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Cancer du poumon non à petites cellules. Produit actuellement en phase II d'essais cliniques. *FISH = Fluorescence In Situ Hybridization (hybridation in situ en ...
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Hiver 2013

Les médecines personnalisées – Une tendance pharmaceutique fructueuse aux ramifications importantes...

Les médecines personnalisées – Une tendance pharmaceutique fructueuse aux ramifications importantes... « Médecines personnalisées », « traitements ciblés » et « pharmacogénomique » sont devenues des expressions à la mode dans les médias biopharmaceutiques au cours des dernières années tandis que le développement apparemment exponentiel des nouvelles technologies de diagnostic et de biomarqueurs se poursuit sur une base continue. Comme le décrit le présent article, ce domaine en expansion, qui présente un potentiel incroyable de modifier la façon dont la médecine se pratique, peut également poser des défis en aval pour les promoteurs de régimes. Bien qu’elle ne soit pas encore offerte à grande échelle, la médecine personnalisée constitue un paradigme dans lequel les décisions de traitement en soins de santé sont personnalisées en fonction des caractéristiques génétiques ou physiologiques du patient ou de celles de sa maladie et au moyen de tests de diagnostic raffinés portant sur ces maladies spécifiques lorsque la technologie existe. C’est le contraire des approches conventionnelles « une dose universelle » ou « essai et erreur » qui ont été largement utilisées par le passé. Cela permet aux médecins d’optimiser l’efficacité potentielle des traitements sélectionnés en identifiant les patients qui ont le plus de chances de bien répondre au médicament. De plus, en sélectionnant les personnes susceptibles de bien répondre, on réduit l’exposition au médicament et tout effet secondaire qu’il pourrait avoir (et qu’il aura probablement) puisqu’on élimine ce médicament des possibilités de traitement des personnes pour lesquelles on a constaté au préalable qu’elles n’avaient pas les caractéristiques génétiques appropriées pour y répondre. La dimension économique de ces résultats n’a pas encore été évaluée, cependant elle crée une possibilité d’augmentation d’efficacité en aval pour le promoteur de régime. Le concept est vaste; il peut s’appliquer non seulement au choix initial de traitement, mais également à la surveillance et à la sélection des patients en fonction de la pertinence des traitements préventifs. Le terme « pharmacogénomique » fait référence au rôle que joue le génome humain en pharmacologie et en conception de médicament. Il fait prendre conscience de facteurs tels que la capacité du patient de décomposer ou d’activer un médicament dans son corps. De même, les caractéristiques génétiques de la maladie ellemême sont aussi englobées dans ce terme qui constitue l’idée fondamentale à la base de l’élaboration des « traitements ciblés ». Plusieurs applications du concept de pharmacogénomique associé à la surveillance et à la sélection des patients pour la pertinence des traitements préventifs existent déjà. Par exemple, les scientifiques ont déterminé qu’une variation dans le profil génétique « CYP2C9 et VKORC » influence la capacité de décomposer le warfarine, un anticoagulant très utilisé, ce qui amène toute une gamme de réponses dont certaines peuvent avoir des conséquences dangereuses pour les patients. Notons que des estimations américaines montrent que l’utilisation systématique de tests génétiques pour le warfarine pourrait réduire d’entre 32 000 et 81 000 le nombre de cas de saignements importants liés à ce médicament qui se produisent chaque année aux É.-U. et d’entre 1 700 et 17 000 le nombre d’accidents vasculaires. Cependant, le domaine de la médecine personnalisée qui attire le plus l’attention et connaît la plus forte croissance est le développement des traitements ciblés, surtout dans le secteur thérapeutique de l’oncologie. On parle de ces traitements comme des « solutions magiques » pour leurs populations cibles respectives et on s’attend à ce qu’ils révolutionnent le marché. Une estimation datant de 2007 a constaté que les produits d’oncologie ciblés dans les essais cliniques (c.-à-d. dont l’usage n’est pas encore approuvé) sont passés de 10 % à plus de 40 % au cours des cinq dernières années et cette croissance devrait se poursuivre.i Les traitements ciblés font précisément référence aux médicaments ou aux substances qui bloquent l’évolution et la propagation des maladies, par exemple la croissance d’une tumeur cancéreuse, en interférant avec les molécules ou les voies liées à la prolifération de la maladie. Les recherches dans la caractérisation des gènes qui s’expriment anormalement dans les tissus malades sont utilisées pour déterminer les cibles ainsi que les marqueurs qui peuvent être utilisés aux fins diagnostiques et pronostiques. Le tableau 1 montre des traitements sélectionnés ciblés avec une relation gène-médicament claire qui sont actuellement offerts. La croissance rapide de ce paradigme de traitement amène une augmentation anticipée du nombre de médicaments coûteux et des tests de diagnostic qui les accompagnent. Inévitablement, la question est de savoir qui sera responsable du remboursement des coûts des tests associés et il n’existe pas actuellement de procédure de remboursement claire pour ces diagnostics.

