PetitJournal_20AnsCinema PDF - Jeu de Paume

impromptue d'une salle de projection et d'une programmation de .... mouvement » (salles de cinéma, festivals, musées, galeries ..... week-end carte blanche.
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Le Jeu de Paume

fête ses 20 ans de cinéma ! mars – juin 2011

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20 ans de cinéma au Jeu de Paume : un inventaire contemporain

En 1991, l’ouverture du Jeu de Paume, alors Galerie nationale consacrée à l’art contemporain, engendre l’invention impromptue d’une salle de projection et d’une programmation de cinéma dont le ton et la direction vont être vite donnés malgré – ou grâce à – un mélange des genres, des points de vue et des disciplines. Une conversation avec l’artiste canadien Stan Douglas, premier vidéaste exposé au Jeu de Paume, suggère l’idée de la programmation d’ouverture : les pièces de Samuel Beckett réalisées pour la télévision allemande et inédites en France. C’est ensuite avec Arthur Pelechian et Jonas Mekas que naît l’habitude d’inviter les cinéastes à venir présenter leurs films ou d’ouvrir leur rétrospective – souvent la première en France ou à Paris –, comme celles d’Atom Egoyan, Patrick Bokanowski, Edgardo Cozarinsky, Lionel Rogosin, Jean-Claude Biette, André S. Labarthe, Yervant Gianikian et Angela Ricci Lucchi, Harun Farocki, Jean Rouch – qui pendant près de deux mois vient commenter ses films tous les soirs –, Pierre Perrault, Otar Iosseliani, Yoko Ono, Anne-Marie Miéville, Alain Fleischer, le chorégraphe Angelin Preljocaj, Philippe Collin, Johan Van der Keuken – sujet central du Mois de la Photo de 1998 –, Jean‑André Fieschi, Pierre Léon et Vladimir Léon, Daniel Schmid, Naomi Kawase – après sa Caméra d’or au Festival de Cannes –, Nurith Aviv, Marc Recha, Robert Cahen, Vittorio de Seta…. Avec des cinéastes encore peu montrés ou des rétrospectives jusqu’alors jamais envisagées, se crée la particularité d’une programmation de familles de cinéastes dont les œuvres relèvent de formats différents comme le documentaire, la fiction et surtout le genre, peu repéré, des « essais cinématographiques », dont ceux de Jean-Luc Godard, qui firent l’objet, en 1997, d’une séance mémorable par sa présence imprévue, un soir de neige. La collaboration avec le Festival d’automne, à partir de 1995, donne l’occasion de faire découvrir à Paris les œuvres complètes d’artistes comme Rebecca Horn et de cinéastes comme Carmelo Bene – qui, parallèlement, met en scène Macbeth au théâtre de l’Odéon –, Shinji Aoyama, James Benning ou Alexandre Sokourov.

