Les Quatre Alices

Mia Blais-Côté 2017. Ce livre numérique est pour un usage personnel seulement. Toute distribution est interdite. Merci de respecter le travail de l'auteur.
290KB taille 11 téléchargements 492 vues
Les Quatre Alices Par Mia Blais-Côté

© Mia Blais-Côté 2017 Ce livre numérique est pour un usage personnel seulement. Toute distribution est interdite. Merci de respecter le travail de l’auteur.

RÉSUMÉ En pleine nuit, un jeune homme marche dans une forêt sombre. Il rencontre une mystérieuse adolescente rousse près d’un feu de camp. Elle lui raconte une histoire qui semble trop loufoque pour être vrai, et pourtant... «Les Quatre Alices» est une courte histoire de type mystère et psychologique, avec une légère touche d’horreur. Elle a environ 10 000 mots et elle a la particularité d’avoir des héroïnes ayant un TSA, pour troubles du spectre de l’autisme.

PROLOGUE

Je ne me souviens plus depuis combien de temps je marche dans cette forêt sombre. Je ne sais même pas pourquoi je marche dans cette forêt sombre. Est-ce pour fuir quelque chose ou quelqu’un? Estce pour prouver ma force virile? Est-ce un simple pari fait à l’école? Ai-je uniquement envie de camper? Je ne le sais pas. Quoi qu’il en soit, je dois continuer d’avancer. Soudain, j’aperçois la lueur d’un feu de camp au loin. Tout en me disant que me réchauffer me ferait du bien, je m’en approche. Il y a une jeune fille rousse assise auprès du feu. Il m’est difficile de voir ses yeux verts à la lueur des flammes, mais ils semblent regarder le sol. Voulant briser le silence, je la salue. Elle ne me répond pas. Je me dis qu'elle est peut-être sourde, quand soudain elle me répond. — Je suis Alice Lorange... Vous savez... comme une orange. Je reste silencieux et ma réaction semble la surprendre. — Vous ne riez pas... Pourquoi? Je reste muet. Cette étrange fille m'intrigue. Son visage semble figé sur une expression de neutralité totale. — Les Autres rient toujours. Cette dernière phrase, elle l’a à peine murmurée, comme si elle avait peur de représailles. — Quoi qu’il en soit, je m’appelle Alice Lorange.

Elle me l’a déjà dit. Tout en se rendant compte de son erreur, Alice s’excuse aussitôt, puis elle me dit qu’elle est âgée de 16 ans et qu’elle est Québécoise. Je suis aussi Québécois. Quant à mon âge, je veux le garder pour moi. — ...Dites... voulez-vous entendre mon histoire? Cette fois, je dois lui répondre. — Une histoire? — Oui, me dit Alice. Je la raconte à tous ceux et celles que je rencontre dans cette forêt, mais personne ne me croit. — C’est une histoire vraie, alors. Alice semble hésiter puis elle affirme que «oui». Je ne veux pas avoir l’air malpoli et ma curiosité est piquée. J’accepte donc d’entendre son histoire.

L’HISTOIRE D’ALICE

Mon histoire a commencé quand je me suis réveillée dans une chambre. Une chambre qui n’était pas la mienne. Les draps du lit me brûlent la peau. Enfin, «brûler», c’est une façon de parler. «Irriter» serait un bien meilleur mot, mais, pour moi, c’est aussi douloureux que de me mettre la main au feu. Les murs sont d’une couleur horrible. Une gomme-gutte, un pigment jaune tirant sur l'orangé. Les meubles sont anciens et couverts de poussière. Je la déteste. Elle s'infiltre partout et, on a beau l’enlever, elle revient toujours. En plus, la toucher... NON ET NON! Je ne suis pas restée dans le lit bien longtemps, avec ma peau qui brûle, mais j'ai eu rapidement mal à la tête. Pour une raison toute simple. Je ne suis pas dans ma chambre. Je suis dans la chambre d’un inconnu. Je suis dans l’Inconnu. L’Inconnu, le grand et puissant Inconnu. Il sait me faire souffrir, l’Inconnu. Je crois, de toutes mes forces, que nous serons toujours en guerre. Je voulais calmer la douleur à ma tête alors je fais la première chose qui me vient à l’esprit. Appeler papa et maman. Je sais. Cela semble stupide, mais leur présence m’a toujours rassurée et elle chasse l'Inconnu. Je n’ai pas obtenu de réponse. Je retente donc ma chance. Toujours rien. Ma douleur à la tête devient insupportable. Les larmes me montent aux yeux et je me mets à pleurer. Je n'y pouvais rien.

