Quand les stars se portent au secours du handicap - Just Different

9 janv. 2013 - de fenêtres Huis Clos, en 2008 ; et enfin, plus récemment, Oscar Pistorius, un jeune athlète sud-africain, devenu cet été l'icône d'A-Men, ...
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09/01/13

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L'EMPLOI DES HA NDICA PÉS PEINE À DÉCOLLER

Quand les stars se portent au secours du handicap Article paru dans l'é dition du 15.11.11

Aimee Mullins, Ray Charles... restent des cas isolés. La publicité éprouve des difficultés à trouver des acteurs handicapés pour ses campagnes

on intronisation a eu lieu lors du dernier Festival de Cannes. Des marches, du strass et des paillettes pour célébrer la nouvelle égérie de L'Oréal France, Aimee Mullins. Un superbe mannequin dont la plastique irréprochable lui a valu les honneurs du calendrier Pirelli. Une beauté étonnante, aussi, puisqu'il lui manque deux tibias. Son handicap ne semble pas avoir freiné la multinationale cosmétique. Dans sa première publicité, vantant les mérites d'un fond de teint de la marque, il est même mis en lumière : la caméra montre Aimee Mullins courant sur un tapis roulant, équipée de deux prothèses rutilantes. On ne sait pas très bien s'il faut les considérer comme des stars accessoirement handicapées, ou comme des handicapés vedettes, mais une chose est sûre : les handicapés célèbres sont de plus en plus visibles dans le monde de la publicité. C'est Ray Charles (1930-2004), au volant d'une Peugeot 306, qui avait fait figure de précurseur, en 1994. D'autres l'ont suivi. Jamel Debbouze, pour Orangina en 2003 ; Gilbert Montagné, pour le vendeur de fenêtres Huis Clos, en 2008 ; et enfin, plus récemment, Oscar Pistorius, un jeune athlète sud-africain, devenu cet été l'icône d'A-Men, un parfum de Thierry Mugler. A l'Association de gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées (Agefiph), on a aussi recours aux vedettes. « Si on voulait émerger, il fallait trouver une personnalité handicapée mais aussi aimée des Français », se rappelle Pierre Blanc, directeur général de l'Agefiph. Ce fut Jamel Debbouze, ambassadeur pendant deux ans, remplacé depuis peu par Grégory Cuilleron, le cuisinier cathodique. Un personnage auquel les handicapés peuvent plus facilement s'identifier. L'objectif de la manoeuvre ? Faire parler et faire évoluer le regard sur le handicap, une tâche de longue haleine. Le résultat ? « Les sketches de Jamel ont été visionnés des millions de fois sur le Web, démultipliant la campagne télévisée et de presse. Cela a porté la notoriété de l'Agefiph à 27 % dans le grand public. Et nous avons eu l'agréable surprise de constater que la campagne avec Grégory a permis d'augmenter encore la notoriété de l'Agefiph de 12 points supplémentaires ! », s'enthousiasme François Atger, directeur de la communication de l'Agefiph. Mais tous ces exemples ne peuvent masquer les choses. En réalité, la publicité n'offre pas au handicap la place qui est la sienne. On compte 700 000 personnes handicapées en France. Combien en voit-on chaque année dans une publicité ? « Franchement, on évite, avoue simplement un responsable d'une grande agence publicitaire parisienne. La publicité, c'est vendre un produit ou un service en faisant rire ou rêver. Faire rêver avec le handicap, c'est difficile. Faire rire, c'est possible, mais il faut faire attention... » Le sujet est sensible. « Comme pour les autres sujets de discrimination, le but est de ne heurter personne mais en même temps d'être un peu dérangeant pour bousculer les idées reçues », souligne Florence Gravelier, responsable du pôle Handicap et compétences d'Adecco. « Réaction du public » A la décharge des professionnels de la réclame, utiliser le handicap comme argument de vente n'est pas tâche aisée. C'est même un art quasiment paradoxal. « Difficile de communiquer sur un sujet multiforme. Il y a tant de handicaps différents. Et puis, pour avoir un bon visuel, il faut en mettre un qu'on remarque au premier coup d'oeil. Cela renforce les stéréotypes autour du handicap. Comment communiquer sur le sujet en montrant des handicapés que personne ne remarque ? », s'interroge Pete Stone, fondateur de Just Different, un cabinet de conseil spécial diversité. Les entreprises et les publicitaires y vont donc à tâtons. Si Adia, une société d'intérim, s'est permis en 2002 de communiquer sur l'image d'une jeune juriste amputée d'un bras, avec le slogan « Ne vous fiez pas aux apparences, fiez-vous aux compétences », c'est que la société était impliquée depuis quelques années déjà dans l'insertion professionnelle des personnes handicapées. Autre exemple, Symio, un opérateur mobile, qui avait engagé Pascal Duquenne, l'acteur trisomique du film Le Huitième Jour. Soucieuse des retombées de l'opération, l'entreprise avait sollicité en amont l'avis de l'Union nationale des associations de parents de personnes handicapées mentales et de leurs amis (Unapei), une fédération regroupant les associations de défense des handicapés mentaux. Qui lui avait donné sa bénédiction. Certains préfèrent taire le sujet. Chez Casino, on a ainsi fait le choix de ne pas utiliser la démarche handicap en tant qu'outil de communication ou de marketing. Pas de publicité ni de communication. « Nous nous limitons volontairement à des actions régulières d'information et de sensibilisation auprès de nos collaborateurs, en particulier sur des sujets recrutement et formation », indique la chaîne de grandes surfaces. Reste un dernier obstacle, beaucoup moins psychologique : les professionnels de la publicité ne trouvent pas toujours des acteurs handicapés capables d'assurer un premier rôle dans un spot. Lors des tournages, il n'est pas rare que des handicapés soient joués par des comédiens valides, eux-mêmes doublés par des doublures handicapées... C'est peut-être pour cette raison que l'on ne voit quasiment jamais de handicapés anonymes dans une publicité. Sauf peut-être dans l'avant-dernière campagne des opticiens Krys. On y distingue un jeune homme en fauteuil qui n'ose pas accepter l'aide d'une jolie blonde. Jusqu'au jour où il met des lunettes, et voit sa timidité disparaître. « Pour nous, ce film s'inscrit totalement dans notre démarche de communication : de la différenciation et de l'étonnement. Le spot tourne plus autour de la diversité de nos clients que du handicap. On a aussi mis en scène des blondes, des rondes, les vieux, les homos... Et à chaque fois, on se posait des questions sur la réaction du public », estime Joël Plat, le directeur de l'enseigne. Une étape de plus vers la banalisation du handicap. D'ailleurs, chez Krys, on appelle cette publicité « Le mec timide », pas « Le jeune en fauteuil ». Julien Dupont-Calbo

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