La réflexion critique s’est aussi invitée au Jeu de Paume avec le lancement de la revue Trafic par Serge Daney, suivi des projections de films rares ou films cultes (Adolfo Arrieta, James Agee, Monte Hellman, João César Monteiro, Sergueï Paradjanov…), commentées par Paul Otchakovsky-Laurens, son éditeur, et Raymond Bellour, Jean-Claude Biette, Sylvie Pierre et Patrice Rollet, ses rédacteurs. Ces rendez-vous se renouvellent par la suite avec la revue Cinéma, Léo Scheer, son éditeur, et ses rédacteurs, et plus tard avec la revue Vertigo et Cyril Neyrat autour d’Albert Serra, Todd Haynes, Bob Dylan. Dès 2002, les « Inventaires contemporains » cherchent à mettre en évidence les liens entre les arts plastiques et le cinéma décliné sous toutes ses formes par de jeunes artistes, vidéastes, cinéastes… C’est ainsi qu’on découvre les films et les vidéos de Pierre Alféri, Alice Anderson, Erik Bullot, Hélène Delprat, Arnaud des Pallières, Vincent Dieutre, Camille Henrot, Isilde Le Besco, Henri Foucault, Mounir Fatmi, Keja Kramer, Lech Majewski, Ariane Michel, Valérie Mrejen, Leighton Pierce, Rafi Pitts, Anri Sala, Karim Zeriahen… Liens avec les arts plastiques également établis avec les films de leurs illustres aînés, Marcel Broodthaers, Martial Raysse, Erró, Robert Frank ou William Kentridge, projetés en complément de leurs expositions. Par ailleurs, les correspondances entre la programmation du cinéma et les installations de cinéastes a commencé dès l’ouverture du Jeu de Paume avec L’Expulsion des Maures, l’installation de Raoul Ruiz, qui occupait tous les espaces du sous-sol, puis avec D’Est de Chantal Akerman, présentée au premier étage pendant la rétrospective de ses films. Après 20 ans, se dessinent les lignes de force et les points de convergence de ce qui n’apparaissait au départ comme intuitions, goûts et opportunités : mettre en valeur des familles de cinéastes, méconnus en France et parfois même dans leur pays d’origine, à travers leurs présences et leurs œuvres, croiser ces rétrospectives avec d’autres disciplines artistiques, donner la parole à des critiques, des écrivains, des historiens de l’art, des philosophes – ainsi Jean Narboni, Jacques Aumont, Jean Louis Schefer, Hubert Damisch, Georges Didi‑Huberman, Peter Szendy… et bien d’autres sont devenus des familiers du Jeu de Paume.

Tout ce qui semblait innovations, propositions originales, choix singuliers est aujourd’hui tendance générale dans les lieux de diffusion quasiment instantanée de « l’image en mouvement » (salles de cinéma, festivals, musées, galeries, Internet et même téléphone portable). Il n’en reste pas moins que le Jeu de Paume, celui des débuts comme celui dévolu depuis 2004 à la photographie et à l’image, est souvent évoqué, en France et à l’étranger, comme un lieu de découvertes et de révélations cinématographiques. Comment rendre compte de plus de 140 programmes sinon à travers une quinzaine de rendez-vous, certains évoquant des découvertes étonnantes pour tous, comme le travail insoupçonné de Samuel Beckett pour la télévision, d’autres rappelant les rétrospectives dont le travail de préparation a donné naissance à une fidélité admirative et amicale, comme ceux avec Chantal Akerman, Edgardo Cozarinsky, les Gianikian, Jonas Mekas, Wang Bing ou Manoel de Oliveira (qui, à 102 ans, tenait à venir fêter les 20 ans du cinéma du Jeu de Paume) et, enfin, un dernier rendez-vous pour honorer Jean-Claude Biette, Jean-André Fieschi, Jean Rouch, Johan Van der Keuken, autant de cinéastes qui, au Jeu de Paume, ont accompagné leur première rétrospective de leur présence quotidienne. En hommage à leur goût commun d’une vie créative, offerte à travers leurs œuvres, nous avons choisi de présenter Trois Ponts sur la rivière de Jean‑Claude Biette. Danièle Hibon

Toute une nuit de Chantal Akerman, 1982 © Cahiers du cinéma

programme Chantal Akerman z Toute une nuit

France-Belgique, 1982, 35 mm, couleur, 90’ avec Aurore Clement, Tchéky Karyo, Christiane Cohendy, Jan Decorte, Hélène Lapiower, Véronique Silver, Samy Szlingerbaum, Natalia Akerman, Benedicte Paquay, Gabriele Claes

Dans la touffeur d’une nuit d’été, à travers les rues de Bruxelles, dans les cafés, les chambres, les cages d’escalier, des couples se croisent, se séparent, se retrouvent, s’étreignent, se fuient en un ballet indécis, à la fois exaspéré et fragile. Jusqu’au petit matin, la ville livre ces fragments de scènes amoureuses : rencontres, retrouvailles et ruptures. « La nuit est plus longue que le désir, la caméra est plus patiente que la nuit, la ville se réveille : Bruxelles va brusseler. » (Serge Daney, Ciné-journal, éd. Cahiers du cinéma)

