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Infographie. 500 km. 29 700 disparitions sur le territoire national, depuis janvier 2006, reconnues par les autorités mexicaines. DIANE JEANTET. MEXICO.
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lundi 13 octobre 2014 LE FIGARO

8

INTERNATIONAL

                            DIANE JEANTET

AMÉRIQUE DU NORD Où sont passés les 43 étudiants disparus lors de manifestations à Iguala de la Independencia le 26 septembre dernier ? Certains, on le craint, ont été sauvagement tués, brûlés et mis en sacs, avant d’être jetés dans une fosse le long d’une route aux alentours de cette petite ville mexicaine de l’État de Guerrero. Mais alors que le procureur général reconnaît qu’il est probable que plusieurs corps parmi les 28 retrouvés dans cette fosse macabre soient ceux d’étudiants, le mystère reste entier quant au sort de leurs autres camarades. D’autres fosses ont été mises à jour, à mesure qu’avance l’enquête sur les fusillades sanglantes du 26 septembre, qui ont opposé forces de l’ordre et étudiants, faisant 6 morts, une vingtaine de blessés et 43 disparus. Plus de 30 suspects, dont 26 policiers municipaux, soupçonnés d’avoir livré les étudiants au cartel des Guerreros Unidos (« guerriers unis »), ont été arrêtés. Une des personnes incarcérées, Salomon Pineda, alias « El Molon », se trouve être le beau-frère du maire d’Iguala et un membre présumé du groupe criminel local Guerreros Unidos. Il a avoué être l’un des auteurs des faits, a indiqué le ministre mexicain de la Justice. Les soupçons s’orientent donc de plus en plus vers le maire d’Iguala, José Luis Abarca, élu en 2012 sous l’étiquette du Parti de la révolution démocratique (PRD, gauche), et son épouse, Maria de los Angeles Pineda, un couple ayant des liens avec le crime organisé et qui a pris la fuite deux jours après les attaques. Faisant face à ce qui s’annonce comme le plus important massacre depuis sa prise de fonction en 2012, le président mexicain, Enrique Pena Nieto, a promis de rendre justice aux familles des jeunes

MARCO UGARTE/AP

MEXICO

Lors d’une marche, mercredi à Mexico, des manifestants arborent une banderole contenant les portraits des 43 étudiants portés disparus le 26 septembre à Iguala de la Independencia. disparus. À Guerrero, où près de huit habitants sur dix admettent craindre pour leur sécurité, ce n’est pas la première fois que la police est soupçonnée d’être liée au crime organisé. Et ici comme ailleurs, les promesses de justice, même présidentielle, sonnent comme un vieux slogan trop entendu.

Violence hors de contrôle Depuis janvier 2006, les autorités ont reconnu près de 29 700 disparitions sur le territoire national, et au moins 22 370 d’entre elles figurent encore sur

la liste des desaparecidos. Durant cette même période, la justice n’a pourtant ouvert que 291 enquêtes, soit dans un peu moins de 1 % des cas. Depuis 2007, le pays connaît une explosion de violence. Conséquence de la déclaration de guerre lancée un an plus tôt par l’ancien président Felipe Calderon à l’encontre de la drogue et du crime organisé. Pour survivre, les cartels ont dû trouver de nouvelles sources de revenus – extorsions, prostitution, trafic d’êtres humains, vol de pétrole ou encore enlèvements. « Les cartels à l’ancienne étaient

des trafiquants, des passeurs de drogue, cela créait des emplois dans la communauté », explique Alejandro Hope, expert en sécurité et ancien membre des renseignements mexicains. Mais « aujourd’hui, c’est une stratégie de prédateurs, de conquête territoriale ». Le cas d’Iguala a ému les foules et attiré les médias par son ampleur. Une sollicitude dont n’a pas bénéficié la grande majorité des familles de victimes. « Le ministère public a pour obligation d’enquêter, c’est dans la loi, mais ils ne le font pas », souligne Blanca Martinez, fondatrice de Fundem, une association qui aide les familles de victimes à faire valoir leurs droits. Trois mois pour envoyer un premier rapport depuis la police municipale jusqu’aux autorités d’État, puis un nouveau délai de six à neuf mois avant d’obtenir une réponse… Sur les cent cinquante cas dont s’occupe Fundem, pas une seule investigation en cinq ans n’a mené à la localisation d’une victime, et encore moins à l’identification de potentiels ravisseurs.

500 km

ÉTATS-UNIS MEXIQUE

Mexico

Golfe du Mexique

BEL. GUAT.

Iguala de la Independencia Infographie

OCÉAN PACIFIQUE

jour par les relevés téléphoniques de son neveu. Ces relevés, la justice a fini par les demander elle aussi, mais un an et demi plus tard. Puis, il y a le silence, pour le moins suspect, des quelque 50 à 60 autres policiers fédéraux qui se trouvaient dans l’hôtel lors de cette double Faillites judiciaires disparition, et qui, en plein après-midi, n’ont rien vu ni entendu. Des frustrations que partage Victor Rolon, 52 ans, dont le neveu policier fut porté Maria Martinez, qui a, elle, perdu son disparu en février 2011 dans mari, décrit une administral’État de Michoacan, en tion marchant au ralenti, compagnie d’un de ses collèfreinée par ses multiples nigues. Adrian Dominguez, veaux et un manque de mainalors âgé de 31 ans, était en d’œuvre évident. Depuis la mission depuis six mois en disparition de son époux avec sur le territoire « tierra caliente », où les vioune de ses collègues lors d’un national, depuis lences ont poussé la populavoyage d’affaire dans l’État janvier 2006, tion à créer sa propre milice de Coahuila, en mars 2009, reconnues d’autodéfense. Il discutait au Maria Martinez n’a pas obtepar les autorités téléphone de sa chambre nu le moindre indice. Agents mexicaines d’hôtel avec son oncle Victor municipaux, de l’État et fédélorsque la communication raux se renvoient la faute, se fut soudainement interrompue. déclarant à tour de rôle incompétents pour mener une enquête. « C’est de la En trois ans, Victor Rolon en a plus appure paperasserie, ils ne vont pas chercher pris par ses propres recherches, menées sur le terrain », regrette cette femme qui depuis les États-Unis, son pays d’adopélève aujourd’hui ses deux filles en vention, que par la police fédérale. « Toutes dant des DVD dans la rue. les familles vous diront la même chose, le ministère public ne fait rien », résume Ro« Un jour, raconte Maria Martinez, lon qui, à force d’allers et retours entre après une audience, j’ai demandé à la les États-Unis et le Mexique, a fini par personne chargée de l’enquête pourquoi perdre son travail et sa maison. Dans cetrien n’était fait, elle m’a répondu que les te affaire, selon lui, tous les indices mèenquêteurs avaient peur de partir à la renent à ce que l’on appelle une disparition cherche des disparus, par crainte d’être « forcée », celle qui suppose l’implicapoursuivis à leur tour. » Les témoignation des forces de l’ordre dans le rapt de ges se suivent et se ressemblent. Ils coula personne disparue. vrent les messages inaudibles émanant d’une sphère politique depuis longIl y a d’abord les inconsistances du temps décrédibilisée. ■ témoignage du commandant mises à

29 700 disparitions

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