Un professionnel au service des Avocats savoir faire flexibilité ...

fiscales et budgétaires, cela paraissait indispensable à titre transitoire, il pour ...... relatif au régime transitoire de rémunération des avocats à raison des actes de.
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34 rue de Condé - 75006 Paris Tél. : 01 43 54 65 48 Fax : 01 43 54 75 09 E-mail : [email protected]

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Directeur de la publication Jean-Louis SCHERMANN

Directrice de la rédaction

Jacqueline SOCQUET-CLERC LAFONT

Conseiller de la direction Jean-Marie TAUPIN Vincent LEJEUNE

Rédacteur en chef adjoint Gilles FOURISCOT

Valérie MAINTRIEU-FRANTZ

Comité de Rédaction

Présidente Jacqueline SOCQUET-CLERC LAFONT



Apport de la CNA



Loi du 4 août 2008



Fadela AMARA

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Membres

- Laurence ACQUAVIVA - Louis-Georges BARRET - Vincent BERTHAT - Yves BOURGAIN - Thierry CAHN - Pascal CERMOLACCE - Guy DRAGON - Jérôme HERCE - Bertrand HOHL - Catherine LESAGE - Hugues LETELLIER - Valérie MAINTRIEU-FRANTZ - Marc MANDICAS - Evelyne MAYA-TEMPEL - Gérard MONTIGNY - Geneviève MUSSO - Cyrille PIOT-VINCENDON - Alain PROVANSAL - Heidi RANCON-CAVENEL - Catherine SZWARC - Jean-Marie TAUPIN - Paul-Eric CRIVELLO



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Commission DARROIS Avocat Fiduciaire 3 Questions à... Avocat et médecin Procédure européenne

Par Me Robert Collin

Réforme

Le CSM

La DUDH a 60 ans Beaux esprits

Par Me François-Hugues CIRIER

31-34 Programme du 34e Salon de l’Avocat

Secrétaire de rédaction Jacqueline PATOU

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Avocat et fiers de l’être

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Direction de la coordination

Editorial de Jean-Louis SCHERMANN



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Rédacteur en chef

Sommaire

RPP - Paul-Eric Crivello Tél. : 06 12 23 00 52 - [email protected]

1ère de couv et l’illustration des 3 questions à … : collages du Peintre Jeanne SOCQUET

Editorial du rédacteur du Président

Editorial du Président AVOCATS ET FIERS DE L’ETRE

La CNA est convaincue que notre profession est celle du juridique et du judiciaire, elle n’oublie pas qu’aujourd’hui la plus grande majorité d’entre nous exerce dans le judiciaire qui demeure le cœur de notre tradition. Rien ne pourra être fait si les avocats du judiciaire sont perpétuellement fragilisés.

Le 9 décembre vous êtes appelés à élire les membres du collège général du CNB dans les deux circonscriptions de Paris et de Province. En juin vous avez été nombreux à participer aux travaux de notre Congrès à Nantes pour affirmer que l’avenir appartient aux avocats. La CNA présente à vos suffrages des confrères dont l’engagement Au cours de nos travaux nous avons appris que le Président de la témoigne de l’adhésion aux valeurs que nous soutenons et de leur République avait confié à notre confrère DARROIS la mission de disponibilité au service de tous les avocats. dessiner la grande profession du droit. Nous devons retenir que la plus haute autorité de l’Etat affirme que Nos valeurs ce sont celles de la profession libérale, c’est-à-dire celle les avocats sont les « indispensables auxiliaires des progrès éconoqui est exercée par un professionnel formé, compétent, responsable miques, sociaux et des avancées démocratiques » soumis à une déontologie dont les quatre piliers sont l’indépendance, le secret professionnel, la maîtrise des règles du conflit d’intérêt et le La CNA a contribué, après avoir été entendue, aux travaux de la Commission DARROIS, vous trouverez ci-après le texte intégral de libre choix di conseil.

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Editorial cette contribution. La CNA répond sans tabou et par des propositions concrètes au dessein du Chef de l’Etat de faire bénéficier les avocats français « d’une puissance renforcée »  Nous y avons exprimé les idées qui avaient été arrêtées lors de notre congrès annuel du mois de juin 2008, à NANTES et complétées lors de nos Comité Directeurs de l’été. Dans cette campagne électorale nous voulons êtres clairs et surtout affirmer que nous sommes avocats et fiers de l’être ! L’idée d’une grande profession n’est pas nouvelle pour la C.N.A. Elle était déjà inscrite il y a quarante ans dans notre LIVRE BLEU «Au service de la justice». L’action confiée par le Président de la République à notre confrère Jean-Michel DARROIS doit nous conduire à le prendre au mot. La plus haute autorité de l’Etat s’engage pour permettre aux avocats français de relever les défis de l’avenir.

L’accès au droit ce n’est pas uniquement la question de l’aide juridictionnelle pour laquelle nous faisons des propositions précises et innovantes, c’est aussi la situation des clients particuliers, de la protection juridique et la nécessité de retenir la proposition commune CNA AAPPE sur la rémunération de l’acte de procédure. Nos propositions sont pratiques, et nous le pensons, efficaces. Elles traitent notamment : - de la force des conventions d’honoraires dont il n’est pas admissible qu’elles soient remises en cause par le juge au mépris des dispositions du code civil - de la possibilité d’assortir les décisions du Bâtonnier en matière de fixation des honoraires de l’exécution provisoire. - des contrats de protection juridique et de la nécessité d’établir des contrats-types pour éviter que nos concitoyens souscrivent dans une relative ignorance une multitude de petits contrats offrant des prises en charge très limitées. Je vous invite à prendre connaissance de toutes ces propositions.

Comme nous l’écrivons, la grande profession ce n’est pas de créer un homme nouveau du droit qui aurait la tête d’un avocat, les bras d’un notaire, etc… Ce n’est pas de permettre à d’autres de faire notre métier.

Je profite de cette éditorial pour vous annoncer l’ouverture de notre nouveau site internet depuis le 10 novembre : www.cna-avocats.fr

C’est bien de permettre à une grande profession d’avocat d’embrasser tous les domaines où le droit intervient dès lors que cette activité est compatible avec nos règles déontologiques. Il faut être clairvoyant, si les avocats français, dont les cabinets n’ont pas atteint la taille et la force des cabinets anglo-saxons, n’ont pas précisément les moyens de cette ambition, ce sont les cabinets étrangers installés en France ou quelques cabinets français qui pourront seulement relever les défis. Il est donc impératif que nous obtenions les mesures que nous avons précisées dans notre contribution. Vous constaterez qu’elles ont le mérite d’être claires et précises. Nous affirmons notre opposition totale aux capitaux extérieurs dans les cabinets d’avocats. Nous demandons les mêmes réserves que celles des professions de santé dans le cadre de la loi LME d’août 2008. Les capitaux extérieurs c’est le pari de FAUST : nous recevons une fois un financement extérieur et nous devons à vie rendre des comptes à des étrangers. En réalité ce dont les cabinets français ont surtout besoin c’est de voir se moderniser les structures d’exercice et nos modes de financement. Ce que nous mettons en avant concerne tous les avocats. Notre contribution répond pratiquement à ces questions. Aujourd’hui les changements de formes juridiques pour nos cabinets se heurtent à des conséquences fiscales qui les rendent parfois quasiment impossibles, notre contribution fait des propositions précises. Nous évoquons aussi la question de nos honoraires, tant du point de vue de nos clients que de nous-mêmes.

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Jean-Louis SCHERMANN Président

C.N.A CONFÉDÉRATION NATIONALE DES AVOCATS APPORT DE LA CONFÉDÉRATION NATIONALE DES AVOCATS AUX TRAVAUX DE LA COMMISSION INSTITUÉE LE 30 JUIN 2008 PAR MONSIEUR LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE ET CONFIÉE À LA PRÉSIDENCE DE MONSIEUR JEAN MICHEL DARROIS À PROPOS D’UNE « GRANDE PROFESSION DU DROIT » A LA SUITE DE L’AUDITION DU MERCREDI 24 SEPTEMBRE 2008 VERS UNE GRANDE PROFESSION DU DROIT, UNE AVOCATURE « RÉGULIÈRE ET RÉGULÉE » « Son verbe ne fut pas un aveugle bélier mais la toile où s’inscrivit son souffle » René Char, à propos de la « Liberté », in « Ferveur et Mystère »

Sommaire :

- PREAMBULE - LE MONOPOLE DE L’EXERCICE PROFESSIONNEL DU DROIT, CONDITION NECESSAIRE D’UNE CONCEPTION DE LA GRANDE PROFESSION DU DROIT - GRANDE PROFESSION = FORMATION UNIFIEE - MODERNISER LES STRUCTURES D’EXERCICE ET LES MODES DE FINANCEMENT, L’EXIGENCE DES REALITES - A GRANDE PROFESSION, TECHNIQUES JURIDIQUES NOUVELLES - QUELLE GOUVERNANCE POUR UNE GRANDE PROFESSION ? - L’ACCES AU DROIT

1- PREAMBULE 11 - La lettre présidentielle et sa lecture 111. Le 30 juin 2008, Monsieur Nicolas SARKOZY, Président de la République, confie à Jean-Michel DARROIS, avocat, la présidence d’une Commission de Réflexion avec pour objectif « la création d’une grande profession du droit ». 112. Les axes de réflexion sont fixés : prise en compte de la contractualisation des politiques publiques et des rapports économiques, concurrence internationale, fossé grandissant entre les différents modes d’exercice, nécessité de doter les avocats français des moyens de leur développement, cabinets pluridisciplinaires, recours à des investissements extérieurs, simplification de l’accès au droit et à la justice. 113. Le Chef de l’Etat suggère à la Commission de formuler des propositions visant à créer une grande profession du droit en France, réformer profondément les structures d’exercice, instaurer des modalités de régulation et de gou-

vernance, proposer une réforme du système d’aide juridictionnelle. 114. La mission ne vise pas les seules professions traditionnelles d’avocat, d’huissier ou de notaire mais ouvre une perspective plus large vers des formes d’exercices professionnels du droit les plus variées, de domaine de compétences et de fonctions divers en évoquant la « régulation » et la gouvernance de « cette nouvelle profession et/ou des professions existantes… ».

12 - Le parti pris de l’apport et de la contribution de la CNA (annexe n°1 identification de la CNA) 121. La décroissance de la puissance économique des professionnels du droit en France est une réalité non discutable et la recherche prospective montre la fragilité de l’organisation des barreaux et des cabinets d’avocats français face aux nouveaux défis de l’Europe («  les professions libérales sous le joug de la politique européenne de la concurrence  » par Catherine Prieto, professeur à l’Université d’Aix-Marseille 3 in Semaine Juridique (pages 665 à 671). Cette fragilité paraît résulter de la mondialisation économique, de la globali-

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sation des politiques publiques, des concentrations et des intégrations verticales des entreprises, de la révolution numérique et des nouvelles technologies, de l’implication croissante du lobbying dans la régulation des conflits et dans l’établissement des normes outre la contrainte résultant des systèmes d’évaluation de la qualité des prestations, des résultats et de leur coût qui constituent des facteurs nombreux de déstabilisation de cabinets le plus souvent de taille moyenne ou modeste. Le Barreau français n’a pas tort de compter parmi les causes de cette fragilité le trop long manque d’intérêt et de soutien des pouvoirs publics à la justice en général et aux avocats en particulier. 122. La CNA partage la conscience et la lucidité du Chef de l’Etat en ce qu’il déclare l’urgence d’une réelle politique de Défense Nationale juridique, face à la concurrence de droits et de juristes étrangers, apparemment plus puissants ou plus opérationnels. Le message est clair ; il n’est plus temps d’attendre pour donner au droit germano-latin, à la culture juridique l’inspiration française ou francophone et aux techniques juridiques françaises et européennes, une place légitime et pertinente dans la compétition internationale. L’ambition est élevée : les avocats sont des «indispensables auxiliaires des progrès économiques, sociaux et des avancées démocratiques» (lettre de mission du 3O juin 2008) 123. L’avocature, c’est-à-dire l’exercice de la profession d’avocat dans son régime statutaire, sa compétence juridique, son socle déontologique, son exigence de formation, sa perspective économique et sociale, suggère et implique l’institution d’une Grande Profession du Droit. 124. La CNA a décidé de contribuer aux travaux de la Commission de réflexion instituée par Monsieur le Président de la République en soumettant non une compilation de rapports ou de réflexions passées mais en s’impliquant immédiatement dans l’énoncé, la description et la mise en perspective de propositions opérationnelles, concrètes, ponctuelles. Ce choix répond de l’exigence d’une réponse rapide, dès l’horizon 2009, à la nécessaire reconstruction d’une compétitivité qui ne peut attendre. Pour la CNA, il faut annoncer très vite les nouveaux principes afin de donner le temps nécessaire ensuite à la concertation, l’adhésion et la mise en œuvre par chacun des mesures d’application qui resteront à fixer. 125. C’est pourquoi, l’apport de la Confédération Nationale des Avocats constitue une vision et un inventaire concrets des propositions offertes et non un commentaire des rapports ou des dossiers nombreux, pertinents souvent, contestables parfois établis ces dernières années et auxquels il conviendra de se référer puisqu’ils sont la source inspiratrice de nos conclusions et propositions : - travaux et motions de la Confédération Nationale des Avocats lors de ses Congrès et spécialement des axes définis lors du 75ème Congrès des 26 et 27 juin 2008 à Nantes (création d’une grande profession du droit indissociable du respect des principes essentiels de la déontologie de l’avocat : indépendance, secret professionnel, contrariété d’intérêt, libre choix de l’avocat ; l’adoption du principe suivant lequel il revient à une grande profession d’avocat d’embrasser tous les domaines où le droit intervient dans le respect des principes essentiels de la déontologie de l’avocat), - la prise en compte des rapports et missions consacrés à la modernisation de l’Etat ou dédiés à la profession d’avocat (rapport WOERTH sur la révision générale des politiques publiques ; diagnostic stratégique France 2025 du Secrétariat d’Etat chargé auprès du Premier Ministre de l’évaluation des politiques publiques ; rapport ATTALI et 316 propositions pour libérer la croissance française ; missions rapport GUINCHARD et les 65 propositions en matière d’organisation judiciaire d’accès à la Justice et d’allègement procédural ; mis-

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sions de Monsieur Jean-Claude MAGENDIE relatives à la célérité et à la qualité de la Justice (rapports de 2004 sur le temps de la procédure et de 2008 sur la procédure d’appel) , - les rapports et travaux du Conseil National des Barreaux concernant en particulier le champ d’activité professionnelle de l’avocat, - les documents de travail et rapports, des institutions internationales d’analyse et d’évaluation (particulièrement du Conseil de l’Europe) outre les travaux de l’Union Européenne, - l’instruction du Premier Ministre du 19 mars 2008, et la circulaire du 7 juillet 2008 relative au nouvel Etat territorial consacrées la mise en œuvre d’une réforme de la structure territoriale de l’’Etat sont une source d’inspiration et de réflexion pour la nouvelle gouvernance territoriale de la Grande Profession en alliant le principe d’uniformité de la norme (déontologique pour l’avocat) laquelle doit faire, en paraphrasant le rapport Santel, que « au nom du principe d’égalité, l’Administration territoriale de [–la profession d’avocat-] devrait être uniforme de Lille à Mende et de Brest à Grenoble » et aussi sa pratique ou sa mise en œuvre ; le propos dédié au futur Etat territorial est pratiquement transposable –mot à mot- aux professionnels du droit. Après avoir exploré le contenu de l’ensemble de ces rapports, il apparaît que la Grande Profession du Droit, esquissée par Monsieur le Président de la République, a besoin immédiatement et sans délai de courage et d’audace. 126. La grande profession devra être instituée en tenant compte des obligations de la France en matière de libre exercice sur son sol de ressortissants étrangers, en même temps qu’il faudra éviter d’importer des institutions étrangères qui sont souvent vantées sans égard pour l’impossibilité d’importer avec eux les hasards historiques qui leur ont donné naissance ni leur actuel contexte institutionnel et social national. 127. La grande profession du droit ne devra jamais méconnaître que la prestation juridique est singulière, elle ne peut être assimilée à une simple prestation de service, car cela risquerait de faire perde à cette profession son âme et nos règles déontologique qui sont une garantie pour nos clients. 128. Soyons clairs : pour la CNA la grande profession cela ne consiste pas à faire du mécano pour créer un homme nouveau du droit qui aurait la tête d’un avocat, les bras d’un notaire etc, ce n’est pas de permettre à d’autres professionnels d’exercer notre métier, mais de permettre à la profession d’avocat d’embrasser tous les domaines où le droit intervient, dès lors que cette activité est conforme aux 4 piliers de notre déontologie (secret professionnel, indépendance, respect des règles du conflit d’intérêt et libre choix de l’avocat) 129. Ainsi que le soutient la CNA depuis plusieurs décennies, il importe de donner privilège à la spécialisation par matière qui accroît la compétence plutôt qu’à une spécialisation par fonction qui diminue le champ de l’expérience. L’exigence d’une formation professionnelle, spécialisée pour être efficace, est plus déterminante que le cloisonnement des fonctionnalités. Economiquement et socialement, le développement d’une carrière professionnelle peut d’autant mieux s’établir sur la fondation d’une solide formation et d’une expérience professionnelle plutôt que dans l’exercice limité de fonction professionnelle limitée ou circonscrite dans un espace d’expérience borné. 130. Les matières que la grande profession va exercer ce sont celles qu’exercent actuellement d’autres professionnels visées ci-dessous et pour lesquels nous examinerons s’ils peuvent intégrer cette grande profession (voir points 22 et 5). 131. Cette grande profession supposera que certaines matières relèvent de spécialités. 132. Soyons clairvoyants, si les avocats français n’ont pas les moyens de leurs ambitions pour occuper ces nouveaux champs d’activité dévolus à la grande profession, ce sont les cabinets non français installés en France qui occuperont ces nouveaux domaines. L’ambition de la lettre de mission du

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Chef de l’Etat est bien de donner aux avocats français les moyens nécessaires pour relever ce défi afin qu’ils soient en état de concurrencer leurs confrères étrangers La CNA affirme qu’il serait illusoire voire mortel que la profession ne puisse obtenir les moyens pour moderniser les structures d’exercice et le mode de financement de ses missions ( §4)

- d’une maîtrise tout conflit d’intérêts, interne ou externe, direct ou indirect laquelle impose de réfléchir à la mise en place préventive de techniques et de méthodes de gestion de ces risques. (voir annexe 2 : motions du dernier congrès de la CNA Nantes 26 et 27 juin 2008)

2 - LE MONOPOLE DE L’EXERCICE PROFESSIONNEL DU DROIT, CONDITION NECESSAIRE D’UNE CONCEPTION DE LA GRANDE PROFESSION DU DROIT

22. N’envisager que les activités aujourd’hui exercées par des professions compatibles

21. Le préalable : une déontologie commune 211. L’institution non d’un monopole du droit mais d’un indispensable monopole de l’exercice professionnel du droit, constitue l’un des fondements et la légitimation du concept même d’une grande profession du droit. La Grande Profession doit garantir dans l’exercice de toutes les fonctions, de toutes les spécialités, en toutes circonstances, un service juridique, à un niveau de compétence et d’excellence et doit se soumettre dans chaque situation à des principes éthiques et déontologiques incontournables. 212. Les principes essentiels sont connus et ils en sont le socle nécessaire et commun à tous les acteurs de la Grande Profession d’Avocat si celle-ci doit s’instituer ; quatre piliers fondent cette déontologie commune : indépendance, secret professionnel absolu, maîtrise des conflits d’intérêt et respect du libre choix de l’avocat par le client. Pas de grande profession sans respect : - d’une indépendance absolue, totale, irréductible de sorte que l’avocat ait en toute circonstance l’autonomie de ses actions, de ses conseils et de la défense sans être assujetti ou dépendant y compris de ses propres intérêts économiques ou des pressions politiques, des sollicitations de ses clients, des tiers et demeure sans complaisance à l’égard des autorités, des juridictions ou de la puissance économique  ; cette indépendance, quelle que soit l’exigence d’un développement économique de la Grande Profession, est la condition irréductible de la confiance et de la liberté du client. Il est du devoir du Président de la République d’être le garant institutionnel du respect de l’exigence formulée par le Conseil de l’Europe : «  conscient de la nécessité d’un système judiciaire équitable garantissant l’indépendance des avocats dans l’exercice de leur profession sans restriction injustifiée et sans être l’objet d’influence, d’incitation, de pression, de menace ou d’intervention indue, directe ou indirecte, de la part de qui que ce soit ou pour quelle que raison que ce soit ». Le plus riche apport de la tradition de la profession d’avocat à ce que pourrait être la Grande Profession du Droit tient dans cette rigoureuse exigence d’indépendance. du secret professionnel, irréductible, absolu, garanti par les institutions ; il est un devoir fondamental pour l’avocat de respecter le secret et la confidentialité de toutes les informations reçues dans le cadre de l’exercice professionnel, du contenu des documents quels qu’en soient le support technique et le contenu. Dès lors, les juristes d’entreprise ne pourraient devenir avocats que s’ils pouvaient opposer à l’employeur, aux clients, aux collègues et partenaires de travail, le respect du secret et le privilège du silence qu’exige le respect des confidences reçues. Il s’en déduit que le critère existentiel de la Grande profession impose de n’unifier que des professionnels (à l’exclusion de non professionnels) dotés d’institutions de contrôle chargées de veiller au respect des principes (ordres) et d’une déontologie claire et explicitée.