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Voici quelques exemples récents : Iressa, pour le traitement d’un cancer du poumon non à petites cellules (CPNPC) localement avancé ou métastatique présentant une mutation activatrice de la tyrosine kinase du récepteur du facteur de croissance épidermique (EGFR-TK). Zelboraf, indiqué pour les patients atteints d’un mélanome non résécable ou métastatique à mutation BRAF V600 et Xalkori, pour les patients ayant un cancer du poumon non à petites cellules (CPNPC) avec une mutation positive du gène ALK. Tableau 1 Traitements ciblés d’oncologie par voie orale sélectionnés avec tests associés

Nom commercial du médicament (Nom chimique) Fabricant

Marqueur(s) génomique(s)

Type de cancer

Test

Preuve/couverture du rapport coût-efficacité

Zelboraf (Vemurafenib)

Mutation BRAF V600E

Mélanome métastatique

Mutation cobas® 4800 BRAF V600 Test Roche Diagnostics

Remboursement du test par Hoffmann-La Roche Aucun mécanisme provincial en place pour le moment

Gène kinase du lymphome anaplasique (ALK)

Cancer du poumon non à petites cellules localement avancé ou métastatique

Trousse de détection Vysis® ALK Break Apart FISH* Abbott Canada

Remboursement du test par Abbott Canada Aucun mécanisme provincial en place pour le moment

Tyrosine kinase du récepteur du facteur de croissance épidermique (EGFR – TK)

Cancer du poumon non à petites cellules localement avancé ou métastatique

Test de la tyrosine kinase du récepteur du facteur de croissance épidermique (EGFR) TK

Couverture provinciale en C.-B. seulement

Chromosome Philadelphie (Ph) (Mutation BCR – ABL)

Leucémie myéloïde chronique (LMC) Leucémie lymphoblastique aiguë

Analyse chromosomique et test FISH pour détecter une mutation et une amplification BCR-ABL

Le test fait l’objet d’un remboursement provincial

Récepteur du facteur de croissance épidermique humain 2 (HER-2/neu)

Cancer du sein

Test FISH pour détecter l’amplification du gène HER-2/neu

Les tests font l’objet d’un remboursement provincial

Roche Xalkori (Crizotinib) Pfizer Iressa (Geftinib) Astra Zeneca

Gleevec Imatinib Novartis

Tykerb (Lapatinib)

Immunohistochimie (IHC) – Tests pour la production de la protéine HER-2 par tumeur

Remboursement du test par Astra Zeneca Canada dans les autres provinces Évaluation en cours pour déterminer si le test d’EGFR devrait être considéré comme la norme en matière de soins

Les patients sont sélectionnés selon la pertinence de leur cas et d’un remboursement en fonction de directives institutionnelles

Les patients sont sélectionnés selon la pertinence de leur cas et d’un remboursement en fonction de directives institutionnelles

En voie de commercialisation (Trametinib) GlaxoSmithKline

BRAF V600

Mélanome métastatique

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Produit actuellement en phase II d’essais cliniques