— Hé! Soudain, j'entendis une voix féminine. Elle provient de l’extérieur de la chambre. — Ça va? Je peux entrer? Je ne sais pas quoi lui répondre. Je ne veux pas qu'elle me voit ainsi, en train de pleurer comme une gamine. Après tout, c’est une Autre. — Euh..., me dit la voix en hésitant. J’entre, ok? Avant que je ne puisse lui répliquer, la porte s’ouvre et une fille blonde en pyjama, comme moi d’ailleurs, entre dans la chambre. Elle a de tout petits yeux bleus. Je n'ai jamais vu des yeux aussi petits auparavant. En la regardant, je bloque mes larmes. Il est hors de question qu’elle se moque de moi! mesuis-je dit, d’un ton ferme. La fille aux yeux bleus semble plus jeune que moi. Je me demande quel âge elle a? En essuyant mes yeux mouillés, je lui pose la question. — Vous avez quel âge? — Quelle étrange question! s’exclame la fille blonde. Et du vouvoiement, en plus. Génial, je me dis. J’ai parlé trop vite! Elle va se moquer de moi, je le sais! Étrangement, la fille ne se moque pas de moi. Je n’arrive pas à comprendre pourquoi. — Il est rare de trouver des ados polies à ce point, dit la fille. J’ai 14 ans. Tu t’appelles comment? Je reste muette pendant un temps. Il semble toujours y avoir un décalage entre «vouloir parler» et «l’action de dire quelque chose». Je n'ai jamais compris pourquoi. Cela me prend toujours un certain temps avant de répondre à quelqu'un. — Alice.

— Alice... qui? demande la fille. Encore un temps d'attente. — Alice Lorange, je lui réponds. Allez, vous pouvez rire maintenant. — Hein? Pourquoi je rirais? Bizarre, je me dis. Les Autres rient tout le temps, alors... pourquoi...? — Alice, c’est un joli prénom, me dit-elle en souriant. Lorange, ça colle avec tes cheveux. Cette fois-ci, je réponds tout de suite. Cela se produit rarement. — De la colle dans mes cheveux? — Non, c’est une expression. Je me sentais idiote. Les expressions, les mots à double-sens, les non-dits... Ce sont tous des mystères pour moi. J'ai dû en apprendre plusieurs par coeur, mais il y en a encore beaucoup qui m'échappent. Même si j'en ai appris plusieurs, cela ne veut pas dire que je les comprends. Malgré tout, j'en aime certaines, comme celle avec la fameuse «croûte». — Je m’appelle aussi Alice, dit la fille blonde. Alice D. — D? Pour Denton? C’est le premier nom de famille qui m'est venu à l’esprit. Peut-être est-ce dû à un certain jeu vidéo. — Non, juste D. Je sentais que l’Alice blonde me cachait son nom de famille, mais bon, «D», c’était quand même sympathique. — C’est incroyable! s’exclame Alice D. Quatre Alices! — Quatre Alices? Il y aurait donc deux autres filles. Ma curiosité est maintenant piquée.

— Oui, Alice Brown et Alice Kurosawa. D’ailleurs, nous nous adressons avec nos noms de famille, à la japonaise, pour éviter les mélanges. Je trouve cette idée géniale! Même si je ne suis pas une grande fan de l'animation japonaise. — C’est une bonne idée, lui dis-je. Je suis donc Lorange. — Exact et je suis D. Si tu veux, je peux te présenter à Brown et à Kurosawa. Bien que je n'ai jamais aimé rencontrer d’autres personnes, le fait que D m’accompagne me donne du courage. En plus, ces deux autres Alice savent peut-être où est-ce que je me trouve? — Génial! Dis-je à D. Allons-y! D sort de la chambre et je la suis.

Nous sommes maintenant dans un corridor avec plusieurs portes. Étrangement, il y a un mot écrit sur les portes. «Alice» suivi d’un gros cercle coloré. Celle que j'ai refermée derrière moi a un «Alice» et un cercle orange. D m'indique sa chambre. Sa porte a un «Alice» et un cercle jaune. Sur les deux autres portes, il y a un cercle noir et un cercle brun. Je pus facilement deviner que la chambre de Brown est celle au cercle brun, et de toute évidence Kurosawa a celle au cercle noir. Il y a une porte où il n’y a rien d’écrit. D me dit que c’est la salle de bain. — Il y a aussi une trappe, au bout du couloir, pour le grenier. Les escaliers, là-bas au loin, mènent au premier étage. D va ensuite à la porte avec un cercle brun et elle cogne. Aucune réponse.

— Brown, t’es là? Silence total. — Brown? Je peux entrer? Toujours rien. — O...k... D ouvre la porte et elle entre dans la chambre. Je m’apprêtais à la suivre quand une forte voix se fait entendre. — SORS DE MA CHAMBRE!!! — Brown! s’exclame l’Alice blonde. Pourquoi tu ne m’as pas répondu? — SORS, SORS, SORS, SORS! — D’accord, d’accord! D sort de la chambre et ferme la porte derrière elle. Tout en soupirant de déception, elle me dit un «J'suis désolée!». — Brown est... comment dire? Elle est spéciale, m’explique D. — «Spéciale»? — Oui. Elle a des manies et elle ne tolère aucun «intrus» dans sa chambre. Je ne peux m’empêcher de rire tout bas. J'avais aussi ce comportement quand j'étais petite. Si quelqu’un avait le malheur d’entrer dans MA «Zone», garde à lui! — Je peux essayer de lui parler? demandais-je à l’Alice blonde. — Fais comme tu veux, mais elle risque de t’envoyer promener. Sans faire de bruits - Brown était peut-être sensible aux sons forts je vais me coller sur la porte de sa chambre. — Brown? Vous m’entendez? Le silence est total. Je retente ma chance.