- Dès lors que la grande profession d’avocats va embrasser des activités exercées par d’autres professionnels il sera naturel que ces professionnels puissent nous rejoindre. - Se pose en conséquence la question du critère d’éligibilité à la grande profession s’appuie sur la compétence, le respect des principes essentiels et du secret professionnel, il appartient d’écarter toute profession incompatible avec le respect de ces principes en raison de la mission assumée de la fonction, de l’assujettissement à des principes ou à une autorité ou de la dépendance à des services accessoires au service juridique rendu. Ces principes proclamés de façon quasi unanime par les avocats (et pas seulement en France) devraient notamment rallier tous les avocats et leurs représentants au refus par la CNA d’intégrer les conseils en propriété intellectuelle, dont les représentants partisans de l’intégration réclament d’ailleurs un statut à part dans le Barreau. 221. A l’examen, la difficulté n’est donc pas de réunir des compétences et des métiers différents ou complémentaires, ignorant le droit et les professionnels qui ont une autre vocation que celle de servir un client déterminé et identifié. Il s’agit de réunir des professionnels qui appliquent tous le droit pour des clients identifiés en leur garantissant le respect des principes d’une Grande Profession homogène. 222. Il est dès lors acceptable d’accueillir au sein de la Grande Profession d’Avocat : 2221. les notaires par leur qualité d’officier ministériel sont détenteurs de prérogatives et de privilèges exclusifs mais il est vrai que, tant à l’égard des règles communautaires que dans le respect des règles de libre concurrence, l’établissement de certains actes et prestations de service juridique ne justifient pas une exclusivité. Rien ne distingue véritablement aujourd’hui le notaire de l’avocat compétent spécialisé en droit public et immobilier par exemple ; pas plus un notaire avisé et expérimenté en droit des affaires ne saurait se distinguer d’un avocat doté des mêmes orientations professionnelles. La rédaction des actes juridiques exige une déontologie qui le plus souvent implique plusieurs acteurs dans le souci de préserver pleinement les conflits d’intérêt. L’expérience dégagée du projet de divorce par le seul notaire, a bien révélé la nécessité de conseils éclairés aux côtés des justiciables aux intérêts contraires ou en conflits. Il importe que le respect de la même règle déontologique soit assumée par les deux professions puisque cette norme est établie dans l’intérêt du citoyen et du justiciable. La qualité d’officier ministériel ne se justifie que pour les actes où la délégation du sceau de l’Etat s’avère indispensable. Tel n’est pas le cas de la vente de biens immobiliers ou plus généralement des actes ou conventions qui par leur nature peuvent être aisément revêtus de la formule exécutoire auprès des greffes ou des juridictions. Il est dès à présent indispensable de rétablir l’égalité d’accès de l’avocat et du notaire aux instruments utiles ou nécessaires à l’exercice convenable de leurs missions : - accès aux mêmes fichiers immobiliers,

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- accès aux instruments de communication numérique créé ou à instituer permettant de connaître états hypothécaires, données cadastrales, etc.. - accès aux fichiers d’organismes publics ou d’institution telles que les SAFER. Déjà, l’activité d’auxiliaire de justice, de conseil et de plaideur de l’avocat l’oblige dans le respect de ses devoirs professionnels à prendre toutes mesures conservatoires et donc à rassembler toutes les données sur la situation d’un bien immobilier. Il est légitime dans l’intérêt du client de l’avocat de doter ce professionnel des mêmes outils et instruments dont il est actuellement injustement privé d’accès. Notaires et avocats concourent fréquemment à l’occasion d’opérations complexes  ; la distinction se fait moins par la division des fonctions que par la spécificité des compétences réciproques et il n’est pas rare de voir se rencontrer et coopérer un notaire plus armé en droit des affaires que l’avocat, lui-même meilleur expert du droit immobilier. La hiérarchie des compétences n’est pas guidée par la fonction mais en réalité par la spécialité. La Grande Profession devrait ainsi accueillir des « avocats notaires » laquelle pourrait constituer l’une des spécialités de la profession. 2222. Les mandataires de justice, administrateurs judiciaires pourraient légitimement être intégrés à la Grande Profession, au titre de leurs missions d’assistance et de secours aux entreprises en difficulté, activité qui est proche de l’accompagnement constant et fidèle de l’avocat aux côtés de l’entreprise, autant dans l’épanouissement de ses développements que dans les écueils et les aléas de la vie des affaires économiques ou financières. 2223. Sous condition à cause de leur subordination à un employeur, la question de savoir comment des juristes en entreprise pourraient être intégrés à la grande profession dès lors notamment qu’ils ne serviraient aucune prestation à des clients ou à des tiers de l’entreprise., de même qu’ils ne pourraient, au motif d’un emploi partiel, traiter une clientèle de manière indépendante, de sorte que ce statut de salarié serait exclusif de toute clientèle personnel et du statut d’avocat libéral Trois catégories de juristes en entreprise peuvent être distinguées, dont les deux premières sont à exclure du champ de la grande profession, seule pour la troisième et sous les réserves indiquées, il pourrait être envisagé qu’elle soit retenue : - 1ère catégorie les juristes titulaires ni du CAPA ni d’une formation ni investis de responsabilités ou d’un service dans l’entreprise suffisant pour avoir accès à la profession d’avocat selon les critères actuels, - 2ème catégorie les juristes titulaires du CAPA et exerçant par leurs compétences, leurs responsabilités, l’organisation du service, des missions qui ne leur permettent pas de respecter les règles déontologiques ou qui ne souhaitent pas être assujettis par leurs missions à une déontologie rigoureuse. - 3ème catégorie les juristes titulaires du CAPA ou de diplômes équivalents assumant des responsabilités juridiques et la direction d’un service de nature à leur ouvrir l’accès à la profession d’avocat et qui en même temps ressentent la nécessité d’assumer la sécurité et les contraintes de règles déontologiques et de bénéficier également des protections qui y sont attachées (secret professionnel opposable à l’employeur, legal privilege etc.). Cette dernière catégorie de professionnels pourrait accéder à la profession d’avocat en étant distingués de leurs confrères par le fait qu’ils n’apporteraient pas de services à des tiers de l’entreprise employeur et ne représenteraient en justice ni leur employeurs ni les clients de ceux-ci. Cette distinction établirait une dualité statutaire « juristes d’entreprise » « avocats juristes d’entreprise ».

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En étendant et aménageant pour eux les possibilités d’accès déjà existantes, pourraient être intégrés à la profession d’avocat les professionnels du droit exerçant des professions aujourd’hui qui ne sont ni réglementées ni pourvues d’institutions ordinales. Ils seraient intégrés à la grande profession à la condition de satisfaire aux critères actuels d’accès à la profession d’avocat (compétence et formation juridique, respect des contraintes du code de déontologie) car il s’agit moins d’accueillir en considération de la fonction ou de la mission assumée qu’au regard la compétence et de la déontologie maîtrisées : conseils financiers, conseils d’entreprise, conseils en stratégie, lobbystes, conseils en structure, en organisation ou en stratégie d’entreprise  ; l’inventaire est infini des dénominations adoptées par des prestataires de services juridiques déguisés en conseils aux sobriquets variés ; ceux-là pourraient accéder à la profession d’avocat si leur exercice respecte les principes évoqués (§ 222) et exclut toute dépendance à la vente de produits marchands ou de services non juridiques dominants. 223. Il est clair que l’ensemble des activités juridiques se trouvant dans le champ d’action de la Grande Profession d’Avocat, l’exercice professionnel du droit ne saurait plus être autorisé à des prestataires nécessairement dépourvus des garanties et qualités y ouvrant accès ; un strict monopole de l’exercice professionnel du droit au profit des tiers devrait être assumé, garanti et protégé.

23. L’affiliation de tous les avocats à la CNBF L’appartenance à une grande profession d’avocat impose l’affiliation des professionnels à la même caisse de retraite, c’est-à-dire celle des avocats la CNBF. L’équilibre de ce régime l’impose Les garanties de la CNBF seront d’ailleurs attractives pour l’ensemble des professionnels, à l’heure où plus de la moitié des cotisants a moins de 40 ans.

3 - GRANDE PROFESSION = FORMATION UNIFIEE La grande profession impose la conjugaison de la formation et de l’expérience. Sur ce point la réalité a devancé les prises de décisions, près du tiers des élèves avocats se destinent à l’activité de juristes en entreprise. Ce constat pouvait en lui-même solutionner l’épineuse question de la définition du juriste d’entreprise, pour lesquels des chiffres variant de quelques centaines à des dizaines de milliers étaient avancés (voir sur cette question le développement ci-dessus au § 2223)

31. Des professionnels du droit formés et expérimentés 311. Dès lors que la lettre de mission de Monsieur le Président de la République évoque la grande profession du droit, il est clair et définitif que le socle de cette profession est la connaissance du droit et l’expérience professionnelle des missions qui s’y attachent. Aucun client, aucun justiciable, aucune entreprise ou collectivité ne doit être le cobaye, exposé aux aléas de l’inexpérience. Il est évident que la formation à l’exercice professionnel du droit doit être unifiée pour toutes les activités ayant vocation à participer à cette grande profession du droit. 312. La formation universitaire est le premier élément de ce socle et doit se situer au moins au niveau d’un master 2 ; la formation professionnelle en constitue le second niveau ; l’expérience effective en entreprise, en cabinet ou au service des institutions constitue une étape nécessaire.

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313. Aujourd’hui chaque profession réglementée du droit est imperméable l’une à l’autre ; les stages ne sont pas interchangeables, voire compatibles. Ce cloisonnement bloque complètement les professionnels dans leur acquisition d’une spécialisation réelle et d’une expérience des différentes applications de la connaissance de cette spécialité. Un exemple : les administrateurs judiciaires ne peuvent pas prendre en stage des avocats mais seulement des salariés se destinant à l’examen d’administrateur judiciaire ; ceci préjudicie autant à la fonction d’administrateur judiciaire qu’à la fonction d’avocat d’entreprise. Il est souhaitable que cette barrière soit supprimée ; les administrateurs judiciaires le souhaitent ; quant aux jeunes avocats, on voit combien un stage pointu en matière de droit économique pourrait leur être utile. Autant, les règles déontologiques de toutes les professions juridiques et judiciaires pourraient ainsi être rapprochées, harmonisées et unifiées.

32. Grande profession du droit et magistrats 321. Les magistrats ne sauraient être plus longtemps la seule profession du droit qui pourrait s’exercer sans la maturité qui ne s’atteint qu’à partir d’une expérience professionnelle minima. 322. En même temps que s’ouvre la réflexion sur la grande profession du droit, il doit être érigé en principe qu’aucun magistrat ne devrait débuter un exercice professionnel dans sa fonction ni surtout assumer une fonction solitaire en juridiction, sans avoir préalablement assumé un certain nombre d’années au sein de l’une des fonctions ou de l’un des métiers de la nouvelle grande profession. La maturité du juge doit être instituée en préalable à l’exercice de la mission de Justice. 323. En toute hypothèse la CNA considère qu’aucun juge ne doit siéger en qualité de juge unique sans avoir préalablement participé à des formations délibérant en collégialité pendant au moins trois années. 324. En dehors du tronc commun nécessaire lors de la formation initiale, il faut multiplier et développer les moments de formation en commun entre magistrats, greffiers et avocats. 325. Enfin il faut dissocier la fonction d’avec le grade des magistrats.

4 - MODERNISER LES STRUCTURES D’EXERCICE ET LES MODES DE FINANCEMENT DES MISSIONS : L’EXIGENCE DES REALITES 41. La dynamique de la variété des structures d’exercice a besoin de liberté, de souplesse et surtout de mobilité 411. La variété des options juridiques offertes à l’institution de structures d’exercice d’avocat est considérable mais la mobilité et le passage d’une structure à une autre ou la mutation d’une forme de structure à une autre forme est entravée par le poids des procédures et le coût fiscal. 412. La maîtrise de ces entraves au développement économique a besoin de quelques mesures concrètes : - la faculté pour l’avocat personne physique d’exercer simultanément dans une pluralité de structures juridiques ou de bureaux secondaires à vocation non exclusivement territoriale mais aussi en rapport à des pôles de compétences, des accords d’objectifs, des cibles ou des missions, - la faculté de développer des groupements d’intérêt économique d’avocats déjà a montré le profit pour le citoyen, le justiciable et les professionnels du

droit d’associer les compétences et les énergies pour satisfaire à la gestion d’évènements ou de sinistres lourds ou collectifs (ex.  : catastrophes industrielles, écologiques, maritimes ou aériennes ; gestion des risques de maladies professionnelles ; sinistres en série ; audits juridiques, économiques et financiers des entreprises  ; coopération à la gestion de crise d’autorités administratives ou d’établissements publics, réponse à appels d’offre etc..), : (voir page 12 du doc.) ces exemples peuvent être généralisés même pour des missions ou des dossiers de moindre importance qui nécessitent des compétences multiples. - la faculté de créer des groupements d’exercice à objet limité : des avocats de cabinets différents où des structures d’exercice différentes pourraient se réunir dans un groupement de structures d’exercice et additionner leurs compétences et leurs moyens pour répondre à des missions spécifiques particulièrement lourdes ou longues ou encore pour cibler des marchés qu’ils ne pourraient atteindre seuls (développement à l’étranger ou spécialité rare). - La faculté de transformer des Sociétés Civiles Professionnelles en sociétés en participation ou en sociétés d’exercice libéral sans l’actuelle dissuasion fiscale : il importerait d’organiser la neutralité fiscale de la transformation, c’est à dire qu’en conséquence de la dissolution de la SCP (considérée comme une cessation d’entreprise), les avocats (professionnels libéraux) ne doivent pas être taxés sur les plus valeurs constatées sur des éléments d’actifs immobilisés. - Les mêmes dispositions doivent être prises pour les avocats individuels ou exerçant en association qui choisissent de passer en structure de société à savoir que les impôts sur le revenus et la TVA sur les créances déclarées acquises soient assis sur les sommes encaissées et non sur celles ainsi déclarées (voir § 426 in fine). - La faculté de continuer à travailler après l’âge de la retraite, aidée par deux mesures : autoriser dans l’article 21 du décret n°2005.790 du 12 juillet 2005 l’avocat honoraire à faire librement certaines prestations d’avocat rémunérées par des honoraires, ce qui favoriserait des transmissions et ménagerait une transition entre vie active et retraite définitive, d’une part, et bonifier les droits à retraite des avocats qui poursuivent leur activité en faisant économiser par la CNBF le versement de leur retraite, ce qui serait juste et utilement incitatif pour le régime spécial. (voir page 12 du doc.) Bien entendu ces avocats honoraires devront être couverts au titre de leur responsabilité civile professionnelle. - La faculté pour les associés de société d’exercice de la profession d’avocat d’une part de bénéficier des dispositions du code de commerce sur l’insaisissabilité de la résidence principale et d’autre part qu’il soit clairement affirmé qu’ils peuvent demander à leur profit une procédure de sauvegarde telle que prévue par la loi du 26 juillet 2005. En effet ces associés peuvent être recherchées à titre personnel, les associés de SCP en vertu de l’article 1857 du code civil, et tous les associés de sociétés d’exercice dès lors qu’ils sont soumis au régime du Travailleur non salarié pour leurs cotisations sociales et enfin au regard de la responsabilité civile professionnelle. ( voir § 433)

42. Les structures financières du cabinet 421. Elles se distinguent du financement des procédures, des procès ou de l’exercice des missions dont il sera parlé plus tard (§44). Il s’agit d’abord de structurer le cabinet dans ses équipements, ses formations, ses moyens techniques, ses personnels, de constituer son capital. Il faut favoriser les structures de holding, les groupements d’exercice professionnel provisoires dédiés à des marchés spécifiques ou à des missions ciblées exigeant la mise en commun de moyens d’action et d’expérience auxquels ne peuvent répondre des cabinets de taille moyenne. 422. Le concours et l’intérêt aux activités et au développement du cahier des salariés ne doit pas être omis ; l’UNAPL (Union Nationale des Professions Libérales) dont la CNA est membre fondateur a créé l’ES-PL (Epargne Salarial

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Profession Libérale) par un accord signé le 27 novembre 2002 par l’UNA-PL, la CFDT et FO qui a été étendu par arrêté du 1er août 2003 paru au JO le 13 août 2003, page 14019  ; cette approche participative est actuellement trop ignorée des professionnels du droit. La Grande Profession du Droit ne doit pas négliger la part de ces salariés dans le développement de l’entreprise juridique. 423. Quant à l’introduction de capitaux extérieurs dans les sociétés de capitaux d’exercice professionnel, la CNA par principe et par expérience n’a jamais été favorable aux sociétés de capitaux pour l’exercice des professions libérales et ne se prononcera pas en faveur de l’ouverture desdites sociétés à des capitaux extérieurs. Quand les capitaux s’investissement dans toute société, c’est pour en obtenir une rémunération et un profit et non par un élan d’éthique, de charité ou d’équité lesquels restent indissociables du respect des principes fondamentaux de l’exercice professionnel du droit dans une société libre. 424. Même limités en proposition, on peut légitimement craindre la puissance et le désir d’influence de capitalistes extérieurs, il suffit à cet égard de considérer les problèmes rencontrés en ce moment même par des professions paramédicales et, depuis la crise financière de ces dernières semaines, par les cabinets d’avocats dépendant de clients dominants. Dans la loi de modernisation de l’économie du 4 août 2008 (JO 5 août 2008) nous ne comprenons pas la finalité de la disposition relative à la SPFPL et le fait qu’elle soit réservée aux professionnels en exerce dans les SEL pour la part mouvante des parts ou actions ; de même, la CNA ne comprend pas que seules les professions de santé échappent à l’ouverture jusqu’à 49% du capital des sociétés d’exercice au profit de personnes extérieures à la profession sauf décret contraire en Conseil d’Etat. La CNA n’imagine pas que l’indépendance de l’exercice professionnel soit compatible avec la possibilité de voir 49% des capitaux détenus par des groupes financiers, des sectes religieuses ou d’autres milieux d’influence… La détention des capitaux par des tiers à la profession ne saurait avoir qu’une vocation spéculative ou informative ; on ne saurait imaginer de participation désintéressée. Prudence et indépendance imposent d’exclure en l’état tout capital extérieur en qualité d’associé d’une quelconque structure d’exercice. 425. Il serait peu novateur de se servir d’instruments forts anciens ( la société anonyme a été créée sous Napoléon III … et la SARL après la guerre de 14 !), mais surtout la nécessité ou l’obligation pour chaque professionnel d’acquérir des actions ou des parts risque de bloquer le libre accès à l’exercice professionnel de jeunes compétences peu fortunées et de privilégier la faculté d’investissement financier souvent temporaire à l’équilibre durable des compétences personnelles. 426. La CNA s’est mobilisée pour obtenir du gouvernement et du législateur la création d’une société d’exercice sans apport de capitaux qui figure dans le titre II de la loi du 31 décembre 1990 (JO du 5 janvier 1991) relative à l’exercice « sous forme de société en participation des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé ». La CNA avait préparé un projet de société inspiré directement des partnerships anglo saxons, mais devant les difficultés à obtenir la création d’une nouvelle forme de société, elle s’est rangée à l’idée d’utiliser la société en participation du code civil en l’adaptant à l’exercice professionnel et en obtenant d’y ajouter que la convention de partenariat prévoit le versement d’une prestation compensatrice au départ d’un associé. Les professions libérales réglementées ou dont le titre est protégé ont mis un certain temps à comprendre l’intérêt des S.C.P., surtout que les banques et organismes de crédits les poussaient vers les structures de capital dès lors qu’ils prêtaient à des professionnels démunis.