(Debrafenib) GlaxoSmithKline

BRAF V600

Mélanome métastatique

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Produit actuellement en phase III d’essais cliniques

(Dacomitinib) Pfizer

Mutation du gène KRAS

Cancer du poumon non à petites cellules

Produit actuellement en phase II d’essais cliniques

*FISH = Fluorescence In Situ Hybridization (hybridation in situ en fluorescence) Perspective | Hiver 2013 3

Dans le cas d’Iressa, les médecins doivent déterminer à l’aide d’un test moléculaire si le patient est positif à l’égard du R-EGF. Bien que ce test soit couvert par un mécanisme de financement provincial en Colombie-Britannique (BC Cancer Agency),ii la couverture publique n’est pas offerte dans les autres provinces, ce qui fait que le fabricant d’Iressa, Astra Zeneca Canada, couvre actuellement le coût du test. Pour le médicament Zelboraf récemment approuvé, le test de diagnostic associé approuvé par Santé Canada pour la mutation est actuellement financé par le fabricant, Roche Diagnostics, car il n’est pas couvert par aucun mécanisme de remboursement provincial. De même, Abbott, le fabricant du test de diagnostic associé pour les mutations ALK traitées par le médicament Xalkori, a accepté de couvrir temporairement le coût du test. Pour le promoteur de régime, le coût des médicaments contre le cancer augmente de façon constante; on constate une augmentation de 7 % d’une année à l’autre du montant payé pour les médicaments contre le cancer dans le cadre des demandes de règlement traitées par TELUS Santé. Cette situation s’ajoute à l’augmentation constante du rang de la classe thérapeutique contre le cancer et à l’introduction de plusieurs traitements contre le cancer par voie orale; ce qui alourdit le fardeau du promoteur de régime. Le Xalkori a été lancé au coût annuel moyen de 92 838 $/patient,iii alors que le coût du Zelboraf est de 143 372 $/patient par année. Dans les deux cas, le meilleur résultat attendu est la prolongation de la vie du patient en empêchant la progression de la maladie pendant quelques mois. La question de savoir qui devra payer les coûts du test de diagnostic associé ajoute un autre niveau de complexité à la hausse des coûts. Dans les exemples ci-dessus, les sociétés pharmaceutiques ont fourni les moyens financiers du remboursement des tests de diagnostic, mais on ignore si cette couverture se poursuivra indéfiniment. De même, les mécanismes de financement gouvernementaux applicables aux tests associés peuvent prendre du temps à se mettre en place et ne seront peut-être pas uniformes d’une province à l’autre. Un rapport d’Action Cancer Ontario a décrit la nécessité d’une supervision provinciale dans les approches de gestion de la médecine personnalisée du système de traitement du cancer en Ontario; un appel a été adressé au ministère de la Santé et des Soins de longue durée pour lui demander d’élaborer un processus de coordination entre les partenaires pertinents pour l’évaluation des paires de tests et de médicaments ainsi que pour explorer les possibilités avec les autres provinces et à l’échelle nationale.iv D’autres organismes responsables tels que Lung Cancer Canadav en ont également appelé à l’élaboration d’une solution pancanadienne pour le financement des combinaisons de tests et de médicaments. Enfin, l’écart dans la couverture publique crée une zone où les patients peuvent tenter de se faire rembourser par le promoteur de leur régime. Bien que les tests génétiques personnalisés offrent la possibilité de réduire l’utilisation de médicaments dispendieux chez les patients qui n’y réagissent pas, ou qui pourraient ressentir des effets négatifs, les tests de diagnostic ne sont pas considérés comme un avantage couvert par les promoteurs de régimes. Bien que la sécurité, l’efficacité et la rentabilité d’un médicament soient rigoureusement examinées par les législateurs nationaux et les payeurs, l’analyse du rapport coût-efficacité du test de diagnostic génétique n’est pas aussi raffinée. L’évaluation doit donner la preuve de la bonne performance du test et de la possibilité de changer les normes de soins, d’améliorer les résultats pour la santé et de donner une évaluation de l’incidence des coûts. Un examen récent des publications américaines indique qu’il existe plusieurs lacunes dans l’état actuel de l’évaluation de la technologie en santé ne permettant pas de bien encadrer une prise de décision fondée sur des preuves au sujet de la valeur potentielle pour la société des tests génétiques.vi Le gouvernement fédéral canadien a récemment montré de l’intérêt pour l’application d’une médecine personnalisée au système actuel de soins de santé en instituant l’initiative en médecine personnalisée par l’entremise des Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC).vii Santé Canada a formé en 2009 le Groupe de travail sur la médecine personnalisée (GTMP) pour faciliter le développement d’une approche unifiée regroupant plusieurs partenaires dont les agences de santé publiques, le Conseil d’examen du prix des médicaments brevetés et l’IRSC. Cependant, aucun document de politique publique n’a encore été émis au moment de la publication. La tendance croissante vers le développement des médicaments par voie orale contre le cancer introduit également un transfert des coûts du payeur public au promoteur de régime (c.-à-d. au payeur privé), car auparavant les soins pouvaient être complètement administrés dans un contexte où le patient était hospitalisé. De même que les coûts de l’administration des traitements par voie orale sont transférés au payeur privé, il faut encore déterminer où le test de diagnostic peut être effectué, par exemple, un test sanguin dans un laboratoire, un prélèvement de salive sur écouvillon ou un test d’haleine dans le cabinet d’un médecin avec des résultats qui peuvent être lus en quelques minutes. L’endroit où le test pourra se faire (dans un hôpital ou hors d’un hôpital) aidera à déterminer qui sera responsable de payer pour le test. Il faut donc insister davantage sur la démonstration du fait qu’un test génétique représente une valeur pour le payeur. TELUS Santé continuera de surveiller le paysage des médecines personnalisées et demeurera engagée dans la conception proactive de programmes pour aider à gérer l’augmentation des coûts. Pour obtenir davantage de renseignements sur le processus d’approbation réglementaire des tests de diagnostic au Canada, veuillez consulter notre article d’accompagnement : Tests associés... Comment savoir s’ils sont sécuritaires et efficaces? Shazia Syed ACPR. BSc.Phm.

