Les thrombophilies, comment s'y retrouver

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La thrombo-embolie veineuse dévoilée

Les thrombophilies, comment s’y retrouver

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Christine Demers Mme Marcoux,45 ans,a subi une thrombose veineuse profonde il y a six mois alors qu’elle était sous contraceptifs oraux depuis deux mois pour des saignements menstruels irréguliers.Elle a des antécédents familiaux de thrombo-embolie veineuse,sa mère ayant déjà fait une thrombose veineuse postopératoire.Par ailleurs,elle a trois filles de 13,15 et 17 ans,dont l’aînée est sous anovulants depuis un an.Après six mois de traitement,vous pensez lui recommander de cesser la warfarine.Y a-t-il une indication de bilan de thrombophilie ? Si oui,quel est le meilleur moment de le faire ?

O

N ENTEND BEAUCOUP PARLER des thrombophilies de-

puis quelques années.Avant 1993, on ne connaissait que les déficits en anticoagulants naturels, qui sont rares. En 1993, des chercheurs ont découvert le facteur V Leiden, puis en 1996 la mutation du gène de la prothrombine1. Environ 5 % de la population générale est porteuse d’une de ces deux mutations1. Le médecin doit donc souvent faire face à des situations cliniques où les thrombophilies constituent une partie du problème. Les thrombophilies (tableau I) sont des états qui créent une hypercoagulabilité et, par conséquent, augmentent le risque de thrombo-embolies veineuses. Elles sont soit acquises, soit héréditaires. La maladie thrombo-embolique veineuse étant souvent multifactorielle, il n’est pas rare que plus d’une thrombophilie soit présente chez la même personne. Le rôle des contraceptifs oraux dans la thromboembolie veineuse a été revu récemment2. Le présent article traitera des thrombophilies héréditaires et du syndrome des anticorps antiphospholipides de même que du dépistage des thrombophilies.

Qu’est-ce que le syndrome des anticorps antiphospholipides ? Les antiphospholipides sont des anticorps dirigés contre certains phospholipides ou contre des proLa Dre Christine Demers, hématologue, exerce à l’Hôpital de l’Enfant-Jésus, à Québec, et est professeure agrégée de médecine à l’Université Laval, à Québec.

Tableau I

Causes des thrombophilies Thrombophilies acquises O Âge O Néoplasie O Intervention chirurgicale O Antécédents de thrombo-embolie O Immobilisation O Hormonothérapie O Grossesse O Obésité O Syndromes myéloprolifératifs O Hémoglobinurie paroxystique nocturne O Syndrome des anticorps antiphospholipides Thrombophilies héréditaires O Déficit en antithrombine O Déficit en protéine C O Déficit en protéine S O Facteur V Leiden O Mutation du gène de la prothrombine

téines liant ces derniers (figure). Ils ont d’abord été décrits chez les sujets atteints de lupus érythémateux, mais sont aussi présents chez de 1 % à 5 % de la population générale3. Lorsque ces anticorps sont associés à certaines manifestations cliniques, on parle de syndrome des anticorps antiphospholipides. Toutefois, le mécanisme pathogène de ces anticorps n’est pas bien défini. La définition du syndrome des anticorps Le Médecin du Québec, volume 42, numéro 12, décembre 2007

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Figure

Résumé de la coagulation Phase de contact Facteur tissulaire Facteur VIIa Facteur IX

Facteur IXa Antithrombine Facteur X Facteur Va

Facteur Xa Phospholipides

Facteur V Leiden PCa

Antithrombine

Prot éine S Mutation II

Facteur IIa (thrombine)

Facteur II Facteur VIIIa

Flèches d’inhibition Flèches d’activation

Anticoagulant circulant

Phospholipides

Fibrinogène

Fibrine

PCa : protéine C activée

antiphospholipides a été revue récemment, et le diagnostic nécessite la présence des deux critères suivants4 : 1. thrombose veineuse ou artérielle prouvée ou certaines complications de la grossesse ; et 2. au moins un résultat positif au dosage des anticorps antiphospholipides fait à deux reprises à douze semaines d’intervalle. Il existe trois types de tests pour évaluer la présence d’anticorps antiphospholipides (encadré 1). Il est important de demander les trois (s’ils sont disponibles), car certaines personnes peuvent avoir un résultat positif à un seul test. Le test de l’anticardiolipine utilise la méthode ELISA pour doser les IgG ou les IgM dirigées contre la cardiolipine, un type de phospholipides. L’anticoagulant circulant est défini comme l’allongement des tests de coagulation contenant des phospholipides (suivi de la confirmation que l’anticoagulant circulant en est responsable). Les phospholipides sont des cofacteurs de coagula-