Samuel Beckett z Film

1966, 35 mm, noir et blanc, silencieux (un son), 30’ scénario et direction : Samuel Beckett mise en scène : Alain Schneider avec Buster Keaton

Esse est percipi, « être c’est être perçu », disait le philosophe Berkeley. Film est l’histoire de « la recherche du non-être par suppression de toute perception de soi », écrit Beckett. Le personnage O (Buster Keaton) « s’efforce de ne pas être vu » et se précipite aveuglément dans une course « allant du maximum d’exposition à l’intérieur, d’enfermement, d’isolement dans sa chambre, cet endroit qui est un piège préparé. » Film, « le plus grand film irlandais », selon Gille Deleuze. z Pièces pour la télévision direction : Samuel Beckett directeur de la photo : Jim Lewis production : SDR Production

« Beckett saisit immédiatement ce qui dans la télévision rencontre son écriture : la continuité fluide, le ressassement hémorragique. C’est le propre de l’enregistrement de la télévision que de proposer cet état de “voyeurisme” interminable, sans coupure, sans changement de plans, sans variation du point de vue afin de “ne pas explorer mais simplement regarder”. De ce fait, Beckett comprend bien la caractéristique de la caméra de télévision qui peut, plus encore que celle du cinéma, être mobile, “subreptice ou fulgurante”. “Elle avance ou recule pour se trouver aux endroits déterminés afin d’obtenir les points fixes les plus significatifs”, dit-il encore à propos de Ghost Trio… Film avec le concours muet, bien entendu, de Buster Keaton ou Quad sont exemplaires de ces métaphores rendues concrètes à l’image en échappant aux pesanteurs de la langue, qu’il a tant traquées par ailleurs. La télévision, cet “œil sauvage” selon Beckett, aurait‑elle été pour lui l’occasion de règlements de compte inattendus avec le théâtre ? » (Jim Lewis)

Ghost Trio 1977, vidéo, noir et blanc, 31’30’’, vo allemande

Une voix féminine accueille le téléspectateur, ce n’est plus la voix intérieure de Eh Joe, c’est la voix objective du maître de cérémonie qui décrit l’intérieur de la chambre, en fait

Film de Samuel Beckett, 1966

l’inventaire. Puis elle introduit le protagoniste : un vieil homme penché sur un objet… De l’objet (un magnétophone) s’échappe un passage du trio Fantôme de Beethoven. Le visage ravagé du vieil homme se relève puis disparaît en fondu.

But the Clouds 1977, vidéo, noir et blanc, 15’46’’, vo allemande

Comme dans Ghost Trio, la voix introduit les éléments de l’image, puis se tait pour laisser l’image parler seule. Ici la voix s’exprime à la première personne du singulier : c’est celle d’un vieil homme qui rentre chez lui, enlève son

manteau, met sa robe de chambre et s’installe pour tenter d’évoquer le visage de la femme aimée. C’est alors que le visage aimé apparaît en gros plan, ses lèvres murmurent et nous entendons le vieil homme répéter ces mots murmurés, issus de la fin d’un poème de Yeats évoquant les êtres qui ne sont plus : « Que nuages passant dans le ciel Lorsque l’horizon pâlit, Ou le cri de l’oiseau qui sommeille Parmi les ombres appesanties »

personnages : au théâtre on voit apparaître quatre personnages, Bam, Bem, Bim et Bom, en robe grise et cheveux gris. À la télévision, Bam, le personnage qui se souvient est un grand visage, assez flou, à gauche de l’écran. Les autres sont des têtes à l’ovale précis, sans oreilles et sans cheveux, qui apparaissent et disparaissent à droite de l’écran, au gré des souvenirs de Bam qui conclue : « je suis seul, comprenne qui pourra, j’éteins » ; la mémoire s’arrête et Bam s’éteint littéralement.

