Académie. Enfin, l’Académie participe aussi à des co-études avec ses partenaires, notamment les Académies des sciences, de médecine, d’agriculture, de pharmacie…

Tous les documents émis par l’Académie des technologies depuis sa création sont répertoriés sur le site www.academie-technologies.fr. La plupart sont peuvent être consultés sur ce site et ils sont pour beaucoup téléchargeables. Dans la liste ci-dessous, les documents édités sous forme d’ouvrage imprimé commercialisé sont signalés par une astérisque. Les publications les plus récentes sont signalées sur le site des éditions. Toutes les publications existent aussi sous forme électronique au format pdf et pour les plus récentes au format ebook.

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AVIS DE L’ACADÉMIE 1. Brevetabilité des inventions mises en œuvre par ordinateurs : avis au Premier ministre – juin 2001 2. Note complémentaire au premier avis transmis au Premier ministre – juin 2003 3. Quelles méthodologies doit-on mettre en œuvre pour définir les grandes orientations de la recherche française et comment, à partir de cette approche, donner plus de lisibilité à la politique engagée ? – décembre 2003 4. Les indicateurs pertinents permettant le suivi des flux de jeunes scientifiques et ingénieurs français vers d’autres pays, notamment les États-Unis – décembre 2003 5. Recenser les paramètres susceptibles de constituer une grille d’analyse commune à toutes les questions concernant l’énergie – décembre 2003 6. Commentaires sur le Livre Blanc sur les énergies – janvier 2004 7. Premières remarques à propos de la réflexion et de la concertation sur l’avenir de la recherche lancée par le ministère de la Recherche – mars 2004 8. Le système français de recherche et d’innovation (SFRI). Vue d’en­semble du système français de recherche et d’innovation – juin 2004 • Annexe 1 – La gouvernance du système de recherche • Annexe 2 – Causes structurelles du déficit d’innovation technologique. Constat, analyse et proposition.

9. 10. 11. 12. 13. 14. 15. 16.

17. 18. 19. 20.

L’enseignement des technologies de l’école primaire aux lycées – septembre 2004 L’évaluation de la recherche – mars 2007 L’enseignement supérieur – juillet 2007 La structuration du CNRS – novembre 2008 La réforme du recrutement et de la formation des enseignants des lycées professionnels – Recommandation de l’Académie des technologies – avril 2009 La stratégie nationale de recherche et l’innovation (SNRI) – octobre 2009 Les crédits carbone – novembre 2009 Réduire l’exposition aux ondes des antennes-relais n’est pas justifié scientifiquement : mise au point de l’Académie nationale de médecine, de l’Académie des sciences et de l’Académie des technologies – décembre 2009 Les biotechnologies demain – juillet 2010 Les bons usages du Principe de précaution – octobre 2010 La validation de l’Acquis de l’expérience (VAE) – janvier 2012 Mise en œuvre de la directive des quotas pour la période 2013–2020 – mars 2011

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21. Le devenir des IUT – mai 2011 22. Le financement des start-up de biotechnologies pharmaceutiques – septembre 2011 23. Recherche et innovation : Quelles politiques pour les régions ? – juillet 2012 24. La biologie de synthèse et les biotechnologies industrielles (blanches) – octobre 2012 25. Les produits chimiques dans notre environnement quotidien – octobre 2012 26. L’introduction de la technologie au lycée dans les filières d’enseignement général – décembre 2012 27. Évaluation de la recherche technologique publique – février 2013 28. L’usage de la langue anglaise dans l’enseignement supérieur – mai 2013 RAPPORTS DE L’ACADÉMIE 1. Analyse des cycles de vie – octobre 2002 2. Le gaz naturel – octobre 2002 3. Les nanotechnologies : enjeux et conditions de réussite d’un projet national de recherche – décembre 2002 4. Les progrès technologiques au sein des industries alimentaires – Impact sur la qualité des aliments / La filière lait – mai 2003 5. *Métrologie du futur – mai 2004 6. *Interaction Homme-Machine – octobre 2004 7. *Enquête sur les frontières de la simulation numérique – juin 2005 8. Progrès technologiques au sein des industries alimentaires – la filière laitière, rapport en commun avec l’Académie d’agriculture de France – 2006 9. *Le patient, les technologies et la médecine ambulatoire – avril 2008 10. *Le transport de marchandises – janvier 2009 (version anglaise au numéro 15) 11. *Efficacité énergétique dans l’habitat et les bâtiments – avril 2009 (version anglaise au numéro 17) 12. *L’enseignement professionnel – décembre 2010 13. *Vecteurs d’énergie – décembre 2011 (version anglaise au numéro 16) 14. *Le véhicule du futur – septembre 2012 (publication juin 2013) 15. *Freight systems (version anglaise du rapport 10 le transport de marchandises) – novembre 2012 16. *Energy vectors – novembre 2012 (vesion anglaise du numéro 13)