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Les thrombophilies, comment s’y retrouver

tion (figure). S’il y a un anticoagulant circulant, les phospholipides sont inhibés, ce qui a pour effet de prolonger les tests de coagulation. Comme l’anticoagulant circulant peut être dirigé contre certains types de phospholipides seulement, au moins deux tests doivent être faits pour éliminer un anticoagulant circulant. Le temps de céphaline activée ou TCA (aPTT) et le temps de stypven dilué (Russell’s viper venom time) sont parmi les plus utilisés. Certains milieux emploient un réactif pour le TCA qui n’est pas sensible à l’anticoagulant circulant. C’est une information importante à connaître puisqu’on ne peut pas conclure à l’absence d’anticoagulants circulants lorsque le TCA est normal. L’antib2-glycoprotéine-1 fait partie des critères diagnostiques depuis 20064. Ce test détecte, par la méthode ELISA, les IgG ou les IgM dirigées contre la b2-glycoprotéine-1, une protéine liant les phospholipides. Même si l’anticardiolipine et l’antib2-glycoprotéine-l

Encadré 1

Qu’en est-il des thrombophilies héréditaires?

O Recherche de l’anticardiolipine

Les thrombophilies héréditaires comprennent les déficits en anticoagulants naturels de même que les mutations spécifiques (facteur V Leiden et mutation du gène de la prothrombine).

Déficit en anticoagulants naturels Le rôle des anticoagulants naturels est d’inhiber certaines protéines de la coagulation et, par conséquent, de réguler la production de thrombine (figure). L’antithrombine (AT) (autrefois antithrombine III) inhibe les facteurs IIa et Xa. La protéine C (PC) (PCa lorsqu’elle est activée) et son cofacteur, la protéine S (PS), inhibent deux cofacteurs de la coagulation, le Va et le VIIIa. En cas de déficit, les facteurs ou cofacteurs ne sont pas inhibés. La thrombine est donc produite en plus grande quantité et, conséquemment, le risque de thrombose augmente. Les déficits en AT, en PC ou en PS sont rares et sont généralement transmis par voie autosomique dominante. De nombreuses mutations ont été découvertes pour chacun des déficits. L’état homozygote est très rare et est associé à un syndrome clinique grave survenant peu de temps après la naissance. Chez les sujets hétérozygotes, le risque relatif de thromboembolie veineuse varie de cinq à vingt selon le type de mutations. Le diagnostic se fait en dosant l’activité de la protéine et son antigène. Dans la majorité des déficits, l’activité et l’antigène sont abaissés à environ 0,50 unité par ml. Plus rarement, le déficit sera fonctionnel, c’est-à-dire que la protéine sera synthétisée (antigène normal), mais qu’elle ne fonctionnera pas (activité diminuée). Comme il existe plusieurs mutations pour chaque type de déficit, le diagnostic génétique ne peut être utilisé comme outil diagnostique.

Facteur V Leiden En 1993, on a remarqué que lorsqu’on ajoutait de la PCa au plasma de certains sujets, l’inhibition attendue du facteur Va et VIIIa ne s’effectuait pas. On a donc qualifié ces personnes de « résistantes à la pro-

Trois types de tests pour évaluer la présence d’anticorps antiphospholipides O Recherche de l’anticoagulant circulant ou lupique O Recherche de l’antib2-glycoprotéine-1

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sont des techniques ELISA, leur standardisation est difficile4. La recherche d’anticoagulants circulants est complexe et devrait donc être confiée à des laboratoires spécialisés.

téine C activée » (figure). Peu après, on a découvert que l’anomalie touchait le facteur V qui, en raison d’une mutation appelée « facteur V Leiden », est insensible à l’action de la PCa. Le facteur Va n’étant pas inhibé, la thrombine est produite en plus grande quantité, ce qui augmente le risque de thrombose. De trois à cinq pour cent des personnes de race blanche sont porteuses de cette mutation qui se transmet par voie autosomique dominante1. Les hétérozygotes ont un risque relatif de thrombo-embolie veineuse de 7 tandis que celui des homozygotes est de 801. Le test le plus précis est celui qui permet de rechercher la mutation du facteur V Leiden par des épreuves de biologie moléculaire. Dans certains milieux, le test de résistance à la protéine C activée (RPCa), un test de coagulation, est aussi disponible.