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Il semble que les avocats se dirigent de plus en plus nombreux vers cette forme de société en participation d’exercice libéral lorsqu’ils s’installent ; toutefois, un frein demeure à ce développement en raison de la préexistence de structures d’exercice telles que les sociétés civiles professionnelles pour un grand nombre d’avocats et des contraintes fiscales liées à ce type de changement. Il faut renforcer les mesures fiscales d’allégement des droits de mutation pour favoriser les transformations des structures d’exercices professionnels en fonction des besoins économiques des avocats, de sorte que le coût des dissolutions et des transformations ne soit plus dissuasif. Madame Christine LAGARDE annonçait qu’en l’absence de disposition légale adaptée, elle avait l’intention de proposer lors de l’examen du projet de loi de finances de fin d’année, un aménagement législatif qui garantira la neutralité fiscale nécessaire des transformations qui s’effectuent sur la base de l’article 64 de la loi de finances rectificative et elle permettra ainsi l’utilisation aisée de nouvelles structures d’exercice professionnel telles que les associations professionnelles d’avocats à responsabilité individuelle (AARPI)  ; il importerait d’étendre cet aménagement à d’autres natures de transformations telle que la création de sociétés en participation.

442. Il convient d’ouvrir les cabinets à des instruments financiers innovants : affacturage, prêt, warrant, escompte, caution mutuelle, etc … Dès lors que la solidarité nationale est en panne et que les cotisations obligatoires au titre de la protection juridique sont insuffisantes, ces ressources nouvelles peuvent être mises en place  ; sans doute, une banque ou une mutuelle de la Grande Profession pourrait être instituée ayant vocation de répondre à cette exigence spécifique de préfinancement des dossiers solvables. Sans négliger la nécessité du développement de ces premières ressources, il importe de ne pas prohiber et même de favoriser la solidarité volontaire : subventions, mécénat…. Il importe déontologiquement et structurellement de permettre par exemple à des associations de défense ou de soutien de contribuer au financement des actions entrant dans leur objet social. 443. La représentation en Justice et les actes de procédure doivent être rémunérés et les tarifs mis en conformité avec les réalités économiques contemporaines tout en prenant en compte la diversité des charges assumées ; le tarif doit être rénové (article de Messieurs Alain PROVANSAL et Jean Louis SCHERMANN, Gazette du Palais, 23 et 24 juin 2008).

43.La suppression de la solidarité en cas de recherche de responsabilité, et le traitement de la responsabilité personnelle des associés de sociétés d’exercice

45. Le recouvrement des honoraires

431. L’instauration d’une grande profession du droit conservant pour certains exercices professionnels une spécialisation très poussée mais aussi des risques professionnels importants devra comporter la suppression de la solidarité qui existe pour certaines professions (notaires, administrateurs judiciaires et mandataires judiciaires) entre tous les membres en cas de recherche de responsabilité. 432. Cette solidarité devenue économiquement désuète, constitue un risque patrimonial indéniable qui n’a pas de justification légitime équitable et constitue un aléa économique inadapté à l’évolution des structures des aléas et des sources de responsabilités qui deviennent le plus souvent non maîtrisables par les institutions collectives des professions, ordres, chambres ou compagnies. 433. En termes identiques, l’article 16 de la loi 66-879 du 29 novembre 1966 sur les SCP et l’article 16 de la loi 90-1258 du 31 décembre 1990 sur les SEL disposent que chaque associé répond sur l’ensemble de son patrimoine des actes professionnels qu’il accomplit en cette qualité. Dès lors, il faut le protéger comme un professionnel personne physique, à qui l’article L.526-1 du code de commerce permet de déclarer insaisissables ses droits sur l’immeuble où est fixé sa résidence principale.

44. Les techniques de financement des missions de l’avocat 441. Financer le cabinet est une chose, financer chaque mission est une autre nécessité. Toute création d’entreprise ou d’un cabinet suppose un investissement lourd. La mise en état des budgets prévisionnels de missions juridiques ou de procédures judiciaires de grande envergure internes ou internationales impose la mise en œuvre de moyens importants par le nombre d’intervenants, d’experts, de techniciens, de traducteurs, de justiciables, de parties impliquées ; or, ce préfinancement reste incontournablement indispensable pendant plusieurs années et les contentieux de groupes imposent d’imaginer des techniques de financement que la solidarité nationale ne peut à elle seule assumer. Ces budgets sont souvent considérables en dizaines ou centaines ou millions d’euros de moyens matériels à préfinancer avec ou sans le concours du client, lequel n’accède souvent à la solvabilité qu’à l’issue et par le résultat du dossier.

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451 L’exécution provisoire concernant les décisions du Bâtonnier en matière de fixation d’honoraires Le décret de 27 décembre 1971 a prévu en son article 174 une procédure spécifique quant au recouvrement ou à la contestation des honoraires d’avocat. A raison même du secret professionnel le Bâtonnier statue comme instance de premier degré, un magistrat délégataire du Premier Président de la Cour statue en second degré. Pour autant la formule exécutoire n’est apposée qu’après que la décision est devenue définitive. Cela proscrit toute possibilité pour l’avocat ou le client de bénéficier de l’exécution provisoire sur la décision de première instance alors même qu’en toute matière elle se développe. Dans es conditions il serait naturel que le Bâtonnier puisse avoir la possibilité d’assortir par sa décision, motivée également sur ce point, de l’exécution provisoire, permettant à la partie dont la créance est reconnue d’obtenir la force exécutoire sur requête au Président du TGI sans attendre la décision de la Cour. Cela jouerait en faveur des avocats pour recouvrer leurs honoraires mais également en faveur du client lors d’une condamnation en restitution d’honoraires trop perçus, ce dernier cas de figure n’étant pas rare. 452. La force des conventions d’honoraires Les conventions d’honoraires sont l’expression des engagements librement arrêtés entre des personnes ayant une pleine capacité à les ratifier. Conformément aux dispositions du code civil elles tiennent lieu de loi entre les parties. Dès lors il n’est pas admissible que des juridictions puissent en réduire la portée.Il n’est pas possible d’une part d’engager les avocats à établir systématiquement des conventions si d’autre part leur portée est remise en cause. L’efficacité de ces conventions exige une stricte application de l’article 1134 du code civil. De même les conventions d’honoraires, notamment de résultat, doivent pouvoir être établies en cours de procédure, ni écartée au seul motif d’un changement de conseil en cours de procédure dès lors que le premier conseil aura déjà obtenu le résultat.

5 - A GRANDE PROFESSION, AMBITIONS ET TECHNIQUES JURIDIQUES NOUVELLES 51. La prévention juridique

511. Dans le domaine de l’activité non judiciaire, la sécurité et l’efficacité juridique s’inscrivent dans la commande du Chef de l’Etat ; l’accès au droit et à la Justice et la maîtrise du coût impliquent une politique de prévention et de gestion de l’urgence juridique. Les instruments d’une réponse à ces objectifs existent ou sont à créer. 512. L’audit juridique  : il serait de l’intérêt général comme de l’intérêt de l’Etat, des banques, des assureurs, des entreprises et des citoyens de permettre la déductibilité fiscale de l’investissement que constitue l’audit juridique, notamment pour les personnes physiques à l’occasion des grands actes de la vie ou de la prise en charge des engagements essentiels (accès à la majorité, mariage, mutation professionnelle, décès brutal) ; cet audit juridique assumé par l’avocat permettrait de réajuster la situation juridique d’ensemble du citoyen auprès de l’Etat, du fisc, de l’employeur et plus généralement des partenaires contractuels ; cet investissement pourrait être fiscalement déduit et ouvrir des exonérations d’intérêts ou de pénalités, (voir document annexe n°3). 513. L’institution d’un commissariat au droit auprès des entreprises publiques ou privées : à l’exemple des commissaires aux comptes d’entreprise, il serait de bonne gestion de prévoir annuellement un rapport établi par un commissaire au droit de l’entreprise qui porterait l’attention des associés, des actionnaires et des partenaires économiques à la situation juridique d’ensemble de l’entreprise, 514. La cession des biens immobiliers : elle doit être facilitée et ne justifie pas le monopole du notaire ; l’accès au livre foncier des avocats dotés de la spécialité ou à des avocats notaires est nécessaire et urgente. La concurrence étrangère révèle que la plupart des pays –y compris européens- donnent compétence à l’avocat pour procéder aux cessions de droits et biens immobiliers ; le maintien de la situation française nuit à la compétitivité des cabinets. Si pour des raisons fiscales et budgétaires, cela paraissait indispensable à titre transitoire, il pourrait être conçu que les mouvements de fonds sur les opérations immobilières assumés par les avocats de la grande profession soient soumis à transit de fonds par la Caisse des Dépôts ou que les CARPA instituent un compte spécial immobilier auprès de la Caisse des Dépôts. 515. L’acte juridique sous signature d’avocat doit être institué en ce qu’il constitue un instrument sûr et efficace au profit du citoyen et de l’entreprise ; il est aussi un vecteur d’économie et un instrument pratique, dynamique.

52. Des techniques juridiques nouvelles doivent être conçues également au plan judiciaire 521. La mise en œuvre d’une instruction civile permettrait d’éviter d’installer sur le plan pénal des procédures qui ne s’y trouvent qu’en raison des méthodes d’investigation qu’ouvrent le droit criminel ; une procédure analogue à la « discovery » pourrait être mise en place et correspondrait bien à l’élargissement de la compétence professionnelle et de la technicité de la nouvelle grande profession, 522. Les actions de classe ou les actions de groupe doivent être instituées  ; seul le regroupement d’un ensemble de victime permet de créer un contre-pouvoir par effet de masse et de garantir un financement par le regroupement des moyens de l’action des victimes de dommages multiples ; de telles actions ont besoin des structures, des instruments financiers et des techniques de préfinancement d’une grande profession d’avocat

6 - QUELLE GOUVERNANCE POUR UNE GRANDE PROFESSION ? 61. La taille critique : - la globalisation, l’internationalisation, l’urbanisation semble vouloir imposer imposent de regrouper la gouvernance de la profession au sein de grands barreaux. Mais aujourd’hui nous constatons un accroissement de population

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dans les villes de moins de 1 500 habitants. Il n’est donc pas possible d’envisager cette question sans la dimension politique de l’aménagement du territoire.. Ces équilibres imposent que les juridictions civiles de première instance soient maintenues en ce qu’elles assurent l’accès à la justice. Les barreaux attachés à ces juridictions concourent aux missions de celles-ci. Il est donc de l’intérêt de tous qu’il n’y ait pas de bouleversements mais une évolution bien comprise et volontaire vers une organisation commune efficace entre tous les barreaux d’une même Cour. - l’organisation et la vie des cabinets qui sont de moins en moins encloses dans un seul barreau et l’exercice professionnel se situe généralement dans un espace plus large que celui du siège du cabinet et du ressort du Tribunal , va conduire naturellement à une évolution à laquelle il faut donner du temps.

62. L’institution d’un ordre national ? 621. Le Conseil National des Barreaux a fait la démonstration de sa légitimité et de la qualité de ces travaux . 622. Il est essentiel d’organiser l’institution nationale de telle sorte que : - La représentation régionale soit garantie au sein de l’institution nationale (le système électif actuel conduit à ce que les avocats de certaines Cour d’Appel ne soient aucunement représentés au sein du Conseil National)  ; il est indispensable que les liens entre les avocats exerçant dans une région et le Conseil National soient assumés par un représentant élu siégeant au niveau de l’institution nationale ; il serait opportun qu’une partie des membres de celle-ci soit issue d’un scrutin régional nominal. - Il est indispensable que les forces politiques et syndicales de la profession représentées et c’est pourquoi, il convient qu’une partie de l’institution nationale continue à être issue d’un scrutin de liste proportionnel au suffrage universel direct. - Le Conseil National des Barreaux pourrait assumer l’harmonisation des structures régionales de discipline pour lesquelles la double compétence de magistrats et d’avocats professionnels paraît opportune sous la forme d’un échevinage (un magistrat dans la composition disciplinaire) dès le degré régional en première instance et au niveau national en appel. - Le Conseil National pourrait également avoir le rôle d’arbitre des conflits entre avocats ou de barreaux dans l’élaboration, l’harmonisation ou l’interprétation de la règle déontologique à l’exemple de ce qu’assume déjà la Commission ad hoc du Conseil National des Barreaux. L’unification de la règle déontologique aura besoin de la consécration à l’égard des citoyens, des usagers du droit de la norme réglementaire à l’exemple de ce qui s’est actuellement institué sous la forme d’un décret élaboré après consultation et collaboration de toutes les instances professionnelles. La règle uniforme s’imposant aux citoyens ne peut trouver sa pleine efficacité juridique que par l’autorité issue du suffrage universel. 623. Une réflexion devrait enfin être assumée au plan économique par l’institution nationale en tant qu’organe de réglementation et de régulation du contrôle des comptes de la profession elle-même et des professionnels. Il importe qu’une institution contribue ainsi à maîtriser le contrôle de l’utilisation faite des instruments économiques et financiers déjà évoqués à l’effet de veiller à l’indépendance de l’exercice professionnel et à la mise en place d’une politique de prévention ou de précaution des grands risques économiques. 624. Ce qui est ci-dessus montre que la CNA est attachée à l’organisation d’un Ordre par Barreau, au renforcement de la représentation des ordres dans l’institution nationale, à la consécration de l’institution nationale (la CNA ne se prononce pas pour changer le nom du Conseil National des Barreaux) pour assurer dans la clarté à l’avantage de tous la bonne gouvernance et l’indépendance de la grande profession.

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7 - L’ACCES AU DROIT 71. L’aide juridictionnelle 711 LES OBJECTIFS DE LA LETTRE DE MISSION EN MATIERE D’AIDE JURIDICTIONNELLE La lettre de mission du 30 juin 2008 pose les questions de l’aide juridictionnelle, de son attribution, de son financement, qui se trouvent aussi au cœur de la réflexion qui doit être menée pour améliorer les conditions de l’accès au droit et à la justice. Elle demande à la commission de formuler des propositions visant à créer en France une grande profession du droit et préciser les formes que cette profession pourrait prendre en conciliant l’indépendance nécessaire à l’exercice des droits de la défense avec les exigences propres à la réalisation de missions d’intérêt général». La commission devra donc «faire des propositions de réforme du système d’aide juridictionnelle afin, non seulement d’en pérenniser l’existence, mais aussi de favoriser le développement de l’accès au droit et à la justice tout en permettant la maîtrise de son coût». 712 BREF HISTORIQUE SUR L’EVOLUTION DE LA SITUATION Depuis 1989 la Confédération Nationale des Avocats a contribué à l’évolution du système. La CNA a participé aux travaux de la Commission présidée par Paul BOUCHET qui a abouti à la réforme de 1990 initiée par Henri NALLET, Ministre de la Justice aujourd’hui membre de la commission DARROIS. Elle a suivi attentivement la mise en place et le développement de la loi du 10 juillet 1991 et ses décrets d’application. Elle a participé aux innombrables discussions sur la grille des unités de valeur de l’article 91 du code de procédure civile indemnisant les avocats intervenant au titre de l’aide juridictionnelle. Elle a apporté sa pierre à l’édifice de l’accès au droit et son évolution en 1998, notamment en approuvant le protocole ayant affirmé le principe de rémunération de l’avocat et la prise en charge de l’ensemble des missions avec renégociation de la grille de l’article 91 devenue obsolète. L’un de ses anciens Présidents Madame le Bâtonnier MARSIGNY présidait déjà à l’époque la commission accès au droit du Conseil National des Barreaux présidé par un autre ancien et combien célèbre président de la CNA le Bâtonnier Jean René FARTHOUAT. Aujourd’hui Madame MARSIGNY préside à nouveau depuis 3 ans la commission accès au droit du Conseil National sous la mandature du Président Paul-Albert IWEINS. Depuis 2000 plus de 2000 pages de rapports ont été réalisées sur le sujet, sans compter des heures et des heures de réunions et de négociations. 713 LE CONSTAT En consacrant 4,8 euros par habitant pour l’aide juridictionnelle la France se trouve, comme pour toutes les comparaisons en moyens humains et financiers suivant les rapports de la CEPEJ de 2006 et 2008 , largement distancée par rapport à l’effort des pays qui l’entourent ; alors qu’en général le rapport est de 1 à 2 en cette matière le rapport est de 1à 3 voire de 1 à 10 avec l’Angleterre même s’il faut retenir que dans ce pays les frais exposés par les parties pour l’administration de la preuve sont très lourds, de sorte que la prise en charge de ceux-ci dans le cadre de l’aide juridictionnelle est importante. Il n’en reste pas moins que l’effort de la collectivité en Angleterre pour les citoyens les moins favorisés est sans commune mesure avec la France. Si la démarche de la CNA dans cette contribution est volontaire et s’inscrit