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Références iv

Aspinall MG and Hamermesh RG. Realizing the promise of personalized medicine. Harvard Business Review. Octobre 2007 : 109–117. BC Cancer Agency. http://www.bccancer.bc.ca/NR/rdonlyres/D2AED198-E2C7-4DBB-9490-7B6A332610C4/ 59192/Patientassistanceprograms _6September2012.pdf Basé sur un temps de survie sans progression de 10 mois Cancer Care Ontario, Mapping a Way Through the Double Helix: Making Sense of Personalized Medicine for Ontario’s Cancer System, mai 2011. http://www.cqco.ca/common/pages/UserFile.aspx?fileId=98415. v http://www.lungcancercanada.ca/new-molecular-testing-and-treatment.aspx vi Trosman JR et al. Health Technology Assessment and Private Payor’s Coverage of Personalized Medicine. Journal of Oncology Practice. 7(3S): 18s – 24s. vii Nouvelles des Instituts de recherche en santé du Canada, Le gouvernement Harper investit dans la recherche en médecine personnalisée, 31 janvier 2012 : www.cihr-irsc.gc.ca/f/44825.html. i

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L’information pour la vie TELUS Santé est un fournisseur de technologies de l’information et de la communication (TIC) de premier plan pour le secteur de la santé. Nous mettons au point, déployons et gérons des applications de soins de santé, des processus TIC et des services-conseils pour l’industrie qui optimisent l’efficacité des fournisseurs de soins, facilitent la prise de décisions plus éclairées et favorisent la prévention dans le système de santé. Pour en savoir davantage sur TELUS Santé, visitez telussante.com.

Cet article est tiré de Perspective - Hiver 2013.

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