Quad 1981, vidéo, noir et blanc, 15’, sonore

Autre « poème visuel » développé à partir du tracé d’un trajet, carré occupé dans ses angles par quatre mimes. Ceux-ci vont parcourir à tour de rôle autant de trajets possibles, en suivant les droites et les diagonales et en se croisant. Le fait d’éviter de se croiser au centre peut être interprété comme un interdit ou comme un danger mortel. Cette situation provoque un état de tension et d’épouvante. Beckett a nommé cela « un quadrilatère de détention ». Est-ce la métaphore de la destinée humaine du point de vue objectif de la caméra fixe ? Maintes hypothèses d’interprétation naissent de ce spectacle drôle et terrifiant.

Nacht und Träume 1983, vidéo, noir et blanc, 12’, sonore

Ce titre est celui d’un des derniers lieds de Schubert. La scène se déroule dans une chambre sombre et vide, éclairée seulement par le rectangle d’une fenêtre haut perchée. Un vieil homme assis est penché sur une table. « Reviens ô sainte nuit, beaux rêves, revenez aussi. » Sur ces dernières mesures, sur ces mots murmurés apparaît dans le coin droit de l’écran le « soi-même rêvé » du rêveur… On entend de nouveau la musique, l’image du rêve occupe alors l’écran entier… Après la série de tous les mouvements répétés au ralenti et en gros plan, l’image du « soi-même rêvé» disparaît, puis celle du rêveur. Ce « poème visuel » montre une compassion assez rare dans l’œuvre de Beckett.

What Where 1986, vidéo, noir et blanc, 15’43’’, vo allemande

La transposition du théâtre à la télévision a amené Beckett à transformer la présence des

Film de Samuel Beckett, 1966

Jean-Claude Biette

z Trois Ponts sur la rivière France-Portugal, 1998, 35 mm, couleur, 119’ avec Mathieu Amalric, Jeanne Balibar, Michèle Moretti

Arthur, professeur d’histoire angoissé et fragile, qui doute et s’inquiète de tout, se décide à faire un voyage à Lisbonne pour rencontrer l’éminent historien à l’origine de sa thèse. Claire, qu’il a quittée il y a quelque temps et qu’il vient de revoir, va devenir la partenaire idéale pour ce voyage de la seconde chance d’un couple qui n’avait pas tout à fait épuisé son potentiel d’affinités. Grand cinéphile, Jean-Claude Biette, qui a collaboré pendant une vingtaine d’années aux Cahiers du cinéma, puis à Trafic avec Serge Daney et a été assistant-réalisateur de Pier Paolo Pasolini, est considéré, lors de la sortie de Trois Ponts sur la rivière, comme « le plus original du cinéma français du moment. Biette ne cessera de le confirmer avec des films dont le peu d’audience est compensé au centuple par l’admiration qu’ils suscitent chez les amateurs » (Jean Roy, L’Humanité).

L’Argent du charbon de Wang Bing, 2009

L’Argent du charbon de Wang Bing, 2009

Wang Bing

z L’Argent du charbon [Coal Money] Trois Ponts sur la rivière de Jean-Claude Biette, 1998

France, 2009, vidéo, couleur, 53’, vo st français Un film de la collection « L’Usage du monde », dirigée par Stéphane Breton

Sur la route du charbon, qui va des mines du Shanxi au grand port de Tianjin, en Chine du Nord, des chauffeurs au volant de camions de cent tonnes chargés jusqu’à la gueule font la noria, de nuit et de jour. Au bord de la route : prostituées, flics, rançonneurs à la petite semaine, garagistes, mécaniciens… Une réflexion sur la Chine d’aujourd’hui, livrée à la loi sauvage du marché. Jeune cinéaste révélé en 2003 par son magistral À l’ouest des rails, documentaire de neuf heures sur une zone industrielle en cours de démantèlement, Wang Bing réapparaît au Festival de Cannes avec Feng Ming, chronique d’une femme chinoise en 2007, puis à Paris, galerie Chantal Crousel avec L’Homme sans nom, en 2009. z Le Fossé Chine, 2010, 35 mm, couleur, 109’, vo st français inédit