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dans une démarche dynamique dans laquelle la profession relève par ellemême les défis qui s’imposent à elle, il n’en demeure pas moins qu’elle manquerait à son devoir si elle ne faisait pas état de l’insuffisance chronique des moyens humains et financiers pour la justice en France. Cette analyse est indispensable dès lors que l’on traite de l’accès à la Justice. 7131 La réalité de « l’engagement»  l’Etat pour la justice Le Conseil de l’Europe, c’est-à-dire l’Europe de l’Atlantique à l’Oural dont 43 états sont membres a constitué une commission pour l’évaluation des systèmes judiciaires, la CEPEJ. Après un premier rapport préparatoire en 2004, elle a publié son premier rapport en septembre 2006, sur des évaluations chiffrées remontant pour la plupart des Etats en 2004. Son deuxième rapport vient d’être publié en septembre 2008 sur des chiffres de 2006 http://www.coe.int/t/dg1/legalcooperation/cepej/evaluation/2008/ Rapport2008_fr.pdf) Documents de plus de 300 pages il ne fait que confirmer une triste réalité. L’engagement de l’Etat en France pour la justice est deux fois moins important que celui de nos principaux partenaires européens cette fois, celle des 27. Nombre de magistrats pour 100.000h 10 en France 25 en Allemagne Nombre de greffiers par magistrat 1 en France 2 en Allemagne Budget des services judiciaires ( hors pénitentiaire) 53 € en France 90 en Allemagne plus de 100 en Angleterre. Cette situation n’est pas nouvelle, la CNA la dénonce depuis des années, avec l’USM et l’USAJ ( syndicat des greffiers) ; elle mettait en avant cette insuffisance dès le début des années 1990, lors des mouvements sur la Justice. Cette insuffisance est autant le fait des gouvernements de gauche que de droite. Alors que le budget de l’Etat en France avec près de 600 milliards est le troisième en Europe après l’Allemagne et le Royaume-Uni, elle se retrouve avec 3.5 milliards pour sa justice en fin de liste en Europe. Pour être à sa place la France devrait consacrer aujourd’hui pour les services judiciaires 7 milliards.  Pour se trouver en fin de législature au niveau qui aurait dû être le sien en 2007, l’augmentation de ce budget devrait être de 20%, entre 2004 et 2006 l’augmentation n’a été que de 6%. Cela représenterait un effort supplémentaire de 700 millions d’euros par an sur 5 ans, si comparaison n’est pas raison en quelques jours ou quelques heures une institution financière sous le contrôle de l’Etat a perdu une telle somme ces dernières semaines à raison de placements financiers, sans que cela ait mis en péril cet établissement est-il indiqué. Nos partenaires européens ont plus de considération pour la justice et leur système judiciaire. Il ne suffit pas d’affirmer que la justice est garante de la démocratie et le juge des droits et liberté des citoyens, il faut encore leur donner des moyens. Les autres pays l’ont tellement compris que les institutions privées chargées de proposer des contrats d’assurances juridiques proposent des garanties réelles en parfaite adéquation avec le coût réel des prestations, ce qui induit des cotisations dont le montant est au double des contrats d’assurances en France. Enfin, et cela traduit une vision du système judiciaire résolument différente, seuls trois pays en Europe ont un accès à la Justice civile gratuit : la France, l’Espagne et le Luxembourg. Partout ailleurs le justiciable participe financièrement au fonctionnement de l’institution judiciaire. Bien entendu, ces frais doivent d’une part être récupérables par la partie qui gagne son procès, et d’autre part ne pas être à la charge de ceux qui bénéficient de l’aide juridictionnelle en totalité ou partiellement suivant les cas, sous la réserve des propositions ci-après concernant le maintien d’un effort financier demandé en matière d’AJ.

7132 Cet  «engagement « de l’Etat appliqué à l’aide juridictionnelle. 308 millions d’euros au titre de l’aide juridictionnelle là où il en faudrait au moins 3 fois plus, tout en soutenant faussement que le système serait à bout de souffle comme indiqué ci-dessus. Pour quelle raison en sommes-nous arrivés là alors que l’aide juridictionnelle n’est pas un marché et ne se résume pas à la question des honoraires des auxiliaires de justice et donc des avocats assurant des missions de service public ? Une des réponses est liée au fait que depuis longtemps il est expliqué au justiciable qu’il a droit à un avocat et que s’il n’a pas les moyens de s’en «offrir» un, l’Etat le fera à sa place… Le résultat ne tarde pas à être prévisible si en même temps l’Etat ne prévoit pas un budget suffisant, l’effort est supporté par une profession déjà lourdement taxée par des missions rétribuées à la moitié du coût moyen de fonctionnement des cabinets : 43 euros de l’heure pour un taux de charge de l’ordre de 90 euros sans compter la prestation intellectuelle. Par ailleurs la multiplication des nouveaux textes a généré une multiplication des missions notamment au pénal, domaine où la Convention Européenne des droits de l’homme affirmant que tout individu a droit à un procès équitable, trouve à s’appliquer. Si l’on ajoute à cela que ce sont les Ordres d’avocats qui doivent gérer le système via les CARPA et qui pour certains ne s’y retrouvent pas, l’on aura fait rapidement le tour de la question. 714 LES SOLUTIONS L’approche de la réflexion doit se faire pour le justiciable, notamment le plus démuni, et ce y compris celui qui aujourd’hui n’a pas accès à la justice. Nonobstant les critiques et l’envie de faire plaisir : Il faut que l’Etat maintienne son engagement en la matière, à l’exclusion de toute approche alternative. 7141 CE QUI EST POSSIBLE Une fois ce principe réaffirmé  (sans pour autant que cela «coûte de l’argent en plus») il faut: 71411 : Faire faire par l’Etat une véritable campagne de revalorisation de l’image de marque de l’avocat intervenant au titre de l’aide juridictionnelle tant vis-à-vis des magistrats que du public concerné. Il faut arrêter de s’imaginer que l’avocat est «consommateur d’AJ» et que cela lui permet de faire «vivre son cabinet». Cet avocat a consacré du temps pour sa formation initiale et continue, il a signé des chartes de qualité avec son Ordre qui a mis en place des protocoles de défense d’urgence, il a fait en sorte d’améliorer sa prestation malgré l’absence de moyens. Il suffit de regarder les chiffres de l’UNCA pour constater qu’il y a très peu d’avocats spécialistes (seuls 400 avocats en 2006 sur 45 000 ont réalisés plus de 200 missions à l’année…) Aujourd’hui sur l’exercice 2007 sur plus de 51 000 avocats un peu plus de 44 % (62 % hors PARIS) ont réalisé au moins une mission à l’année. Est-ce pour autant une raison de leur faire supporter cette charge de service public ? 71412 : Mettre en place de véritables filtres au niveau du dépôt des demandes d’aide juridictionnelle (hors défense pénale d’urgence) et de leur acceptation avec l’instauration de la consultation préalable rémunérée en cabinet d’avocat. 71413 : Jouer la transparence en supprimant la notion obscure de l’UV en la remplaçant par la notion de référence horaire : un nombre d’heures affectées par type de prestation avec un taux horaire… 71414 : Faire contribuer même très modestement les bénéficiaires pour les

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sensibiliser, et surtout les informer des conditions de travail de l’avocat. 71415 : Trouver des financements complémentaires tels que ceux évoqués par le Conseil National des Barreaux dans son rapport adopté de février 2008 : « Le CNB a préconisé la mise en œuvre effective d’une contribution de solidarité AJ portant sur les opérations juridiques, quelle que soit la qualité de l’opérateur et exclusive de tout désengagement de l’Etat. « Il faut appréhender les opérations génératrices de contentieux (actes juridiques : banques, agents immobiliers, assurances etc.) sans tenir compte de la qualité de leur opérateur et consacrer de la sorte une solidarité entre le juridique et le judiciaire à l’échelle de l’ensemble des justiciables. 71416 : La contribution de la CNA avec l’AAPPE sur la rémunération de l’acte de procédure ( voir § 74) peut permettre d’envisager un accroissement de la mise en œuvre des dispositions des articles 36 et 37 de la loi sur l’aide juridictionnelle qui permet de renoncer à la rétribution au titre de l’AJ, en cas de résultat positif pour le client , l’avocat percevant alors un honoraire libre dont une partie serait convenue sous forme d’honoraires de résultat, le tout sous le contrôle prévu par cette disposition légale. 7142 CE QUI EST A ECARTER 71421 La contribution financière d’une catégorie d’avocats : « la contribution obligatoire des «avocats (dits) d’affaires» soutenue ici ou là est une vraie fausse bonne idée» … même si certains pensent pouvoir se débarrasser de ce délicat sujet de cette manière. Certains avocats qui ne font pas d’AJ répondent déjà à cette proposition qu’ils préféreront en fait accepter des missions d’aide juridictionnelle pour éviter de payer une contribution financière. Où sera alors la qualité, la compétence parfois dans la matière concernée et la sécurité juridique ? Mais surtout politiquement cela consiste à transférer sur une seule profession une charge qui incombe à l’Etat. 71422 Le pro bono Une autre idée est à bannir ou au moins à manier avec précaution : idée pourtant séduisante aux yeux de ceux qui pensent pouvoir réaliser ainsi des économies : Le PRO BONO : ou comment assurer bénévolement la défense des plus démunis pour assurer la promotion de son cabinet («d’affaires») ? … Comment envoyer les jeunes avocats des grandes structures super diplômés et spécialisés dans les «fusions acquisitions» par exemple sillonner les rues de la capitale dans le bus de la solidarité pour donner des consultations gratuites sur les problèmes de logement ou en droit des étrangers… Même si le but est louable et l’idée généreuse, elle est inadéquate et ne solutionne absolument pas la question du financement de l’A J. Peut-on imaginer la même chose à la périphérie des grandes villes ? Cela rappelle l’assistance judiciaire chère à nos aînés, mais à cette époque il existait encore une clientèle de particuliers dite solvable. La situation de cette clientèle sera décrite ci-après dans le cadre de la protection juridique 71423 Les structures dédiées : Le CNB a retenu l’expérimentation d’une telle structure type québécoise par tel barreau qui se déclarerait volontaire avec modification de l’article 29 de la loi du 10 juillet 1991 c’est-à-dire soit la création de cabinets spécialisés dans l’AJ et financés par les Ordres soit la mise en place de protocoles dans toutes les matières avec avocats travaillant à temps complet pour les Ordres pendant une période déterminée. A ce jour aucun Barreau n’a mis en place un tel système. Là encore l’idée se heurte à deux obstacles étant précisé qu’il n’est pas certain

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que la mutualisation fasse faire des économies à l’Etat, et que ce qui fonctionne tant bien que mal au Québec dans des conditions totalement différentes et pour un coût extrêmement élevé pour un tout petit nombre d’avocats n’est pas transposable en France. Première difficulté: dans un régime libéral tel que celui de la profession d’avocat cela créera une véritable distorsion de concurrence avec les autres confrères qui ont fait le choix de créer un cabinet, d’avoir une structure, du personnel et des charges et qui pourtant assurent avec sérieux, et dans les termes de leur serment d’avocat, ces missions de service public. Seconde difficulté : on risque de mettre en place un barreau à deux vitesses : des «sous- avocats» parmi les plus jeunes cantonnés dans des structures spécifiques et toujours aussi mal considérés, qui lorsqu’ils auront terminé leurs 2 ou 3 ans d’internat reviendront dans le privé sans clientèle, avec les charges des précédents exercices et sans les budgets correspondants… 7143 LES PISTES A EXPLORER : Dans le désordre : 71431 : Le «panier dédié» avec le choix des missions à faire prendre en charge le cas échéant par l’aide juridictionnelle 71432 : Le développement des contrats de protection juridique spécifiques (marché économique pour l’assureur) avec extension de leurs champs d’activité mais aussi la prise en charge de la cotisation pour les plus démunis par l’Etat 71433 : Les incitations fiscales : crédit d’impôts – TVA à taux réduit pour l’ensemble des particuliers – prêts à taux zéro. Ainsi il reste encore de longs développements à faire, et des réflexions à avoir afin de résoudre ce «casse tête « chinois que représente toujours l’aide juridictionnelle. Si l’on compare l’engagement des «autres professionnels du droit» dans ce combat, il y a de quoi se révolter… Seule la profession d’avocat y croît encore…

72. La situation des clients particuliers hors aide juridictionnelle 721: Si dans certaines juridictions civiles la population éligible à l’aide juridictionnelle atteint 80% du contentieux, la situation générale de la clientèle des particuliers doit être décrite. Il s’agit de cette clientèle qui ne relève pas de l’aide juridictionnelle. Si l’activité des avocats en France c’est autant le juridique que le judiciaire, le juridique représente un chiffre d’affaires égal ou double de celui réalisé dans le judiciaire. L’idée même de la grande profession à laquelle la CNA croît depuis qu’elle a réalisé le « Livre bleu » interdit d’opposer ces deux activités. Pour autant il faut partir des réalités du barreau tel qu’il existe aujourd’hui ; une très grande majorité d’avocats exercent dans le domaine du judiciaire et pour un grand nombre d’entre eux dans l’intérêt des particuliers ; il s’agit là du cœur de notre tradition professionnelle Le rapport du CEPEJ cité ci-dessus confirme qu’il n’y a aucune fatalité à ce que le judiciaire ne soit pas porteur d’activités, c’est le cas partout ailleurs chez nos partenaires européens. Comme indiqué au point 132 si les avocats français n’ont pas les moyens de leurs ambitions ce sont les cabinets étrangers installés en France ou une très petite minorité de cabinets français qui bénéficieront des marchés ouverts à la grande profession. Ces moyens sont bien entendu liés à la capacité financière de nos concitoyens lorsqu’ils ont à titre personnel recours à un avocat. Ces particuliers sont d’une part soumis à la TVA ce qui majore les honoraires de 19.6% et d’autre part ces honoraires sont réglés par des sommes épargnées par

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les clients après que ceux-ci ont payé l’impôt sur leurs revenus. Cette situation est doublement défavorable pour cette clientèle par rapport à la clientèle ayant recours à un avocat pour des raisons professionnelles, en premier lieu les professionnels s’ils sont eux-mêmes soumis à la TVA la déduisent, en second lieu les honoraires constituent une charge et ne sont donc pas puisés sur des sommes ayant subi l’impôt. La charge du même honoraire d’avocat est donc au moins d’un rapport d’1 à 4 suivant qu’il est réglé par un professionnel ou par un particulier. 722 LES PROPOSITIONS 7221 les mesures fiscales Ce sont celles envisagées ci-dessus point 71433 Les incitations fiscales : crédit d’impôts – TVA à taux réduit pour l’ensemble des particuliers – prêts à taux zéro. 7222 Une application plus rigoureuse et efficace de l’article 700 du code de procédure civile. La CNA a œuvré et obtenu en 1991 une modification de cette disposition. Aujourd’hui rappelons-le cette indemnisation des frais non compris dans les dépens n’est plus fondée sur l’équité, elle est fondée sur un principe ; la partie tenue aux dépens ou perdante doit à l’’autre une indemnité au titre de ses frais. Ce n’est que par exception que pour des raisons économiques ou d’équité que ce droit peut être réduit voire supprimé. Pour autant force est de constater que 17 ans après son entrée en vigueur la portée de cette modification n’a pas été toujours comprise. Il revient aux avocats, dans l’intérêt même de leurs clients de justifier de la réalité des engagements de ceux-ci au titre des honoraires d’avocats voire d’autres intervenants dont la prestation n’entre pas dans les dépens. Le développement des conventions d’honoraires assure pour tous une meilleure clarté dans la détermination de l’honoraire. Rien n’interdit, dès lors que le conseil aura pris soin des supprimer ces éléments de toute information relevant du secret professionnel, de produire en justice les factures et les conventions d’honoraires. Pour éviter toute difficulté touchant au secret il est recommandé le cas échéant d’intégrer les éléments qui peuvent être couverts par le secret dans des annexes qui ne seront pas produites. Clairement définies, le juge accueillera d’autant mieux les prétentions fondées sur cette disposition. Cela commande aussi que les magistrats soient bien informés de la réalité du fonctionnement des cabinets d’avocats dont les honoraires couvrent en premier lieu les charges de ceux-ci avant que d’assurer la rémunération du professionnel. Il convient surtout d’affirmer qu’il s’agit d’une indemnité revenant au client après que celui-ci a réglé les honoraires. 7223 : Il ne faut pas méconnaître les difficultés quant au recouvrement des honoraires traitées au point 45 ci-dessus.

73 Les contrats de protection juridique La profession a obtenu une bonne loi le 19 février 2007, grâce à une unité remarquable et remarquée de la profession d’avocat derrière le CNB. Si les dispositions de cette loi sont celles que la profession attendait pour nos concitoyens, nous savons que c’est sur le terrain et au regard de la pratique des compagnies d’assurance que nous pourrons être convaincus de l’efficacité du dispositif. Il importe d’insister sur le fait qu’il ne s’agit pas uniquement d’un texte favorable à la profession d’avocat ; il s’agit surtout d’un texte qui assure un meilleur accès à la justice pour nos concitoyens. Ce texte assure le libre choix du conseil pour le client

Ce texte interdit à l’assureur d’intervenir dans la détermination des honoraires entre l’avocat et le client, ceux-ci devant en la matière être convenus par une convention. Il n’en demeure pas moins que nos concitoyens sont trop souvent victimes de publicités trompeuses et de véritables atteintes aux droits des consommateurs. Nos concitoyens ignorent trop souvent qu’ils sont plusieurs fois assurés pour le même risque, ces contrats de protection étant proposés de manière accessoire à un contrat principal de sorte que le lorsque le risque survient nombre d’assurés méconnaissent qu’ils étaient assurés ou oublient certains de leurs contrats. La CNA demande que des contrats type, comme il en existe en matière de crédit aux consommateurs, garantissent que l’assuré ne paie qu’une assurance pour être bien couvert. L’accès au droit serait amélioré sans surcoût important. S’ajoute donc à l’alea de la survenance du risque l’alea de la connaissance par nos concitoyens de l’existence même de leurs contrats. Les études menées par la CNA montrent que pour des contrats identiques la contribution des compagnies peut varier pour une même procédure dans des proportions du simple au décuple voire davantage Tout cela impose que les contrats de protection juridique soient clairement identifiés lorsqu’ils sont proposés à la clientèle. Actuellement comme indiqué ci-dessus nos concitoyens sont assurés plusieurs fois, souvent pour des cotisations modiques mais dont l’accumulation représente des cotisations importantes. Il résulterait de cette clarification une diminution du nombre de contrats pour les assurés qui regrouperont leur effort personnel sur un seul contrat portant sur des garanties plus importantes. La pratique professionnelle exige également que soit proscrite toute intervention de l’assureur auprès de l’assuré pour commenter voire critiquer les choix stratégiques et procéduraux des avocats. Même s’il est compréhensible que les assureurs désirent veiller aux conséquences financières de leurs engagements, il n’en demeure pas moins que l’avocat, professionnel formé et compétent, doit rester à l’égard de son client le seul responsable des choix qu’il propose à ce dernier. Il y engage d’ailleurs sa responsabilité professionnelle. Le développement de la protection des contrats de protection juridique constitue le meilleur moyen de faciliter l’accès au droit pour nos concitoyens, pour autant cela ne se réalisera qu’autant que les impératifs rappelés ci-dessus seront réalisés.