Mutation du gène de la prothrombine (facteur II) La mutation du gène de la prothrombine amène une augmentation du taux de prothrombine, le précurseur de la thrombine1 (figure). Elle touche de 2 % à 4 % des personnes de race blanche et est transmise par voie autosomique dominante1. Les hétérozygotes ont un risque relatif de thrombo-embolie veineuse de 2 à 41. Le diagnostic se fait en demandant la mutation du gène de la prothrombine (G20210A).

Que faire lorsqu’une thrombophilie est confirmée ? Syndrome des anticorps antiphospholipides La présence d’un anticorps antiphospholipide confère un risque accru de récidive après une thromboembolie veineuse5. Une anticoagulothérapie prolongée est souvent utilisée après une thrombo-embolie veineuse idiopathique afin d’obtenir un RIN de 2,0 à 3,06.

Porteurs sans symptômes de thrombose La présence d’une thrombophilie chez un patient Le Médecin du Québec, volume 42, numéro 12, décembre 2007

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Encadré 2

Dépistage de la thrombophilie dans trois situations O Population générale O Patient ayant présenté une thrombo-embolie veineuse O Personne sans symptômes ayant des antécédents fami-

liaux de thrombo-embolie veineuse ou de thrombophilie

n’ayant jamais subi de thrombo-embolie veineuse ne constitue pas une indication d’anticoagulothérapie prolongée, car le risque de saignement occasionné par les anticoagulants dépasse le risque de thrombose7. Près de la moitié des thrombo-embolies veineuses surviennent au cours de périodes à risque (Ex. : intervention chirurgicale)8. On recommande donc l’administration d’un agent prophylactique pendant ces périodes. Cette approche est surtout importante pour les personnes porteuses d’un déficit en antithrombine, en protéine C ou en protéine S.

Porteurs avec symptômes de thrombose O

Déficit en AT, en PC ou en PS L’anticoagulothérapie prolongée peut être envisagée chez les patients présentant un déficit en antithrombine, en protéine C ou en protéine S après une thrombo-embolie veineuse idiopathique6. Il s’agit d’une décision qui se prend au cas par cas en soupesant d’un côté les risques de récidive sans traitement et de l’autre ceux de saignement sous warfarine. O

Facteur V Leiden ou mutation du gène de la prothrombine La durée de l’anticoagulothérapie n’est généralement pas modifiée par la présence de l’une de ces deux mutations à l’état hétérozygote. Lorsque le déficit est double (état homozygote ou « facteur V Leiden et mutation du gène de la prothrombine »), l’anticoagulothérapie prolongée peut être considérée après une thrombo-embolie idiopathique ou en cas de récidive6.

Qu’en est-il des autres déficits ? Selon certains auteurs, une augmentation des facteurs VIII, IX et XI est associée à un risque accru de thrombo-embolie veineuse. L’association avec le facteur VIII est la plus constante. En plus d’être un facteur de risque pour les thrombo-embolies veineuses, elle prédisposerait aux récidives9. Toutefois, l’utilité de mesurer ces facteurs n’est pas établie à l’heure actuelle. Plusieurs études ont montré qu’une augmentation de l’homocystéine constitue un facteur de risque de thrombo-embolie veineuse10. Toutefois, il a été prouvé qu’une réduction de la concentration d’homocystéine ne diminue pas le risque de thromboembolie, ce qui semble indiquer que le dosage de l’homocystéine après une thrombo-embolie veineuse n’est pas pertinent11.

Chez qui doit-on chercher une thrombophilie? La recherche de thrombophilies constitue un sujet controversé. Comme il y a peu d’études sur le sujet, on doit souvent s’en remettre à des opinions d’experts. Il est important de discuter des limitations et des conséquences du dépistage avant de procéder. Ce dernier peut être effectué dans trois situations (encadré 2).