À la fin des années 1950, le gouvernement

chinois expédie aux travaux forcés des milliers d’hommes, considérés comme droitiers au regard de leur passé ou de leurs critiques envers le Parti communiste. Déportés au nord‑ouest du pays, en plein désert de Gobi et à des milliers de kilomètres de leurs familles pour être rééduqués, ils sont confrontés au dénuement le plus total. Un grand nombre d’entre eux succombent face à la dureté du travail physique puis à la pénurie de nourriture et aux rigueurs climatiques. Le Fossé raconte leur destin – l’extrême de la condition humaine. Le Fossé de Wang Bing, 2010

Pola X de Leos Carax, 1999 © Cahiers du cinéma

Leos Carax z Pola X

France, 1999, 35 mm, couleur, 140’ avec Guillaume Depardieu, Yekaterina Golubeva, Catherine Deneuve, Laurent Lucas, Sharunas Bartas, Delphine Chuillot, Patachou

Pierre, écrivain, mène une vie tranquille avec Marie, sa mère, dans le luxe d’un château de Normandie. Il est amoureux de Lucie à qui il rend visite chaque matin. Cependant, Pierre vit dans la hantise d’une vision de femme inconnue. Une nuit, Marie annonce à son fils qu’elle a fixé la date de son mariage avec Lucie. C’est alors qu’il rencontre en forêt la femme inconnue qui hantait ses rêves, Isabelle. Celle-ci lui annonce qu’elle est sa sœur et qu’elle vient d’un pays de l’Est où le père de Pierre était diplomate. Pierre laisse tout tomber pour partir vivre avec elle. Inspiré de Pierre ou les Ambiguïtés de Herman Melville, cette version longue pour la télévision affirme de nouveau le lyrisme noir de ce cinéaste révélé par le film culte des années 1980, Boy Meets Girl, puis Mauvais Sang et consacré en 1991 par le flamboyant Les Amants du Pont Neuf avec Juliette Binoche et Denis Lavant.

Edgardo Cozarinsky

z Le Violon de Rothschild France-Suisse-Finlande-Hongrie, 1996, 35 mm, couleur, 101’ avec Dainius Kazlauskas, Tonu Kark, Tarmo Mannard, Tamara Solodnikova, Kaljo Kiisk

Un jeune étudiant du conservatoire, Benjamin Fleischmann, choisit un récit de Tchekhov pour en tirer un opéra en un acte qu’il compose sous la houlette de son professeur, Dmitri Chostakovitch qui, critiqué par les commissaires culturels, cherche refuge dans l’enseignement. Le jeune homme est tué pendant la guerre. Chostakovitch décide alors d’orchestrer l’opéra inachevé de son élève, afin d’honorer sa mémoire. Le Violon de Rothschild, après La Guerre d’un seul homme – à partir des Journaux parisiens d’Ernest Jünger – et Autoportrait d’un inconnu, sur Jean Cocteau, confirme le talent de ce cinéaste et écrivain qui, né à Buenos Aires, s’est fixé à Paris en 1974.

L’Argent du charbon de Wang Bing, 2009

z Notes pour une biographie imaginaire [Apuntes para una biografia imaginaria] Argentine, 2010, vidéo, couleur, 60’, vo st anglais inédit scénario et réalisation : Edgardo Cozarinsky musique originale : Ulises Conti production : Constanza Sanz-Palacios

En paraphrase de Borges, on pourrait proposer cette fable : un cinéaste a vécu en cueillant des images, des mots, des musiques. Un jour, il reconnaît dans cette collection de fragments, où l’Histoire dialogue avec les destinées individuelles et leur douleur muette, son propre portrait. De Paris à Saigon, de Moscou à Tanger, en revenant toujours à Buenos Aires, à travers guerres et fêtes, exils et danse, le film s’engage dans un parcours non linéaire, non chronologique, celui de l’imaginaire et des affects. Avec une grande liberté pour rendre documentaire la fiction et dénicher la part de fiction dans le document, le film mélange tournages nouveaux et images d’archives dans le but de rendre présent le passé, de mettre en dialogue les vivants avec les morts.