74 La rémunération de l’acte de procédure La présente contribution reprend les travaux menés par l’AAPPE (Association des Avocats et Praticiens des Procédures d’Exécution) et la CNA ; Ainsi que cela a été indiqué dessus les deux présidents de ces deux organisations ont publié à la « Gazette du Palais » les 23 et 24 juin 2008 un article qui avait notamment pour substrat une étude non publiée, réalisée à la demande de l’AAPPE par Messieurs les Professeurs CROZE et NOURRISSAT. Cet article et l’offre de décret ainsi préparé par l’AAPPE et la CNA sont joints en annexe. Le CNB a approuvé les 13 et 14 juin un rapport présenté par Madame Brigitte MARSIGNY, sur les réflexions sur les barèmes et la répétibilité, dont une partie des travaux étaient fondée sur les propositions communes de l’AAPPE et de la CNA. Il convient tout en renvoyant le lecteur sur les documents en annexe de rappeler l’introduction de l’article commun. 741 : Que l’on nous comprenne bien : cette rémunération de l’acte de procédure ne s’oppose pas à l’honoraire libre pour le conseil, la consultation, la préparation des dossiers et les plaidoiries, Aux termes de l’article 20, al.1 de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971 : La tarification de la postulation et des actes de procédure est régie par les dis-

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C.N.A positions sur la procédure civile. Les honoraires de consultation, d’assistance, de conseil, de rédaction d’actes juridiques sous seing privé et de plaidoirie sont fixés en accord avec le client. Ce texte pose le principe de la dualité de rémunération de l’avocat, résultant de la fusion des anciennes professions d’avocat et d’avoué près le tribunal de grande instance : tandis que la postulation et l’accomplissement des actes de procédure sont tarifés, l’honoraire, qui rémunère la consultation, l’assistance, le conseil, la rédaction d’actes juridiques et la plaidoirie, est fixé librement en accord avec le client. 742 : Aux termes du premier article du décret n°72-784 du 25 août 1972, relatif au régime transitoire de rémunération des avocats à raison des actes de postulation et à la taxe : A titre provisoire et jusqu’à la fixation d’un tarif de la postulation et des actes de procédure, les avocats percevront les émoluments, droits et remboursements de débours au taux et dans les conditions prévues, pour les affaires portées devant la juridiction civile, par les dispositions du titre Ier et de l’article 81 du décret du 2 avril 1960 susvisé (1), en tant que ces dispositions sont compatibles avec celles du nouveau code de procédure civile. Ce texte contient un véritable engagement du Gouvernement d’édicter un nouveau tarif en application de l’article 20, al.1 de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971 qui pose le principe de la ratification de la postulation et des actes de procédure Il faut ajouter qu’un décret n°75-785 du 21 août 1975, relatif aux droits et émoluments alloués à titre transitoire aux avocats à raison des actes de procédure est intervenu ultérieurement pour majorer de 20% « le montant des émoluments alloués à l’avocat, tels qu’ils sont déterminés à titre provisoire jusqu’à la fixation d’un tarif de la postulation et des actes de procédure par l’application du décret susvisé du 25 août 1972 » (art.1). 743 : Il en résulte, à l’évidence, que le « tarif des avocats  » est actuellement obsolète ; cela ne signifie pas que le système soit vieillot. Ajoutons qu’une rémunération tarifée est mieux adaptée à une prise en charge par un système d’accès au droit notamment d’aide juridictionnelle 744 : D’une part l’intervention des professionnels du droit dans l’administration de la justice civile, qui est souvent obligatoire, est généralement nécessaire et, en tout cas, toujours utile : les droits de la défense et le principe d’égalité des armes commandent en effet que le justiciable puisse être assisté d’un avocat s’il le souhaite et l’intervention de l’avocat, comme celles des autres auxiliaires de justice, est de nature à contribuer à la régulation des flux judiciaires, donc au respect du délai raisonnable prévu à l’article 6.2 de la Convention européenne des Droits de l’homme et au respect du contradictoire. Dès lors qu’en fait la médiation de l’avocat s’impose, il est juste que sa rémunération soit équitablement déterminée ; de ce point de vue, le système de la tarification présente les avantages de la transparence et de la prévisibilité. Il est probablement mieux compris par le consommateur de justice que la négociation contractuelle de l’honoraire pour laquelle ces derniers sont mal armés. Ajoutons qu’une rémunération tarifée est mieux adaptée à une prise en charge par un système d’aide juridique. On constate d’ailleurs que toutes les professions juridiques réglementées (notaires, avoués, huissiers de justice…) sont rémunérées sur la base d’un tarif sans que pour autant soit exclu un honoraire libre. 745 : D’autre part la tarification ne prétend pas couvrir l’intégralité des prestations de l’avocat : elle se limite à ses fonctions de mandataire. Or le mandat donné à un professionnel du droit, en particulier le mandat ad litem (2), présente une forte spécificité juridique, marquée notamment par l’existence de règles spécifiques dans le Code de procédure civile (3), qui complètent les dispositions du Code civil applicables au contrat de mandat (4). Son objet est principalement l’accomplissement de ces actes juridiques particuliers que

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sont les actes de procédure au nom du mandant. L’avocat a alors le pouvoir d’engager son client et, en contrepartie, il en assume la responsabilité. Cette partie de l’activité de l’avocat est donc plus aisément circonscrite que le conseil et l’assistance, forme de prestations de services, qui se plient mal à une tarification a priori et sont plus justement rémunérées en fonction des diligences effectivement accomplies (5). Dans une approche économique de la justice, la tarification de la rémunération du mandat donné à l’avocat, souvent parce que la loi y oblige, et alors que l’avocat est investi d’un monopole, paraît conforme tant aux intérêts des justiciables que des professionnels du droit concernés.

CONCLUSIONS Avec volonté et détermination, la plupart des propositions évoquées pourraient être mises en œuvre sur un planning de deux à trois ans. Ont contribué à l’élaboration de ce rapport : - Monsieur Jean-Louis SCHERMANN, Avocat au Barreau de PARIS, Président de la Confédération Nationale des Avocats, - Madame Jacqueline SOCQUET-CLERC LAFONT, Avocat au Barreau de PARIS, Président d’Honneur de la Confédération Nationale des Avocats, Présidente de l’A.N.A.S.E.D., Présidente d’Honneur de U.N.A.P.L., Membre du Conseil Economique et Social, - Monsieur Christian-Claude GUILLOT, Avocat au Barreau de PARIS, Membre du Comité Directeur de la Confédération Nationale des Avocats, Monsieur Gérard MONTIGNY, Avocat au Barreau d’AMIENS, Vice-Président de la Confédération Nationale des Avocats, ancien Membre du Conseil National des Barreaux, Administrateur du GIE A.V.O.C.A.T.. - Monsieur Vincent BERTHAT, Avocat au Barreau de DIJON, Premier Vice-Président de la Confédération Nationale des Avocats. - Madame Brigitte MARSIGNY Avocat au Barreau de Bobigny, Ancien Bâtonnier, Président d’Honneur de la Confédération Nationale des Avocats, Présidente de la Commission Accès au Droit du Conseil National des Barreaux - Monsieur Alain PROVANSAL Avocat au Barreau de Marseille, Président de l’AAPPE, Vice-Président de la Confédération Nationale des Avocats Annexes : 1- Document d’identification, historique de la Confédération Nationale des Avocats 2- Motions adoptées par le 75ème congrès de la C.N.A. à NANTES, les 26 et 27 juin 2008 3- Etude descriptive du projet «audit citoyen» 4- Article paru dans la gazette du Palais des 23 et 24 juin 2008 sur la rémunération de l’acte de procédure 5- Offre de décret sur la rémunération de l’acte de procédure établi par l’AAPPE et la CNA

(1) - Il s’agit du décret n°60-323 fixant le tarif des avoués. (2) - Cons. : J.Viatte, Le mandat ad litem :Gaz.Pal. 1976, 1, 392. (3) - NCPC, art.411, s. (4) - C.civ., art.1984, s. (5) - Cf. le second alinéa de l’article 20 de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971, qui prévoit qu’à défaut de convention, « l’honoraire est fixé selon les usages, en fonction de la situation de fortune du client, de la difficulté de l’affaire, des frais exposés par l’avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci ».

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FIDUCIE L’AVOCAT FIDUCIAIRE EST ARRIVE loi du 4 août 2008 Mais oui, nous pouvons maintenant être fiduciaires ! A force de mettre le pied dans la porte, elle a fini par s’entrouvrir ! Grâce notamment au Sénateur Philippe Marini , grâce à certains Professeurs de Droit, surtout de François Barrière ( La fiducie, Ed Entreprise et Affaires n°35 du 28 août 2008), on se rapproche enfin du standard international défini par la Convention de La Haye du 1er juillet 1985, adoptée par de nombreux pays anglo-saxons et même latins. «la fiducie est un contrat par lequel un ou plusieurs constituants transfèrent pour une durée qui ne peut excéder 99 ans, des biens et des droits à un fiduciaire qui, les tenant séparés de son patrimoine propre, agit dans un but déterminé, au profit d’un ou plusieurs bénéficiaires, conformément aux stipulations du contrat » Mais que de réticenses (I) pour en arriver là, et combien d’étapes intermédiaires il aura fallu franchir pour ouvrir les yeux aux sceptiques (II) tout en sachant que l’évolution n’est pas terminée. I LES RETICENCES Dès 1992, la Chancellerie avait déposé un projet de loi sur la demande de grands acteurs économiques français (notamment Peugeot) obligés de placer leurs réserves financières dues à leurs activités industrielles à l’étranger, en trusts américains .Ils auraient pourtant préféré les placer dans des structures de « defeasance » (compartiment sécurisé) en France afin de participer au développement économique national. Mais les oppositions furent vives, soit par aveuglement politique (le mur de Berlin ne s’est effondré qu’en 1989 !), soit par volonté de conserver les règles du droit civil napoléonien, telle que l’unicité du patrimoine. Pourtant la pratique avait su contourner ces obstacles de manière empirique : le système Dailly,considéré comme créant un patrimoine d’affectation à été consacré par la jurisprudence (Cass.Com 22 nov 2005 n°03 15 669 Bull Civ IV n°230) ; la vente à réméré, fausse fiducie, est parfois utilisée ; la fiducie-gestion inommée, telle que l’Epargne Salariale s’est également développée sous diverses formes ; les partnerships d’avocats en France agissent de même en gèrant les retraites de leurs membres ; l’insaisissabilité du domicile du professionnel libéral, comme de tout entrepreneur, est aussi constitutif d’un patrimoine d’affectation ; etc…etc… Alors pourquoi ne pas officialiser ce que la pratique a élaboré ? II EVOLUTION ET RAISON Finalement, sous la poussée des nécessitées économiques a

été votée la loi du 19 février 2007,instituant la fiducie (art 2011 s du code civil). Mais pour ne pas heurter les esprits apeurés, surtout du coté de Bercy, cette fiducie ne fut possible qu’entre personnes morales de …toute confiance , le constituant devant être une société soumise à l’I.S. , et le fiduciaire ne pouvant être qu’un etablissement financier ! C’est ainsi que fut constituée une fiducie entre G D F et la Caisse des Dépôts et Consignations (fiduciaire) etc… On devine que ce genre de réglementation ne pouvait perdurer tellement elle était restrictive par rapport à la vraie fiducie en vigueur dans les autres pays qui sont aussi nos concurrents ! Enfin, la loi de modernisation de l’économie du 4 août 2008 assouplit considérablement le texte de 2007 puisque le constituant peut être une personne physique, et le fiduciaire avocat ! Le nouveau régime des tutelles en bénéficiera largement. Restent interdites les fiducies-libéralités, sachant que la grande réforme du droit des successions du 23 juin 2006 a créé plusieurs mécanismes apparentés à ceux de la fiducie et notamment le mandat à effet posthume, le mandat de protection future , la donation-partage trans-générationnelle etc…( voir notamment les commentaires du Professeur Christophe Jamin in Recueil Dalloz 2007 n°15 et de Hugues Letellier, avocat, inDalloz A.J. Familles octobre 2006 p 365, sur le rôle de l’avocat dans le nouveau droit des successions) CONCLUSION Les lois du 23 juin 2006 et du 4 août 2008 sont des avancées mais recèlent quand même des dispositions favorisant le contentieux. Seule la fiducie complète pourrait l’éviter, parce que apte à s’adapter aux mille cas différents de la pratique pouvant se présenter dans une population française de plus en plus mobile, diversifiée par les mariages et divorces internationaux. Certains penseront que ce n’est pas dans la nature de la profession d’avocat que d’être fiduciaire ou conseil en ce domaine. Pourtant, outre que 5000 à 10000 emplois pourraient découler de cette activité, il faut bien s’attendre à ce que les banques,les cabinets anglo-saxons et les avocats courageux s’empareront progressivement de cette spécialité, pour laquelle ,si on est avocat,une petite formation complémentaire suffirait. La société évolue, évoluons avec elle. Me Bertrand HOHL, Avocat à La Cour

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3 Questions à… M Fadela Amara me

Sécrétaire d’Etat chargée de la politique de la ville. Vous êtes le Ministre en charge de la politique de la ville : parmi tous les acteurs de la vie d’une cité, comment voyez-vous la place des Avocats ? Les avocats, notamment à travers leur travail au sein des Maisons de Justice et du Droit et des Points d’Accès aux Droits, sont des acteurs précieux et indispensables de la vie d’une cité. Non seulement ils portent assistance aux justiciables, mais ils les orientent, les conseillent à chaque étape de leur vie tant professionnelle que personnelle. Quand on vit en banlieue, l’accès au droit est loin d’être évident, aussi bien pour des raisons géographiques que psychologiques : la justice est encore réputée lointaine, complexe, coûteuse. Dans les quartiers l’avocat est peut-être un des seuls partenaires juridiques de haut niveau qui peut assister et défendre les justiciables dans tous les domaines de la vie courante. Leur intervention permet bien souvent de trouver une alternative aux procès longs et coûteux, de régler à l’amiable des conflits, d’orienter les victimes vers les organismes adéquats qui pourront les prendre en charge, mais aussi de défendre les justiciables aux prises avec l’institution judiciaire ou pénale pour faire respecter les droits de chacun. En vérité, c’est à la construction d’une société apaisée, plus respectueuse des droits de chacun, aussi bien des droits fondamentaux que des droits sociaux que les avocats s’emploient chaque jour. En cela, ils jouent pour moi un véritable rôle de pédagogues, d’acteurs et de militants du droit au sein des cités et participent du mieux vivre ensemble dans notre société en contribuant à faire avancer l’Etat de droit dans chaque quartier et chaque cité de notre pays.

La citoyenneté, la participation à toute activité humaine, passent par l’accès au Droit : est ce que cette aspiration rejoint celles qui vous sont exprimées ? Si l’une des mesures que nous avons mise en place dans la Dynamique Espoir Banlieue concerne l’accès au droit, c’est évidemment que cette préoccupation rejoint celles qui nous sont exprimées. Compte tenu des situations parfois extrêmement difficiles que vivent les habitants des quartiers populaires, la demande d’accès au droit n’est pas formulée en tant que telle. Cependant, avec l’implantation de PAD ou de Maisons de Justices dans des territoires habituellement éloignés des institutions juridiques et judiciaires, il est clairement perceptible que la présence d’avocats sur le terrain répond à un véritable besoin des populations.

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En premier lieu, ce sont des questions touchant au droit familial et au droit social qui reviennent, mais en tenant des permanences consacrées à d’autres thèmes  : droit des étrangers, droit pénal, nous constatons qu’en rapprochant toujours plus le Droit des citoyens, nous contribuons à leur donner les moyens de se défendre plus efficacement contre l’exclusion, la discrimination, la violence. L’accès aux droits est le socle de l’émancipation et c’est en travaillant de concert avec les avocats que nous contribuons à le renforcer.

La dynamique de la création d’entreprise se trouve dans tous les milieux et les avocats en sont les premiers accompagnateurs : dans ce domaine, quel message voulez-vous transmettre aux avocats ? L’ensemble des activités d’une entreprise de la législation fiscale, aux obligations en matière sociale, aux contrats commerciaux, à la forme juridique à donner à son projet, requiert une pratique et une connaissance du droit. La complexité du droit fiscal, du droit social, du droit du travail décourage souvent les jeunes ou moins jeunes de se lancer dans l’aventure et de monter leur propre entreprise. Pourtant les envies et les projets ne manquent pas en banlieue et il est injuste que tant d’énergie reste inutilisée. Nous contribuons à lever les freins dans ce domaine pour que chacun, quelle que soit son origine sociale ou géographique puisse, s’il le veut, se donner les moyens de réussir. Cependant, l’action du gouvernement qui ne peut se faire seule et les professionnels du droit que vous êtes, restent les personnes les plus à même de conseiller les futurs entrepreneurs. Nous prévoyons de soutenir la création de plus de 2 000 entreprises dans les quartiers dans les prochaines années dans le cadre du Plan Espoir Banlieue et cette dynamique ne portera ses fruits qu’avec l’appui des avocats. Le message que je voudrais faire passer aux avocats est donc simple, soyez-là pour épauler les habitants des quartiers populaires et en particuliers les jeunes qui souhaitent se lancer, continuez à les guider grâce à votre travail au sein des Maisons de Justice et du droit et des Points d’Accès aux Droits, orientez sur les démarches nécessaires, aidezles à franchir le cap psychologique, à dépasser les barrières mentales qui demeurent.

Jacqueline SOCQUET-CLERC LAFONT Présidente d’Honneur de la C.N.A.

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Avocat et Médecin Avocat et Médecin experts de victimes : Une Conjonction de talents au profit des victimes

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epuis 2 ans, l’indemnisation du préjudice corporel a fait l’objet d’une double réforme tant attendue par les avocats en préjudice corporel qu’un bilan des réformes opérées et de notre pratique s’impose compte tenu des enjeux financiers. Le 29 septembre 2004, Madame Nicole GUEDJ, secrétaire d’Etat aux Droits des Victimes, a présenté au Conseil des Ministres son programme d’action visant à instaurer « le droit des victimes de préjudices corporels à une juste indemnisation ». Monsieur Jean-Pierre DINTILHAC, Président de la 2ème Chambre Civile de la Cour de Cassation, a été nommé à la tête de cette commission. Cette dernière a établi une nouvelle nomenclature visant à harmoniser l’indemnisation de l’ensemble des dommages, et fait une distinction entre les préjudices directs et indirectes, les préjudices patrimoniaux et extra patrimoniaux, les préjudices permanents et temporaires. Parallèlement aux travaux de la commission DINTILHAC, le Conseil National de l’aide aux victimes a réalisé en octobre 2003 un rapport relatif à l’indemnisation du préjudice corporel dont l’objectif était de proposer «  une définition claire des différents postes de préjudices, en distinguant précisément les préjudices strictement personnels et les préjudices économiques sur lesquels sont exercés les recours des organismes sociaux. Ce souhait avait été repris dans le rapport annuel 2004 de la Cour de Cassation visant à instaurer un recours poste par poste, préconisé par la résolution n°75-7 du 14 mars 1975 du Conseil de l’Europe. A l’occasion du vote de la Loi de financement de la sécurité sociale pour l’année 2007, l’amendement VASSELLE devenu l’article 25 de cette même Loi, a enfin permis de parachever cette réforme du recours des tiers payeur. Il y a lieu de relever que le Conseil National des Barreaux, l’Association Nationale des Avocats des Victimes des Dommages Corporels (A.N.A.D.A.V.I) ont soutenu activement cette réforme. Le recours s’exerçant dorénavant poste par poste, les victimes ne seront plus lésées comme elles l’étaient auparavant par les organismes sociaux qui se faisaient rembourser l’intégralité de leurs prestations sur des postes de préjudices personnels. De cette double réforme prétorienne et légale, il convient de rappeler le rôle prépondérant de l’avocat intervenant pour une victime et de son médecin conseil, qui doivent s’imprégner de cette nouvelle législation afin de défendre au mieux les intérêts de la victime, d’autant plus que c’est lors de l’expertise, et en présence du blessé, que l’évaluation du dommage corporel est établie. De part sa formation juridique et de sa spécialisation, les avocats sont familiers des grands principes directeurs de l’expertise que cette dernière soit amiable ou judiciaire. Il n’en demeure pas moins qu’une mission d’expertise peut se révéler longue et complexe, et que la vic-

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time et que son Conseil ont tout intérêt que lors de l’expertise soit présent un médecin de recours, surtout si les séquelles sont invalidantes et que ces dernières occasionnent des modifications du mode de vie de l’intéressé. Quelle que soit l’origine du dommage corporel, un dommage imputable à des faits de droit commun (accidents de la voie publique, agressions, actes de terrorisme, attentats, catastrophes naturelles, accidents impliquant la responsabilité de tiers : accidents de chasse, sportifs, effondrements de bâtiments), un dommage imputable à des soins médicaux ou chirurgicaux), un dommage résultant d’un accident de travail ou de maladies professionnelles, l’enjeu de l’expertise médicale (III) consiste à procéder à l’évaluation la plus précise et la plus concrète des séquelles de la victime, et pour ce faire avocat et médecin de recours, doivent conjuguer leurs efforts pour préparer l’expertise (I), en conservant à l’esprit les dommages corporels susceptibles d’être indemnisés (II).