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17. *Energy Efficiency in Buildings and Housing – novembre 2012 (version anglaise du numéro 11) 18. *Les grands systèmes socio-techniques / Large Socio-TechnicaL Systems – ouvrage bilingue, juillet 2013 19. * Première contribution de l’Académie des technologies au débat national sur l’énergie / First contribution oF the national academy oF technologies oF France to the national debate on the Future oF energies supply – ouvrage bilingue, juillet 2013 COMMUNICATIONS DE L’ACADÉMIE 1. *Prospective sur l’énergie au xxie siècle, synthèse de la Commission énergie et environnement – avril 2004, MàJ décembre 2004 2. Rapports sectoriels dans le cadre de la Commission énergie et environnement et changement climatique : 3. Les émissions humaines – août 2003 • Économies d’énergie dans l’habitat – août 2003 • Le changement climatique et la lutte contre l’effet de serre – août 2003 • Le cycle du carbone – août 2003 • Charbon, quel avenir ? – décembre 2003 • Gaz naturel – décembre 2003 • Facteur 4 sur les émissions de CO2 – mars 2005 • Les filières nucléaires aujourd’hui et demain – mars 2005 • Énergie hydraulique et énergie éolienne – novembre 2005 • La séquestration du CO2 – décembre 2005 • Que penser de l’épuisement des réserves pétrolières et de l’évolution du prix du brut ? – mars 2007

4. Pour une politique audacieuse de recherche, développement et d’innovation de la France – juillet 2004 5. *Les TIC : un enjeu économique et sociétal pour la France – juillet 2005 6. *Perspectives de l’énergie solaire en France – juillet 2008 7. *Des relations entre entreprise et recherche extérieure – octobre 2008 8. *Prospective sur l’énergie au xxie siècle, synthèse de la Commission énergie et environnement, version française et anglaise, réactualisation – octobre 2008 9. *L’énergie hydro-électrique et l’énergie éolienne – janvier 2009 10. *Les Biocarburants – février 2010 11. *PME, technologies et développement – mars 2010.

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12. *Biotechnologies et environnement – avril 2010 13. *Des bons usages du Principe de précaution – février 2011 14. L’exploration des réserves françaises d’hydrocarbures de roche mère (gaz et huile de schiste) – mai 2011 15. *Les ruptures technologiques et l’innovation – février 2012 16. *Risques liés aux nanoparticules manufacturées – février 2012 17. *Alimentation, innovation et consommateurs – juin 2012 18. Vers une technologie de la conscience – juin 2012 (à paraître) 19. Profiter des ruptures technologiques pour gagner en compétitivité et en capacité d’innovation – juin 2012 (à paraître) 20. Les produits chimiques au quotidien – novembre 2012 (à paraître) 21. Profiter des ruptures technologiques pour gagner en compétitivité et en capacité d’innovation – novembre 2012 (à paraître) 22. Dynamiser l’innovation par la recherche et la technologie – novembre 2012 23. La technologie, école d’intelligence innovante. Pour une introduction au lycée dans les filières de l’enseignement général – octobre 2012 (à paraître) DIX QUESTIONS POSÉES À… 1. *Les déchets nucléaires – 10 questions posées à Robert Guillaumont – décembre 2004 2. *L’avenir du charbon – 10 questions posées à Gilbert Ruelle – janvier 2005 3. *L’hydrogène – 10 questions posées à Jean Dhers – janvier 2005 4. *Relations entre la technologie, la croissance et l’emploi – 10 questions à Jacques Lesourne – mars 2007 5. *Stockage de l’énergie électrique – 10 questions posées à Jean Dhers – décembre 2007 6. *L’éolien, une énergie du xxie siècle – 10 questions posées à Gilbert Ruelle – octobre 2008 7. *La robotique – 10 questions posées à Philippe Coiffet, version franco-anglaise – septembre 2009 8. *L’intelligence artificielle – 10 questions posées à Gérard Sabah – septembre 2009 9. *La validation des acquis de l’expérience – 10 questions posées à Bernard Decomps – juillet 2012

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GRANDES AVENTURES TECHNOLOGIQUES 1. *Le Rilsan – par Pierre Castillon – octobre 2006 2. *Un siècle d’énergie nucléaire – par Michel Hug – novembre 2009 HORS COLLECTION 1. Libérer Prométhée – mai 2011 CO-ÉTUDES 1. Progrès technologiques au sein des industries alimentaires – La filière laitière. Rapport en commun avec l’Académie d’agriculture de France – mai 2004 2. Influence de l’évolution des technologies de production et de transformation des grains et des graines sur la qualité des aliments. Rapport commun avec l’Académie d’agriculture de France – février 2006 3. *Longévité de l’information numérique – Jean-Charles Hourcade, Franck Laloë et Erich Spitz. Rapport commun avec l’Académie des sciences – mars 2010, EDP Sciences 4. *Créativité et Innovation dans les territoires – Michel Godet, Jean-Michel Charpin, Yves Farge et François Guinot. Rapport commun du Conseil d’analyse économique, de la Datar et de l’Académie des technologies – août 2010 à la Documentation française 5. *Libérer l’innovation dans les territoires. Synthèse du Rapport commun du Conseil d’analyse économique, de la Datar et de l’Académie des technologies. Créativité et Innovation dans les territoires Édition de poche – septembre 2010 – réédition novembre 2010 à la Documentation française 6. *La Métallurgie, science et ingénierie – André Pineau et Yves Quéré. Rapport commun avec l’Académie des sciences (RST) – décembre 2010, EDP Sciences. 7. Les cahiers de la ville décarbonée en liaison avec le pôle de compétitivité Advancity 8. Le brevet, outil de l’innovation et de la valorisation – Son devenir dans une économie mondialisée – Actes du colloque organisé conjointement avec l’Académie des sciences le 5 juillet 2012 éditions Tec & doc – Lavoisier

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