Population générale Comme le facteur V Leiden et la mutation du gène de la prothrombine sont des mutations fréquentes, on s’est demandé s’il était pertinent de tester toutes les femmes avant de leur donner des contraceptifs oraux ou avant une grossesse. Cette approche a été évaluée et n’est pas recommandée parce qu’elle n’a pas un bon rapport coût-avantage12.

Personnes ayant subi une thrombo-embolie veineuse Environ la moitié des personnes ayant subi une thrombo-embolie veineuse sont atteintes de thrombophilie13. Certaines situations associées à la thromboembolie évoquent la présence d’une thrombophilie sous-jacente. Plusieurs auteurs recommandent de

Il est important de discuter des limitations et des conséquences du dépistage avant de procéder.

Repère

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Patients n’ayant pas de symptômes, mais ayant des antécédents familiaux de thrombo-embolie veineuse ou de thrombophilie En présence d’antécédents familiaux de thromboembolie veineuse ou de thrombophilie, le médecin peut se demander si un bilan de thrombophilie est nécessaire avant la prise de contraceptifs oraux, une hormonothérapie de remplacement ou une grossesse. Il s’agit d’un sujet controversé, les experts ayant des opinions très divergentes sur le sujet. Les principaux arguments contre le dépistage sont le faible taux de thrombo-embolie veineuse chez les sujets sains porteurs des thrombophilies les plus fréquentes (facteur V Leiden hétérozygote et mutation du gène de la prothrombine hétérozygote), le coût, le stress

Encadré 3

Principes généraux des tests de thrombophilie Généralités 1. Le syndrome des anticorps antiphospholipides est acquis et n’a pas sa place dans un dépistage familial. 2. Dans un bilan de thrombophilie familiale, il n’est pas nécessaire de tester les enfants avant l’âge de 15 ans, car le taux de thrombo-embolie veineuse chez les enfants porteurs de thrombophilie est faible17.

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faire le dépistage de la thrombophilie chez les patients ayant subi une thrombo-embolie veineuse et ayant au moins un des facteurs suivants : antécédents familiaux de thrombo-embolie veineuse, thromboembolie idiopathique, thrombo-embolie avant 50 ans, thrombo-embolie récidivante, thrombose à un endroit inusité (cerveau, mésentère, etc.)14,15. De plus, lorsqu’une thrombo-embolie veineuse survient dans la première année de prise des contraceptifs oraux et surtout dans les six premiers mois, la probabilité de diagnostiquer une thrombophilie augmente16. On peut vouloir procéder à un bilan de thrombophilie après une thrombo-embolie veineuse pour différentes raisons. L’une d’elles est d’évaluer le risque de récidive et de déterminer la durée de l’anticoagulothérapie. Toutefois, la présence d’une thrombophilie n’augmente pas nécessairement le risque de récidives. Le caractère idiopathique d’une thrombo-embolie est le facteur le plus important pour prédire une récidive. La durée de l’anticoagulothérapie est rarement modifiée par la présence d’une thrombophilie, à moins qu’il y ait un déficit multiple ou un syndrome des anticorps antiphospholipides. On peut aussi choisir de procéder à un bilan de thrombophilie pour expliquer la cause de la thrombo-embolie ou pour offrir un dépistage familial si une anomalie est découverte.

3. Les tests génétiques pour le facteur V Leiden et la mutation du gène de la prothrombine de même que pour l’anticardiolipine et l’antib2glycoprotéine-1 ne sont pas modifiés par le traitement. Ils peuvent donc être effectués en tout temps. 4. Dans les déficits en antithrombine, en protéine C et en protéine S, l’activité de ces protéines est toujours diminuée. C’est pourquoi plusieurs laboratoires ne dosent que l’activité lorsque le dosage de l’antithrombine, de la protéine C ou de la protéine S est demandé. Si l’activité est normale, le déficit est exclu. Si elle est diminuée, l’antigène est dosé dans un deuxième temps pour préciser le type de déficit. 5. Le dosage de l’antithrombine, de la protéine C et de la protéine S est modifié par de nombreux facteurs. L’héparine peut diminuer l’antithrombine. Les taux des protéines C et S ainsi que des protéines dépendantes de la vitamine K sont abaissés lorsque le patient prend de la warfarine (Coumadin). La concentration de protéine S baisse de façon physiologique pendant la grossesse et peut diminuer sous contraceptifs oraux. Le stress, la maladie hépatique et la coagulation intravasculaire disséminée peuvent faire baisser les taux de protéines. La protéine S étant liée à une composante de l’inflammation, elle peut diminuer dans les états inflammatoires. Il n’est donc pas rare, en raison des nombreuses interférences, qu’un premier dosage d’antithrombine, de protéine C ou de protéine S soit abaissé ou douteux. Il faut alors le refaire, si possible, en dehors de toute interférence. Malgré des tests répétés, il arrive que le diagnostic demeure équivoque. 6. L’activité de la protéine S s’abaisse de façon artificielle chez les personnes porteuses d’un facteur V Leiden. L’antigène est toutefois normal. 7. Le dosage de la protéine C ne doit pas être confondu avec la résistance à la protéine C activée (RPCa), qui évalue le facteur V Leiden, ni avec la protéine C réactive.