LE PROCESSUS EXPERTAL L’expertise médicale nécessite le respect des principes essentiels régissant toute expertise dont notamment le respect du principe du contradictoire (article 16 du CPC), et ce quel que soit le cadre de l’expertise (amiable ou contradictoire). En effet, l’expertise est toujours réalisée en la présence d’un médecin missionnée par un organisme indemnisateur. Le risque lorsque le blessé se présente seul lors de l’expertise est que l’expertise occulte certaines séquelles ou les sous-évalue. La présence d’un médecin expert de victimes auprès du blessé se révèle donc primordiale, au moins pour satisfaire l’égalité des armes. Le principe du contradictoire impose en pratique : le respect d’un délai de convocation convenable ; le rappel par l’expert de sa mission en début d’expertise ; une information rapide et exactes des parties sur les sources extérieures de renseignements ; un échange réciproque des documents ; le droit pour les parties de formuler des observations à la fin de la réunion et l’obligation pour l’expert de considérer ces observations orales ou écritures (dires) et d’y répondre ; l’envoi d’une copie du rapport à chaque partie en même temps qu’à la juridiction qui a ordonné l’expertise ; Afin de satisfaire à ce principe du contradictoire, il est nécessaire que l’expertise soit préparée en amont tant par le blessé avec son avocat qu’avec le médecin conseil, ce travail en amont permettant d’éviter les écueils de l’expertise (absence de preuve, de justificatifs, oublis de postes de préjudices, etc). Ainsi, le médecin de recours s’attachera à recevoir le patient pour l’interroger et l’écouter, analyser les pro-

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Avocat et Médecin blèmes avec un souci de diagnostique, à la recherche de preuves afin d’étayer les doléances du blessé. Lors de l’expertise, le médecin de recours sera présent aux côtés du blessé pour s’assurer du bon déroulement de l’expertise dans un climat serein et apaisé. A l’issue des opérations d’expertise, la présence du médecin de recours est tout aussi indispensable pour s’assurer de la cohésion du rapport avec le déroulement de l’expertise, et éviter la sous-évaluation ou l’occultation des postes de préjudices que nous allons décrire. II. LES POSTES DE PREJUDICES INDEMNISABLES (DROIT COMMUN) Comme cela a été précisé en introduction, la classification des postes de préjudices a été profondément remaniée avec la classification dite « DINTHILAC » opérant une suma divisio entre préjudices patrimoniaux et les préjudices extra-patrimoniaux. II.1. Les préjudices patrimoniaux temporaires se décomposent de la manière suivante : les dépenses de santé actuelles : elles correspondent aux frais restés à charge de la victime ; les frais divers : ils correspondent à tous les frais imposés à la victime avant sa consolidation et comprennent aussi les honoraires du médecin conseil ; la tierce personne temporaire ; la perte de gains professionnels actuels  : correspond aux pertes de revenus justifiés avant consolidation ; II.2. Les préjudices patrimoniaux permanents se décomposent de la manière suivante : les dépenses de santé futures : ils correspondent par exemple aux frais dont le renouvellement est périodique (fauteuil roulant, cannes, couches, frais infirmier, frais de prothèse, etc) ; les frais de logement ou de véhicule adaptés ; l’assistance par tierce personne ; la perte de gains professionnels futurs ; l’incidence professionnelle  : correspond à la dévalorisation sur le marché du travail, à une perte de chance quant à l’intérêt du travail ou une possibilité de promotion, à une augmentation de la pénibilité du travail ; préjudice scolaire, universitaire ou de formation ;

tives, culturelles qui ne peuvent plus être pratiquées par la victime ou difficilement ; le préjudice esthétique permanent évalué d’une échelle qui va de 0 à 7 ; le préjudice sexuel ; le préjudice d’établissement ; III. L’ENJEU DE L’EXPERTISE Le canevas « DINTHILAC » doit servir de guide tant à l’avocat qu’au médecin de recours, pour argumenter lors de l’expertise et plus tard pour l’avocat lors de la présentation de la demande indemnitaire. Ce respect scrupuleux des postes de dommages corporels permet d’éviter d’occulter des postes de préjudices, de préparer au-delà de l’argumentation médicale, l’argumentation judiciaire. Par ailleurs, un travail en amont avec un médecin de recours permet de cerner les difficultés qui pourraient intervenir et donc de les anticiper, la prudence étant dans ce domaine comme dans bien d’autres, la mère des sûretés  : les difficultés survenant régulièrement sur les questions de tierce personne (nombre d’heures, tierce personne spécialisée ou non), de retentissement professionnel, d’aménagements du domicile ou du véhicule par exemple, il s’agit encore une fois de préparer pour mieux défendre. Les autres postes de préjudices, moins souvent sujets à discussion lors de l’expertise, doivent être argumentés tant médicalement que juridiquement, que le rôle du médecin conseil s’en retrouve renforcé pour constituer à la fois un préalable et un « défrichage » des préjudices dont l’indemnisation sera sollicitée par l’avocat. Ce travail en commun permet au-delà des questions purement médicales (état antérieur, évaluation des séquelles, rédaction du bordereau de communication de pièces), de choisir la voie d’expertise (amiable ou judiciaire et si judiciaire quelle spécialité demander avec quel sapiteur : catégorie F de l’arrêté du 10 juin 2005 relatif à la nomenclature des rubriques expertales). Il est donc nécessaire pour les avocats intervenant auprès de blessés, d’invalides d’handicapés de ne pas hésiter à s’adjoindre les services d’un médecin conseil afin que le débat médical ait lieu réellement à « armes égales » : toute personne soumise à expertise médicale devant bénéficier d’une assistance juridique et médicale, d’autant plus que les frais d’assistance à expertise font partie des frais remboursables et quant bien même ils ne le seraient pas la plus value est telle, que s’en passer serait une faute de stratégie, dont le justiciable pourrait avoir à se plaindre.

II.3. Les préjudices extra-patrimoniaux temporaires se décomposent de la manière suivante : le déficit fonctionnel temporaire qui correspond à l’ancienne dénomination des « gênes dans les actes de la vie courante » ; les souffrances endurées qui sont évaluées d’une échelle qui va de 0 à 7 ; le préjudice esthétique temporaire qui correspond à l’altération temporaire de l’apparence physique avant la consolidation ;

Me Gilles FOURISCOT Avocat à la Cour Docteur François Paul ROBIN Docteur en médecine, diplômé RJDC Docteur Jacques RAPOPORT Docteur en médecine, diplômé RJDC Intitulé du programme d’action de Madame Nicole GUEJ, Secrétaire

II.4. Les préjudices extra-patrimoniaux permanents se décomposent de la manière suivante : le déficit fonctionnel permanent : ce poste de préjudice ne prend pas en compte les incidences professionnelles qui sont évaluées dans le cadre du préjudice patrimonial permanent ; le préjudice d’agrément qui correspond aux activités de loisirs, spor-

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d’Etat aux Droits des victimes ; Présidé par le Professeur Yvonne LAMBERT-FAIVRE ; Loi n°2006-1640 du 21 décembre 2006 ; JO n°296 du 22 décembre 2006 ;

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Procédure

Procédure

LA PROCEDURE DEVANT LA COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTES EUROPEENNES ET LE TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DES COMMUNAUTES EUROPEENES

C

’était en l’an 1996 : pour la première fois , la Cour de Justice des Communautés Européennes( C.J.C.E. ) était saisie d’un recours en annulation dirigé contre une décision de condamnation de la Commission des Communautés Européennes en matière de concurrence, à l’encontre d’un contrat d’exclusivité de vente générant un cloisonnement du marché commun entre l’Allemagne et la France ; tant en raison des clauses d’interdiction d’exportation qu’il contenait que de l’application de la jurisprudence française qui aboutissait au même résultat envers des importateurs procédant à ce que l’on qualifiera ultérieurement d’ importations parallèles en se référant à cette procédure. La Cour rejettera le recours confirmant ainsi la décision de la Commission fondée sur l’article 85 § 1du Traité de Rome sauf en ce qui concerne la portée de la nullité d’une clause d’un contrat sur celui-ci , en donnant toutes précisions à ce sujet dans son Arrêt daté du 13 Juillet 1966 .( * ) Depuis cet Arrêt , il est établi que toute pratique ou toute clause d’un accord ayant pour objet ou pour effet de cloisonner le marché commun,sont interdits et nuls de plein droit. A cette époque,la Cour de Justice siégeait dans un immeuble situé dans le centre de la ville de Luxembourg et se composait de six Juges,respectivement de la nationalité de l’un des six Etats Membres composant la Communauté Economique Européenne. Au fur et à mesure que de nouveaux Etats adhèreront à la Communauté Economique Européenne ,des Juges provenant de ceux-ci intégreront la C.J.C.E. composée désormais d’autant de Juges qu’il y a d’Etats Membres . Ultérieurement la Cour quittera le centre ville pour s’installer dans un fort bel immeuble moderne construit pour l’accueillir, sur un très grand terrain situé sur la hauteur de la ville de Luxembourg où rien d’autre n’était édifié .Depuis les choses ont bien changé Peu de temps après l’Arrêt du 13 Juillet 1966 , Monsieur Robert LECOURT est devenu Président de la Cour .Il avait été Avocat à la Cour de Paris , Garde des Sceaux , puis nommé Juge à la Cour de Justice des Communautés Européennes . Monsieur Robert LECOURT a été un Grand Président ayant exercé deux mandats dans cette fonction prestigieuse à une époque où il fallait avoir beaucoup d’audace et de courage pour mettre en place les principes fondamentaux du Traité de Rome . ( * ) affaire Grundig-Consten / Commission des Communautés Européennes et U.N.E.F .affaires jointes 56-64 et 58-64 ;Arrêt du 13 Juillet 1966 -Recueil de la Cour 1966 : En effet ces règles édictées par le Traité conduisaient les Etats Membres à mo-

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difier profondément certains de leurs usages et règlementations auxquels notamment quelques administrés tenaient particulièrement. La Cour a donc dû intervenir avec diplomatie ,mais aussi avec persévérance et fermeté. On peut dire que la réussite de la construction de la Communauté Européenne n’aurait pas été réalisée si la Cour n’avait pas été présente et agissante comme elle l’a fait . Dans les débuts , le Président Robert LECOURT se déplaçait dans les Etats Membres pour faire connaître sa Juridiction .Il rencontrait principalement des magistrats et des Avocats en leur conseillant de découvrir le droit communautaire et de ne pas hésiter à adresser des questions préjudicielles à la Cour lorsque ,dans un litige national , une question d’interprétation du droit communautaire se posait . Les saisines de la Cour par voie préjudicielle ou sous forme de recours en annulation et de pleine juridiction , contre des décisions des Institutions Communautaires , furent de plus en plus nombreuses , à telle enseigne qu’il fallut envisager , à la demande de la Cour, la création d’une deuxième juridiction communautaire . C’est ce qui fut finalement décidé en créant le Tribunal de Première Instance des Communautés Européennes ( T.P.I.C.E. ) qui ,sur un plan institutionnel ,fait partie de la C.J.C.E et a été conçu à son image ; C’est ainsi que ses décisions sont qualifiées d’Arrêt , et non de Jugement comme cela se passe dans les juridictions de première instance des Etats Membres. Le nombre des Juges du T.P.I.C.E est égal à celui des Etats Membres mais il peut être supérieur à celui-ci. Le T.P.I.C.E. n’a pas d’Avocats Généraux à l’inverse de ce qui se passe à la C.J.C.E. Mais si cela s’avère indispensable dans un litige déterminé,le Tribunal peut désigner un de ses Juges pour remplir cette fonction .En pratique,jusqu’à maintenant , cette possibilité a été très peu utilisée. .Dès sa création le T.P.I.C.E. a reçu de la Cour des dossiers qui avaient été introduits avant qu’il n’existe . Les premières affaires confiées au Tribunal concernaient le domaine de la Concurrence,pour lesquelles il faut consacrer beaucoup de temps à l’examen des faits .Progressivement d’autres catégories du droit ont été soumises au Tribunal. La C.J.C.E. et le T.P.I.C.E. ont un greffe extrêmement bien organisé , auquel les Avocats peuvent s’adresser pour toutes questions concernant les litiges dont ils ont la charge ; de plus des instructions écrites leurs sont adressées lorsqu’ils introduisent un recours. Lorsque le T.P.I.C.E. a été créé , de nouveaux locaux ont été construits ; Ils sont de grande qualité dans un style moderne et sobre et communiquent directement avec la Cour. Quand le bâtiment de la Cour a dû être désamianté les audiences ont été tenues

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dans les Chambres du Tribunal . Récemment ,en raison du nombre croissant des Etats Membres , la. construction a été repensée et l’ensemble des bâtiments comprend notamment deux grandes tours qui abritent les services de traduction , dont le nombre s’est accru , compte tenu de la grande diversité des langues officielles de l’Union Européenne. C’est dans cet univers impressionnant que les Avocats des différents Pays de l’Union Européenne exercent leur activité . Leur intervention est obligatoire dans les procédures dont connaissent les deux Hautes Juridictions de l’Union Européenne ..Il existe cependant une dérogation à ce principe : les différentes institutions sont représentées par des Membres du Service Juridique , parfois assistés d’Avocats , dans les affaires particulièrement complexes .Il en est de même pour les Etats Membres. Ainsi la France est souvent représentée par le Directeur du Service Juridique du Ministère des Affaires Etrangères ; mais d’autres fonctionnaires peuvent aussi intervenir . Seuls les Avocats membres d’un Barreau de l’Union Européenne,ou d’une organisation similaire , ont qualité pour agir devant la Cour et le Tribunal. Ils doivent en justifier. Ainsi à Paris c’est le Bâtonnier de l’Ordre qui émet cette attestation. Les Avocats interviennent devant la Cour ou le Tribunal dans leur tenue nationale ; tout autre intervenant doit revêtir une robe proche de celle des Avocats français qui est à leur disposition dans le vestiaire de la Cour ou du Tribunal. En dehors des Institutions et des Etats Membres , les Parties doivent avoir un Avocat domiciliataire à Luxembourg . Il reçoit les actes de procédure de la Cour et du Tribunal et les transmet aux Avocats des Parties requérantes ou intervenantes ; cette fonction n’est pas assimilable à un Avocat Postulant ou de Concert ;.il ne représente pas les parties , sauf si on lui attribue cette fonction dans la requête introductive . Ceci nous conduit à l’examen de la procédure devant la Cour et le Tribunal . La C.J.C.E. a été conçue et réalisée en s’inspirant du Conseil d’Etat Français . Il en est de même du Tribunal qui est pratiquement une deuxième Cour dans son mode de fonctionnement .Il y a cependant une différence importante : la Cour est la seule juridiction communautaire devant laquelle sont portées les question préjudicielles posées par les juridictions nationales des Etats Membres. Les procédures au fond sont introduites par voie de requête qui doit contenir toute l’argumentation : les éléments de fait et les moyens de droit , ainsi que toutes les preuves avancées par les parties. De nouveaux éléments ne pourront pas être formulés ultérieurement,sauf s’ils sont révélés après l’envoi de la requête et qu’ils ne pouvaient pas être connus de la partie concernée . La langue de procédure est celle du requérant . La partie qui était un tiers à la procédure devant la Commission ,tel un plaignant en matière de concurrence ,pourra intervenir devant la juridiction saisie du recours .Elle devra présenter une requête à cet effet en justifiant d’un intérêt , et en indiquant au soutien de quelle partie elle intervient. Toute la procédure lui sera communiquée par le Greffe , de même que le délai imparti pour déposer son mémoire La requête sera notifiée à la partie défenderesse par les services du greffe qui assurent toutes les significations relatives à la procédure . La réponse sera transmise à la requérante qui pourra répliquer .Il en sera de même pour la défenderesse ..Interviendra ensuite la clôture de la procédure écrite suivie du rapport du Juge rapporteur qui sera diffusé aux parties. Ce rapport contient l’exposé de l’argumentation des parties qui peuvent éventuellement faire des observations . La date de l’audience sera indiquée aux parties par le greffe qui leur a envoyé les instructions concernant les modalités de la procédure . Avant que l’audience des plaidoiries ne commence ,le Président et les Juges composant la Chambre de la Cour où du Tribunal où les débats auront lieu

,reçoivent les Avocats et les fonctionnaires qui représentent les parties .C’est tout d’abord une marque de courtoisie fort agréable mais aussi l’occasion pour le Président de fixer la durée des plaidoiries qui n’excède généralement pas 15 à 20 minutes , sauf exception en raison de la nature de l’affaire .Les Magistrats peuvent aussi dire sur quels points ils aimeraient avoir des précisions .Ensuite les Avocats et les autres représentants des parties rejoignent la salle d’audience ; Les Magistrats suivront en étant préalablement annoncés par l’Appariteur . Après les plaidoiries , d’une durée relativement courte sauf si le nombre des intervenants est important comme cela se produit dans les affaires de concurrence concernant les cartels , le Président et les Juges ,spécialement le Rapporteur, posent des questions Les Magistrats de la formation qui tient l’audience connaissent parfaitement les dossiers .Leurs questions peuvent être notamment la conséquence du doute qui les anime à la lecture de certains arguments avancés par les parties La réponse est donc d’une grande importance , et il est recommandé pour ce faire que les parties soient également présentes . Après l’audience , et à une date ultérieure ,l’Avocat Général formulera ses conclusions ;c’est toujours le cas à la Cour et exceptionnellement au Tribunal ainsi que nous l’avons expliqué précédemment .La langue du délibéré est uniquement le français .L’Arrêt interviendra à une date qui sera transmise par le greffe .Les Arrêts du Tribunal sont susceptibles d’un pourvoi en cassation qui sera porté devant la Cour de Justice des Communautés Européennes . En résumé cette procédure donne toute satisfaction .La phase écrite est proche de la procédure administrative française et permet aux Juges d’avoir une vue complète de l’argumentation des parties et donc du dossier .La phase orale est proche du droit anglo-saxon ;la séance des questions peut être assez longue et confirme l’impression que l’on a été complètement entendu . Dans leurs fonctions , les Juges sont assistés par des Référendaires , ce qui leur donne beaucoup d’aisance .Les Magistrats de la Cour et du Tribunal sont d’un très haut niveau et d’une relation fort agréable Ceci est illustré par les rencontres qui ont lieu entre les Magistrats de la Cour et du Tribunal avec des Membres du C.C.BE , organe représentant l’ensemble des Barreaux de l’Union Européenne. Il faut reconnaître que , pour qu’une telle organisation existe , il est nécessaire d’avoir un nombre important de Magistrats et des services très développés , spécialement en ce qui concerne le Greffe. En définitive la création des juridictions communautaires constitue l’une des plus belles réalisations des Traités Communautaires