Le Violon de Rothschild d’Edgardo Cozarinsky, 1996 Notes pour une biographie imaginaire d’Edgardo Cozarinsky, 2010

Manoel de Oliveira

z Benilde ou la Vierge Mère Portugal, 1974, 35 mm, couleur, 110’, vo st français avec Amelia Aranda, Jorge Bolla, Jacinto Ramos

Le Portugal en 1930. Une jeune femme, Benilde, vit retirée dans une maison en compagnie d’une servante et de trois hommes, son père et deux amis de la famille. Benilde attend un enfant mais affirme qu’elle est vierge et que son enfant est de Dieu. Ainsi, au lieu de se révolter contre l’enseignement familial du catholicisme, la jeune femme déshonorée trouve refuge dans la sainteté. « Oserais-je dire : au mépris de l’histoire enregistrée où Manoel de Oliveira a préservé tout le mystère des causes narratives, ce film de culture catholique représente avec une douceur de fait (une placidité du règlement coutumier), une insensible véhémence de l’énonciation théâtrale, le grand symptôme catholique et le scandale féminin qui est celui de la virginité des mères ? L’hystérie catholique est la virginité perpétuelle des femmes. Les hommes sont à la place du désir, non de l’objet ; ils ont donc un savoir de la cause. Les femmes sont l’aveuglement ou la passion du symptôme. » (Jean Louis Schefer,

Benilde ou le Théâtre des passions, programme « Un été portugais », Galerie nationale du Jeu de Paume, 1997) z Je rentre à la maison France-Portugal, 2001, 35 mm, couleur, 90’ avec Michel Piccoli, Catherine Deneuve, Antoine Chappey, Leonor Baldaque, Leonor Silveira, John Malkovich

Gilbert Valence est un comédien de théâtre, son talent et sa longue carrière lui ont valu les plus grands rôles. Un soir, à l’issue de la représentation, la tragédie entre dans sa vie ; son agent et vieil ami, George, lui apprend qu’un accident de la route vient de coûter la vie à sa femme, sa fille et son beau-fils. Le temps passe, la vie recouvre ses droits. Gilbert Valence se partage désormais entre son petit-fils qu’il adore et le théâtre… « Oliveira taquine le dérèglement, le vieillissement, la perte de la mémoire. Et c’est presque avec des yeux d’enfant, où se mêlent la peur et l’étonnement inconsolable, qu’il le fait. L’insolente santé (faut-il encore rappeler son âge ? Allez, on ne résiste pas : 93 ans !) d’Oliveira vient aussi de là : sa capacité à jouer de sa vieillesse, à prendre congé, à envoyer tout paître, comme un enfant indiscipliné. Tout ça donne furieusement envie d’être comme lui : un philosophe facétieux devant la mort et qui, ultime pirouette, s’avère bouleversant. » (Jacques Morice, septembre 2001)

Ritwik Ghatak z Subarnarekha

Inde, 1962, 35 mm, noir et blanc, 143’, vo st français

Ritwik Ghatak (1925-1976) est avec Satyajit Ray l’un des principaux représentants du cinéma indien du XXe siècle. L’histoire qu’il met en scène débute en 1948 après la dramatique partition du Bengale. Avec leur déracinement, des millions de personnes ont perdu tout lien avec la vie. Dans ce contexte, nous suivons lshwar, sa jeune sœur Sita et le petit Abhiram. Cette petite famille permet à Ghatak de développer un thème qui l’a hanté toute sa vie : le déracinement, les réfugiés de la partition. Benilde ou la Vierge Mère de Manoel de Oliveira, 1974 Je rentre à la maison de Manoel de Oliveira, 2001 Surbarnarekha de Ritwit Ghatak, 1962 Surbarnarekha de Ritwit Ghatak, 1962

en Russie. Avec notre “caméra analytique”, nous avons “réélaboré”, à partir de matériaux rares, des images d’archives retrouvées autour des avant‑gardes russes. Le film sera un vaste document enregistré pendant la chute de l’Union soviétique avec les portraits des derniers témoins d’une histoire artistique que personne n’a fixée et qui ont maintenant disparu. » (Yervant Gianikian) Les Chevaux de feu de Sergueï Paradjanov, 1964