du diagnostic et la difficulté potentielle à souscrire une assurance. Les principaux arguments pour le dépistage sont de

La durée de l’anticoagulothérapie est rarement modifiée par la présence d’une thrombophilie. Le caractère idiopathique d’une thrombo-embolie est le facteur le plus important pour prédire une récidive.

Repère Le Médecin du Québec, volume 42, numéro 12, décembre 2007

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guments pour et contre le bilan de thrombophilie. Il est important de bien en discuter avec la paBilan de thrombophilie tiente. Étant donné que Mme Marcoux a présenté O Antithrombine sa thrombose veineuse deux mois après avoir commencé à prendre des contraceptifs oraux et qu’elle O Protéine C a des antécédents familiaux positifs, la probabilité O Protéine S qu’elle soit porteuse d’une thrombophilie est consiO Facteur V Leiden (test génétique) ou résistance à la protéine C activée dérable. La présence d’une thrombophilie ne moO Mutation 20210A du gène de la prothrombine (facteur II) difierait probablement pas votre décision de lui faire cesser la warfarine, mais pourrait avoir des En cas d’antécédents personnels répercussions pour ses filles qui auraient 50 % de de thrombo-embolie veineuse, ajouter : risque d’être porteuses. L’une d’elles étant déjà sous O anticorps antiphospholipides anovulants, la pertinence de faire un bilan se pose L anticardiolipines L recherche d’anticoagulants circulants donc si elle désire continuer à les prendre. Si on L antib2-glycoprotéine-1 découvre une thrombophilie chez Mme Marcoux, O hémogramme on pourra soumettre ses filles au dépistage de cette anomalie uniquement. Si on décide de procéder, permettre un consentement éclairé avant d’exposer l’idéal serait de cesser la warfarine comme prévu et de le patient à certains facteurs de risque (Ex. : hormo- faire un bilan au moins deux et idéalement quatre senothérapie), d’envisager une prophylaxie dans les si- maines plus tard. 9 tuations de risque élevé et de sensibiliser les porteurs Date de réception : 15 juillet 2007 aux symptômes et signes de thrombo-embolie vei- Date d’acceptation : 23 juillet 2007 neuse afin qu’ils consultent précocement. Le dépistage devrait être réservé aux parents du Mots clés : thrombo-embolie veineuse, thrombophilie, dépistage er 1 degré, et les répercussions du résultat devraient La Dre Christine Demers n’a signalé aucun intérêt conflictuel. faire l’objet d’une discussion préalable. L’idéal est de tester la personne qui a subi la thrombo-embolie, puis les membres de la famille uniquement pour Bibliographie l’anomalie trouvée. Si ces derniers n’ont pas le déficit identifié dans la famille, il est raisonnable de pré- 1. Martinelli I. Risk factors for venous thrombo-embolism. Thromb Haemost 2001 ; 86 (1) : 395-403. sumer qu’ils ne sont pas atteints de thrombophilie. 2. Bourassa D, Chouinard MJ. La thromboembolie veineuse et la Par contre, lorsque les antécédents familiaux sont contraception face à face au cabinet. Le Médecin du Québec 2006 ; 41 très positifs, on aura tendance à considérer qu’il y a (5) : 35-42. présence d’une « thrombophilie familiale non déce- 3. Levine JS, Branch DW, Rauch J. The antiphospholipid syndrome. N Eng J Med 2002 ; 346 (10) : 752-63. lable », même si le bilan est négatif. Tableau II

Quels tests de dépistage doit-on faire ? L’encadré 3 décrit les principes généraux des tests de thrombophilie. Le tableau II énumère ceux à faire dans un bilan de thrombophilie.