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Me Robert Collin Avocat Honoraire à la Cour de Paris Professeur à la Faculté Libre de Droit d’Economie et de Gestion

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Réforme

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La réforme du CSM : vers plus d’ouverture et d’indépendance Le Conseil Supérieur de la Magistrature (CSM), institution créée par la France et reprise par d’autres pays avec d’ailleurs des pouvoirs plus importants, constitue l’un des points nodaux de mesure de l’indépendance de la magistrature. Sa composition comme les pouvoirs qui lui sont attribués par la Constitution font pour cette raison l’objet d’une attention particulière de la part du monde judiciaire comme politique, ainsi que des media. Depuis la Révolution française en effet, l’Etat se méfie du pouvoir des juges, ayant fait l’expérience de la montée en puissance des Parlements à la fin de l’Ancien Régime. Cette approche a perduré et s’est renforcée avec la vision gaullienne des institutions qui a régi notre République, et plus récemment en raison de l’instruction audacieuse d’affaires dites politico-financières. Le sujet du CSM demeure donc sensible encore aujourd’hui. Ainsi, l’article 31 de la loi de réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008, qui modifie l’article 65 de la Constitution sur le CSM, a évidemment suscité un large débat. Ce texte a en effet modifié la Constitution dans le sens d’une ouverture du CSM au monde civil, afin de rendre cette institution plus indépendante de l’exécutif, sans toutefois mener cette logique à son terme. Une ouverture au monde civil : composition du CSM et saisine par le justiciable Un des points majeurs de la réforme est d’ouvrir davantage la composition du CSM à des non-magistrats. En effet, ceux-ci formaient auparavant une partie minoritaire de cette institution, à raison de quatre non-magistrats pour six magistrats par formation, siège et Parquet. Avec la réforme, chaque formation est composée de huit non-magistrats pour sept magistrats. L’un de ces « laïcs » est un Conseiller d’Etat, dont la logique voudrait qu’il n’appartienne pas à l’une des formations contentieuses

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de la Haute Juridiction administrative. Cette répartition s’appliquerait tant à la formation des magistrats du siège qu’à celle des magistrats du Parquet, excepté en matière disciplinaire, où la parité est prévue. Cette répartition se révèle être audacieuse, dans la mesure où aucun des Etats étrangers ayant une institution comparable n’a mis les magistrats en minorité ; tout au plus la parité existe-t-elle en Belgique. En outre, cette répartition va au-delà de ce qu’avait préconisé le CSM dans son rapport 2004-2005, et de la recommandation de la Charte européenne sur le statut du juge de juillet 1998, qui se prononçaient en faveur de la parité juges/ non juges. Toutefois cette audace, qui a pour but de limiter les risques réels ou allégués de corporatisme, ne rime pas avec une ouverture complète sur le monde civil, dans la mesure où le Sénat a amendé le texte de l’Assemblée Nationale en retirant la présence d’un professeur des Universités et en limitant la nomination des personnalités extérieures aux Présidents de la République, de l’Assemblée Nationale et du Sénat, alors que le texte tel qu’adopté par l’Assemblée en première lecture permettait au Défenseur des droits des citoyens et au Président du Conseil Economique et Social de procéder à une telle nomination. Cette question dépasse la problématique de l’ouverture et a pour enjeu la politisation du CSM, qui touche à la position et à la séparation des pouvoirs. Ce qui a fait en revanche consensus est la présence d’un avocat dans chacune des formations du CSM, que ce soit celle compétente à l’égard du siège ou du Parquet ; ainsi, l’apport des avocats en tant que regard constructif et critique est confirmé, ainsi que la nécessité de leur présence. Par ailleurs, la grande innovation de la réforme constitutionnelle se situe dans la possibilité pour les justiciables de saisir le CSM. Faut-il y voir une conséquence des affaires judiciaires retentissantes de ces dernières

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par le Procureur Général près la Cour de Cassation  : la structure dualiste du CSM est ainsi en tous points confirmée, et en filigrane l’existence du Parquet. La disparition du Président de l’institution aurait abouti à la fragilisation de celle-ci, mais l’Assemblée Nationale a heureusement ajouté au texte gouvernemental une formation plénière, présidée par le Premier Président de la Cour de Cassation, qui peut être suppléé par le Procureur Général près la Cour de Cassation, ce à quoi le Sénat a consenti.

Me Xavier Normand-Bodard Avocat au Barreau de Paris Ancien Membre du Conseil de l’Ordre

années, où les justiciables ont pu être victimes d’une justice imparfaite? Faut-il y voir une tentative réaliste de rapprocher la justice des citoyens, ou un aveu de faiblesse ? Il faut en tous cas saluer cette ouverture, tout en définissant les conditions d’exercice de ce nouveau droit pour les citoyens. Or les modalités de cette saisine devront être définies dans une loi organique. Cette dernière devra prendre en compte le risque d’abus de saisine par les justiciables, et les avocats devront notamment veiller à ne saisir cette institution qu’en cas de nécessité, et à faire la part entre le contentieux et le disciplinaire. Il serait peut-être judicieux de prévoir un filtre, soit au sein même du CSM auquel cas il conviendrait que les magistrats qui se prononcent sur ce point ne puissent pas participer à la formation de décision, soit à l’extérieur au sein d’une entité indépendante. Ce mouvement d’ouverture s’accompagne d’une volonté de rendre le CSM plus indépendant du pouvoir exécutif, volonté qui ne va peut-être pas assez loin. Une progression inachevée vers l’indépendance Avec le projet de réforme constitutionnelle, le Président de la République n’est plus Président du CSM, ce qui constitue une avancée substantielle sur la voie de l’indépendance de cette institution. Néanmoins, en vertu de l’article 64 de la Constitution, qui n’a pas été modifié, le Président de la République demeure le garant de l’indépendance de l’autorité judiciaire. Ainsi le «  premier magistrat de France » n’est plus à la tête du CSM, mais uniquement au sommet de l’exécutif, ce qui correspond à l’évolution du régime d’un Président « arbitre » vers un Président « acteur ». La formation compétente à l’égard des magistrats du siège reste présidée par le Premier Président de la Cour de Cassation, et celle à l’égard des magistrats du Parquet

Ainsi, la mise en place d’une formation plénière, répondant aux demandes d’avis formulées par le Président de la République au titre de l’article 64 de la Constitution, se prononçant sur les questions intéressant la déontologie des magistrats et sur toute question relative au fonctionnement de la justice dont la saisit le Garde des Sceaux, renforce l’unité du CSM et lui procure une véritable représentation en la personne du Président de cette formation, sans pour autant que ce dernier n’ait de pouvoir sur chacune des autres formations. La disparition du rôle du Président de la République au sein du CSM contribue donc à accroître l’indépendance de cette institution. Néanmoins, la réforme ne renforce pas l’indépendance des magistrats du Parquet vis-à-vis de l’exécutif, dans la mesure où la formation du CSM compétente à leur égard conserve un simple pouvoir d’avis sur leur nomination et les sanctions disciplinaires. Par opposition, la formation compétente à l’égard des magistrats du siège fait des propositions pour la nomination des plus hauts magistrats, les autres étant nommés sur avis conforme, et statue en matière disciplinaire. Ainsi, le statu quo est conservé, au prix de l’affirmation de l’indépendance du Parquet. Par ailleurs, le pouvoir exécutif exerce également une influence au sein du CSM par le biais de la présence du Garde des Sceaux à ses séances, tant des formations du siège que du Parquet, excepté en matière disciplinaire. Certes, ce dernier n’a pas de pouvoir de vote, mais il importe de ne pas sous-estimer son pouvoir d’influence, notamment lors des discussions sur la nomination des magistrats. La réforme constitutionnelle marque donc une avancée vers l’indépendance du CSM, en tous cas à son plus haut niveau, mais ne va pas au bout de la logique puisqu’elle aboutit à maintenir le rôle prépondérant de l’exécutif par rapport aux décisions concernant le Parquet, et compte avec la présence du Garde des Sceaux aux séances du CSM. Sans nul doute le texte de la réforme constitutionnelle constitue une avancée majeure et ouvre le CSM tout en le renforçant partiellement. Néanmoins le rendezvous de l’indépendance du Parquet a été manqué, ce qui pourra constituer le cœur d’une prochaine réflexion... et peut-être d’une prochaine réforme.

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La DUDH a 60 ans SEUL, SUR UN BANC, A LONDRES, RENE CASSIN Londres le 29 juin, accueilli par le Général de Gaulle d’un direct « vous tombez à pic ! », René Cassin n’a que quelques jours. Quelques jours pour préparer un projet d’accord avec le gouvernement britannique qui serve de socle juridique à la France libre. Il faut se battre et il faut inventer pour inscrire « nous sommes la France » en droit. « Les trente heures qui suivirent furent consacrées à la rédaction d’un premier texte très simple qui doit beaucoup plus à une méditation dominicale sous les arbres de Hyde Park (mon seul bureau d’alors) qu’à d’impossibles compilations (Les hommes partis de rien) ». Les accords Churchill - de Gaulle du 7 août 1940 s’articulent en

cinq articles reconnaissant la constitution d’une force française de volontaires, assurant son équipement et son organisation sous le commandement du Général, garantissant le statut des volontaires français et leur organisation civile et administrative et enfin assurant le financement de l’ensemble des dépenses par le Royaume Uni à titre d’avances. La signature des accords lèvera l’incertitude et la précarité qui pesaient sur les français libres. L’invention juridique, pour être simple, devenait une arme sans égale. Les volontaires « retrouvaient leur place. Leur aspiration à servir la libération de la patrie et leur famille s’en est trouvée décuplée ». Par Maître Georges HOLLEAUX - Avocat à la Cour

La Déclaration Universelle, comment ? La Déclaration Universelle des Droits de l’Homme adoptée le 10 décembre 1948 est conçue comme une arme, un bouclier juridique, destiné d’abord à la défense des individus face à la toute puissance des Etats qui venait de se manifester si tragiquement. Cassin opposait l’ « ordre humain » à l’ « ordre nouveau » des Etats totalitaires. En 1938, Cassin condamne en termes sévères les accords de Munich. Il refusera désormais de siéger à la Société des Nations. Il sonne l’alarme, et à la déclaration de guerre, présente celle-ci comme la croisade des Droits de l’Homme contre les Etats-Léviathan. Dès après Pearl Harbor, les Etats-Unis joignent leurs efforts à ceux du Royaume-Uni qui s’est battu seul si longtemps. Roosevelt et Churchill dégagent immédiatement, avec une vingtaine de Nations alliées, les principes qui fondent la lutte des démocraties contre « les forces brutales et sauvages »  : la vie, la liberté, l’indépendance, la liberté religieuse, les Droits de l’Homme. Manque encore la sécurité sociale que souhaitait inclure Churchill. C’est la Déclaration des Nations Unies du 1er janvier 1942. Sur ce socle, les efforts et travaux de Cassin, l’influence politique et le militantisme d’Eleanor Roosevelt, conduiront à créer après la guerre la Commission des Droits de l’Homme de l’ONU, réunie dès 1947, et à l’adoption de la DUDH en 1948 par l’Assemblée générale. Cette Déclaration est, pour Cassin, « le premier mouvement d’ordre éthique que l’humanité organisée eut jamais adoptée ».

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Mais, plus encore, Cassin promeut les mécanismes permettant concrètement les recours des hommes contre les Etats devant des juges indépendants. Cassin est frappé par son expérience de la Société des Nations : en 1933 à l’Assemblée de Genève de la SDN, Goebbels, déjà ministre, s’est opposé violemment à ce que soit accueillie et entendue la plainte contre les persécutions des nazis d’un citoyen allemand juif de Silésie qui avait été pourtant dûment appelé à comparaître devant le Conseil pour y être entendu. Pour Cassin, les déclarations demeureront vides de sens si des mécanismes de recours direct des individus devant des juges ne sont pas mis en place. C’est ainsi qu’il inspire, aide et contribue à la rédaction de la Convention Européenne des Droits de l’Homme et à la mise en place de la Cour de Strasbourg. Plus encore  ! Cassin présida la Cour Européenne des Droits de l’Homme de 1965 à 1968. Et ce alors que la France n’avait, elle, pas ratifié la Convention. Ce qu’elle ne fera qu’en 1973 (avec réserves). La France n’admettra qu’en 1981, cinq ans après le décès de Cassin, les dispositions relatives au recours individuel en levant ses dernières réserves. Quel précurseur, quelle énergie, quel bilan ! Par Maître Georges Holleaux Avocat à la Cour

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La DUDH a 60 ans RENÉ CASSIN René Cassin est décédé voici trente deux ans déjà. A l’occasion du soixantième anniversaire de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, évoquons un épisode moins connu de sa vie de combattant du droit et, en quelques dates, sa biographie. 1887 : n é à Bayonne. études au Lycée Masséna à Nice. 1914 : docteur en droit grièvement blessé en pleine bataille de la Meuse. 1919 : Professeur agrégé des facultés de droit. 1921 : adhère à la Ligue des Droits de l’Homme. crée et préside l’Union fédérale des anciens combattants. 1924 à 1938 : Délégué de la France à la Société des Nations. années 30 : donne chaque semaine à la radio des cours de droit civil et toute la France reconnaîtra sa voix sur la BBC en juillet 1940 Juin 1940 : part pour Londres dès le 20 et rejoint le Général de Gaulle le 29. Sera Secrétaire du Conseil de défense de l’Empire et Commissaire à la Justice et à l’Instruction Publique du Comité

en quelques dates

National Français 1943 : devient Président de l’Alliance israélite universelle. 1944–1960 : Vice-président du Conseil d’Etat. 1946 : crée la commission des Droits de l’Homme aux Nations Unies. 1948 : adoption de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme. 1960-1971 : Membre du Conseil Constitutionnel 1965-1968 : Président de la Cour Européenne des Droits de l’Homme 1968 : Prix Nobel de la Paix. 1975 : publie Les hommes partis de rien (Plon), ses mémoires des années 1940 et 1941 : pour « rendre hommage aux premiers artisans de tout rang qui ont sacrifié volontairement et leur repos et leur vie pour l’avenir des autres hommes ». 1976 : décès à Paris. 1987 : ses cendres sont déposées au Panthéon.

L’EUROPE, REPRESENTATION EN JUSTICE PAR AVOCAT ET REMUNERATION Tel était le thème de la convention préparatoire à la Convention Nationale des Avocats qui a eu lieu pendant le congrès de la Confédération Nationale des Avocats à Nantes le 26 juin 2008. Le thème général de la Convention Nationale sur «  Concurrence et Compétitivité » a été abordé sur l’angle de la concurrence des différents représentants des justiciables devant les juridictions et de la compétitivité des représentants professionnels par la rémunération spécifique de l’acte de procédure. Le rapport 2008 de la Commission Européenne pour l’efficacité de la justice qui vient d’être publié démontre le recul constant de la France au niveau de l’efficacité de son système judiciaire tant dans l’insuffisance des Juges et des Greffiers que de la lenteur des procédures mais aussi que dans la proportion entre les hommes de justice et la population. Or la convention préparatoire a démontré que dans la plupart des systèmes judiciaires européens, l’avocat avait un rôle beaucoup plus important qu’en France ; sans vouloir corporativement lier l’efficacité de la justice à la représentation obligatoire par avocat, on ne peut ignorer ce fait. Le représentant professionnel réglementé qu’est l’avocat est le seul à apporter les garanties de représentation des fonds et d’assurance de responsabilité civile obligatoire. Il est également le seul à avoir des règles déontologiques extrêmement strictes édictées dans le seul intérêt du justiciable à savoir l’indépendance, le secret professionnel, la règle de conflit d’intérêt et la confidentialité des correspondances. Au surplus la technicité grandissante des questions de droit et de procédure requiert un professionnel compétent et les formations initiale et

continue de l’avocat lui donnent cette compétence et un professionnel spécialisé où les spécialisations de l’avocat sont désormais légalement reconnues et entretenues par la formation continue. Cependant le monopole du droit n’étant plus que théorique la représentation par avocat, afin de rééquilibrer la concurrence, est nécessaire devant le plus de juridictions possibles comme les Magistrats eux-mêmes le reconnaissent et la compétitivité nécessite un avocat financièrement indépendant dont chaque dossier sera rémunéré dans le cadre de l’acte de procédure tout au moins au plan judiciaire. La Cour de Justice de Luxembourg permet une rémunération sous forme de barème ou de tarif d’une profession comme celle d’avocat lorsqu’elle est élaborée par une profession et adoptée par un texte gouvernemental. La rémunération de l’acte de procédure étroitement liée à la représentation obligatoire devant les juridictions doit être rénovée en fonction des critères économiques actuels et des modifications procédurales intervenues depuis l’application provisoire du tarif des avoués au nouvel avocat. Le droit à la concurrence le permet en France comme en Europe, ainsi l’ont décidé malgré les directives, les prestations de service, outre la Cour de Justice de Luxembourg, le Conseil de la Concurrence, la Cour de Cassation et le Conseil d’Etat. Au surplus la rémunération barémée ou tarifée répond à l’exigence d’égalité de protection des consommateurs. La convention préparatoire a résumé ses travaux sur ce point en cette formule : « Un peu d’argent pour chacun des avocats pour la sécurité de tous ». Par Me Alain PROVANSAL, Avocat au barreau de Marseille

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beaux esprits Petit vade-mecum à l’attention des beaux esprits qui nous gouvernent

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ans un contexte politique tendu et chaotique où l’agitation à tout va et la communication démago-médiatique ont purement et simplement remplacé le débat d’idées et la réflexion en profondeur, force est de constater, à regret, que notre profession n’est pas non plus épargnée par cette vague. Après la tempête de la carte judiciaire, la menace de déjudiciarisation du divorce par consentement mutuel, se profile désormais le spectre de la « grande profession du droit ». Si l’idée d’un « grand soir » du droit et de ses métiers peut apparaître séduisante au premier abord, il est à craindre que sa mise en œuvre ne soit à l’origine de grandes difficultés qui n’ont sûrement pas été envisagées ou alors, et la chose est plus grave, sciemment occultées. En tout cas, pour la vanter et en assurer une promotion dithyrambique, le Conseil National des Barreaux (CNB) nous explique doctement qu’il ne s’agit là que d’une (très bonne) idée ancienne, sans cesse repoussée, et qu’il conviendrait de la mettre en œuvre sans tarder désormais, en profitant de « la fenêtre de tir » qui nous serait offerte par la Commission DARROIS, récemment installée par le Président de la République le 30 juin 2008.