Jonas Mekas Yervant Gianikian et Angela Ricci Lucchi

Nés en 1942, Yervant Gianikian étudie l’architecture à Venise et Angela Ricci Lucchi la peinture à Vienne. Tous deux travaillent ensemble depuis les années 1970. Leurs travaux ont été présentés dans les plus importants musées et cinémathèques du monde. z Dancing in the Dark Italie, 2009, vidéo, couleur, 60’, sonore, st italien et anglais inédit en france

« Ne pas déplorer, ne pas rire, ne pas détester, mais comprendre. » (Spinoza) « Durant l’été 1989, nous regardons et filmons les derniers Festivals de L’Unità, avant la chute du mur de Berlin, dans différents petits villages de la Romagna, sur la “Ligne Gothique” de la Seconde Guerre mondiale, les lieux de Paisà de Roberto Rossellini. Un portrait d’un “peuple disparu” qui danse. » (Yervant Gianikian) z Notes sur nos voyages en Russie [Viaggi in Russia] Italie , 2010, vidéo, couleur 15’, voix off en français inédit en France

Ces Notes sont composées d’aquarelles d’Angela Ricci Lucchi, des « instantanés » pour le film définitif de 90’, encore en cours d’élaboration. Ces dessins évoquent les personnages de Notes sur nos voyages en Russie, film dédié au grand poète Ossip Mandelstam : Nina Berberova, Anna Achmatova, Kozinceva, Grigorij Kozintzev, Mejerhold, Chaliapine, Israel Metter, Semion Aranovic… « En 1989‑1990, nous avons filmé en 16 mm à Saint-Pétersbourg les derniers survivants des avant-gardes des années 1930 et 1940

z Celebration of Paris États-Unis, 2011, vidéo, noir et blanc et couleur inédit

Depuis son premier voyage en 1964, Jonas Mekas – ce cinéaste né en Lithuanie en 1922, installé aux États-Unis depuis 1949, auquel le Jeu de Paume a rendu hommage en 1992, et reconnu dans le monde entier comme la figure tutélaire du cinéma expérimental – a filmé la ville de Paris lors de tous ses séjours. À l’occasion des 20 ans de cinéma du Jeu de Paume, il a décidé de retrouver dans les centaines d’heures de pellicule les passages filmés à Paris. Des moments rares de la petite histoire des arts et lettres entre Paris et New York…

Sergueï Paradjanov z Les Chevaux de feu

URSS, 1964, 35 mm, couleur, 97’, vo st français

Œuvre la plus connue de Paradjanov, ce film rappelle par sa modernité que son auteur est issu de la VGIK, grande école de cinéma de Moscou, et, par son thème, l’attachement du poète-cinéaste aux légendes des terres où il est né (la Géorgie), où il a filmé (l’Ukraine), et où il est mort (l’Arménie). Au début du XXe siècle, dans les Carpates, deux familles de Goutzouls, les Palitchouk et les Gouténiouk, se détestent depuis des générations. Mais Ivanko Palitchouk et Maritchka Gouténiouk, qui ont grandi ensemble depuis l’enfance, sont devenus inséparables et projettent de se marier en dépit de l’antagonisme de leurs familles. La veille de leurs noces, Ivan doit partir travailler comme valet dans les alpages. Maritchka, qui ne veut pas l’attendre tout l’hiver, cherche à le rejoindre dans la montagne. Voulant sauver un agneau égaré, elle se tue en tombant dans une rivière…