Retour au cas de Mme Marcoux Comme c’est souvent le cas, on peut trouver des ar-

4. Miyakis S, Lockshin MD, Atsumi T et coll. International consensus statement on an update of the classification criteria for definite antiphospholipid syndrome (APS). J Thromb Haemost 2006 ; 4 : 295-306. 5. Schulman S, Svenungsson E, Granqvist S. Anticardiolipin antibodies predict early recurrence of thromboembolism and death among patients with venous thromboembolism following anticoagulant therapy. Duration of Anticoagulation Study Group. Am J Med 1998 ; 104 (4) : 332-8. 6. Büller HR, Agnelli G, Hull RD et coll. Antithrombotic therapy for

Le syndrome des anticorps antiphospholipides est acquis et n’a pas sa place dans un dépistage familial.

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Summary How to understand thrombophilia. Thrombophilias are inherited or acquired conditions that increase the risk of venous thrombosis. Venous thromboembolism being a multifactorial disease, several factors are often present in the same person. Approximately 5% of the general population and 50% among individuals with venous thromboembolism have thrombophilia. The clinician is therefore frequently confronted with clinical problems implicating thrombophilia. This article will first review the antiphospholipid syndrome and hereditary thrombophilia focussing mainly on laboratory testing and the management of symptomatic and asymptomatic carriers. Secondly, the indications for testing will be discussed in three population groups: the normal population, individuals with venous thromboembolism and asymptomatic family members with venous thrombosis or carriers of inherited thrombophilia. Testing for thrombophilia remains a highly controversial subject matter and the pros and cons in different clinical settings will be discussed in the article. Finally, the limitations regarding the different assays will be reviewed and a summary of the tests which should be carried out if testing is indeed performed will be presented. Keywords: venous thromboembolism, thrombophilia, laboratory screening

venous thromboembolic disease. The Seventh ACCP conference on antithrombotic therapy and thrombolytic therapy. Chest 2004 ; 126 (3 suppl.) : 401S-28S. 7. Vossen CY, Conard J, Fontcugerta J et coll. Risk of a first venous thrombotic event in carriers of a familial thrombophilic defect. The European Prospective Cohort on Thrombophilia (EPCOT). J Thromb Haemost 2005; 3 (3): 459-64. 8. De Stefano V. Inherited thrombophilia and life-time risk of venous thromboembolism: is the burden reductible? J Thromb Haemost 2003 ; 2 : 1522-5. 9. Kyrle PA, Minar E, Hirschl M et coll. High plasma levels of factor VIII and the risk of venous thromboembolism. N Engl J Med 2000 ; 343 (7) : 457-62. 10. Ray JG. Meta-analysis of hyperhomocysteinemia as a risk factor for venous thromboembolic disease. Arch Intern Med 1998 ; 158 (19) : 2101-6. 11. Ray JG, Kearon C, Qilong Yi et coll. Homocysteine-lowering therapy and risk for venous thromboembolism. Ann Intern Med 2007 ; 146 (11) : 761-7. 12. Wu O, Robertson L, Twaddle S et coll. Screening for thrombophilia in highrisk situations: systematic review and cost-effectiveness analysis. The thrombosis: Risk and Economic Assessment of Thrombophilia Screening (TREATS). Health Technol Assess 2006 ; 10 (11) : 1-110. 13. Merriman L, Greaves M. Testing for thrombophilia: an evidence-based approach. Postgrad Med J 2006 ; 82 : 699-704. 14. Bauer KA. The thrombophilias: well-defined risk factors with uncertain therapeutic implications. Ann Intern Med 2001 ; 135 (5) : 367-73. 15. Simioni P. Who should be tested for thrombophilia? Curr Opin Hematol 2006 ; 13 (5) : 337-43. 16. Bloemenkamp KW, Rosendaal FR, Helmerhorst FM et coll. Higher risk of venous thrombosis during early use of oral contraceptives in women with inherited clotting defects. Arch Intern Med 2000 ; 160 (1) : 49-52. 17. Tormene D, Simioni P, Prandoni P. The incidence of venous thromboembolism in thrombophilic children: a prospective cohort study. Blood 2002 ; 100 (7) : 2403-5.

Pour renseignements thérapeutiques, voir pages 149-153.

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