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A titre personnel, nous n’en voyons pas actuellement l’utilité pour notre profession. Sûrement, petit avocat de province à la vue courte et basse, nous trompons-nous… Néanmoins, il nous semble que quelques arguments de bon sens devraient être entendus avant de se lancer éperdument dans cette fuite en avant où personne, à quelques exceptions près naturellement, n’a rien à gagner. Tout d’abord, d’un strict point de vue économique et démographique, si le projet d’une grande profession unifiée du droit pouvait, peut-être, s’envisager en 1960, le problème est tout à fait différent en 2008. Alors que les métiers du droit étaient, à l’époque, réservés de facto à une minorité, tout un chacun conviendra que la situation n’est plus du tout la même. Si l’on pouvait, en ce temps-là, alors admettre que la fusion de professions cousines, à défaut d’être sœurs, était envisageable en pratique et faisable d’un point de vue comptable, l’argument est maintenant radicalement irrecevable. Avec l’explosion du nombre d’étudiants dans les universités et l’indéniable dévalorisation des diplômes qui entraîne maintenant une course éperdue au titre le plus honorifique (faudra-t-il un jour n’autoriser que les docteurs en droit à devenir avocats ?), il y a, chaque année, pléthore d’impétrants qui viennent ensuite garnir les rangs d’une profession déjà submergée. Dans ces conditions, oser venir dire, 50 ans plus tard, que rien n’a changé et que les bonnes vieilles recettes sont encore d’actualité serait, ni plus ni moins, absurde. Les métiers du droit ont tellement changé en un demi-siècle que le mythe de la grande profession a fait long feu. La profession d’avocat, au lieu de devenir une profession, n’ayons pas peur de le dire, élitiste, n’est plus qu’un mammouth quasiment ingouvernable où de petites chapelles prennent, au final, les décisions aux lieu et place d’une trop silencieuse majorité. Brisons les tabous : plutôt que de pratiquer la politique du « toujours plus », il aurait fallu, et ce depuis bien longtemps, adopter celle du « toujours mieux ». Cette chance n’a jamais été saisie. Il n’est pas, du moins le croyons-nous, encore trop tard. Seulement, il y maintenant une véritable urgence à « nettoyer les écuries d’Augias » et remettre très rapidement notre belle profession en ordre de marche. Or, cette reprise en mains ne passe pas, dans l’immédiat, par une chimérique grande profession du droit où chacune des anciennes professions voudra se faire entendre et créera, au sein de la nouvelle profession unifiée, des entités autonomes pour défendre ses spécificités, peser dans les décisions à venir et les orientations futures. Les exigences des conseils en propriété industrielle (CPI) pour leur entrée dans notre profession, avec notamment la création d’une Commission statutaire spécifique PI au sein du CNB, sont, à cet égard, assez significatives et symptomatiques de ce qui nous attendrait le cas échéant : chacun voudra continuer à (co)exister dans cette grande profession. L’Histoire nous apprend cela : tous les empires, à force d’expansions incontrôlées, de profondes jalousies, de querelles fratricides et de soif absolue de pouvoir, ont connu une fin tragique. Le gigantesque est ingérable. Le CNB nous fera-t-il échapper à cette issue funeste ? La soudaine folie des grandeurs qui l’anime nous permet d’en douter très sérieusement. D’ailleurs, aussi peu de sagesse de la part d’aussi éminents confrères ne laisse pas de

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beaux esprits nous surprendre… Est-il, pourtant, si difficile d’imaginer que cette grande profession du droit, si elle voyait le jour, oscillerait immanquablement, ne serait-ce que par le nombre de ses membres et son impossibilité mécanique (et structurelle ?) à être dirigée, entre armée mexicaine avec sa cohorte de petits chefs et auberge espagnole où chacun y apporterait ce que bon lui semble et se défierait de tout ce qui le gênerait ou entraverait ce qu’il considère comme sa liberté ? La cacophonie actuelle de nos instances dirigeantes n’est-elle pas déjà suffisante ? N’en tirons-nous donc aucune leçon ? Aujourd’hui, nous avons déjà le CNB, le Barreau de Paris et la Conférence des Bâtonniers. Faudra-t-il demain aussi, dans ce concert à trois voix dissonantes, voir venir s’y mêler celles des anciens notaires, huissiers, avoués, CPI, juristes d’entreprises, etc… ? Que les dieux nous en gardent ! Il ne faut pas se voiler la face et se réfugier derrière l’argument passe-partout de la modernité et de la nécessaire évolution : nous sommes face à un risque majeur pour les avocats. Car, si l’exercice professionnel s’est considérablement modifié, il s’est dessiné, au cours du temps, une règle intangible voire une sorte de théorème : les professions absorbées ne se fondent pas dans la nôtre, elles s’y adossent ou s’y accolent simplement. Notre profession n’est pas un creuset, il n’y a pas de « melting pot », seulement une accumulation de strates, comme dans un millefeuille. Ainsi, en 1971, les anciens avoués de première instance, après avoir été bien indemnisés, ont-ils pu exercer notre profession avec un succès jamais démenti… Une vraie martingale ! Qu’y ont gagné les avocats ? L’obligation d’assumer la procédure par-devant le Tribunal de Grande Instance… Au moment où, au surplus, la postulation vit ses dernières heures, cela se passe, nous en conviendrons ensemble, de commentaires. Après la fusion de 1990, les anciens conseils juridiques ont, pour leur part, non seulement continué à être les partenaires privilégiés des entreprises, mais, au surplus, ils se sont invités dans le monde judiciaire, sans que la réciproque, reconnaissons-le, ne s’opère avec la même acuité. À l’heure où l’assemblée générale du Conseil National des Barreaux, dans sa séance du 12 septembre 2008, vient d’adopter le projet d’unification des professions d’avocat et de conseil en propriété industrielle, nous pouvons affirmer, sans prendre trop de risques, qu’il en sera de même pour les CPI… Sans jamais tirer les conséquences qui s’évincent assez logiquement du passé et parce qu’il faut atteindre, coûte que coûte, le chiffre d’or (150.000 avocats en 20252030…), l’on nous annonce donc aujourd’hui, avec une gourmandise non feinte, l’arrivée imminente des juristes d’entreprise, des avoués, des notaires, des huissiers, etc… Nos instances dirigeantes ignorent-elles qu’à 48.000, nombre de nos confrères vivent déjà très mal, voire pas du tout, de leur exercice professionnel ? Comment conjuguer sérieusement ce constat d’échec patent avec l’ambition affichée du CNB de voir, à plus ou moins longue échéance, tous ceux qui, de près ou de loin, interviennent dans la sphère du droit devenir avocats par le biais de fusions-absorptions mal ficelées ? La position est, en l’état, intenable : c’est une erreur qui nous coûtera très cher… Cette quête frénétique du Graal, mise en parallèle avec la déliquescence du métier d’avocat telle que nous la constatons quotidiennement, est profondément insensée. Plutôt que de se lancer dans une course folle et éperdue à la fusion, hâtons-nous de resserrer nos rangs, de mettre un peu d’ordre dans notre manière de fonctionner et de créer, enfin, une profession d’excellence, gage d’une vraie valeur ajoutée dans les prestations offertes à nos clients. En un mot, rendons notre profession meilleure ! Au lieu de chercher à grossir comme la grenouille de la fable de La Fontaine, notre profession, et le CNB au premier chef, devrait d’abord cesser de confondre vitesse et précipitation, faire ensuite son autocritique, avoir en même temps le courage de se remettre en cause et retirer, en dernier lieu, ses œillères. Premier constat : face aux pouvoirs publics, le nombre n’y changera définitivement et radicalement rien, nous n’avons aucun poids. Aussi nombreux soient-ils, les avocats ne seront jamais un contre-pouvoir, la profession étant, qu’on le regrette ou non, intrinsèquement et viscéralement, l’addition d’individualités ou d’individualismes. Il faut sortir de l’utopie et arrêter de nous bercer avec cette douce illusion consistant à croire encore que les avocats, simplement parce que cette profession est immémo-

riale, seraient des interlocuteurs privilégiés du gouvernement et, plus largement, du pouvoir politique. Nos récents déboires avec Madame le Garde des Sceaux nous prouvent le contraire. Ainsi, l’indemnisation, l’aumône devrions-nous peut-être dire, allouée aux confrères dont les Tribunaux de Grande Instance sont, dans le cadre de la réforme de la carte judiciaire, supprimés (première fraction égale, dans la limite de 10 000 euros, à 25 % du montant des recettes professionnelles réalisées par l’avocat demandeur au titre, à son choix, de l’exercice 2006 ou de l’exercice 2007) confirme-t-elle le mépris absolu dans lequel nous sommes tenus. Deuxième constat : notre salut passe par de vraies réformes et certainement pas par une croissance du nombre d’avocats, aussi bien interne qu’externe, exponentielle. Schématiquement, en gardant toujours à l’esprit ces idées fortes que sont l’excellence, la déontologie et la probité, l’on peut définir 4 axes principaux :

1 – L’accès à la profession (article 51 du décret du 27 novembre 1991) Il est temps pour les avocats de reprendre en mains l’examen d’entrée et de ne plus laisser l’université décider de qui a le droit ou non de devenir avocat. Les instituts d’études judiciaires (IEJ) qui, eux, ont tout intérêt à ne pas voir leurs étudiants recalés, doivent être dépossédés de l’organisation de l’examen d’accès au CRFPA. Cet examen s’est, au fil du temps, tellement dévalorisé que tous les étudiants recalés aux concours administratifs (où les places, faut-il le rappeler, sont limitées) s’y présentent et deviennent, sans que l’on puisse franchement parler de vocation, avocat comme ils auraient pu être commissaire de police, inspecteur des impôts ou directeur de prison… Il est quand même incroyable que, sans que personne n’y trouve rien à redire, l’administration fixe, pour ses concours, un numerus clausus et que notre profession, libérale, ne mette aucune limite. Arrêtons de nous réfugier derrière un politiquement correct qui, au final, nous pénalise tous et ayons enfin le courage de dire la vérité  : oui, la profession n’a pas su mettre des barrières quand il le fallait, oui, la profession s’est ouverte dans des proportions déraisonnables. Adoptons un système souple de quotas qui permettra de réguler, chaque année et en toute objectivité, le flot des nouveaux entrants.

2 – La formation initiale (articles 56 et suivants du décret du 27 novembre 1991) Point qui fâche, forcément. Oserons-nous dire que l’enseignement dispensé dans les CRFPA n’est pas à la hauteur ? Oserons-nous dire que la nouvelle formule d’accession à notre profession (3 fois 6 mois) est aberrante ? Oserons-nous dire que la création d’une grande et prestigieuse école du barreau, à l’image des Inns of Court britanniques, est une idée de nature à donner à notre profession les moyens de ses ambitions ? Oui, oui et oui. Parce qu’on ne savait plus où placer les élèves sortant des CRFPA, l’on a imaginé que 6 mois de stage « découverte » auprès d’un avocat (article 58) suffisaient désormais pour s’inscrire au tableau, poser sa plaque, exercer individuellement, sans aide et sans aucun contrôle ! Quelle magistrale hérésie ! Tout notre métier, notamment la procédure et ses pièges vertigineux, s’apprend, patiemment et modestement, dans les cabinets. Connaître le droit est une chose, maîtriser le fonctionnement d’un cabinet, les habitudes d’un tribunal et se familiariser avec le monde judiciaire en sont d’autres, bien plus ardues finalement. Or, quelle que soit notre matière de prédilection, seule la pratique quotidienne, sous l’œil scrupuleux et attentif d’un maître de stage compétent, permet d’appréhender les arcanes de cet univers particulier qui a ses règles, ses codes et ses usages. Qui peut raisonnablement croire que tout cela s’apprend en 6 petits mois alors qu’après des années d’exercice, l’on découvre encore tant de choses et que chaque jour qui passe est l’occasion de remises en cause ou de questionnements ? Avec cette sous-formation, la profession n’a pas réservé des lendemains qui chantent à ses membres. Comme c’est le cas en matière sportive, le haut niveau attire le haut niveau et l’on ne gagne rien à niveler par le bas les compétences et les talents. Agissons donc avant qu’il ne soit trop tard.

LE BARREAU DE FRANCE - N° 339 - HIVER 2008

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beaux esprits 3 – L’abolition de l’article 98 du décret du 27 novembre 1991 Cet article, pour mémoire, dispense de formation théorique, pratique et du CAPA (!) pas moins de 7 catégories complètement hétérogènes, soit : « 1° Les notaires, les huissiers de justice, les greffiers des tribunaux de commerce, les administrateurs judiciaires et mandataires judiciaires au redressement et à la liquidation des entreprises, les anciens syndics et administrateurs judiciaires, les conseils en propriété industrielle et les anciens conseils en brevet d’invention ayant exercé leurs fonctions pendant cinq ans au moins ; 2° Les maîtres de conférences, les maîtres assistants et les chargés de cours, s’ils sont titulaires du diplôme de docteur en droit, en sciences économiques ou en gestion, justifiant de cinq ans d’enseignement juridique en cette qualité dans les unités de formation et de recherche ; 3° Les juristes d’entreprise justifiant de huit ans au moins de pratique professionnelle au sein du service juridique d’une ou plusieurs entreprises ; 4° Les fonctionnaires et anciens fonctionnaires de catégorie A, ou les personnes assimilées aux fonctionnaires de cette catégorie, ayant exercé en cette qualité des activités juridiques pendant huit ans au moins, dans une administration ou un service public ou une organisation internationale ; 5° Les juristes attachés pendant huit ans au moins à l’activité juridique d’une organisation syndicale. Les personnes mentionnées aux 3°, 4°, 5° et 6° peuvent avoir exercé leurs activités dans plusieurs des fonctions visées dans ces dispositions dès lors que la durée totale de ces activités est au moins égale à huit ans ; 6° Les juristes salariés d’un avocat, d’une association ou d’une société d’avocats, d’un office d’avoué ou d’avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, justifiant de huit ans au moins de pratique professionnelle en cette qualité postérieurement à l’obtention du titre ou diplôme mentionné au 2° de l’article 11 de la loi du 31 décembre 1971 susvisée ; 7° Les personnes agréées par le président du tribunal supérieur d’appel dans la collectivité départementale de Mayotte justifiant de huit ans au moins de pratique professionnelle. » Quand on se penche sur la portée de cet article et que l’on y réfléchit pendant quelques instants, l’on se rend compte, avec effarement, que le champ des activités couvertes est si vaste qu’il laisse à penser que notre système de formation est d’une telle vacuité qu’il ne sert finalement à rien et qu’il s’impose comme une évidence, pour qui a des connaissances juridiques plus ou moins poussées suivant les hypothèses, de s’en affranchir. Etre avocat, c’est si peu de choses. Soyons un peu raisonnable  : si l’on ne supprime pas ce texte rapidement, à l’exception peut-être des deux premiers alinéas qui pourrait être joints à l’article 97 dudit décret, il ne faudra pas s’étonner que les éventuels futurs nouveaux membres de la « grande profession » exigent une intégration pure et simple sans la moindre condition, puisque cela leur est déjà permis par le décret n°91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d’avocat… Sur ce dernier point, allons plus loin et poussons jusqu’au bout le raisonnement de la « grande profession » tel qu’il se dessine à travers les travaux du CNB pour imaginer dans quels abîmes elle pourrait nous mener. S’agissant des juristes d’entreprise, il s’agit là d’un véritable non-sens, voire d’une hérésie historique mettant en péril la survie de beaucoup d’entre nous, aussi bien tenants du judiciaire que conseils, pour différentes raisons que nous avons pu expliquer dans d’autres colonnes (v. notre article à la Gazette du Palais des 6 et 7 août 2008). Que la chose soit dite : les juristes d’entreprise n’ont pas vocation à devenir avocats, à quel que titre que ce soit, et surtout pas en entreprise pour leur entreprise. Car, qui dit entreprise, dit pouvoir économique et capacité à remettre en cause, par le biais du lien de subordination, cette totale indépendance qui est au cœur de notre métier. Notre liberté et notre déontologie n’ont pas de prix. Nous ne pouvons pas laisser la possibilité, notamment, aux banques, compagnies d’assurances, sociétés capitalistiques et monopolistiques par essence, de devenir nos employeurs de demain. Leurs intérêts ne sont pas les nôtres, pas plus que ceux de nos clients. Les avocats sont des professionnels libéraux et leurs cabinets, îlots (sous réserve de l’application de l’article 56-1 du Code de Procédure Pénale) souverains de liberté, ne sauraient s’installer dans l’entreprise et tomber sous la coupe et sous l’autorité de chefs d’entreprise dont les préoccupations (morales) peuvent être foncièrement différentes de notre éthique et de notre déontologie. Concernant les experts-comptables, il n’aura échappé à personne que ces derniers se

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piquent aussi de faire du droit (social, fiscal ou des sociétés) au quotidien… Faudra-t-il donc se résigner à les intégrer et aboutir à un mélange des genres qui a abouti, en 2002, au démantèlement d’un des Big Five, Andersen ? Les officines de recouvrement de créances, certes avec des méthodes très discutables, en font aussi… Devrons-nous pareillement voir arriver ces dernières, par la grâce d’un décret, dans notre profession et ruiner, par des comportements, sinon douteux à tout le moins contestables, les fondamentaux de notre déontologie ? Si l’on doit aller jusque-là, pourquoi ne proposerions-nous pas finalement à Julien Courbet, chantre des consommateurs lésés et défenseur au quotidien des victimes de tous poils, de devenir, lui aussi, avocat ? Plus sérieusement, est-ce véritablement ce que nous voulions quand nous avons prêté serment en devenant avocat ? Est-ce ce à quoi nous rêvions ? Non. Là où il y a du droit, il doit y avoir un avocat, et uniquement un avocat. Devant toutes les juridictions, devant n’importe quel tribunal arbitral, devant toutes les commissions juridictionnelles, la représentation par avocat doit être obligatoire. Nous sommes des professionnels responsables et compétents. Pourquoi acceptons-nous alors encore que des non-professionnels prennent notre place et assistent nos clients ? Il ne viendrait à personne l’idée de contester à un médecin le droit exclusif de nous soigner. En revanche, pour nous, tout un chacun s’improvise juriste et s’autorise à nous traiter avec dédain ou condescendance et, pire, à s’interroger sur le bien-fondé même de notre intervention. Nos études sont-elles finalement si exécrables que nous méritions ce traitement ? Sommes-nous, dans notre métier, plus incompétents que nos amis médecins dans le leur ? Nous devons être respectés pour le travail que nous faisons et devons devenir incontournables. A l’instar de la société dans laquelle nous vivons, le droit est de plus en plus complexe. C’est une chose bien trop sérieuse pour qu’elle puisse être laissée aux mains de dangereux apprentis-sorciers. Notre force doit être notre compétence et doit s’exercer partout. Or, ce n’est certainement pas en absorbant toutes les professions passant à portée de mains que nous serons plus forts. En l’état des choses, l’on ne peut admettre que tout le monde, pour un peu qu’il ait usé ses fonds de culotte sur les bancs d’une faculté de droit, puisse prétendre au titre d’avocat…sauf à considérer que notre formation spécifique est sans valeur et sans intérêt… En défendant nos compétences, en offrant un vrai savoir-faire et en rendant notre intervention obligatoire, nous ferons respecter le périmètre du droit. Soyons donc courageux pour une fois : ceux qui braconnent sur nos terres doivent en être évincés, et certainement pas invités.

4 – La représentation institutionnelle Vaste débat. Le CNB souffre d’un manque chronique de représentativité. Il faudrait, une fois pour toutes, décider si le CNB a vocation à devenir ou non un Ordre national. Tant que les modalités électorales n’auront pas été modifiées, c’est inenvisageable. Il serait si simple d’assurer une vraie représentativité en rendant le vote obligatoire, en supprimant les collèges (général et ordinal) ainsi que les circonscriptions (Paris et province). Chaque avocat, jeune, vieux, de Paris ou de province, judiciaire ou conseil, riche ou pauvre, individuel ou en société, doit peser du même poids dans les élections et dans le processus da désignation des membres du CNB. Pour avoir le respect de ses pairs, le CNB doit être un outil de démocratie directe. Il ne faut surtout plus laisser une petite minorité agissante décider de notre avenir à tous, notamment pour les plus jeunes d’entre nous qui ont encore, sans aucune certitude quant à leur devenir, de très longues années d’exercice professionnel. Pour notre salut collectif, espérons, très humblement, que ces quelques lignes ne connaîtront pas le sort de Saint Jean-Baptiste. Vox clamans in deserto.

François-Hugues CIRIER Avocat au Barreau de La Roche-sur-Yon

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