calendrier

sous réserve de modifications

mardi 8 mars, 19 h soirée d’ouverture z Le Fossé (inédit) de Wang Bing, 109’, vo st français, présenté par Philippe Avril (Les films de l’Étranger), producteur du film dimanche 13 mars, 17 h z L’Argent du charbon de Wang Bing, 53’, vo st français samedi 9 avril week-end carte blanche aux Cahiers du cinéma un choix parmi la programmation « Le Jeu de Paume fête ses 20 ans de cinéma ! »  14 h z Subarnarekha de Ritwik Ghatak, 143’, vo st français, présenté par Stéphane Delorme et Jean-Philippe Tessé 17 h 30 z Pola X de Leos Carax, 140’, présenté par Stéphane Delorme et Jean-Philippe Tessé, en présence du cinéaste (sous réserve) dimanche 10 avril 14 h z Les Chevaux de feu de Sergueï Paradjanov, 97’, vo st français, présenté par Jean-Charles Hue, en présence de Stéphane Delorme et Jean‑Philippe Tessé 18 h z Toute une nuit de Chantal Akerman, 90’, en présence de la cinéaste, Caroline Champetier, Aurore Clément, Stéphane Delorme et Jean‑Philippe Tessé mardi 12 avril, 19 h z Je rentre à la maison de Manoel de Oliveira, 90’ dimanche 17 avril, 17 h z Film, 30’, suivi de pièces pour la télévision (Ghost Trio, 31’30’’ ; But the Clouds, 15’46’’; Quad, 15’ ; Nacht und Träume, 12’ ; What Where, 15’43’’) de Samuel Beckett

Notes sur nos voyages en Russie de Yervant Gianikian et Angela Ricci Lucchi, 2010

mardi 19 avril, 19 h z Notes pour une biographie imaginaire (inédit) d’Edgardo Cozarinsky, 60’, vo st anglais, en présence du cinéaste dimanche 24 avril, 17 h z Le Violon de Rothschild d’Edgardo Cozarinsky, 101’ mardi 26 avril, 19 h z Benilde ou la Vierge Mère de Manoel de Oliveira, 110’, vo st français, présenté par Jean Louis Schefer mardi 3 mai, 19 h z Trois Ponts sur la rivière de Jean-Claude Biette, 119’ mardi 7 juin, 19 h z Notes sur nos voyages en Russie (inédit en France), de Yervant Gianikian et Angela Ricci Lucchi, 15’, voix off en français, en présence des cinéastes z Dancing in the Dark (inédit en France) de Yervant Gianikian et Angela Ricci Lucchi, 60’, sonore, st italient et anglais, en présence des cinéastes mardi 14 juin, 19 h z Celebration of Paris (inédit) de Jonas Mekas, en présence du cinéaste

auditorium

du Jeu de Paume 1, place de la Concorde 75008 Paris www.jeudepaume.org renseignements : 01 47 03 12 50 / [email protected] tarifs : 3 € la séance / gratuit sur présentation du billet d’entrée aux expositions (valable uniquement le jour de l’achat) et pour les abonnés

remerciements

Nous tenons à remercier tous les cinéastes, artistes et cinéphiles, producteurs et distributeurs, équipes de festivals et de cinémathèques, tous les amis du cinéma à travers le monde qui nous ont aidé, pendant 20 ans, à inventer et construire cette présence du cinéma au Jeu de Paume ainsi que la Cinémathèque française.

Le Jeu de Paume est subventionné par le ministère de la Culture et de la Communication.

Il bénéficie du soutien de Neuflize Vie, mécène principal.

Les Amis du Jeu de Paume contribuent à ses activités.

mise en page : Suzanne Hardy-Neuville © éditions du Jeu de Paume, Paris, 2011

Celebration of Paris de Jonas Mekas, 2011

Dancing in the Dark de Yervant Gianikian et Angela Ricci Lucchi, 2009

une programmation proposée par Danièle Hibon avec la collaboration de Marie-Jo Malvoisin